LÎBRARY OF PRINCETON
THEOLOGICAL SEN^lKARr
REVUE
\m
L'ORIENT CHRÉTIEN
RECUEIL TRIMESTRIEL
4:' ANNÉE. — N" 1. — 1899
PARIS
LIBRAIRIE ALPHONSE PICARD ET FILS
82, BUE BONAPAKÏE, 82
1899
^>^
SOMMAIRE
Pages.
1. — LE GLAGOL ET LA CONGREGATION DES RITES, par
II. le Baron d'Avril, ministre plénipotentiaire. . 1
H. — LA MESSE COPTE (traduction de Mgr Macaire), par le
R. I>. nom Paul Renaiitlin, O. $1». B 12
III. — L'ÉRECTION DU PATRIARCAT DE JÉRUSALEM, 451,
par le R. P. S». Vaîllié, des Augustins de FAssomp-
tion 44
IV. — LETTRE INÉDITE DU R. P. JEAN DE CAMILLIS DE
CHIO SUR LA MISSION DE LA CHIMÈRE, par II.
Emile Ije§:ranci, professeur à TÉcole des Langues
Orientales vivantes 58
V. — FRÈRE GRYPHON ET LE LIBAN AU XV^ SIÈCLE, par
le R. P. II. L<ammens, H. J 68
VI. — L'ORDINAL COPTE {suite), par le B. P. V. Ermoiii,
de la Congrégation de la Mission 104
VII. - LES OFFICES ET LES DIGNITÉS ECCLÉSIASTIQUES
DANS L'ÉGLISE GRECQUE (fin), parll. I..CIag-net. 110
VIII. — MÉLANGES. — Un saint évêque de France honoré en
Russie, par le R. P. Boni Paul Renauciin, O.
S. B 129
— Sur un abrégé arménien des pléropiiories, par M.
l'abbé F. :\au, professeur à l'Institut Catholique . . 134
IX. — BIBLIOGRAPHIE 490
La Revue de l'Orient chrétien (recueil trimestriel) parait par fascicules
formant chaque année un volume de plus de 500 pages in-8'^, avec des tex-
tes en langues grecque, slave, syriaque, arabe, arménienne, copte, etc..
et des planches.
ON S'ABONNE A PARIS :
A la LIBRAIRIE Alphonse PICARD,
rue BONAPARTE, 82.
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On peut se procurer les volumes qui ne sont pas épuisés à raison de 10 l'r. le vol.
Les communications relatives ;i la rédaction doivent être envoyées au Secrétariat de
la Revue de l'Orient Chrétien, rue du Regard. £0, à Paris.
11 sera rendu compte de tout ouvrage relatif à l'Orient, dont un exemplaire aura été
adressé à la Revue de l'Orient Chrétien, cliez MM. A. PICARD et Fils, libraires, rue
Bonaparte, 82, à Paris.
REVUE
DE
L'ORIENT CHRETIEN
j
IV
4» volume. — 1899,
REVUE
DE
L'ORIENT CHRÉTIEN
RECUEIL TRIMESTRIEL
QUATRIÈME ANNÉE
PARIS
LIBRAIRIE ALPHONSE PICARD ET FILS
82, Rue Bonaparte, 82
. 1899
TABLE DES MATIÈRES
CONTENUES DANS LE QUATRIÈME VOLUME (1899)
Pagfs
I. — LE GLAGOL ET LA CONGRÉGATION DES RITES, |3ai- M. le Baron
A. d'Avril, ministro plénipotentiaire l
IL — LA MESSE COPTE (traduction do Ms-- Macaire), par le R. P. Dom
Paul Renaudin, O. S. B 1-i
m. — L'ÉRECTION DU PATRIARCAT DE JÉRUSALEM, 451, par le R. P.
S. Vailhé, des Augustins de l'Assomption 41
IV. — LETTRE INÉDITE DU R. P. JEAN DE CAMILLISDE CHIO SUR LA
MISSION DE .. LA CHIMÈRE «, par M. Emile Legrand, professeur à
l'École des Langues orientales vivantes ôH
V. — FRÈRE GRYPHON ET LE LIBAN AU XV'' SIÈCLE, par le R. P. H.
Lammens, S. J 68
VI. — L'ORDINAL COPTE (suite), par le R. P. V. Ermoni, des Prêtres de
la Mission 104, 410, 591
VIL — LES OFFICES ET LES DIGNITÉS ECCLÉSIASTIQUES DANS L'ÉGLISE
GRECQUE (fin), par M. Léon Clugnet Hi'
VIIL — LETTRE AUTOGRAPHE DE S. S. LÉON XIII, ADRESSÉE AU DIREC-
TEUR DE LA '. REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN >• 141
IX. — LES HIÉRARCHIES EN ORIENT, par M. le Baron A. d'Avril, mi-
nistre plénipotentiaire 145
X. — LA BIBLIOTHÈQUE DU SÉMINAIRE SYRIEN DE CHARFÉ, par le R. P.
Dom Parisot, O. S. B 150
XL — OPUSCULES MARONITES, par M. l'abbé F. Nau, professeur à l'Ins-
titut catholique de Paris 175, 318, 543
XH. — RÈGLEMENTS GÉNÉRAUX DE L'ÉGLISE ORTHODOXE EN TUR-
QUIE, par le R. P. L. Petit, des Augustins de l'Assomption --i-^T
Xni. — LE SYNODE DE MAR JÉSUYAB, par M»' R. Graffin, jirofesseur à
l'Institut catholique de Paris -i'i
XIV. — FRAGMENT D'UNE VERSION COPTE DE L'APOCALYPSE DE
SAINT JEAN, par M. Jean Clédat 3G3
XV. — LA GRANDE DOXOLOGIE, ÉTUDE CRITIQUE, par M. Amédée
Gastoué, professeur à l'École de chant liturgique de Paris :?8U
VI TABLE DES MATIERES.
Pages.
XVI. — RÈGLEMENTS GÉNÉRAUX DES ARMÉNIENS CATHOLIQUES, par
le R. P. L. Petit, des Augustins de l'Assomption 305
XVIL — LA BÉNÉDICTION LITURGIQUE DES RAISINS, par le R. P. Dom
Parisot, O. S. B =^54
XVIII. - NEUF CHAPITRES DU « SONGE DU VIEL PELLERIN » DE PHI-
LIPPE DE MÉZIÈRES RELATIFS A L'ORIENT, par M. Ed. Blochet. 364, 6()5
XIX. — VIE DU MOINE RABBAN YOUSSEF BOUSNAYA {suite\ par M. l'abbé
J.-B. Chabot 380
XX. — PROTESTANTISME ET CATHOLICISME CHEZ LE PEUPLE NES-
TORIEN; UNE REVUE NÉO-SYRIAQUE A OURMIAH (Perse), par M. J.
Babakhan 428
XXI. — LES ÉVÊQUES .lACOBITES DU VHP AU XIII« SIÈCLE D'APRÈS LA
CHRONIQUE DE MICHEL LE SYRIEN, par M. l'abbé J.-B. Chabot. 444, 495
XXII. — LES RÈGLES MONASTIQUES ORIENTALES ANTÉRIEURES AU
CONCILE DE CHALCÉDOINE, par Dom J. M. Besse, O. S. B 400
XXIir: — RÉPERTOIRE ALPHABÉTIQUE DES MONASTÈRES DE PALES-
TINE, parle R. P. S. Vailhé, des Augustins de l'Assomption 51-2
XXIV. — VOYAGE AU PAYS DES NOSAIRIS, par le R. P. H. Lam-
mens, S. J 57-'
MELANGES
I. __ UN SAINT ÉVÉQUE DE FRANCE HONORÉ EN RUSSIE, par Dom
Paul Renaudin, O. S. B 129
H. — SUR UN ABRÉGÉ ARMÉNIEN DES PLÉROPHORIES, par l'abbé F.
Nau, professeur à l'Institut catholique de Paris 134
m. — LE CULTE DE SAINT JULIEN DU MANS DANS L'ÉGLISE RUSSE, par
Dom Paul Renaudin, O. S. B 453
IV. _ BENOIT XIV ET L'ÉGLISE COPTE, par Dom Paul Renaudin,
O. S. B 015
BIBLIOGRAPHIE
histoire universelle des missions franciscaines d'après le T. R. P. Marcrilin
de Civezza, par le P. Victor-Bernardin de Rouen (L. C.) 136
Bibliothèque de l'enseignement de l'histoire ecclésiastique. Anciennes littératures
chrétiennes. II. La littérature syriaque, par RubensDuv.\l (Dom J. Parisot). 291
G. Wobermin. — Altchristliche liturgische Stiicke aus der Kirche ^-Egyptens,
nebst einem dogmatischcn Brie f des Bischofs Serapion von Thmuis (Dom P.
Renaudin) 293
Liturgies eastern and ioestern being Ihe lexls originals or translated of the
principal liturgies of the church, by F. E. Brictm.\n (Léon Clugnet). . . . 295
TABLE DKK MATIIOUES. VU
A'otes sur plusieurs ouvrai/es offerts par l'UnlverslU (VUpsal (P."" (au-vh de
Vaux) 2!»?
Vida do ahba Daniel do mosteiro d( Sreir, parL. Goi.dschmidt <'t KsU'vcsI'i;Ki;r(t.v
(Léon Clugnet,F. Nau) i.X)
Elude sur le cénobiUsme pakhomlen pendant le 17' Siècle et la première /iioilié
du V% par M. L'abbé P. Laoeuzk (Dom V. Rcnaudin) ir>9
U. Benigni. — Misccllanea di sloria ecelesiasiica e sludiausiliari, I, II (D.IMl.). Ki'i
Un apôtre de l'union des Églises au XVIII" siècle. Saint Josaphat de VÉijlisc
gréco-slave en Pologne et en Russie, par le R. F*. Dom A. Gukpin (Dom J. !\I.
Besse) KiO
7'/te story of Ihe church of Egypt by L. Butcheb (Dom V. Renaudin). . . . (i^fi
U. Benigni. — Patrologiœ et hagiographiœ copticœ spicilegium. — Litaniœ
defunciorum copticae (Dom P. Renaudin) 627
Rapport sur une mission scientifique en Turquie d'Asie, par Dom J. Paiusot
(A. Gastoué) 628
Listes d'ouvrages récents et sommaires de recueils p(M-iodiques. 136, 301, 162, 62!)
LISTE ALPHABETIQUE DES AUTEURS
Ayril (Le Baron A. d') 1, li.j
Babakhan (J.) 428
Besse U»om) 460, 466
Blochet (E.) 364, 605
Carra de Vaux (Le Baron) 297
Chabot (L'abbé J. B.) 380, 444, 495
Clédat (J.) 3<i3
Clugnet (Léon) 116, 136, 295, 455
Ermoni (Le R. P.) 104, 416, 591
Gastoué (A.). 280, 628
Graffin iM^'^) 247
Lammens (Le R. P.) 68, 572
Legrand. (Emile) 58
Léon XIII (S. S.) 141
Nau (L'abbé F.) 134, 175, 318, 455, 543
Parisot (Dom) 150, 291, 354
Petit (le R. P.) 227, 305
Renaudin (Dom) 12, 129, 293, 153, 459, 460, 615, 626, 627
Vailhé (Le R. P.) 44, 512
LE (;Lv\(.()L
ET
LA CONGREGATION DES RUES
Le glagol est un alphabet. Nous pouvions, comme bien d'au-
tres, en expliquer les traits principaux et la physionomie, mais
Segnius irritant animuin demissa per aiirem
Quam quae sunt oculis siibjecta fidelibus.
Avec le concours de l'Imprimerie nationale de France, nous
avons fait composer quelques phrases en ce caractère et nous
les reproduisons ici :
^3mflia àhd eà dtit'A'iîi s f^Liîi^Dbffrïi s
Il existe deux formes de cet alphabet, l'une carrée, l'autre
ronde : on les a aussi distinguées par des noms de pays, d'ailleurs
peu appropriés.
Le fragment ci-dessus est en caractère carré. C'est le début
de la Genèse. Nous l'avons extrait de la Chrestomathia linguœ
vetero-slovenice-characteri glagoUtico, e cocidibus, codicum
fragmentis, et libris impressis. Edita a presb. Jeanne Bercic.
Prague, chez Haase; Zara, chez Battara et chez Abelic, 1859.
Le 5 août 1898, la S. Congrégation des rites adressait aux
archevêques et évoques de Goritz, de Zara et de Zagreb (Agram),
Or.IENT CHRETIEN.
2 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
une lettre relative à la célébration de la liturgie en une langue
slave.
Quelle liturgie? quelle langue? et, subsidiairement, quel
alphabet?
I. La liturgie n'est aucune de celles qu'on désigne générale-
ment sous le nom d'orientales. Il s'agit uniquement de la li-
turgie romaine traduite en une langue slave.
Nous n'avons pas dit la liturgie latine, parce qu'il existe
plusieurs liturgies catholiques écrites en latin, auxquelles ne se
réfère pas la lettre du 5 août. La liturgie catholique a été aussi
traduite en grec, en arménien. Il faut dire : la liturgie ro-
maine.
IL La liturgie, dont parle la lettre du 5 août, est donc écrite
en une langue slave. Ce n'est ni le russe, ni le polonais, ni le
ruthène, ni le tchèque, ni le bulgare, ni le serbe, ni le Slovène.
C'est une langue (je ne veux pas dire morte) éteinte à l'usage
courant, en ce sens que, si les Slaves la comprennent plus ou
moins, on ne la parle nulle part : elle est la mère ou la sœur
aînée des idiomes slaves ci-dessus énumérés. On l'appelle avec
raison paléo-slave, ou, ce qui serait préférable staro-slave pour
accentuer verbalement la congénéïté. Passons à l'alphabet.
III. Il existe à notre connaissance trois alphabets slaves, à
savoir le glagolitique, le cyrillique, la grajdanka.
a. Plusieurs des plus anciens documents slaves sont écrits
en glagol. La France en possède un splendide spécimen dans
la seconde partie de l'Évangéliaire sur lequel les rois prêtaient
serment à leur sacre. C'est une écriture majestueuse et déco-
rative surtout dans les majuscules. Une tradition en attribue
l'origine à saint Méthode qui, suivant une légende, était peintre
et aurait converti le roi des Bulgares en lui peignant un tableau
du jugement dernier. D'après une autre opinion, qui a plus de
consistance, le glagol a été combiné par saint Cyrille.
Sv. Kyril nepsal kyrilsky nez hlaholsky, a écrit le tchèque
H anus.
b. Un autre alphabet est appelé soit gréco-slave à cause de
sa grande ressemblance avec l'alphabet grec, soit et plus com-
munément cyrillique, parce qu'une école en attribue l'origine
LK (iLAGUl. 1;T la '■OXGRKdATlOX DES lUTES. 3
à celui qui fut Tapôtre des Slaves au neuvième siècle. Ce n'est
pas le lieu de discuter si ce second alphabet a été combiné en
Moravie par saint Cyrille, ou en Bulgarie par les disciples ré-
fugiés de saint Méthode.
c. Un troisième alphabet, appelé Grajdanka, c'est-à-dire
bourgeois ou civil a été créé sous Pierre-le-Grand. C'est un
mélange de formes slaves, latines, grecques, de majuscules re-
tournées, que les lettrés délicats n'approuvent pas. La grajdanka
a passé dans l'usage commun chez les èlaves orthodoxes, mais
non pas dans les livres d'église.
La liturgie romaine en langue paléoslave est écrite en carac-
tères glagolitiques, lesquels étaient encore en usage pour les
actes judiciaires jusqu'au dix-huitième siècle, mais qui ne sont
plus employés aujourd'hui que pour les catholiques romains et
slavisants.
Cet alphabet a été aussi appelé Azbukvidariiim , ce qui est
une agglutination des noms des premières lettres glagolitiques.
IV. Quelques lignes sur l'histoire de la liturgie romaine tra-
duite en paléoslave et écrite en caractères glagolitiques. Un des
collaborateurs de cette Bevuc a traité minutieusement les ques-
tions relatives à l'origine de l'écriture glagolitique et aux péri-
péties de cette écriture en Dalmatie et dans la Croatie mari-
time (1). Nous ne nous y arrêterons pas, pour arriver à un acte
décisif du Saint-Siège , qui est resté en vigueur depuis le trei-
zième siècle. Sur la requête d'un évêque de Segne, qui deman-
dait l'approbation d'une vieille coutume de son diocèse, le pape,
alors réfugié en France, Innocent IV, surnommé le Père du droit,
répondit : « Ta pétition contenait qu'il y a en Sclavonie une
« écriture spéciale que les clercs de ce pays affirment tenir du
« bienheureux Jérôme (erreur historique) et dont ils se servent
« en célébrant les offices divins; considérant que le langage est
« soumis à la chose et non la chose au langage, nous t'accor-
« dons, par l'autorité des présentes, l'autorisation demandée
« pour les contrées où c'est la coutume d'observer ces choses
« et à condition que le sens ne soit [pas altéré par la diversité
(1) Saint Cyrille et saint Méthode, première ' lutte des Allemands contre les
Slaves, avec un essai sur les destinées du CJlagol, etc., etc., Paris, biblii)ilièquo
elzévirienne slave (1 vol. in-1-2, Paris, Leroux, 1885).
4 REVUE DE L ORIENT CHRETIEN.
« de la lettre. » A Lyon, le 14 des calendes d'avril 1248. — Une
tentative du patriarche d'Aquilée pour faire revenir le Saint-
Siège sur cette décision (159G) échoua.
La revision des livres glagolitiques fut ordonnée par plusieurs
papes.
Le R. P. Nilles S. J. en son précieux ouvrage intitulé Kalen-
darium manuale utriusque Ecclesiœ Orientalis et Occiden-
talis (1) a publié les Constitutions y relatives d'Urbain VIII
(1631), d'Innocent X (1648); mais nous avons hâte de faire
entendre la grande voix de Benoît XIV, l'auteur de la célèbre
bulle Allatœ sunt, qui est comme le charte des Églises orien-
tales (2). Voici les parties essentielles de la Constitution Ex
pastoralimunere, qui est du 15 août 1754 : <( § V. Nous avons
appris, par des témoignages dignes de foi, que, dans le rite
Slavo-latin (romain), il s'est glissé beaucoup d'abus contraires
aux intentions comme aux prescriptions du Siège Apostolique
par la licence de quelques-uns qui osent dire la messe en y
insérant des oraisons et des prières en langue slave vulgaire,
ou lire et faire lire par les autres prêtres le commencement de
l'Évangile selon saint Jean et le psaume Lavabo écrits en langue
vulgaire et imprimés en caractères latins, sans en avoir aucu-
nement obtenu de nous l'autorisation et l'approbation. Voulant
empêcher de s'étendre un abus de cette sorte qui pourrait faci-
lement promiscuer et troubler ce rite, de même que, par nos
précédentes constitutions Etsi pastoralem et Demandatam
cœlUus, nous avons pourvu abondamment à la conservation
et à l'intégrité des rites grecs pour les nations des Italo-Grecs
et des Grecs-Melkites; tournant aujourd'hui le même soin de
notre sollicitude vers la nation illyrienne, nous voulons, par
l'autorité apostolique que nous exerçons, nous prescrivons et
nous mandons que tous les ecclésiastiques et prêtres tant sécu-
liers que réguliers de tout ordre ou institut, qui professent le
rite Slave-latin (romain), soient tenus et doivent, comme il a été
observé avec soin pendant plusieurs siècles pour le clergé illy-
rien, en célébrant l'auguste sacrifice de l'autel, dans les heures
(1) 2 vol. grand iii-S\ Paris, LethioUeux; Insbruck, Rauch. Tome II, pages 302
et suivantes.
(2) Le texte et la traduction de la bulle Allatx sunt ont été luibliés eu grande
partie dans la Revue de VOvienl chrétien, 3'' volume, 1898.
LH GLAGOL ET LA CONGREGATION DES RITES. ;j
canoniques et les autres offices divins, se servir des missels,
tables et bréviaires qui ont été imprimés en caractères hiéro-
nymiques (1) avec les caractères de la Congrégation de la Pro-
pagande, ou qui le seront par la suite après les revisions oppor-
tunes, les approbations et les autres précautions qui y ont été
apportées jusqu'à présent et qui le seront à l'avenir par des
hommes savants particulièrement versés dans la connaissance
de l'idiome slavo-latin et des caractères liiéronymiques. Qu'à
l'avenir personne de ce clergé, en célébrant la messe ou en ac-
complissant les autres divins offices, n'ait l'audace ou la pré-
somption de réciter ou de présenter de quelque façon que ce soit
des oraisons et des prières qui n'aient pas été examinées et
approuvées par notre autorité et celle du Siège Apostolique. »
En 1791, Pie VI fit opérer la revision du bréviaire qui avait
été publié par Innocent XI en 1688.
Les transgressions n'ont pas cessé, surtout à partir de l'an-
née 1828. Il advint que, pour les parties chantées, la langue
moderne croato-serbe était parfois substituée au paléo-slave ; le
prêtre récitait en latin les parties qui doivent être dites à voix
basse; on ne se servit du paléo-slave que pour les plus grandes
fêtes. Dans le diocèse de Segne notamment, les messes étaient
bien célébrées en paléo-slave, mais dans une langue profondé-
ment corrompue et se confondant presque avec l'idiome vul-
gaire. Et les livres liturgiques étaient imprimés en caractères
latins! (2).
Pie IX, fidèle à la tradition de Benoit XIV, ordonna une nou-
velle édition du missel et du bréviaire. 11 en confia la haute
direction à un homme connu et même persécuté pour son at-
tachement aux choses de son pays, M^' Strossmeyer, évêque de
Diakovo et de Syrmie. La congrégation de la Propagande pu-
bliait en 1881 un appendice ad Missale Bomano Slavonicum et
un Ordo et Canon Missœ.
Enfin, en 1893, il a été édité à Rome un missel romain en
langue paléo-slave, imprimé avec des caractères glagolitiques.
(1) C'est-à-tlire glagolitiquos. Par suite «I'uik^ (M'ivut historiquo. lo glagol a été
longtemps attribué à saint .lérùme, qui était originaire de rill3-rie. Voir l'explica-
tion (le cette erreur clans saint Cyrille et saint Méthode, Première lutte des Alle-
mands contre les Slaves, a la page 251.
(2) Mlles, loco cltato, pages 505 et 506.
6 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
D'après la statistique publiée par Ginzel en 1857, il y aurait
84.319 catholiques romains glagolitiques, inégalement répan-
dus dans les diocèses de Yeglia-Arbe, de Zara, de Spalatro et
de Sebenico.
V, Au Monténégro. Le 18 août 188G, Léon XIII concluait
avec le prince de Monténégro un concordat (I). L'article onze
est ainsi conçu : « La formule des prières pour le souverain
Domine, salvuni fac regeni sera chantée dans les offices di-
vins en langue slave (ou slovenskom iezikou). »
Comme les sujets catholiques du Monténégro sont en immense
majorité albanais, et célèbrent le rite romain en latin, il était
peut-être à propos que les Monténégrins entendissent que les
catholiques prient pour leur souverain.
Voilà qui est bien, mais le bruit se répandit bientôt que les
catholiques sujets du Monténégro allaient célébrer tout l'office
dans une langue slave. On discutait même — et nous l'avons
déjà rapporté dans cette Revue — en quel alphabet la litur-
gie leur serait écrite : le glagolitique? le gréco-slave? même
la grajdanka?
Notons incidemment que la chose, en elle-même, n'a pas
d'intérêt pour le Monténégro. Et, en effet, avons-nous dit, les ca-
tholiques de ce pays sont tous, ou à peu près tous, de race al-
banaise et ils ne comprennent que le skipétar, lequel n'a au-
cun rapport avec les idiomes slaves : ils célèbrent en latin et
y sont habitués : pourquoi un changement qui ne leur appor-
terait aucune espèce de satisfaction? Quant aux sujets slaves
du prince Nicolas, qui forment l'immense majorité, ils sont
orthodoxes. S'ils se faisaient catholiques, ils seraient obligés de
garder leur rite grec et les caractères dits cyrilliques, puisque
les papes ont interdit maintes fois aux orthodoxes devenant
catholiques d'adopter le rite romain.
VI. L'aspiration vers la liturgie en langue slave est née
chez des catholiques, célébrant le rite romain en latin dans les
Bouches de Cattaro, dans la Dalmatie, dans la Croatie, voire
même dans la Slovénie et dans la Bohême. C'était une aspira-
tion non monténégrine, mais iougo-slave. Elle s'explique
(1) La traduction française de ce concordat a été publiée in extenso dans la
Revue de l'Orient chrétien, 1" année, p. 57.
LE nLAOOL ET LA COXdlîKGATIOX DKS UITKS. 7
parfaitement par les dangers que font courir à ces populations
la propagande et l'oppression des Allemands, des Madiars et des
Italiens, avec lesquels elles sont en lutte souvent acharnée.
On sait l'importance presque dominante que prennent un peu
partout les questions de race, ou, comme on dit, le pliylétisme
(de (f\jXr„ tribu). Or, il y a eu, sur ce terrain, non seulement
une aspiration en faveur de la liturgie romaine en une langue
slave au lieu du latin, mais une agitation allant même jusqu'à
des tentatives de réalisation spontanée.
Telle est la situation qui a motivé la lettre de la congrégation
des rites dont nous donnerons le texte et la traduction, après
avoir spécifié de nouveau, pour la correction du langage, qu'il
n'y a pas de liturgie slave. 11 existe deux liturgies qui ont été tra-
duites toutes les deux en la langue paléo-slave : V La liturgie
grecque commune aux orthodoxes et aux uniates; 2° la litur-
gie romaine, laquelle n'a été approuvée à Rome, pour l'usage
religieux, qu'en caractères glagolitiques.
S. RiTUUM CONGREGATIONIS AD ArCHIEPISCOPOS EPISCOPÛS ET OrDINAKIOS PRO-
VINCIARUM GORITZUN, IaDREN ET ZaGOBRIEX LiTTER.K DE USU LINGU.E SLA-
VONIC.E IN S. LiTURGIA.
Quce prœcipuè observanda sunt vel cavenda, circa usum paleoslavici
idiomatis iii S. liturgià, sacra lisec Congregatio jam edidit die 13 februarïi
1892, atque iis opportune significavit Slavorum meridionalium episcopis,
qui ecclesi* prsesuiit ubi ejus modi praxis invahiit. Quura vero, bac su-
per re, Apostolicse Sedi nova proposita sint dubia, S. S. D. N. Léo, div.prov.
Papa XIII, pro sua erga Slavos paterna sollicitudine ad pnedictos, nor-
mas enucleandas et firmandas , omnemque removandam perplexitatem ,
grave hoc negotium peculiaris cœtus S. R. E. Cardinalium examini sub-
mitti jussit.
Reigitur in omnibus mature perpensa, attentisqueSS. Pontificum Constitu-
tionibus et Decretis, pra^sertim Innocentii IV qui episcopis Senien. a. 1248
et Veglen a. 1252Slavicâ utendi linguàconcessit licentiam in illis duntaxat
partibus ubi de consuetudine observantur pncmissa, dummodo et ipsius va-
rietale Ulterœ sententia non Ixdatur; item IrbaniVIII, cujus jussu a. 1631
libri liturgici glagoliticl editi sunt ad usum earum ecclesiarum ubihactenus
prxfato idiomate celebratum fuit, iiisi mnluerint latino ; née non Bene-
dicti XIV, qui novam ipsorum librorum editionema. 1751 authenticam de-
8 REVUE DE L ORIENT CHRETIEN.
claravit iis qui ritum slavo-lntinum profitentur, ac demum Pii VI qui a.
1791 Breviarium ejus auspiciis denuo impressum recognovit, iidem E'"'
Patres cas qmv sequuntur régulas statuerunt, illasque Sanctitas Sua ratas
habuit, adprobavit et in posterum ab omnibus inviolatè servari mandavit :
I. — Usus paleoslavicae linguaî in S. Liturgiaconsiderari et habui débet
valut 7'eale privilegium certis mhœrens ecclesiis, minime vero ad instar
privilegii personalis quod nonnullis sacerdotibus competat.
Episcoporum igitur officium erit, in unaquaque diocesi quam primum
conflcere indicem seu catalogum ecclesiarum omnium et singularum quas
certo constet, in prœsens ea concessione rite potiri.
Dubia vero amovenda, asserti privilegii probatiodesumatur etdocumen-
tis et testimoniis, quee in tuto ponant et probe demonstrent illud invaluisse
et reapse vigere triginta saltem abhinc annis, quod temporis spatium in
re prsesenti tanquam sufficiens habetur et indulgentia speciali S. Sedis.
II. — Prœdicto ecclesiarum privilegiatarum indice semel confecto et
publicato, nulli prorsus licebit in aliis ecclesiis, quacumque ratione vel
quovis prastextu linguam palceoslavicam in S. liturgiam introducere ; si
quid vero secus aut contra contigerit attentari, istius modi ausus severa
coercitione reprimantur.
III. — In ecclesiis quee supramemorato privilégie gaudent, sacrum
facere et officium persolvere publica et solemni ratione, permissum ex-
clusive erit palœoslavico idiomate, quacumque seclusa alterius linguae im-
mixtione. Libri ad sacra et ad officium adbibendi characteribus glagoliticis
sint excusi atque ab Apostolica Sede recogniti et adprobati : alii quicum-
que libri liturgici, vel alio impressi charactere, vel absque approbatione
S. Sedis, vetiti omnino sint et prohibiti.
IV. — Ubicumque populus sacerdoti respondere solet, aut nonnullas
missse partes canere, id etiam nonnisi lingua palaîoslavica, in ecclesiis
privilegiatis fieri licebit. Idque ut facilius évadât, poterit ordinarius fîdeli-
bus permittere usum manualis libri latinis characteribus, loco glagolitico-
rum, exarati.
V. — In prgefatis ecclesiis, qu8e concessione linguce palaeoslavicae in-
dubitanter fruuntur, Rituale, slavico idiomate impressum, adhiberi pote-
rit in sacramentorum et sacramentalium administratione , dummodo illud
fuerit ab Apostolica Sede recognitum et probatum.
VI. — Sedulo curent Episcopi in suis seminariis studium provehere
cum latinae linguse tum palaeoslavicaî, ita ut cuicumque diocesi necessarii
sacerdotes praesto sint ad ministerium in utroque idiomate.
VII. — Episcoporum officium erit, ante ordinationem sacram, designare
clericos qui latinis vel qui palœoslavicis ecclesiis destinentur, explorata in
antecessum promovendorum voluntate et dispositione, nisi aliud exigat
Ecclesiïe nécessitas.
LE GLAGOL KT LA C0\GI{l':GATlO\ DLS lilTKS. 9
VIII. — Si (juis sacerdos, addictus ecclcsue ubi hiliiia adhibetiir liiif^ua,
alteri debeat ecclesiae inservire quae palaeoslavici fruitur idiomatis privile-
gio, missam solcmnein ibi celebrarc, horasquc canerc tenebitur lin^aia pa-
Iseoslavica; attainen illi t'as erit privatini sacra j)era^;(jro et, boras canonicas
persolvere latina lingua, idem vicissini dicatur de sacordute palaeoslavici
idiomatis ccclesise adscripto, cui forte latinae ecclesia; dcservire contige-
rit.
IX. — Licebit pariter sacerdotibus latini eloquii ecclesiae inscriptis, in
aliéna ecclesia quse privilegio linguîB palaeoslavicœ potitur, missam priva-
tam celebrare latino idiomate.
Vicissim sacerdotes, linguse paleoslavicœ ecclesiis addicti, eodem idio-
mate sacrum privatim facere poterunt in ecclesiis ubi latina lingua adbi-
betur.
X. — Ubi usus invaluit in missa solemni Epistolam et Evangelium sla-
vicè canendi post eorumdem cantum latino ecclesiaî ipsius idiomate abso-
lutum, hujusmodi praxis servari poterit, dummodo adhibeatur lingua palae-
oslavica. In missis autemparochialibus fas erit, post Evangeliirecitationem,
illud perlegere vulgari idiomate ad pastoralem fldelium instructionem.
XI. — Si forte in parocbiis qnee linguam habent paliçoslavicam, aliquis
e fidelibus prolem renuat sacro sistere fonti, nisi rituali latino baptismus
conferatur, vel si qui matrimonium récusent celebrare, nisi latina lingua
sacer absolvatur ritus, parochus opportune illos instruat, moneatque : et
si adhuc in propria sententia persistant, baptismum aut benedictionem
nuptialem privatim latina lingua ministret.
Vicissim agatur in parochia latinœ linguag, si quis slavico idiomate ritus
praedictos omnino peragi similiter exigat.
XII. — In prœdicatione verbi divini aliisve cultus actionibus qua? strictim
liturgiccE non sunt, lingua slavicavulgarisadhiberi permittitur ad fidelium
commoditatem et utilitatem, servatis tamen generalibus decretis hujus
S. Rituum congregationis.
XIII. — Episcopi illarum regionum, ubi eadem in usu est lingua verna-
cula, studeant iiniformi curandœ versioni precum et hymnorum ([uibus
populus indulget in propria ecclesia, ad hoc ut qui ex una ad aliam tran-
seunt diocesim vel parochiam, in nuUam offendant precationum aut canti-
corum diversitatem.
XIV. — Pii libri, in quibus continetur versio vulgata liturgicarum pre-
cum, ad usum tantummodo privatum Christi fidelium. ab Episcopis rite re-
cogniti sint et approbati.
Datum Romœ..., die 'i Augusti, 1898.
C. Card Mazzella Praîf.
TRADUCTION
Lettre de la S. Congrégation des Rites aux Archevêques,
ÉvÉQUEs et Ordinaires des provinces de Goritz, de Zara et
DE Zagreb (Agram) sur l'usage de la langue slave dans la
S. Liturgie.
Ce qui principalement doit être observé ou évité relative-
ment à Tusage de Tidiome paléoslave dans la S. liturgie,
cette S. Congrégation Fa énoncé le 13 février 1892 et elle
l'a, à propos, notifié à ces évêques des Slaves méridionaux qui
sont préposés à des églises où la pratique de ce mode est éta-
blie; mais, comme, sur cet objet, de nouveaux doutes ont été
présentés, la Sainteté de N. S. Léon XIII par la grâce de Dieu,
à cause de sa paternelle sollicitude envers les Slaves sus-dits,
a ordonné de soumettre cette affaire à l'examen d'une commis-
sion spéciale de Cardinaux de la Sainte Église romaine.
Donc, la chose ayant été pesée en tout avec maturité, vu les
constitutions et les décrets des Souverains Pontifes, surtout
d'Innocent IV qui, aux évèques de Segne en 1248 et de Veglia
en 1252, concéda la licence de se servir de la langue slave seu-
lement dans les lieux où il est de coutume dobserver les
dites choses, pourvu que le sens ne soit pas altéré par la
différence de la lettre; item d'Urbain VIII par l'ordre duquel
en 163 1, des livres liturgiques glagolitiques ont été édités jwur
f usage de ces églises où jusqu alors il a été célébré dans le
dit idiome à moins qu'ils ne jjréfèrent le latin; et aussi de Be-
noît XIV qui, en 1751, a déclaré authentique une nouvelle édi-
tion de ces mêmes livres à ceux qui pi^ofessent le rite slavo-
latin (slavo-romain); et enfin de Pie VI qui, en 1791, revisa le
Bréviaire imprimé de nouveau sous ses auspices, les mêmes
Éminentissimes Pères ont établi les règles suivantes que Sa
Sainteté a ratifiées et approuvées et a ordonné être observées ,
inviolablement à l'avenir :
LE (ILAGOL ET LA CONORÉGATION DES lUTES. 11
I. L'usage de la langue paléoslave clans la liturgie sacrée doit
être considéré et tenu comme un privilège réel inhérent à
certaines églises, mais nullement à l'instar d'un privilège per-
sonnel, qui compète à quelques prêtres.
Donc, le devoir des évèques sera de confectionner le plus tôt
possible l'index ou catalogue de toutes, en général et en par-
ticulier, les églises pour lesquelles il conste <Hre en possession
régulièrement et à présent de cette concession.
Les cas douteux étant écartés, la preuve dudit privilège doit
résulter de documents et de témoignages qui établissent com-
plètement et démontrent bien que ce privilège remonte et a été
effectivement en vigueur depuis au moins trente années, lequel
espace de temps est, dans l'espèce, tenu comme suffisant et
cela d'après une indulgence spéciale du Saint-Siège.
IL Une fois confectionné et publié le susdit catalogue des
églises privilégiées, il ne sera dès lors licite à d'autres églises
de quelque nation que ce soit ou sous quelque prétexte que ce
soit, d'introduire la langue paléoslave dans la liturgie sacrée.
S'il arrivait, au contraire, qu'il soit tenté quelque chose là
contre, qui l'aura osé, sera réprimé par une sévère coercition.
III. Dans les églises qui jouissent du privilège ci-dessus
rappelé d'offrir le Sacrifice et d'accomplir l'office d'une manière
publique et solennelle, il sera fait usage exclusivement de
l'idiome paléoslave, une immixtion quelconque d'une autre
langue étant écartée. Que les livres employés au Sacrifice et à
l'office soient imprimés en caractères glagolitiques et reconnus
et approuvés par le Saint-Siège. Les livres liturgiques quelcon-
ques imprimés en autre caractère ou sans l'approbation du
Saint-Siège, sont entièrement défendus et prohibés.
IV. Partout où la population a coutume de répondre au
prêtre, ou de chanter quelques parties de la messe, cela même
il ne sera permis dans les églises privilégiés de le faire que
seulement en langue paléoslave. Pour la facilité, l'ordinaire
pourra permettre aux fidèles l'usage de manuels imprimés en
caractères latins au lieu de glagolitiques.
12 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
V. Dans lesdites églises, qui jouissent indubitablement de
la concession de la langue paléoslave, le Rituel en langue slave
vulgaire pourra être employé dans l'administration des sacre-
ments et des cérémonies sacramentelles, pourvu que ledit rituel
^ ait été reconnu et approuvé par le Siège Apostolique.
VI. Que les évoques aient soin dans leurs séminaires de
pousser à l'étude tant de la langue latine que du paléoslave, de
sorte que, dans chaque diocèse, il y ait le nombre nécessaire de
prêtres aptes au ministère dans l'un et l'autre idiomes.
YII. Le devoir des évêques sera, avant l'ordination sacrée,
de désigner les clercs qui sont destinés soit aux églises latines,
soit aux églises paléoslaves , après avoir vérifié préalablement
la volonté et la disposition des clercs à promouvoir.
VIII. Si quelque prêtre assigné à une église où la langue
latine est employée, doit aussi desservir une autre église jouis-
sant du privilège de l'idiome paléoslave, il sera tenu d'y célé-
brer la messe solennelle et d'y chanter les heures dans la langue
paléoslave. Il lui sera, cependant, permis, en particulier, de
faire le sacrifice et d'accomplir les heures canoniques en langue
latine. Et réciproquement, il est décidé de même pour le prêtre
assigné à une église de langue paléoslave, auquel il arrive de
desservir par circonstance une église latine.
IX. Aux prêtres assignés à une église latine, il sera égale-
ment permis de célébrer en particulier la messe en latin dans
une autre église qui possédera le privilège de la langue paléo-
slave.
Réciproquement, les prêtres attachés à des églises de langue
paléoslave peuvent, dans les églises où l'idiome latin est assi-
gné, célébrer la messe particulière en l'idiome paléoslave.
X. Là où la coutume a été en vigueur, dans la messe solen-
nelle, de chanter l'Épître et l'Évangile en slave après que le
chant en a été accompli dans l'idiome latin de cette église,
une telle pratique pourra être conservée, pourvu que la langue
paléoslave y ait été employée. Dans les messes paroissiales, ce-
LK OLAfiOL ET LA COXf-RÉGATloX UKS UITKS. 13
pendant, il sera permis, après la récitation de l'Évangile, de le
lire en langue vulgaire pour l'instruction pastorale des fidèles.
XI. Au cas éventuellement, dans les paroisses ayant la langue
paléoslave, que quelqu'un des fidèles refuse de présenter un
enfant aux fonts baptism;iux, si le baptême n'est pas conféré
d'après le rituel latin, ou si quelques-uns refusent la célébration
du mariage, à moins que le rite sacré soit accompli en langue
latine, que le curé les instruise opportunément et les admoneste;
et, si ceux-ci persistent dans leur idée, qu'il leur administre
dans la langue latine le baptême ou la bénédiction nuptiale, en
particulier.
Réciproquement, dans les paroisses latines, qu'il soit agi de
même, lorsque quelqu'un exige que les susdits rites soient
accomplis en idiome slave.
XII. Pour la prédication de la parole divine et les autres actes
de culte qui ne sont pas strictement liturgiques, il est permis
d'employer la langue slave vulgaire pour la commodité et l'uti-
lité des fidèles — étant réservés, cependant, les décrets géné-
raux de cette S. Congrégation des rites.
XIII. Que les évèques de ces régions où la même langue indi-
gène est en usage, appliquent leur soin à obtenir une version
uniforme des prières et des hymnes auxquelles le peuple se
livre dans sa propre église, afin que ces chants qui passent d'un
diocèse ou d'une paroisse à une autre, ne choquent pas par la
diversité des prières et des cantiques.
XIV. Que les livres pieux qui contiennent une traduction en
langue vulgaire des prières liturgiques pour Tusage seulement
privé des fidèles chrétiens, soient revisés et approuvés par les
évêques.
Donné à Rome, le 5' jour daont IHtS.
[Signé) C. Cardinal Mazella, préfet.
LA MESSE COPTE
La traduction de la messe copte, que nous donnons ci-
après, n'est point notre œuvre; elle a été faite par S. G.
Mgr Macaire, administrateur apostolique du patriarcat,
d'Alexandrie, qui a bien voulu nous en confier la publi-
cation. Nous avons pensé que cette traduction, composée
par le chef de l'église copte catholique, dont la science et
le zèle sont justement appréciés, ne saurait manquer
d'être bien accueillie des lecteurs de la. Revue de l'Orient
Chrétien^ comme de tous ceux qui s'intéressent aux études
liturgiques. Nous ne pouvions nous permettre d'y intro-
duire le moindre changement; accompagner le texte de
remarques et de commentaires aurait demandé un travail
spécial et de trop longue étendue, que nous donnerons
peut-être un jour dans une étude sur l'ensemble de la
liturgie copte. Pour le moment, il importait de ne pas
retarder cette publication de la messe de saint Basile en
usage chez les Coptes catholiques, et de laisser dans son
intégrité originelle l'œuvre du savant évêque, qui a reçu
la noble mission de gouverner l'Église d'Alexandrie.
Nous sommes heureux de lui adresser ici l'expression
de notre respectueuse reconnaissance.
Dom Paul Renaudin.
LITURGIE COPTE ALEXANDRINE
DITE
DE SAINT BASILE LE ORANI)
PRIERES PREPARATOIRES, ANTERIEURES A L OFFERTOIRE.
Le Prêtre revêtu des ornements sacerdotaux monte à Vau-
tet, et, la tête découverte, se signe en disant : Au nom du Père,
et du Fils et du Saint-Esprit, un seul Dieu !
Puis il baise Vautel en disant: Nous vous adorons, ô Christ,
avec votre Père, le Dieu bon, et le Saint-Esprit, parce que vous
êtes venu et nous avez rachetés.
Ensuite, il dit secrètement Voraison dite Prière de la pré-
paration de l'autel :
0 Dieu, qui scrutez tous les cœurs; ô Saint, qui reposez dans
vos Saints, qui seul êtes sans péché et avez la puissance de
remettre les péchés; vous savez, Seigneur, que je suis indigne
de m'approcher de votre ministère sacré et d'ouvrir la bouche
devant votre sainte gloire !
Selon la grandeur de votre miséricorde pardonnez-moi, pau-
vre pécheur, et faites que je trouve à cette heure grâce devant
v(Kis. Daignez revêtir ma faiblesse de la force d'en haut, afin
que je commence, prépare et achève selon votre bon plaisir cet
auguste ministère.
Oui, Seigneur, soyez avec nous, associez-vous à notre action,
bénissez-nous, puisque vous êtes la rémission de nos péchés, la
lumière de nos âmes, notre vie, notre force et notre espérance.
Aussi est-ce à vous que nous adressons dans les hauteurs toute
gloire, tout honneur, toute adoration, ô Père, Fils, et Saint-
16 REVUE DE l'orient CHRETIEN.
Esprit, maintenant, et toujours, et dans les siècles des siècles.
Amen.
Puis il dit la Prière après la préparation de l'autel :
C'est vous, ô Dieu, qui nous avez enseigné ce grand mystère de
salut; c'est vous qui nous avez appelés malgré notre indignité
à être les ministres de votre saint autel. 0 notre Roi, rendez-
nous dignes parla vertu de votre Esprit, d'accomplir ce divin
ministère, et faites que sans encourir la condamnation devant
votre majesté, je vous offre le sacrifice de bénédiction comme
témoignage de votre gloire et de la splendeur de votre sain-
teté.
0 Dieu, qui donnez la grâce et envoyez le salut, opérant tout
en tout être, faites que notre sacrifice soit agréable à vos yeux,
daignez le recevoir en propitiation pour mes péchés et les igno-
rances de votre peuple, et qu'il devienne saint selon le don du
Saint-Esprit. En Jésus-Christ, notre Seigneur, par qui la gloire,
l'honneur, la louange et l'adoration vous sont dus avec Lui et
l'Esprit-Saintvivifiant et consubstantiel, maintenant, et toujours,
et dans les siècles des siècles. Amen!
Le Prêtre se lave les mains en disant :
Vous m'aspergerez avec l'hysope et je serai purifié, vous
me laverez et je deviendrai plus blanc que la neige. Vous me
ferez entendre des paroles de joie et mes os humiliés tressaille-
ront d'allégresse.
Je laverai mes mains dans l'innocence et j'entourerai votre
autel, ô mon Dieu, pour entendre la voix de vos louanges.
PRIERE DE L OFFERTOIRE.
Le Prêtre prend l'hostie entre ses mains et l'élevant à la
hauteur de la tête, il dit :
Faites, Seigneur, que notre sacrifice soit agréable à vos yeux,
daignez le recevoir en propitiation pour mes péchés et les igno-
rances de votre peuple, et qu'il devienne saint selon le don du
Saint-Esprit. En Jésus-Christ Notre-Seigneur, par qui la gloire,
l'honneur, la louange et l'adoration vous sont dus avec lui et
l'Esprit-Saint vivifiant et consubstantiel, maintenant, et tou-
jours, et dans les siècles des siècles. Amen !
LA MI'SSE COPTi;. 17
SI le sacrifice est offert à Vintention d'un fidèle défunt, le
Prêtre ajoute :
Souvenez-vous, Seigneur, de votre serviteur N., faites-le jouir
du lieu du repos, de la paix et du rafraîcliissement dans les
demeures de vos Justes, dans le sein de nos Pères Abraham,
Isaac et Jacob, dans le paradis de la joie.
Si le sacrifice est offert à l'intention d'un malade, le Prê-
tre dit :
Souvenez-vous, Seigneur, de votre serviteur N., gardez-le
par l'ange de la paix et guérissez-le de toutes ses infirmités.
Si le sacrifice est offert à Vintention d'un fidèle en voyage,
le Prêtre dit :
Souvenez-vous, Seigneur, de votre serviteur N., gardez-le par
l'ange de la paix et rendez-le à sa demeure sain et sauf.
Si le sacrifice est offert à Vintention de ciuelque fidèle en
peine, le Prêtre dit :
Souvenez-vous, Seigneur, de votre serviteur N., gardez-le
par l'ange de la paix et délivrez-le de toutes ses angoisses.
Le Prêtre tenant V hostie élevée à la hauteur de la tête, fait
le tour de Vautel, précédé d'un Diacre qui porte les burettes
contenant Veau et le vin, et de deux autres clercs qui tien-
nent des cierges allumés. En même temps, il dit :
Gloire et honneur ! Honneur et gloire à la Trinité toute sainte.
Père, Fils et Saint-Esprit!
Paix et édification pour l'Église de Dieu, une, unique, sainte,
catholique et apostolique. Amen!
Souvenez-vous, Seigneur, de ceux qui vous ont offert ces
dons et de ceux à l'intention desquels ils les ont offerts; donnez-
leur la récompense céleste !
Souvenez-vous, Seigneur, de ceux qui nous ont recommandé
de prier pour eux ; que le Seigneur se souvienne d'eux dans son
royaume du ciel !
Pendant que le prêtre et que les autres ministres font le tour
de Vautel, le Peuple chante, les jours de dimanche et de fête et
dans la cinquantaine de Pâques :
Alléluia! voici le jour que le Seigneur a fait ; réjouissons-nous
en lui et tressaillons d'allégresse !
0 Dieu, délivrez-nous! ù Dieu, aplanissez nos voies! Béni
celui qui vient au nom du Seigneur. AUeluia!
ORIENT CHRÉTIEN. 2
18 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
Durant le carême et les jours de Jeûne, le peuple chante :
Alléluia! j'entrerai à l'autel du Seigneur, devant la face du
Dieu qui donne la joie à ma jeunesse.
Je vous louerai, Seigneur, au son de la cithare, alléluia!
Souvenez-vous, Seigneur, de David et de toute sa mansuétude,
alléluia !
Les jours ordinaires, le peuple chante :
Le souvenir est au Roi! A vous. Seigneur, l'hommage de mes
louanges et de toutes les pensées dignes de vous, alléluia! Les
oblations et les sacrifices, daignez les recevoir, alléluia!
Le Prêtre étant remonté à l'autel, se signe en disant :
Au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, un seul Dieu!
Puis, il bénit trois fois les dons, c'est-à-dire Vhostie, le
vin et Veau, en faisant sur eux le signe de la croix :
Béni le Seigneur Dieu tout-puissant, amen !
Béni son Fils unique, Jésus-Christ, notre Seigneur, amen!
Béni l'Esprit-Saint Paraclet, amen !
Tandis Cjue le Prêtre verse le vin et Veau dans le calice, et
récite la prière de l'offertoire comme plus haut, le Diacre
dit :
Amen! amen! amen! Un est le Père Saint! Un est le Fils
Saint! Un est l'Esprit Saint ! Béni est le Seigneur Dieu dans les
siècles des siècles, amen!
Toutes les nations, bénissez le Seigneur! Bénissez-le, tous
les peuples, parce que sa miséricorde s'est affermie sur nous
et que la vérité du Seigneur demeure pour l'éternité. Amen!
alléluia!
Le Peuple dit :
Gloire au Père, et au Fils et au Saint-Esprit, maintenant, et
toujours, et dans les siècles des siècles! Amen.
PRIERE DE L ACTION DE GRACES, DITE DE S. MARC.
Le Prêtre, signant le peuple : La paix soit avec vous.
Le Peuple : Et avec votre esprit.
Le Prêtre : Rendons grâces au Dieu bienfaiteur et miséri
cordieux. Père de Notre Seigneur, notre Dieu et Sauveur, Jésus-
Christ, parce qu'il nous a protégés, aidés, conservés, reçus avec
LA MESSK COI'Ti:. 10
bonté, traités avec miséricorde, fortifiés et fait parvenir jusqu'à
cette heure. Prions-le de nous garder encore en ce saint jour
et tous les jours de notre vie, dans la paix, Lui qui est le Tout-
Puissant, notre Dieu.
Le Peuple. — Seigneur, ayez pitié!
Le Prêtre. — 0 Seigneur tout-puissant, Père de Notre-Sei-
gneur, notre Dieu et Sauveur, Jésus-Christ, nous vous remer-
cions de toute chose, pour toute chose et en toute chose, parce
que vous nous avez protégés, aidés, conservés, reçus avec
bonté, traités avec miséricorde, fortifiés et fait parvenir jus-
qu'à cette heure, nous rendant dignes de nous tenir debout à
cet autel et de vous demander miséricorde pour tout votre peu-
ple.
Le Diacre. — Priez pour que le Seigneur ait pitié de nous
dans sa miséricorde, nous écoute et nous aide, pour qu'il agrée
les supplications que ses saints lui adressent continuellement
en notre faveur, pour qu'il nous pardonne nos péchés et nous
rende dignes de participer à ses mystères sacrés et d'y trouver
la rémission de nos péchés.
Le Peuple. — Seigneur, ayez pitié!
Le Prêtre. — Nous conjurons votre bonté, ô ami du genre
humain; donnez-nous d'achever ce saint jour et tous les jours
de notre vie en toute paix, avec votre sainte crainte. Toute
envie, toute tentation, toute œuvre de Satan, tout conseil des
hommes méchants, toute attaque de la part des ennemis visi-
bles et invisibles, éloignez-les de nous {il se signe), de tout
votre peuple {il signe l'assistance) et de cette table (// signe la
table sainte). Comblez-nous de tous les biens et de tous les dons
convenables. Car c'est vous qui nous avez donné la puissance
de fouler aux pieds les serpents, les scorpions et toute vertu de
l'ennemi. Ne nous induisez pas en tentation, mais délivrez-
nous du méchant. Par la grâce, la miséricorde et l'amour de
votre Fils unique, Notre-Seigneur, notre Dieu et Sauveur, Jésus-
Christ, par qui la gloire, l'honneur, la louange et l'adoration
vous sont dûs avec lui et l'Esprit Saint vivifiant et consubstan-
tiel, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles.
Amen.
20 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
INTRODUCTION A L OBLATION DU PAIN ET DU CALICE — PRIERE DE
SAINT MARC.
Le Prêtre. — 0 Seigneur Dieu, Jésus-Clirist, Fils unique et
Verbe éternel du Père immaculé, consubstantiel à lui avec le
Saint Esprit, vous êtes le pain vivifiant, descendu du ciel et
VOUS avez daigné devenir un agneau sans tache pour la vie du
monde. Nous conjurons votre bonté, ô ami du genre humain;
révélez votre face sur ce pain et sur ce calice que nous avons
posés sur votre table sacerdotale. Bénissez-les f, sanctifiez-les f,
purifiez-lesfetconvertissez-les, de sorte que cepain devienne votre
saintcorps et que le mélange de ce calice devienne votre précieux
sang, et que l'un et l'autre puissent ainsi devenir la résurrec-
tion, la guérison et le salut de nos âmes, de nos corps et de nos
esprits. Car vous êtes notre Dieu, et à vous sont dues la gloire et la
puissance dans l'unité du Père très bon et du Saint-Esprit vivi-
fiant, maintenant, et toujours, et dans les siècles des siècles.
Amen. // couvre les dons et descend au bas de l'autel.
L ABSOLUTION DU FILS — PRIERE DE SAINT MARC.
Le Prêtre récite sur rassistance agenouillée : 0 Seigneur
Jésus-Christ, Fils unique et Verbe du Père, qui avez rompu les
liens de nos péchés par votre passion salutaire et vivifiante,
qui avez soufflé sur la face de vos saints apôtres en leur disant :
Recevez le Saint-Esprit, les péchés seront remis à ceux à qui
vous les remettrez, et ils seront retenus à ceux à qui vous les
retiendrez; Vous, qui par vos saints apôtres avez accordé à ceux
qui sans cesse exercent les fonctions sacerdotales dans votre
Église, de remettre les péchés sur la terre, de lier et de délier
tous les nœuds de l'iniquité, nous conjurons votre bonté, ô ami
du genre humain, pour vos serviteurs, mes pères et mes frères,
et pour mon humilité, pour nous tous qui inclinons nos fronts de-
vant votre sainte gloire . Traitez-nous avec miséricorde et brisez les
liens de nos péchés ; si nous avons failli contre vous sciemment ou
par ignorance, par faiblesse, par parole, par action ou par omis-
sion, Vous qui connaissez la fragilité humaine, ô Dieu de
LA MESSE COI'TE. 21
bonté et d'amour, de grâce pardonnez-nous nos péchés, bénis-
sez-nous, purifiez-nous, absolvez-nous et absolvez tout votre
peuple. Remplissez-nous de votre crainte, formez-nous à Tac-
complissement de votre volonté, parce que vous êtes notre
Dieu; et à vous sont dus la gloire, Tlionneur, la louange et l'a-
doration avec votre Père, le Dieu bon, et le Saint Esprit, vivifiant
et consubstantiel, maintenant, et toujours, et dans les siècles des
siècles. Amen.
Vos serviteurs, les ministres en ce jour : Thigoumène, le
prêtre, le diacre, les clercs, tout le peuple et mon humilité,
que tous soient absous de la bouche de la Trinité toute sainte.
Père, Fils et Saint-Esprit; de la bouche de TÉglise de Dieu, une
unique, sainte, catholique et apostolique; de la bouche des
douze apôtres, et du contemplateur de la Divinité, Marc l'Apô-
tre, rÉvangéliste et le Martyr ; de la bouche de saint Athanase
l'apostolique, de saint Jean Chrysostome, de saint Cyrille, de
saint Basile et de saint Grégoire, de la bouche des 318 Pères de
Nicée, des 150 de Constantinople, des 200 d'Éphèse, des 630 de
Chalcédoine, et de l'universalité des Évoques rassemblés dans
tous les autres Conciles orthodoxes; de la bouche de notre Très-
Saint Père le Pape N., de notre vénérable Seigneur le Patriarche
AmbaN., ainsi que de leur collègue dans le sacré ministère,
notre évêque Amba N., et enfin de la bouche de mon humilité.
Car béni et glorieux est votre saint nom, ô Père, Fils et Saint-
Esprit, maintenant, et toujours, et dans les siècles des siècles.
Amen.
LES TROIS EPITRES.
Le Prêtre récite la prière de l'encens, qui précède la lecture
de l'Épitre de saint Paul :
0 Dieu éternel, sans commencement et sans fin, grand dans
vos conseils, puissant en vos actes, qui êtes présent en tout lieu
et avec tout être, assistez-nous, Seigneur, et soyez au milieu de
nous.
Purifiez nos cœurs, sanctifiez nos âmes, délivrez-nous de tous
les péchés que nous avons commis volontairement ou involon-
tairement.
22 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
Donnez-nous de vous offrir l'oblation raisonnable, le sacrifice
de la bénédiction et l'encens spirituel qui pénètre au delà du
voile de votre sanctuaire, jusqu'au saint des saints.
Le Prêtre fait trois fois le tour de l'autel, puis encense suc-
cessivement Vautel, les saintes images, les Pères jwésents et
tout le peuple.
Le Prêtre, après VApostolos, c'est-à-dire après la lecture
de la leçon tirée des Épltres de saint Paul, récite secrètement
la prière suivante : 0 Dieu de toute science, qui accordez la
sagesse et découvrez ce qu'il y a dans la profondeur des ténè-
bres, qui donnez la parole à ceux qui évangélisent avec une
grande force, vous avez daigné dans votre bonté appeler Paul
le persécuteur et faire de lui un vase d'élection. Il vous a plu de
l'associer à vos saints Apôtres, pour qu'il prêchât avec eux
l'Évangile de votre royaume, ô Christ, notre Dieu !
Nous conjurons votre bonté, ô ami du genre humain, accor-
dez-nous, ainsi qu'à tout votre peuple, un esprit droit et une
intelligence pure, afin que nous puissions connaître et compren-
dre tous les avantages des enseignements sacrés que l'Apôtre
vient de nous donner. Et comme il a porté votre ressemblance,
ô maître de la vie, rendez-nous dignes de l'imiter dans sa foi et
dans ses œuvres, exaltant sans cesse votre saint nom et nous
glorifiant en tout temps, de votre croix.
Puis le Diacre lit le catholicon, c'est-à-dire la leçon tirée de
l'une des Épitres catholiques.
Le Prêtre, après cette lecture, dit secrètement : 0 Seigneur
notre Dieu, qui par vos saints Apôtres nous avez révélé le
mystère de votre Évangile qui est la gloire de votre Christ, et
qui leur avez donné, selon les richesses infinies de votre grâce,
de prêcher à toutes les nations les incompréhensibles trésors
de votre miséricorde, nous vous supplions, ô notre Roi, ren-
dez-nous dignes d'avoir part à leur sort et à leur héritage. Don-
nez-nous de marcher toujours sur leurs traces, d'imiter leurs
combats et de participer aux tribulations qu'ils ont subies pour
la justice.
Gardez cette Église que vous avez fondée par eux, bénissez
les brebis de votre troupeau, et donnez la croissance à cette
vigne que votre droite a plantée. En Jésus-Christ notre Sei-
gneur, etc.
LA .MKSSE COI'TK. 23
Le Prêtre, avant la leeture du Praxis, c'est-à-dire de la le-
çon tirée des Actes des Apôtres, dit secrètement la prière sui-
vante, appelée prière de l'encens du Praxis : 0 Dieu, qui avez
agréé le sacrifice d'Abraham, et au lieu d'Isaac vous êtes préparé
un agneau, daignez aussi accepter de nos mains le sacrifice de
cet encens et envoyez-nous en échange votre miséricorde si
abondante. Délivrez-nous de la fétidité du péché et rendez-nous
dignes de servir devant votre bonté, ô ami du genre humain,
dans la pureté et la justice tous les jours de notre vie.
Le Prêtre fait trois fois le tour de r autel, et encense succes-
sivement l'autel, les saintes images, les Pères p>résents et tout
le peuple. Pendant la lecture de la leçon des Actes des Apô-
tres, il récite debout à la. porte du chœur, et en encensant l' as-
sistance, la fjrière suivante, appelée la confession du peuple :
0 Dieu, qui avez reçu la confession du larron sur la glorieuse
croix, recevez la confession de votre peuple et pardonnez-lui
tous ses péchés à cause de votre saint nom, qui a été invoqué
sur nous.
Après la lecture des trois Épitres, le trisagion est chanté
trois fois, une fois par les ministres qui servent à l'autel,
une fois par les clercs qui sont au chœur, une troisième
fois par le peuple :
0 Dieu Saint, ô Saint Fort, ô Saint Immortel, ayez pitié de
nous!
Le Chœur. — Gloire au Père, au Fils et au Saint-Esprit!
Le Peuple. — Maintenant, et toujours, et dans les siècles des
siècles. Amen!
L EVANGILE.
Le Prêtre. — La paix soit avec tous.
Le Peuple. — Et avec votre esprit.
Le Prêtre récite Voraison de VÉvangile : 0 Seigneur Jésus-
Christ, notre Dieu, qui avez dit aux saints Apôtres : Plusieurs
prophètes et plusieurs justes ont souhaité devoir ce que vous
voyez et ne l'ont pas vu, et d'entendre ce que vous entendez et
ne Font pas entendu; mais vous, heureux sont vos yeux, parce
qu'ils voient, et heureuses sont vos oreilles parce qu'elles enten-
24 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
dent! Rendez-nous dignes parles prières de vos saints, d'écou-
ter votre Évangile sacré et d'y conformer notre conduite.
Le Diacre. — Priez pour le saint Évangile.
Le Peuple. — Seigneur, ayez pitié!
Le Prêtre. — Sou venez- vous, ô notre Roi, de tous ceux qui
nous ont recommandé de nous souvenir d'eux dans les prières
que nous vous adressons. 0 Seigneur, notre Dieu, donnez le re-
pos aux morts et la guérison aux inflrmes. Car vous êtes notre
vie, notre salut, notre espérance, notre guérison et notre ré-
surrection à tous! Nous vous envoyons dans les hauteurs la
gloire, l'honneur et l'adoration avec votre Père très bon et l'Es-
prit Saint vivifiant et consubstantiel avec vous, maintenant, et
toujours, et dans les siècles des siècles. Amen !
. Le Diacre. — Tenez-vous debout avec crainte devant Dieu
pour entendre la lecture du Saint Évangile.
Le Prêtre. — Béni celui qui vient au nom du Seigneur!... Cha-
pitre du Saint Évangile selon saint N.
Le Peuple. — Gloire à vous, Seigneur!
Le Prêtre, ou le Diacre, lit l'Évangile, à la fin duquel le peu-
ple répond : Gloire à notre Dieu dans les siècles des siècles.
Amen !
Le Prêtre, après r Évangile, récite cette prière : 0 Dieu clé-
ment et riche en miséricorde, Dieu de vérité, recevez nos priè-
res et nos supplications, recevez nos demandes, notre pénitence
et notre confession sur votre autel, saint, immaculé et céleste.
Rendez-nous dignes d'écouter vos saints Évangiles et d'obser-
ver vos commandements et vos préceptes, et de porter des fruits
abondants, cent, soixante et trente.
Le Prêtre dit ensuite secrètement la prière suivante, dite
prière du voile, attribuée à saint Jacques r Apôtre : 0 Dieu,
qui, à cause de votre amour pour les hommes, avez envoyé votre
Fils unique au monde pour qu'il ramenât à vous la brebis éga-
rée, nous vous prions. Seigneur, ne nous rejetez pas au moment
où nous offrons ce sacrifice redoutable et non sanglant. Car nous
ne mettons pas notre confiance en notre justice, mais en votre
mi,séricorde, par laquelle vous avez vivifié notre race.
Nous supplions votre bonté, ô ami du genre humain, ne per-
mettez pas qu'il tourne à notre condamnation, ni à celle de votre
peuple, ce mystère que vous avez disposé pour notre salut.
LA MESSE COPTE. 'lO
mais qu'il procure plutôt la rémission de nos péchés et le
pardon de nos fautes, ainsi que l'honneur et la gloire de votre
saint nom, ô Père, Fils et Saint-Esprit, maintenant, et toujours,
et dans les siècles des siècles. Amen!
Le Peuple. — Béni soit le Père, le Fils et le Saint-Esprit, bé-
nie soit la Trinité parfaite; nous l'adorons et nous la glorifions!
LES TROIS ORAISONS QUI PRECEDENT LE CREDO.
Le Prêtre. — La paix soit avec tous.
Le Peuple. — Et avec votre esprit.
Le Prêtre dit la première oraison, qui est celle de la paix
de l'Église. — Prions encore le Dieu tout puissant, Père de no-
tre Seigneur, notre Dieu et Sauveur Jésus-Christ.
Nous invoquons et nous supplions votre bonté, ù ami du genre
humain; souvenez-vous, Seigneur, de la paix de votre Église,
une, unique, sainte, catholique et apostolique.
Le Diacre. — Priez pour la paix de l'Église orthodoxe de
Dieu, une, unique, sainte, catliolique et apostolique.
Le Prêtre continue : Celle qui s'étend d'une extrémité du
monde à l'autre. Tous les peuples et tous les fidèles, bénissez-
les. Donnez la paix céleste à nos cœurs, et même la paix de cette
vie, ne nous la refusez pas. Le roi, les armées, les princes et les
ministres, nos voisins et nos alliés, ornez-les de toute paix. 0 roi
de la paix, donnez-nous votre paix. Vous, qui nous avez accordé
toute chose, gagnez-nous à vous ; car nous ne connaissons per-
sonne autre que vous et nous ne cessons d'invoquer votre saint
nom. Que nos âmes soient vivifiées par votre esprit, et ne per-
mettez pas que la mort du péché règne sur nous, qui sommes
vos serviteurs, ni sur tout votre peuple.
Le Peuple. — Seigneur, ayez pitié!
Le Prêtre dit ensuite l'oraison des Pères, cest-ù-dire, la
prière pour le Pape, le Patriarche, rÉvêque diocésain et Vu-
niversalité de VÉpiscopat catholique : Prions encore le Dieu
tout puissant, Père de notre Seigneur, notre Dieu et Sauveur
Jésus-Christ.
Nous invoquons et nous supplions votre bonté, ô ami du
genre humain. Souvenez-vous, Seigneur, du Pontife suprême
26 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
notre Très-Saint Père le Pape de Rome Amba N., et de notre
bienheureux Père le Patriarche Amba N., et de leur collègue
dans le sacré ministère, notre Évêque Amba N.
Le Diacre. — Priez pour le pontife suprême le Pape de Rome
Amba N., et pour notre pontife Amba N., pape et patriarche, sei-
gneur archevêque de la grande ville d'Alexandrie et pour
tous nos Évêques orthodoxes.
Le Prêtre continue : Conservez-les durant de nombreuses et
paisibles années ; qu'ils accomplissent selon votre volonté sainte et
bienheureuse le sacré ministère du Pontificat que vous leur avez
confié; qu'ils jugent par la parole de vérité avec droiture,
qu'ils paissent votre peuple dans la pureté et la justice.
Aux Évêques orthodoxes, aux prêtres, aux diacres et à l'uni-
versalité de votre Église, une, unique, sainte, catholique et apos-
tolique, daignez accorder la paix et le salut en tout lieu.
Les prières qu'ils vous adressent pour nous et pour tout votre
peuple, comme celles que nous vous adressons pour eux, dai-
gnez les recevoir sur votre autel saint, spirituel et céleste, avec
l'odeur de l'encens.
Tous leurs ennemis visibles ou invisibles, humiliez-les et
écrasez-les promptement sous leurs pieds; et eux-mêmes, gar-
dez-les dans la paix et la justice au sein de votre sainte Église.
Le Peuple. — Seigneur, ayez pitié!
Le Prêtre récite Voraison, dite de l'assistance, c est-à-dire
la prière pour le peuple présent : Prions encore le Dieu tout
puissant. Père de Notre-Seigneur, notre Dieu et Sauveur Jésus-
Christ.
Nous invoquons et nous supplions votre bonté, ôami du genre
humain; souvenez-vous. Seigneur, de nos assemblées, bénis-
sez-les.
Le Diacre. — Priez pour notre réunion dans cette sainte
Église et pour ceux qui se sont associés à nous.
Le Prêtre continue : Donnez à ces lieux d'être sans trouble
et sans défaut, afin que nous puissions selon votre volonté
sainte et bienheureuse en faire des maisons de prière, des mai-
sons de pureté, des maisons de bénédiction.
Gardez-les, Seigneur, et faites-en jouir vos serviteurs qui
viendront après nous jusqu'à la fin des temps.
Levez-vous, Seigneur, et que tous vos ennemis soient dis-
LA -MHSSK COI'Ti;. Zi
perses; que devant votre face fuient tous ceux qui haïssent
votre saint nom; et que votre peuple parla béncMiction devienne
des milliers de mille et des millions de millions, accomplissant
tous votre sainte volonté!
Le Peujtlc debout réeUe la confession orthodoxe : En vérité
nous croyons en un seul Dieu, le Père tout puissant, créateur
du ciel et de la terre, des choses visibles et des choses invisi-
bles.
Nous croyons en un seul Seigneur, Jésus-Christ, Fils unique
de Dieu, né du Père avant tous les siècles, lumière de lumière,
vrai Dieu de vrai Dieu, engendré, non créé, consubstantiel au
Père, par qui tout a été fait, qui pour nous, hommes, et pour
notre salut, est descendu du ciel, a pris chair de la Vierge Marie
par l'opération du Saint-Esprit, s'est fait liomme, a été crucifié
pour nous sous Ponce-Pilate, a souffert, a été enseveli, est res-
suscité des morts le troisième jour selon les Écritures, est monté
aux cieux, est assis à la droite du Père et viendra de nouveau dans
sa gloire pour juger les vivants et les morts , et dont le règne
n'aura pas de fin.
Et nous croyons au Saint-Esprit, le Seigneur vivifiant, qui
procède du Père et du Fils, que nous adorons et glorifions avec
le Père et le Fils, qui a parlé par les Prophètes; et à l'Église
une, sainte, catholique et apostolique.
Nous croyons un seul baptême pour la rémission des péchés,
et nous attendons la résurrection des morts et la vie des siècles
à venir. Amen.
Le Prêtre se lave les mains, en disant : Vous m'aspergerez
avec l'hysope et je serai purifié. Vous me laverez et je devien-
drai plus blanc que la neige.
Vous me ferez entendre des paroles de joie, et mes os humi-
liés tressailleront d'allégresse.
Je laverai mes mains dans l'innocence, et j'entourerai votre
autel, ô mon Dieu, pour entendre la voix de vos louanges.
LA PRIERE DU BAISER DE PAIX.
Le Prêtre. — La paix soit avec tous.
Le Peuple. — Et avec votre esprit.
28 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
Le Prêtre dit la prière du baiser : 0 Dieu grand et éternel,
qui avez créé l'iiomme dans Tinnocence, et qui, par rincarnation
vivifiante de Votre Fils unique, notre Seigneur, notre Dieu et
Sauveur Jésus-Clirist, avez détruit la mort, introduite dans le
monde par l'envie du démon ; vous, qui avez rempli la terre de
la paix céleste pour laquelle les armées des Anges vous glori-
fient, disant : Gloire à Dieu dans les hauteurs, paix sur la terre,
et bonne volonté aux hommes !
Le Diacre. — Priez pour la paix et la charité parfaite, et pour
le saint baiser des Apôtres.
Le Prêtre continue : Par votre complaisance, ô Seigneur, '
remplissez nos cœurs de votre paix. Purifiez-nous de toute souil-
lure, de toute ruse, de toute dissimulation, de toute malice, et
de toute pensée mauvaise conduisant à la mort. Rendez-nous
dignes, ô notre Roi, de nous donner mutuellement un saint
baiser, afin que, sans encourir la condamnation, nous partici-
pions à vos dons immortels et célestes. En Jésus-Christ, notre
Seigneur.
Le Diacre. — Embrassez-vous d'un saint baiser.
Autre oraison pour le saint baiser : Ils surpassent toute
expression de la parole et toute conception de l'esprit, vos dons,
ô notre roi! Car ce que vous avez caché aux sages et aux pru-
dents, vous l'avez révélé à nous, les petits enfants! Et ce que les
prophètes et les rois avaient souhaité de voir et n'ont pas vu,
vous nous l'avez accordé à nous, pauvres pécheurs, pour que
nous en soyons les ministres et que nous y trouvions la sancti-
fication; il vous a plu de nous accorder les bienfaits de l'incar-
nation de Votre Fils unique, et de réaliser pour nous le mystère
de ce grand sacrifice, que, n'entoure point le sang de la loi ou la
justice de la chair, mais où se trouvent l'agneau spirituel et le
glaive mystique et incorporel. Au moment où nous offrons cette
oblation sainte à votre majesté, nous conjurons votre bonté, ô
ami du genre humain, purifiez nos lèvres, dissipez de notre
esprit tout fantôme et toute illusion ; par la grâce céleste de
votre Esprit, rendez-nous dignes de nous donner mutuelle-
ment un saint baiser, afin que, sans encourir la condamnation,
nous puissions participer à vos mystères immortels et célestes.
En Jésus-Christ, notre Seigneur.
Le Chœur. — - Venez à nous, aujourd'hui, ô Christ, notre Roi,
LA .MESSE COPTE. 29
et illuminez-nous de votre sublime divinité. Envoyez sur nous
la grande grâce de votre Saint Esprit Paraclet.
LA GRANDE ACTION.
Le Diacre. — Approchez-vous, approchez-vous, approchez-
vous selon Tordre; tenez-vous debout avec tremblement; regar-
dez vers rOrient, dites : Miséricorde, paix et sacrifice de
louange.
Le Peuple. — Miséricorde, paix et sacrifice de louange.
Le Prêtre signe le peuple : Le Seigneur soit avec vous tous.
Le Peuple. — Et avec votre esprit.
Le Prêtre signe les clercs : En haut vos cœurs.
Le Peuple. — Nous les avons auprès du Seigneur.
Le Prêtre se signe lui-même : Rendons grâces au Seigneur.
Le Peuple. — Il est juste et digne.
Le Prêtre. — Il est juste et digne; il est juste et digne, en vé-
rité il est juste et digne de vous louer et devons bénir, Vous qui
êtes le Seigneur Dieu de vérité, dont l'éternité précède tous les
siècles et dont le règne est immortel ; qui habitez dans les hau-
teurs et daignez abaisser vos regards sur notre bassesse ; créa-
teur du ciel et de la terre, de la mer et de tout ce qu'ils renfer-
ment; Père de notre Seigneur, notre Dieu et Sauveur Jésus-
Christ, par qui vous avez créé toutes choses, ce qui est visible
et ce qui est invisible, qui êtes assis sur le trône de votre gloire
et recevez les adorations de toutes les Puissances célestes.
Le Diacre. — Que ceux qui sont assis se lèvent.
Le Prêtre continue : Vous, devant qui se tiennent les Anges,
les Archanges, les Principautés, les Dominations, les Trônes,
les Vertus.
Le Diacre. — Regardez vers l'Orient.
Le Prêtre continue : Vous, devant qui se tiennent les Chérubins
pleins d'yeux et les Séraphins aux six ailes, chantant sans cesse
et sans interruption.
Le Diacre. — Venez à cette table, bénissons Dieu avec les
chœurs célestes.
Le Chœur. — Chantons avec les Anges et les chœurs célestes
les louanges de celui qui est Père, Fils et Saint-Esprit.
30 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
Le Peuple. — Le ciel se réjouit et la terre tressaille d'allé-
gresse ; les Chérubins, étendant leurs ailes, s'écrient trois fois
en l'honneur de la Trinité...
Tous ensemble. — Saint, saint, saint est le Dieu des armées!
Le ciel et la terre sont pleins de sa sainte gloire.
Le Prêtre. — Saint, saint, saint est en vérité le Seigneur
notre Dieu, qui nous a créés et nous a placés dans le jardin de
délices ! Quand nous avons transgressé votre loi par la sugges-
tion du serpent, nous avons été déchus de la vie éternelle, et
nous avons été exilés du paradis de la joie. Cependant vous ne
nous avez pas rejetés entièrement, mais vous nous avez aussi-
tôt visités par vos saints Prophètes ; et dans la plénitude des
temps, vous êtes apparu ànous, qui étions assis dans les ténèbres
et à l'ombre de la mort, par votre Fils unique, notre Seigneur,
notre Dieu et Sauveur, Jésus-Christ, qui est né de la Vierge
Marie par l'opération du Saint-Esprit.
Le Peuple. — Amen.
Le Prêtre continue : Il s'est incarné et s'est fait homme; il
nous a enseigné le chemin du salut; il nous a accordé la
grâce de la naissance céleste par l'eau et l'esprit; il nous a
réunis en un peuple choisi, nous purifiant par votre Esprit-
Saint. Lui, qui a aimé les siens qui étaient en ce monde, a
donné sa vie pour nous délivrer de la mort qui régnait sur nous
à cause de nos péchés; il est descendu aux enfers par la puis-
sance de sa croix.
Le Peuple. — Amen, je crois.
Le T^rêtre. — Il est ressuscité des morts le troisième jour, il
est monté aux cieux, il s'est assis à votre droite, ô Père; il a fixé
le jour de la rétribution, où il viendra juger le monde dans la
justice et rendre à chacun selon ses œuvres.
Le Peuple. — Selon votre miséricorde, Seigneur, et non
selon nos iniquités.
Le Prêtre encense ses mains, quil pose ensuite sur les
dons sacrés : Et il nous a laissé ce grand mystère de la piété :
car ayant résolu de se livrer à la mort pour la vie du monde.
Il prit du pain en ses mains saintes, pures, bienheureuses et
vivifiantes.
Le Peuple. — Nous croyons que c'est la vérité. Amen !
Le Prêtre levant les yeux au ciel : Il leva ses yeux au ciel
LA MESSE COPTE. 31
vers vous, son Père et le Seigneur de toutes choses. Il rendit
grâces f .
Le Peuple. — Amen.
Le PnHre. — Il le bénit f.
Le Peuple. — Amen.
Le Prêtre. — Il le sanctifia •;.
Le Peuple. — Amen, amen, amen, nous croyons, nous con-
fessons, nous glorifions.
Le Prêtre fend légèrement l" hostie : Il le rompit et le donna
à ses apôtres bien-aimés, en leur disant : Prenez et mangez-en
tous. Ceci est mon Corps, qui sera rompu pour vous et livré pour
plusieurs en rémission des péchés. Faites ceci en mémoire de
moi. {Il adore le saint corps).
Le Peuple. — Nous croyons que c'est la vérité. Amen.
Le Prêtre. — De même après le souper, il prit le calice et y
versa du vin et de Teau. Il rendit grâces f.
Le Peuple. — Amen.
Le Prêtre. — Il le bénit f .
Le Peuple. — Amen.
Le Prêtre. — Il le sanctifia f .
Le Peuple. — Amen, amen, amen, nous croyons, nous con-
fessons, nous glorifions.
Le Prêtre. — Il le goûta et le donna à ses apôtres bien-
aimés, en leur disant : Prenez et buvez-en tous; ceci est mon
sang, le sang du nouveau Testament, qui sera répandu pour
vous et livré pour plusieurs en rémission des péchés. Faites ceci
en mémoire de moi. {Il adore le précieux sang).
Le Peuple. — Amen, nous croyons que c'est la vérité.
amen
Le Prêtre désignant le corps et le calice : Toutes les fois
que vous mangerez de ce pain ou que vous boirez de ce calice,
vous annoncerez ma mort, vous confesserez ma résurrection et
vous ferez mémoire de moi jusqu'à ce que je vienne.
Le Peuple. — Amen, amen, amen. Nous annonçons, ô Sei-
gneur, votre mort, nous confessons votre résurrection et votre
sainte ascension; nous vous louons, nous vous bénissons, nous
vous rendons des actions de grâces, nous vous adressons des
supplications, ô notre Dieu!
Le Prêtre. — Nous aussi, nous faisons mémoire de sa sainte
32 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
passion, de sa résurrection d'entre les morts, de son ascension
au ciel, de sa session à votre droite, ô Père, de son second avè-
nement redoutable et glorieux, et nous vous offrons des oblations
de vos propres dons et de ce qui est à vous, selon toute chose,
pour toute chose et en toute chose.
Le Peuple. — Adorez Dieu avec crainte et tremblement!
Le Prêtre prosterné depuis la consécration, s'écrie : Nous
vous louons, nous vous bénissons, nous vous servons, nous vous
adorons.
Le Prêtre. — Nous vous supplions, ô Christ notre Dieu, nous,
pauvres pécheurs et vos indignes serviteurs; nous vous ado-
rons, conjurant votre bonté pleine de complaisance, afin que
votre Esprit-Saint descende sur nous et sur ces dons, les puri-
fie et les révèle le Saint des Saints !
Le Diacre. — Soyez attentifs.
Le Prêtre continue, signant le corps trois fois : Que ce pain
devienne le corps saint f .
Le Diacre. — Amen.
Le Prêtre continue : De notre Seigneur, notre Dieu et Sau-
veur Jésus-Christ f » qui est donné comme rémission des péchés
et vie éternelle à ceux qui y participent f.
Le Diacre. — Amen, je crois.
Le Prêtre signe le calice trois fois : Et ce calice, qu'il le
fasse le sang précieux f-
Le Diacre. — Amen.
Le Prêtre. — De notre Seigneur, notre Dieu et Sauveur,
Jésus-Christ f, qui est donné comme rémission des péchés et vie
éternelle à ceux qui y participent f.
Le Diacre. — Amen, je crois.
Le Peuple. — Seigneur, ayez pitié! Seigneur, ayez pitié!
Seigneur, ayez pitié !
Le Prêtre. — Rendez-nous dignes, ô notre Roi, de trouver
dans vos saints mystères la pureté de nos âmes, de nos corps
et de nos esprits, afin que nous devenions avec vous un même
corps et un même esprit, et que nous puissions avoir part à
l'héritage des saints, qui vous ont plu dès l'origine.
LA MESSE COI'TE. 33
MEMENTO DES VIVANTS.
Le Prêtre. — Souvenez-vous, Seigneur, de votre Église une,
unique, sainte, catholique et apostolique, que vous avez rache-
tée par le sang précieux de votre Christ; gardez-la dans la
paix, avec tous les Évèques orthodoxes qui sont dans son sein.
En premier lieu, souvenez-vous, Seigneur, du Pontife suprême,
notre très-saint Père le Pape de Rome Amba N., de notre bien-
heureux Père le Patriarche d'Alexandrie Amba N., et de leur
collègue dans le sacré ministère notre Évoque Amba N., comme
aussi de tous ceux qui avec eux prêchent la parole de vérité
avec droiture ; conservez-les à votre Église, et donnez-leur de
paître votre troupeau dans la paix.
Souvenez-vous, Seigneur, des higoumènes, des prêtres or-
thodoxes et des diacres, de tous les ministres de l'autel, de
tous ceux qui vous ont voué leur virginité et de toute la pureté
de votre peuple. Souvenez-vous de nous tous. Seigneur, et ayez
pitié de nous tous ensemble.
Le Peuple. — Ayez pitié de nous, ô Dieu, ô Père, ô Tout-
Puissant!
Le Prêtre. — Souvenez-vous, Seigneur, du salut de ce saint
lieu et de toutes les demeures de nos Pères orthodoxes, et de
tous ceux qui y habitent avec la foi de Dieu.
Le Diacre. — Priez pour le salut du monde entier, pour le
salut de cette ville, de toutes les cités, de tous les pays et de
tous les monastères.
Le Prêtre dit e^isuite la prière des trois saisons. Durant la
saison des semailles, il dit : Daignez, Seigneur, bénir les se-
mences, les plantes et les productions des champs en cette
année.
Durant la saison des fruits, il dit : Daignez, Seigneur, bénir
la température du ciel et les fruits de la terre en cette année.
Durant la saison des eaux, il dit : Daignez, Seigneur,
bénir les eaux du fleuve en cette année.
Puis, il continue : Par votre grâce, faites-les parvenir à la
hauteur convenable. Réjouissez la face de la terre, que ses
champs soient arrosés et sesproductions multipliées; préparez-la
ORIENT CHRÉTIEN. 3
34 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
aux semailles et à la moisson, et gouvernez notre vie ainsi
qu'il convient. Dans votre bonté bénissez les prémices de l'an-
née en faveur des pauvres de votre peuple, de la veuve, de
l'orphelin, du voyageur et de l'hôte, aussi de nous tous, qui
mettons en vous notre confiance et invoquons votre saint nom.
Car les yeux de tous les êtres sont fixés sur vous, et c'est vous
qui leur donnez leur nourriture en temps opportun. Traitez-
nous selon votre bonté, ô vous, qui nourrissez toute chair; rem-
plissez nos cœurs de joie et d'allégresse, afin que, pourvus du
nécessaire en toutes choses et en tout temps, nous abondions en
toute œuvre sainte.
Le Peuple. — Seigneur, ayez pitié.
Le Prêtre. — Souvenez-vous, Seigneur, de ceux qui vous
ont offert ces dons et de ceux à l'intention desquels il les ont
offerts ; donnez-leur à tous la récompense du ciel.
Le Diacre. — Priez pour ces dons saints et précieux, pour
nos sacrifices et ceux qui les ont offerts.
Le Peuple. — Seigneur, ayez pitié!
MEMENTO DES SAINTS ET DES MORTS.
Le Prêtre. — Et maintenant, Seigneur, nous nous confor-
mons à l'ordre que votre Fils unique nous a donné de participer
à la mémoire de vos Saints. Souvenez-vous de tous les saints
qui vous ont plu dès l'origine : de nos Pères les patriarches,
les prophètes, les apôtres, les évangélistes , les martyrs, les
confesseurs et de tous les justes qui ont été consommés dans
la foi, principalement de celle qui est pleine de grâce et vierge
en tout temps, la Bienheureuse Marie, mère de Dieu; de saint
Jean-Baptiste le précurseur et le martyr, de saint Etienne pro-
todiacre et protomartyr, de saint Marc, contemplateur de Dieu,
évangéliste, apôtre et martyr, de notre patriarche Athanase
l'apostolique, de saint Cyrille, de saint Jean Chrysostome, de
saint Basile, de saint Grégoire , du grand saint Antoine, de saint
Paul, des deux Macaires, du saint dont nous faisons mémoire
spéciale en ce jour, et de tout le chœur des Saints.
Par leurs prières et leurs supplications, ayez pitié de nous et
LA MESSE COPTE. 35
daignez nous sauver à cause de votre saint nom qui a été invo-
qué sur nous.
Le Diacre. — Que les lecteurs récitent les noms de nos pa-
triarches qui se sont endormis; que le Seigneur accorde le re-
pos à leurs âmes et nous pardonne nos péchés. {Le lecteur récite
alors les diptyques).
Le Prêtre dit le mémento des morts : Souvenez-vous encore,
Seigneur, de tous ceux qui se sont endormis, dans les ordres
du sacerdoce ou dans le degré des laïques. Daignez donner le
repos à toutes leurs âmes dans le sein de nos Pères Abraham,
Isaac et Jacob. Faites-les monter aux lieux verdoyants, sur les
eaux de quiétude dans le paradis de la joie, demeure d'où sont
éloignés toute angoisse du cœur, toute tristesse et tout gémis-
sement, dans la lumière de vos saints.
Le Prêtre dit ensuite l'oraison, appelée delà bénédiction. En
récitant cette prière, il aura la main gauche tendue vers le
Saint Corps, et la main droite levée sur le peuple pour le
bénir : Que le Seigneur ait pitié de nous, nous bénisse, révèle
sa face sur nous et nous couvre de sa miséricorde. 0 Dieu, sau-
vez votre peuple, bénissez votre héritage, paissez votre trou-
peau et exaltez-le éternellement! Exaltez la puissance du nom
chrétien par la vertu vivifiante de la croix, ainsi que par les
prières que ne cessent de vous adresser pour nous Notre-Dame
et Reine, la mère de Dieu, la Vierge Marie, les trois grands
Esprits lumineux, Michel, Gabriel et Raphaël, les quatre ani-
maux incorporels, les vingt-quatre anciens, tous les chœurs des
anges et toutes les phalanges célestes; par les supplications des
patriarches, des prophètes, des apôtres, des martyrs, de ceux
qui ont porté la livrée de la croix, de tous les saints et de toutes
les vierges; par la bénédiction du Saint de ce jour, de Tange de
ce saint sacrifice, de la mère de Dieu, la Vierge Marie, au com-
mencement et à la fin. Que cette bénédiction sainte , la puis-
sance, la grâce et l'aide de ces saints soient toujours avec nous.
Amen !
Le Peuple. — Gloire à vous, Seigneur! Seigneur, ayez pitié!
Seigneur, bénissez! Seigneur, donnez le repos! Amen.
Le Prêtre. — A ceux dont vous avez rappelé â vous les âmes.
Seigneur, donnez le repos dans le paradis de la joie, dans
l'éternelle région des vivants, dans la Jérusalem céleste, dans la
36 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
cité bienheureuse. Et nous, voyageurs en ce bas monde, gardez-
nous dans votre foi, accordez-nous votre paix jusqu'à la fin et
conduisez-nous à votre royaume.
Le Peuple . — Amen.
Le Prêtre continuant : Afin qu'en cela aussi, comme en
toute chose, soit glorifié, béni et exalté votre grand et saint
nom, lequel est honoré et béni en toute chose avec Jésus-Christ,
votre Fils unique et le Saint Esprit !
Le Peuple. — Maintenant, comme au commencement, et
dans les siècles des siècles. Amen!
LES PRIERES DE LA FRACTION.
Le Prêtre. — La paix soit avec tous.
Le Peuple. — Et avec votre esprit.
Le Prêtre dit la préface de la fraction : Rendons grâces au
Dieu tout-puissant. Père de notre Seigneur, notre Dieu et Sau-
veur Jésus-Christ, de ce qu'il nous a rendus dignes de nous
tenir debout en ce saint lieu, de lever nos mains vers le ciel et
de servir son saint nom. Supplions-le encore, lui qui est le
tout-puissant, le Seigneur, notre Dieu, de nous rendre dignes
de la participation et de la communion à ses mystères divins et
immortels {il tient riiostie à la main) qui sont le corps sacré,
{il élève l'hostie au-dessus du calice) et le sang précieux de
son Christ. (// fléchit les genoux.)
Le Peuple, s' agenouillant : Nous adorons votre corps sacré
et votre sang précieux ; Seigneur, ayez pitié !
Le Prêtre dit ensuite la prière de la fraction : 0 Seigneur,
Dieu grand et éternel, dont la gloire est admirable; vous, qui
gardez fidèlement votre alliance et vos promesses envers ceux
qui vous aiment de tout leur cœur; vous, qui nous avez délivré
de nos péchés par votre Fils unique, Jésus-Christ , Notre-Sei-
gneur, la vie de tout être; vous, l'appui de ceux qui recourent à
vous, et l'espérance de ceux qui crient vers vous; vous, devant
qui se tiennent des milliers de mille et des millions de millions
d'anges, d'archanges, de chérubins et de séraphins, et la mul-
titude incalculable des Vertus célestes; vous, qui avez sanctifié
ces dons par la descente de votre Saint-Esprit sur eux; purifiez-
LA MESSE COPTE. 37
nous, ô Seigneur, de nos fautes secrètes et de nos péchés appa-
rents; que toute pensée contraire à votre bonté, ô ami du genre
humain, s'éloigne de nous; purifiez nos âmes, nos corps et nos
esprits, afin que, ave(- un cœur pur, une âme illuminée, un vi-
sage sans confusion, une foi sincère, une cliarité parfaite, et une
espérance inébranlable, nous osions avec confiance et sans
crainte nous adresser à vous, Père saint, quiètes au ciel, et vous
dire : Notre Père! {Le peuple récite le PcUer.)
Autre prière de la fraction, dite de saint Marc : Comme
vous nous avez donné la grâce de la filiation par le bain de la
régénération et par la rénovation de TEsprit-Saint, maintenant
rendez-nous dignes de vous invoquer, ô Père, sans feinte, avec
un cœur pur, une intention sincère et des lèvres enflammées, afin
que, laissant de côté la vaine loquacité des nations et l'orgueil
des Juifs, nous puissions vous adresser nos supplications con-
formément à la loi salutaire de votre Fils unique, avec une voix
humble, comme il convient à des chrétiens et avec la pureté de
l'àme, du corps et de l'esprit; afin que nous osions sans crainte
crier vers vous, ô Dieu incréé, sans principe et sans naissance,
Seigneur de tout être. Père saint qui êtes aux cieux, et dire :
Notre Père! etc.
Autre prière de la fraction, dite encore de saint Marc : 0
Dieu, père de la lumière, prince de la vie et source de la con-
naissance, auteur de la grâce, bienfaiteur de iios âmes, trésor de
la sagesse, maître de la pureté, qui daignez agréer les prières
saintes; qui accordez à ceux qui mettent en vous leur confiance
les biens que les Anges souhaitent de voir; qui nous avez tiré
de l'abîme et élevés à la lumière; qui nous avez rappelés de la
mort à la vie et de l'esclavage à la liberté; qui avez converti les
ténèbres de nos erreurs en clarté par l'incarnation de votre Fils
unique, illuminez. Seigneur, les yeux de nos cœurs, donnez-
nous la perfection de la pureté dans nos âmes, dans nos corps
et dans nos esprits, afin que, avec un cœur pur et des lèvres
sans tache nous osions nous adresser à vous, ô Père saint, qui
êtes au ciel, et vous dire : Notre Père, etc..
Autre prière de la fraction : Voici qu'il est présent avec
nous aujourd'hui sur cet autel, Emmanuel, notre Dieu, l'A-
gneau divin, qui porte les péchés du monde entier! Devant
lui, quand sa voix se fait entendre au-dessus de son trône,
38 REVUE DE L ORIENT CHRETIEN.
se tiennent tous les chœurs célestes, les Anges chantent
les hymnes de bénédiction, et les archanges se prosternent,
adorant son nom grand et invisible; les quatre animaux
incorporels entonnent avec transport le trisagion, les vingt-
quatre anciens se lèvent de leurs trônes, ayant sur leurs têtes
vingt-quatre couronnes d'or et en leurs mains vingt-quatre
encensoirs d'or, remplis des prières des saints, qu'ils offrent en
sacrifice à celui qui vit éternellement; les enfants vierges et im-
maculés, qui ont lavé leurs robes dans le sang de l'agneau, au
nombre de cent quarante-quatre mille, bénissent le Seigneur,
disant : Saint, Saint, Saint! Amen! Alléluia!
Saint est Dieu, le Père tout-puissant! Amen! Alléluia!
Saint est son Fils unique, Jésus-Christ, Notre-Seigneur !
Amen! Alléluia!
Saint est l'Esprit-SaintParaclet! Amen! Alléluia!
Sainte et pleine de bénédiction est la iMère de Dieu, Marie, la
Vierge sainte! Amen! Alléluia!
Saint et plein de bénédiction est ce sacrifice, qui a été offert
pour la vie du monde entier. Amen! Alléluia!
Pour cela, notre bon Sauveur s'est écrié disant : Ma chair est
une vraie nourriture, et mon sang est un vrai breuvage; celui
qui mange ma chair et boit mon sang, habitera en moi, et
j'habiterai en lui.
Faites, Seigneur, qu'avec un cœur pur et des lèvres sans ta-
che, avec une âme illuminée et un visage sans confusion, avec
une foi sincère, une charité parfaite et une espérance inébranla-
ble, nous osions avec confiance et sans crainte nous adresser à
vous, ô Père Saint, qui êtes aux cieux, et vous dire : Notre
Père, etc..
Autre oraison pour la fraction : 0 Seigneur Dieu, auteur de
la lumière éternelle, qui nous couronnez de votre foi et nous don-
nez avant même que nous vous demandions, accordez-nous d'o-
pérer des fruits dignes de vous et rendez-nous capables de nous
adresser à vous, ô Père Saint, qui êtes au ciel, et de vous dire :
Notre Père, etc..
Le Prêtre dit les prières après le Pater : Oui, nous vous
conjurons, ô Père saint et bon, qui aimez la bonté, ne nous in-
duisez pas en tentation et que l'iniquité ne puisse point régner
sur nous. Délivrez-nous des œuvres inutiles, détournez-en nos
LA MKSSK COI'TK. 39
pensées et nos sens; chassez le tentateur loin de nous et qu'il ne
puisse nous nuire; refrénez les mouvements qu'il cherche à
exciter en nous; bannissez loin de nous toutes les occasions qui
mènent au péché, et délivrez-nous par votre force sacrée. Par
Jésus-Christ, Notre-Seigneur.
Le Diacre. — Inclinez vos têtes devant le Seigneur.
Le Peuple. — Devant vous, Seigneur.
Le Prêtre récite ensuite roraison suivante, dite de saint
Marc : Les grâces de la bienfaisance de votre Fils unique,
notre Seigneur, notre Dieu et Sauveur, Jésus-Christ ont sura-
bondé! Nous avons confessé sa passion salutaire, nous avons
annoncé sa mort, et nous avons cru à sa résurrection. Ce mystère
est accompli! Nous vous remercions, ô Seigneur Dieu tout-
puissant, de ce que votre miséricorde a été grande sur nous, et
de ce que vous avez préparé pour nous ce que les Anges souhai-
tent de contempler.
Nous supplions et nous conjurons votre bonté, ô ami du genre
humain, purifiez-nous tous, unissez-nous à vous par notre
participation à vos mystères divins; faites que nous soyons
remplis de votre Saint-Esprit et inébranlables dans la foi véri-
table; que soit ardent en notre âme l'amour de votre charité
parfaite, et que nous publiions votre louange en tout temps.
Par Jésus-Christ, Notre-Seigneur.
Le Diacre. — Soyez attentifs devant Dieu avec crainte.
Le Prêtre. — La paix soit avec tous.
Le Peuple. — Et avec votre esprit.
Le I^rétre récite la prière, dite l'absolution du Père : 0 Sei-
gneur, Dieu tout-puissant, médecin de nos âmes, de nos corps
et de nos esprits; 'Vous, qui avez dit à Pierre, notre père, par la
bouche de votre Fils unique, notre Seigneur, notre Dieu et
Sauveur Jésus-Christ : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâti-
rai mon Église, et les portes de l'enfer ne prévaudront pas con-
tre elle. Et je te donnerai les clefs du royaume des cieux, et
tout ce que tu lieras sur la terre sera lié dans les cieux, et tout ce
que tu délieras sur la terre sera délié dans les cieux! ». Que vos
serviteurs, mes pères et mes frères, ainsi que mon humilité,
nous soyons tous absous, par votre Esprit-Saint, ô Seigneur
miséricordieux et ami du genre humain. 0 Dieu, qui effacez
les péchés du monde, daignez agréer le repentir de vos servi-
40 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
teurs; qu'il soit la lumière de leur intelligence et la rémission
de leurs péchés; car vous êtes un Dieu miséricordieux, plein
de clémence et de bonté ! Tout ce que nous avons commis contre
vous par parole ou par action, daignez-nous le pardonner, ô
ami du genre humain.
Absolvez-nous, et absolvez tout votre peuple de tout péché, de
toute malédiction, de toute apostasie, de tout parjure, de toute
communion avec les hérétiques et les gentils. Accordez-nous, ô
notre Roi, l'intelligence du cœur et la force de la volonté, afin que
nous évitions entièrement toutes les œuvres de l'Ennemi ; don-
nez-nous de faire votre volonté en tout temps, inscrivez nos
noms parmi ceux de vos saints dans votre royaume céleste.
Par Jésus-Christ, Notre-Seigneur.
Le Peuple. — Seigneur, ayez pitié! Seigneur, ayez pitié! Sei-
gneur, ayez pitié!
PRIERES AVANT LA COMAIUNION.
Le Prêtre, élevant le spondicon de V hostie, c'est-à-dire, la
parcelle du milieu à la hauteur de la tête et au-dessus du
calice, s'écrie : Les choses saintes aux Saints! Béni est le Sei-
gneur Jésus-Christ, qui a sanctifié ces dons par son Saint-Es-
prit. Amen!
Le Peuple prosterné : Amen! un est le Père Saint! un est
le Fils Saint! un est l'Esprit-Saint. Amen.
Le Prêtre met la parcelle dans le calice, la tenant toujours
entre ses doigts : La paix soit avec tous.
Le Peuple. — Et avec votre esprit.
Le Prêtre signant l'hostie avec la parcelle plongée dans le
calice, dit la sainte confession : Corps sacré et sang précieux
véritable de Jésus-Christ, Fils de notre Dieu. Amen!
Le Peuple. — Amen !
Le Prêtre signant Vintérieur du calice avec la lyiême par-
celle : Saint précieux corps et sang véritable de Jésus-Christ,
Fils de notre Dieu. Amen.
Le Peuple : Amen.
Le Prêtre laissant tomber la parcelle dans le calice : Corps
et sang d'Emmanuel, notre Dieu, le même en vérité. Amen.
LA MESSK COPTE. 41
Le Peuple. — Amen, je crois.
Le Prêtre. — Amen, amen, amen, je crois, je crois, je crois
et je confesse jusqu'au dernier soupir que c'est le corps vivifiant
de votre Fils unique, notre Seigneur, notre Dieu et Sauveur
Jésus-Christ {Il élève la palène contemml le Sacré Corps)', il
l'a pris de notre Dame et Reine, Sainte Marie, Mère de Dieu; il
l'a fait un avec sa divinité sans mélange, sans confusion et
sans changement; il a fait la bonne confession devant Ponce
Pilate; il a livré ce corps pour nous sur l'arbre de la Sainte
Croix par sa seule volonté et pour nous en toute vérité. Je crois
que sa divinité n'a jamais été séparée de son humanité, même
l'espace d'un moment ou d'un clind'œil; il est donné pour nous
comme salut, ainsi que comme rémission des péchés et vie
éternelle à ceux qui participent. Je crois, je crois, je crois que
cela est en vérité. Amen !
Le Diacre. — Amen, amen, amen, je crois, je crois, je crois
que cela est en vérité, amen! Priez pour nous et pour tous les
chrétiens qui nous ont recommandé de nous souvenir d'eux dans
la paix. Que la charité de Jésus-Christ soit avec vous. Chantez.
Le Prêtre embrassant Vautel : Toute gloire, tout honneur et
toute adoration en tout temps sont dus à la Trinité toute sainte,
Père, Fils et Saint-Esprit, maintenant, et toujours, et dans les
siècles des siècles. Amen!
Le Peuple chante le psaume cl : Bénissez le Seigneur dans
tous ses saints. Alléluia! Bénissez-le dans le firmament de sa
vertu. Alléluia!
Bénissez-le pour sa puissance. Alléluia! Bénissez-le pour l'in-
finité de sa grandeur. Alléluia! etc.
Le Prêtre se frappant la poitrine : Daignez, Seigneur, nous
remettre tous nos péchés, soit que nous les ayons commis volon-
tairement ou involontairement, avec science ou par ignorance.
Seigneur, pardonnez-nous toutes nos offenses.
Puis il récite r oraison avant la communion : Rendez-nous
dignes, ô notre roi, de participer à votre saint corps et à votre
précieux sang pour la pureté de nos âmes, de nos corps et de
nos esprits, et pour la rémission de nos péchés et de nos fautes,
afin que nous devenions un même corps et un même esprit avec
vous. Gloire à vous avec votre Père, le Dieu bon, et le Saint-
Esprit, dans l'éternité. Amen!
42 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
Le Prêtre se communie du Corps du Seigneur, disant : Le
corps d'Emmanuel notre Dieu : Amen !
// se communie du calice, disant : Le sang d'Emmanuel,
notre Dieu. Amen!
Ensuite, il communie le peuple, puis il consomme ce qui
reste du saint corps en disant comme il précède : Le corps
d'Emmanuel notre Dieu. Amen!
Enfin, il consomme ce qui reste dans le calice, en disant: Le
corps et le sang d'Emmanuel notre Dieu. Amen!-
LA PRIÈRE d'action DE GRACES APRÈS LA COMMUNION.
Le Prêtre. — La paix soit avec tous.
Le Peuple. — Et avec votre esprit.
Le Prêtre. — Notre bouche a été remplie de joie et notre
langue d'allégresse, à cause de notre participation à vos mys-
tères immortels, 6 Dieu! Car ce que l'œil n'a pas vu, ce que
l'oreille n'a pas entendu, ce que le cœur de l'homme n'a pas
ressenti de ce que vous avez préparé, ôDieu, à ceux qui aiment
votre saint nom, vous l'avez révélé aux petits enfants de votre
Église. Oui, ô Père, il vous a plu ainsi, parce que vous êtes
miséricordieux; et nous vous envoyons dans les hauteurs la
gloire, l'honneur et l'adoration, ô Père avec le Fils et le Saint-
Esprit, maintenant, et toujours, et dans les siècles des siècles.
Amen!
Vos serviteurs, ô Dieu, invoquent votre saint nom et
inclinent leur front devant vous; habitez en eux, marchez au
milieu d'eux, aidez-les dans toute œuvre bonne, élevez leurs
cœurs au-dessus de toute pensée mauvaise et terrestre, faites
qu'ils vivent et que leur vie soit céleste et digne de vous. Par
votre Fils unique, notre Seigneur, notre Dieu et Sauveur Jésus-
Christ, par qui la gloire, l'honneur et l'adoration vous sont dûs
avec Lui et l'Esprit-Saintconsubstantielavec vous, maintenant,
et toujours et dans les siècles des siècles. Amen!
Puis il dit lapiière de la bénédiction ;0 Dieu, sauvez votre
peuple, bénissez votre héritage, paissez votre troupeau et exal-
tez-le éternellement. Conservez-le dans la foi véritable, dans
l'honneur et la gloire, tous les jours de sa vie. Gardez-le dans
la charité qui surpasse toute chose et dans la paix qui est au-
dessus de toute pensée, par les prières et les intercessions de
LA MESSE COI'TE. 43
Notre-Dame et Reine, sainte Marie, mère de Dieu, du saint de
ce jour, de tous les ordres célestes et de tout le chœur des saints.
Amen.
0 Christ, notre Dieu, roi de la paix, donnez-nous votre paix,
confirmez-nous votre paix. A vous la force, la gloire, la béné-
diction et la puissance dans Téternité. Amen.
Allez en paix.
Le Diacre. — La grâce de notre Seigneur, notre Dieu et Sau-
veur Jésus-Christ soit avec vous tous. Allez en paix.
Le Prêtre descend de C autel en récitant le psaume xlvi :
Applaudissez tous; louez le Seigneur avec les voix de l'allé-
gresse; car le Seigneur est élevé et redoutable; il est le grand
roi de toute la terre. Il nous a soumis tous les peuples et il a
placé toutes les nations sous nos pieds. Il nous a choisis pour
son héritage; il a élu la splendeur de Jacob qu'il a aimée.
Dieu! est monté avec allégresse. Dieu s'est élevé au son de
la trompette. Chantez notre Dieu, chantez; chantez notre Roi,
chantez ! Dieu est le Roi de toute la terre, chantez avec intelli-
gence; Dieu a régné sur toutes les nations. Dieu s'est assis sur
son trône sacré. Les princes des peuples se sont réunis avec le
Dieu d'Abraham, parce que les puissants du Seigneur ont été
exaltés sur la terre.
L'ÉRECTION
DU PATRIARCAT DE JÉRUSALEM, 451
L'organisation particulière des Églises au premier siècle est
enveloppée de ténèbres trop épaisses, pour que j'essaye de les
dissiper. Eusèbe nous affirme que la hiérarchie ecclésiastique à
Jérusalem ne fut pas interrompue et il donne à l'appui la liste
complète de ses titulaires. Il en était de même des autres villes
de la Palestine évangélisées de bonne heure et qui se glorifiaient,
pour la plupart, de remonter aux temps apostoliques. Une ques-
tion se présente immédiatement à l'esprit : Jérusalem a-t-elle
jamais exercé les droits de métropole sur les autres sièges épis-
copaux? Les faits, je le répète, sont trop peu nombreux aux pre-
miers âges du christianisme pour élucider ce point si important
de l'organisation épiscopale de l'Église. Jérusalem était considé-
rée comme la mère des autres Églises et jouissait partout à ce
titre d'une considération particulière. Saint Épiphane nous as-
sure que, jusqu'à l'empereur Adrien, les Églises apprenaient
d'elle le jour de Pâques. Nous ne pouvons affirmer rien de plus.
On doit même refuser à Jérusalem le titre de métropole jus-
qu'au concile de Nicée, 325. En effet, depuis l'intervention ro-
maine, Césarée était la vraie capitale administrative de la pro-
vince, et l'Église, pour la division de ses diocèses, n'avait pas la
coutume de s'écarter des circonscriptions territoriales de l'Em-
pire. Enfin quand Jérusalem fut détruite par Titus et mise à
ras de sol, puis rebâtie par Adrien sous le nom d'iEliaCapitolina,
elle n'évoquait plus pour les chrétiens l'image de la Ville Sainte,
mais restait le domaine sacré de Jupiter, le refuge des païens qui
se pressaient dans ses murs. La nouvelle ville si déchue avait
rompu avec son passé, et quand l'évêque Marc, après l'expulsion
l'ÉRKCTION du l'ATUlARCAT DK JKRUSALK.M, 151 . 15
définitive de tous les Juifs de race, conduisit sur les ruines en-
core fumantes du mont Sien sa communauté de chrétiens con-
vertis du paganisme, il n'était plus que le titulaire d'un siège
sans prestige, comme on en comptait Ijeaucoup dans le pays.
Néanmoins, les souvenirs du Christ mourant et de la primitive
Église étaient trop chers au cœur des fidèles, et la chaire de
saint Jacques trop en vénération, pour que l'évèque d'/Elia ne
sortît rapidement de son rang inférieur.
Son titre de siège apostolique lui valut, dès le deuxième siè-
cle, le premier pas après le métropolitain de Césarée. «^ Dans
un synode, tenu au sujet des discussions sur la fête de Pâques
au temps du pape Victor, Théophile de Césarée et Narcisse de
Jérusalem ont exercé la présidence )),nous dit l'historien Eu-
sèbe (1). C'était en l'an 196.
La question ne fit aucun progrès jusqu'au Concile de Nicée.
Les Pères de ce Concile tinrent à remercier publiquement saint
Macaire de Jérusalem du zèle qu'il avait déployé contre les
Ariens. Des difficultés existaient sans doute entre lui et son mé-
tropolitain et motivèrent le septième Canon disciplinaire :
« Comme la coutume et l'ancienne tradition portent que l'évè-
que d'/Elia doit être honoré d'une manière particulière, il doit
suivre immédiatement pour ce qui est de l'honneur, sans pré-
judice cependant de la dignité qui revient à la métropole (2). »
Les volontés du Concile ne sont pas très manifestes dans la ré-
daction tant soit peu obscure de ce Canon, quia donné lieu à
de violentes polémiques. Marca explique ainsi les mots : « iyi-u)
T"r;v ày.oAouGi'av tvjç Tip-ïjç. »
1° Il doit avoir l'honneur de suivre immédiatement les mé-
tropolitains de Rome, d'Alexandrie et d'Antioche;
2" Les derniers mots du Canon signifient que l'on ne doit ce-
pendant pas déroger à la dignité qui revient au métropoli-
tain (3). »
L'opinion de Marca a fait longtemps autorité, et nombre
d'historiens répètent sans raison plausible que le concile de
Nicée a érigé le siège de Jérusalem en patriarcat, sans lui con-
(1) Hist. Ercl., 1. \, cap. 23; P. G., XX, col. 192.
(2) 'EnsiÔYiCTUvriÔEta xîxpâTYjxe y.ai Tcapàooai? àp/aïa wcttî tôv èv Allia. iniGv.ozio'J Tijxà-
ffOai, £-/£Tto Trjv àxo).oy6iav r?;; fijjLr^; tv] [iï]Tp07rô),£'. '7w'o[/.£vou toO oIxeîou àE'.w(j.aTo:.
(3) ]Marca, De concordia Sacerdolil et Irapei'ii, lib. V, cap. .\ii, n° i.
46 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
férer les droits de métropole réservés à Césarée. Disons avec
Bévéridge qu'un patriarche soumis à la juridiction d'un métro-
politain est une monstruosité. L'examen attentif du Canon
prouve d'ailleurs que les Pères de Nicée n'ont voulu innover en
rien, mais simplement confirmer de leur autorité les honneurs
que « la coutume et l'ancienne tradition » attribuaient déjà à
l'évêque d'/Elia.
Il nous reste à examiner les diverses opinions proposées. D'a-
bord il ne saurait être question du titre de métropole. Césarée
l'avait possédé jusqu'à ce jour, elle le garda encore longtemps,
et le concile confirme la tradition par cette clause significative :
« sans préjudice cependant de la dignité qui revient à la métro-
pole. » Tous les auteurs sont de cet avis et Marca lui-même,
qui fait conférer gratuitement à Jérusalem les honneurs du pa-
triarcat, réserve à Césarée les droits de métropole.
Le concile aurait pu enlever Jérusalem à la juridiction de
Césarée en la déclarant autocéphale. Cette seconde supposition
nous paraît également improbable. Le second Concile en 381
mit Constantinople en cet état, mais cette exception est spéciale
à la capitale de l'Empire. L'évêque de Tomes n'avait aussi ni
métropolitain, ni suffragant; mais il était le seul dans sa pro-
vince. On ne saurait trouver en dehors de Constantinople un fait
similaire d'un siège épiscopal, arraché à une métropole pour
devenir autocéphale. La situation de l'évêque de Jérusalem était
fort différente. Si on lui réservait une place d'honneur dans les
Conciles généraux, il n'en assistait pas moins aux conciles pro-
vinciaux de la Palestine, et toujours au second rang. Les évê-
ques de Constantinople ne se soumirent jamais depuis 381 au
métropolitain d'Héraclée. En conséquence, si l'évêque de Jéru-
salem assistait comme membre aux conciles de Palestine, c'est
qu'il y était tenu et continuait à dépendre de Césarée. Les hon-
neurs, dont il jouissait avant le concile de Nicée et que celui-ci
confirme de son autorité suprême, semblent donc indiquer le
second rang clans la province. On objecte qu'au concile d'An-
tioche, en 272, Hyménée de Jérusalem est nommé avant Théoc-
tiste de Césarée et qu'à Nicée saint Macaire signa avant Eusèbe.
Ces signatures que l'on oppose sans cesse ne prouvent absolu-
ment rien, car si l'évêque d'^lia signa avant le métropolitain
de Césarée, deux autres évêques de Palestine le firent également,
l/ÉRECTION DU I'ATUIAU(;AT DE JÉRUSALEM, l.jl. 17
et le métropolitain d'Isauric n'apposa sa signature qu'après celle
de quatre de ses suffragants.
Il est vrai qu'après Nicéo, saint Maxime de Jérusalem a con-
voqué de son propre chef un synode des évoques de la Syrie et
de la Palestine en faveur de saint Athanase (1). Cette initiative
serait blâmable, si elle n'avait été inspirée par des motifs excel-
lents. A cette époque, Acace de Césarée luttait pour Thérésie
arienne, comme Eusèbe son prédécesseur, et il importait de
prémunir les évoques fidèles de la province contre ses idées hé-
térodoxes.
D'ailleurs, à partir de ce jour, les empiétements de Jérusalem
sur les droits de Césarée deviennent si fréquents qu'il est im-
possible de les énumérer tous. Les grandes luttes de saint
Cyrille contre Acace avaient pour mobile le désir d'obtenir le
premier rang autant que des motifs de pure orthodoxie. Sozo-
mène l'avait déjà noté avec une fine pointe d'ironie (2). Dès sa
nomination, dit cet historien, Cyrille revendiqua contre Acace
les droits de métropolitain, parce que Jérusalem était un siège
apostolique; il accusa l'évêque de Césarée de pactiser avec les
Ariens et voulut le faire déposer. Acace averti le prévint, il
accusa à son tour Cyrille d'être semi-arien et d'avoir vendu les
vases sacrés de son église lors d'une famine, puis réunit en
toute hâte quelques évèques de son parti et déposa solennel-
lement son subordonné. Ces diverses accusations, conclut Sozo-
mène, n'étaient que des prétextes masquant le véritable but à
atteindre : la primauté dans la province. Peut-être l'historien
se fait-il ici l'écho de rapports malveillants contre saint Cyrille
qu'il ne ménage pas ordinairement. 11 est certain en effet qu'A-
cace professait les sentiments du pur ariarisme et qu'il les dé-
fendit toute sa vie avec une ténacité peu commune. Les faits
apportés sont pourtant exacts. La déposition de Cyrille par Acace
est citée par Socrate, qui en ignore les motifs (3), et par
Théodoret qui reproduit les raisons de Sozomène (4).
Entre ces deux puissants adversaires s'engagea un duel mortel
qui se termina par la disparition d' Acace en 365 ou 366. Cyrille
(1) Socrate, Hisl. EcxL, lib. II, cap. xxiv; P. G., LYII, col. 2G-2.
(■2) Hisl. Eccl, M., P. G., t. LVII, col. II'JG.
(3) M., P. G., ib., col. 3-24.
(4) Hist. Eccl., M, P. G., t. LA'XXII, col. 1004.
48 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
nomma aussitôt Philouménos pour le remplacer. Le successeur
de Philouménos sur le siège de Césarée, Cyrille le Vieux, fut
également imposé par l'évêque de Jérusalem, Eutychios, un
intrus durant l'exil de saint Cyrille. Ce dernier rétabli nomma
ensuite son neveu Gélase, Jérusalem parvenait peu à peu à ses
fins, en éliminant Césarée de la direction de la province. Cepen-
dant malgré les violences ouvertes et les attaques à main armée
les métropolitains de Césarée maintenaient leur droit dans toute
son intégrité.
A la fm du IV' siècle, la situation était plus critique que
jamais. Un remaniement complet dans l'administration civile
en fut la cause principale. Jusqu'au règne de Valens, la Pales-
tine ne formait qu'une seule province régie par un proconsul
résidant à Césarée. Sous Théodose le Grand, le fractionnement
commencé par Dioclétien était en pleine voie d'exécution. La
Palestine comprenait trois provinces. L'Église suivit comme
autrefois cette division pour délimiter les provinces ecclésias-
tiques. Du coup, Jérusalem fut reléguée au quatrième rang et
vit au-dessus d'elle les métropolitains de Césarée, de Scytho-
polis et de Pétra. Elle ne pouvait se contenter d'une position si
abaissée; ses évoques essayèrent j^er fas et nef as de conquérir
le principal ecclésiastique.
Le successeur de saint Cyrille, Jean, ne semble pas avoir
hérité de ses visées ambitieuses. L'histoire du moins a très peu
de reproches à lui adresser à ce sujet. En 395, Jean de Césarée
nomma un prêtre de Jérusalem, saint Porphyre, au siège de
Gaza, sans même prévenir l'évêque de Jérusalem ; ce qui était
un manquement grave aux saints Canons. Il ne paraît pas
toutefois que Jean de Jérusalem ait protesté. Le synode de
Diospolis en 415 fut présidé par Eulogius, le métropolitain de
Césarée, malgré la présence de Jean. De son exil de Cucuse, où
les lettres d'Eulogius l'avaient consolé, saint Jean Chrysostome
écrivait à ce dernier en 404, en souhaitant que les évêques de
Palestine suivissent aussi ses traces. L'exilé marque assez clai-
rement par diverses expressions qu'il le considérait toujours
comme le métropolitain; et pourtant il était très uni avec Jean
de Jérusalem, un de ses plus ardents partisans,
La seule tentative de Jean pour secouer le joug de Césarée
se rapporte à sa polémique avec saint Jérôme. Aujourd'hui qu'on
l'érection du patpjakcat 1)K .ikiiusalem, 45L 10
examine de sang-froid toutes les pièces du procès, on ne sau-
rait donner tous les torts à l'évèque. Le solitaire de Bethléem
peut en revendiquer une bonne part, et surtout son ami, saint
Épiphane, qui agit avec le même excès de zèle et la même im-
prudence que pour saint Jean Chrysostome. Comme la bonne
entente ne pouvait être rétablie entre Rufin et lui d'une part,
saint Jérôme et saint Epiphane d'autre part, Jean porta la
cause au tribunal de Théophile, patriarche d'Alexandrie. Celui-ci
n'avait pas encore éprouvé la pesanteur des bâtons des moines
anthropomorphites, qui lui firent sentir peu après les hérésies
d'Origène; il était ouvertement favorable au célèbre alexandrin.
Saint Jérôme n'avait pas été prévenu, il se plaignit très haut
et réclama les droits sacrifiés de Césarée. « Quel droit a l'évèque
« d'Alexandrie sur Jérusalem? s'écriait le solitaire. La métro-
pole de la Palestine, c'est Césarée, et celle de tout l'Orient c'est
Antioche. Voilà ce qu'ont réglé les canons de Nicée, dont on
fait tant de bruit. » Nous allons reproduire une partie de sa
lettre à Pammachius, qui est capitale. Jérôme s'adresse à Jean
de Jérusalem et lui dit : « Tu qui régulas quœris ecclesiasticas,
et Nicœni concilii canonibus uteris, et alienos clericos, et cum
suis episcopis commorantes, tibi niteris usurpare: responde
mihi, ad Alexandrinum episcopum Pala3stina quid pertinet?
Ni fallor, hoc ibi (dans les canons de Nicée) decernitur, ut Pa-
lœstina? metropolis Ca^sarea sit ectotius Orientis Antiochia. Aut
igitur, ad Cœsariensem episcopum referre debueras, cui, spreta
communione tua, communicare nos noveras; aut, si procul
expetendum judicium erat, Antiochiam potius littera3 dirigendce.
Sed novi, cur Ca3saream, cur Antiochiam nolueris mittere;
sciebas quid fugeres, quid vitares, maluisti occupatis auribus
molestiam facere, quam debihcm metropolitano tuo honorem
reddere. » Jérôme savait fort bien que Théophile partageait les
sentiments de Jean sur les écrits d'Origène et que l'évèque de
Jérusalem en le choisissant pour souverain juge escomptait un
jugement favorable; il feint de l'ignorer et se place au seul
point de vue canonique. On doit bien reconnaître que sur ce
terrain sa position demeurait inexpugnable. Son insinuation
finale montre surtout à Jean que toutes ses intrigues étaient
percées à jour et qu'au fond il voulait se passer de Césarée.
Prayle, dont le caractère répondait au nom, n'entreprit rien
ORIENT CHRÉTIEN. 4
50 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
de contraire à la juridiction de Césarée. Le dernier assaut fut
livré par Juvénal, assaut terrible qui dura plus de vingt ans et
fut couronné d'un plein succès. Le premier empiétement, d'après
les historiens, fut la nomination de Pierre Aspebet, ancien
cheikh de Bédouins, à l'évêché de Paremboles ou Castra Sar-
racenorum, érigé vers 428. Juvénal ne demanda pas l'autorisa-
tion au métropolitain de Césarée, c'est certain, mais devait-il le
faire? Tillemont, LeQuien, Iléfélé et tous les auteurs en général
pensent que oui, ils ne supposent même pas qu'il put s'en passer.
On nous permettra d'émettre une opinion contraire et de l'établir
rapidement. Nous avons raconté ailleurs (1) l'origine assez sin-
gulière de cet évêché, formé d'une série de campements bé-
douins. Nous avons aussi précisé, autant qu'on peut le faire,
son emplacement entre les monastères de saint Euthyme ou
Khan-el-Ahmar et de saint Théoctiste dans le Ouady ed-Dàbor,
à gauche de la route qui monte de Jéricho à Jérusalem. Parem-
boles se trouvait donc sur le territoire de Jérusalem et relevait
de cette ville. Juvénal devait-il consulter le métropolitain pour
prendre une sorte de coadjuteur, chargé d'instruire et de diriger
les Arabes catholiques? Car, il n'y a pas de doute possible, les
tentes des Bédouins étaient dressées dans le diocèse de Jérusa-
lem et changeaient plusieurs fois de place. S'il était réservé au
métropolitain de dédoubler un évêché de sa propre autorité,
Juvénal a mal fait de ne pas consulter l'évêque de Césarée;
sinon, il a bien agi. Nous pencherions plutôt pour la dernière
hypothèse. Juvénal devait pourtant s'en référer à Césarée pour
la consécration de l'élu, privilège réservé exclusivement à la
métropole. Il n'en fit rien cette fois et nous savons de plus qu'il
ordonna Etienne, disciple de saint Euthyme, évêque deJamnia
près de Japha.
Au concile œcuménique d'Éphèse, en 431, Juvénal crut voir
enfm le couronnement de ses efforts. Il se présenta à la tête de
nombreux évêques, qui soutenaient ses prétentions et lui fai-
saient une escorte d'honneur, toujours prêts à proclamer la lé-
gitimité de ses actes. Par dépit plus que par mauvaise foi, le
patriarche d'Antioche, arrivé en retard, tint avec ses suffra-
gants une sorte de conciliabule, qui comptait annihiler les actes
(1) Le monastère de saint Théocliste et l'évêché de Paremboles. Revue de l'Orient
chrétien, Supplément trimestriel, t. ///, p. 58 à 76.
l'érection du patriarcat I)K .ii':r(;sali:.m, 451. 7>\
du vrai concile présidé par saint Cyrille. L'évêque de Jéru-
salem soutenait le parti de l'orthodoxie et occupait le second
rang. Il ne craignit pas de réclamer dès le début, que révo-
que d'Antioche prêtât obéissance au trône apostolique de Jéru-
salem; car l'ordre et la tradition apostolique confiaient à celui-
ci la mission de régler et de juger le siège d'Antioche (1). On
se demande comment Juvénal pouvait exposer de pareilles
prétentions et sur quels faits anciens il les appuyait. Les actes
du Concile n'en parlent pas, mais la correspondance de saint
Léon avec Maxime, patriarche d'Antioche, dévoile la mauvaise
foi de Juvénal. — A l'aide de fausses pièces, l'évèque de Jéru-
salem tâcha de gagner saint Cyrille et de se faire donner la
suprématie religieuse sur les trois Palestines, la seconde Phé-
nicie et l'Arabie avec le titre de patriarche. Saint Cyrille en
référa à l'autorité du Pontife romain et nous avons la pensée
de saint Léon dans sa lettre à Maxime : « Subripiendi occasio-
nes non praîtermittit ambitio, et quoties ob occurrentes causas
generalis congregatio facta fuerit sacerdotum, difficile est ut
cupiditas improborum non aliquid supra mensuram moliatur
adpetere. Sicut etiam in Ephesina synodo, qufe impium Nes-
torium cum dogmate suo perculit, Juvenalis episcopus ad ob-
tinendum Palaistinae principatum credidit se posse sufficere et
insolentes ausus per co^nmentitia scripta firmare. Quod sanctte
memoria3 Cyrillus, Alexandrinus episcopus, merito perhorres-
cens, scriptis suis mihi, quid pra3dicti cupiditas ausa sit, in-
dicavit et sollicita prece multum poposcit, ut nuUa illicitis
conatibus pra3beretur assensio. Nam cujus epistolœ ad nos
exemplaria direxi'sti sancta3 memoria? Cyrilli, eam in nostro
scrinio requisitam , nos authenticam noveris reperisse (2). »
Juvénal n'avait donc pas hésité à commettre un faux pour sa-
tisfaire son ambition ; la vigilance de saint Cyrille ne lui per-
mit point de voir la réussite de ses projets. On songea un instant
à le séparer de la communion catholique, le président du Con-
cile s'y refusa en alléguant le malheur des temps et le danger
de grossir le nombre des hérétiques. L'évèque de Jérusalem en
effet était décidé à tout pour conquérir ce titre de patriarche
qui l'éblouissait, et son cortège d'évéques l'aurait appuyé dans
(1) Labbe ConciL, t. III, p. 614, Paris 1671.
(2) Epistola, 119, M. P. L., t. LIV, Col. 1044.
52 REVUE DE L ORIENT CHRETIEN.
toutes ses réclamations. Ne voit-on pas en effet dans ce Concile
Saïde, évêque de Phounon et siiffragant de Pétra l'appeler son
arc/tevéque et approuver ce que saint Cyrille et lui avaient dé-
crété, tandis que les autres ne parlent que de saint Cyrille (1)?
Cyrille recula donc devant cette mesure grave et ses con-
frères partagèrent ses vues. Cette condescendance n'alla pas
sans quelque trouble et Gennade, archimandrite d'un couvent
de Constantinople,- se sépara de la communion de son pas-
teur saint Proclus, parce qu'il n'avait pas excommunié Juvé-
nal. Le patriarche d'Alexandrie écrivit en 434 à cet archiman-
drite une lettre courte, pour le réprimander de son zèle
intempestif et lui expliquer la conduite de son évêque ainsi
que la sienne. Ils n'excommuniaient pas Juvénal à cause de sa
foi, mais ils étaient loin de le reconnaître pour métropolitain
de la Palestine (2).
Le refus du Concile ne découragea pas la persévérance de
Juvénal. Il tint sa réponse pour non avenue et se mit, une
fois de retour, à consacrer les évêques et à gérer les affaires des
trois provinces, comme s'il était déjà patriarche. La Palestine
ne lui suffisait même pas et nous avons encore la requête de
plusieurs évêques de l'Arabie et de la Phénicie à l'empereur
Théodose II, se plaignant d'avoir été ordonnés par Juvénal au
mépris des saints Canons et des droits d'Antioche. Ces faits
étaient antérieurs au Concile d'Éphèse de 431. Les intéressés
n'en avaient pas parlé, afin de ne pas mêler des questions per-
sonnelles au bien général de l'Église, disent-ils eux-mêmes (3).
Il semble plutôt qu'ils révèlent ces usurpations de Juvénal,
pour excuser leur propre défection et celle du patriarche Jean
d'Antioche au concile d'Éphèse. Comment pouvait-on leur re-
procher de s'être séparés de Cyrille, alors que celui-ci semblait
autoriser par sa prudence extrême les menées ambitieuses de
Juvénal? Qu'on retranche d'abord Juvénal du sein de l'Église et
l'on s'entendra facilement sur l'erreur de Nestorius !
Le brigandage d'Éphèse en 449 devait servir autrement les
intérêts cupides de Juvénal. Par politique, il se jeta dans le
(1) Labbe Concil., t. III, p. 482.
(2) .S'. CyriUi Epistola, 44, M.P.G., t. LXXVII, col. 319.
(3) Labbe Concil., t. III, p. 728.
l'érection du l'ATItlAUCAT DK .IKIlUSALK.M, 451. 7)3
parti <le Dioscore, contribua par sa présence et son consente-
ment tacite au meurtre de saint Flavien et n'-ussit, à force d'in-
trigues et d'habiletés, à faire signer par les évoques fidèles le
blanc-seing qui absolvait Eutychès. La récompense de ses ma-
nœuvres fut le titre de patriarche et la juridiction sur les trois
Palestines, la Phénicie et l'Arabie, dont l'empereur Thé'jdose II
le gratifia par un abus de pouvoir. Il s'arrogea la première
place, après Dioscore et le légat du Pape, avant Domnus , pa-
triarche d'Antioche et son ancien clerc au monastère de saint
Euthyme, Flavien de Constantinople et d'autres qui pouvaient
revendiquer la préséance. Un des évèques qui l'accompagnaient,
Alype de Bacatha, déclara Eutychès absous suivant le décret
de Juvénal, noire saint archevêque.
Deux ans après, à Chalcédoine, les rôles étaient changés.
Juvénal et Dioscore, appelés à la barre du Concile, avaient à
se disculper de leurs violences et de leurs perfidies. Dioscore,
le brutal, persévéra dans ses erreurs, fit l'apologie de ses actes
et se vit déposer. L'habile Juvénal reconnut sa faute, en obtint
le pardon, siégea au Concile et lui demanda de ratifier la déci-
sion de Théodose IL Pressé d'en finir avec ces débats intermi-
nables, et craignant de tout perdre s'il résistait à cet adversaire
intrigant, Maxime d'Antioche entra en pourparlers avec lui.
Trois commissaires impériaux assistaient aux conférences. Le
21 octobre 451, à la septième session du Concile, ils deman-
dèrent aux deux évèques de notifier au Concile les résolutions
arrêtées, pour obtenir la confirmation des Pères et des Em-
pereurs. Maxime répondit qu' « après de longues contestations,
il s'était entendu avec Juvénal pour que le siège de saint Pierre
à Antioche eût les deux Phénicies et l'Arabie, et pour que le siège
de Jérusalem eût les trois Palestines sous sa dépendance. On
demandait au Synode de ratifier par écrit ce traité. » Juvénal
accepta la reconnaissance authentique du Concile pour les trois
Palestines, et tous les évèques, à commencer par les légats,
ratifièrent cette décision.
Cinq jours plus tard, le 31 octobre, on revint sur cette af-
faire dans la quatorzième session. Avec l'appui des légats du
Pape, on prit la résolution suivante : « Les deux Phénicies,
de même que l'Arabie, font retour au siège d'Antioche; par
contre, les trois provinces de la Palestine appartiendront au
54 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
siège de Jérusalem ». Les Actes du Concile rapportent ainsi la
décision des légats : « Per placitum igitur Maximi, sanctissimi
Antiochensium civitatis episcopi, et Juvenalis, sanctissimi
Hierosolymorum episcopi, facta consensio , sicut utriusque at-
testatio declaravit, firma etiam per nostrum decretum et sen-
tentiam sancti concilii in omni tempore permanebit, hoc est,
ut Maximus quidem sanctissimus episcopus, seu Antiochensium
sanctissima ecclesia, duas Phœnices et Arabiam sub propria
habeatpotestate; Juvenalis autem sanctissimus Hierosolymorum
episcopus, seu sanctissima Ecclesia qua3 sub eo est, très Pahes-
tinas itidem sub propria habeat potestate; vacantibus scilicet
secundum jussionem et religiosissimi principis omnibus rébus,
et quocunque modo sacris ab utraque parte litteris impetratis,
insuper et mulctatione qua3 in eis hujus rei causa noscitur con-
tineri. )> Les légats avaient auparavant approuvé et confirmé
le traité par cette clause significative « Ad hoc autem et nos-
traî humilitatis interlocutione firmentur, ut nulla in posterum
de hac causa contentio pra^dictis ecclesiis relinquatur. »
Les débats étaient clos par la confirmation solennelle et défi-
nitive des prétentions de Juvénal. Quant au métropolitain de
Césarée, représenté par l'évêque de Minois, personne ne songea
à prendre sa défense. Diverses causes s'opposèrent à la réalisa-
tion immédiate de la décision du Concile. Lorsque Juvénal re-
vint à Jérusalem, il trouva la chaire de saint Jacques occupée
par un moine égyptien, le monophysite Théodose, qui s'y main-
tint 20 mois, 451-453. Enfin les troupes impériales l'aidèrent à
se débarrasser de l'intrus. Il réunit aussitôt un concile, où s'as-
semblèrent les évêques des trois provinces, notifia les décrets
de Chalcédoine et tous y apposèrent leur signature. Le métro-
politain de Césarée, Irénée, ratifia lui-même cette décision qui
le dépouillait de son pouvoir et accepta le fait accompli. 11 n'en
fut pas de même du patriarche d'Antioche. Les légats n'étaient
pas encore de retour à Rome, qu'il se plaignait à saint Léon de
Juvénal qui lui avait dérobé trois provinces et de la complai-
sance des légats pontificaux envers son adversaire. Le Pape le
maintint dans ses droits antérieurs et cassa tout ce que ses
légats auraient pu décréter ou permettre de contraire aux canons
de Nicée qui établissaient Césarée, métropole de la Palestine et
Antioche de tout l'Orient : « Si quid sane ab his fratribus quos
l'érection du l'ATHIARCAT DE .lÉRLSALE.M, 151. ÔTj
ad sanctam synodum vice mea misi, prjuter id quod ad causam
fidei pertinebat gestum esse perliibetur, nullius erit penitus
firmitatis : quia ad hoc taiilum ab apostolica sunt sede directi,
ut excisis liicresibus, catliolica' fidei essent defensores. Quidquid
enim praster spéciales causas synodalium conciliorum ad exa-
men episcopale defertur, potest aliquam dijudicandi Iiabere ra-
tionem, si nihil de eo est a sanctis Patribus apud Nica-ani defi-
nitum. Nam quod ab illoruni regulis et constitutione discordât,
apostolicaî sedis numquam poterit obtinere consensum (1). »
« Nous ne voyons pas cependant, ajouterons-nous avec Tille-
mont, que ni Maxime, ni saint Léon, ni leurs successeurs, aient
rien entrepris contre cette élévation de FÉglise de Jérusalem :
et ses évesques ont toujours depuis joui paisiblement de la
dignité patriarcale que Juvénal lui avait acquise. L'évesque de
Césarée conserva le titre et le rang de métropolitain, mais avec
peu d'exercice, puisqu'on voit que celui de Jérusalem ordonnait
les évesques de sa province (2) . »
En 451, le patriarcat de Jérusalem était donc constitué défini-
tivement. Son titulaire devait choisir et ordonner les métropo-
litains inférieurs de Césarée, de Scythopolis et de Pétra, ainsi
que les évoques de la première Palestine. Césarée demeurait
toujours la métropole de cette province et le souvenir de son
ancienne suprématie lui valut le second rang dans le patriarcat.
Cet état de choses est encore en vigueur de nos jours, sauf que
Jérusalem s'est encore attribué quelques sièges de l'Arabie et
de la Phénicie maritime.
Le patriarcat de la Palestine s'étendait sur une longueur
d'environ GOO kilomètres sur 90 à 100 de largeur. Il avait pour
limites : au Nord, une ligne imaginaire partant du Carmel
pour rejoindre le lac Mérom, aujourcVhui Bah r-el-Hou lé ;
A l'Est, la chaîne de montagnes qui clôt la plaine du Jour-
dain et la route de la Mecque pour la seconde Palestine;
Au Norcl-Est, l'Arnon, qui séparait la troisième Palestine de
la province arabique avec Bostra pour métropole ;
Au Sud, la province égyptienne de l'Augustamnique à la-
quelle appartenait Rhinocolure ;
A l'Ouest, la grande mer ou Méditerranée.
(1) Saint Léon, eod. loc, col. lolô.
{2) Mémoires pour servira l'histoire ecclésiastique, t. XV, p. :205, Paris, 1711.
56 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
Il comprenait environ 60 sièges épiscopaux, répartis de la
sorte entre les trois provinces :
1. Jérusalem, siège du patriarcat.
PALESTINE PREMIÈRE.
2. Césarée : aujourd'hui Kaisarié, métropole.
3. Amathonte : Amaté de l'autre côté du Jourdain, vis-à-vis Xaplouse.
4. Anthédon : Nezlc', près de Gaza.
5. Antipatris : lias el-A'in?
6. Archélaïs : Khivbet-el-Arakah, entre Jéricho et Phasaélis.
7. Ascalon : Askalan.
8. Azot cavalière : Esdoud.
9. Azot maritime : Mînet-el-Kalâa.
10. Béthélie : Bet-Lahia, au nord de Gaza.
11. Dioclétianopolis, non identifié.
12. Dora : Tantoura, au nord de Césarée.
13. Éleuthéropolis : Bet-Djibrin.
14. Gaza : Ghazzé.
15. Gadara ou Gédour : Tell-Djézer, près d'x\moas.
16. Gérara ou le Sait géraritique : Oum-Djarrar, au sud de Gaza.
17. Jamnia : Jehna, au sud de Japha.
18. Jéricho : Er-Biha.
19. Joppé : Japha.
20. Livias : Tell-er-Ramé, de l'autre côté du Jourdain, vis-à-vis Jéricho.
21. Lydda, Diospolis ou Georgiopolis : EI-Loudd.
22. Majuma d'Ascalon.
23. Majuma de Gaza ou Constantiachis : El-Mtné.
24. Minoïs ou Madébéna, près de Gaza,
25. Néapolis ou Sichem : Naboulous.
26. Nicopolis : Amoas.
27. Paremboles ou Castra Sarracenorum, entre le Khân el-Ahmar et le
Ouady-ed-Dabor, à droite de la route de Jérusalem à Jéricho.
28. Raphia : Tell-Bifah, au sud de Gaza.
29. Sariphsea : Sarfend, entre Dora et Caïpha ou Es-Safirié, près Lydda.
30. Sébaste ou Samarie : Sêbnstié.
31. Sozousa ou ApoUonias : Arsouf, au nord de Japha.
32. Sycamazon, district de Sycaminon ou Caïpha avec lequel on le confond
toujours, se trouve entre Rhinocolure et Raphia,
33. Zabulon : Abellin, près de Chefr-Amr.
D'autres noms cités parfois comme Ono : Kafr-Ana, près de
Lydda, Toxos, Tricomias : Terkoumic, près d'Hébronet Penta-
comias : Fandacoumié, au-dessus de Sébaste, n'ont jamais été
des sièges épiscopaux. ■
PALESTINE SECONDE.
34. ScythopoUs : Beisa^i, métropole.
l'kkection Dr i'A'I'iiiarcat dk jkrusalk.m, 431. 57
35. Abiia : Kefr-Abil, au-dessous do Pella, sur le Ouady-Iahis.
36. Capitolias : Det-er-Ras, de l'autre côté du Jourdain, au-dessus do Irbid.
37. Diocésarco ou Séphoris : Saffourv-, près do Nazareth.
38. Eksalous ou Casaloth : Iksal, entre le 'l'habor et Nazareth.
39. Gabai ou Gabata : Djrbata, jjrôs de Jafla de Nazareth ou Djého,, près
d'Athlit, sur la Méditerranée.
40. Gadara : Moukeix.
41. Hélénopolis, non identifié. Ce n'est pas le Thabor, comme plusieurs le
pensent, car dans une liste épiscopale les deux noms figurent ensemble.
42. Hippos : Kalat-el-Hosn ou Sousié, sur la rive orientale du lac de ïibé-
riade.
43. Maximianopolis, l'antique Iladad-Kimmon : Roummané, prés de Mageddo.
44. Pella : Tabakat-Faliil, vis-à-vis Beisan.
45. Tibériade : Tabarié.
D'autres noms, cités dans de prétendues listes épiscopales,
n'ont jamais été des sièges épiscopaux. Ce sontClima-Gablanis :
El-Djôlan au-dessous de Nilakomé, Kapar-Kotia : Kafr-Coud
au-dessous de Djennin, Komé-Naïs : probablement Naïm et
Mir : Mérou près de Bet-er-Ras.
PALESTINE TROISIÈME.
46. Pétra : Ouady-Moussa, métropole.
47. Achis : Er-Rasif, entre Bosra d'Edom et Thana.
48. Arad : Tell-Arad, dans le désert d'Hébron, au dessous de Maïn.
49. Aréopolis : Rabba, dans la plaine de Moab.
50. Ariudéla : Gharandel, à l'est d'Achis.
51. Augustopolis : Dhât-Rass?
52. Bacatha, non retrouvé. Une métrocomie de ce nom existait près de Phi-
ladelphie, dans l'Arabie.
53. Ela, sur le golfe de ce nom : Ahaba.
54. Elusa : El-Khalasa, dans le désert de Bersabée.
55. lotaba, évéché bédouin : He de Tiran, au fond du golfe élanitique.
56. Karac-.Moba, Tantique Kir-Moab : El-Kérac.
57. Pharan, évéché transporté au mont Sinaï et devenu autocéphale ,
Khirbet Feiran, dans le ouady de ce nom.
58. Phounon : Khirbet Fenân, dans la gorge de Thana.
59. Zoara ou Ségor : Es-Safié, au sud-ouest de la mer Morte.
Deux autres noms figurent dans certaines listes épiscopales,
sans avoir été des évèchés. Ce sont Bersabée : Bir-es-Séba, la
frontière méridionale de la Palestine et Mampsis, au sud de
Kournoub dans le désert de Siméon.
Cadi-Keuï P. Siméon Yailiié,
des Augustins de r.Assomption.
LETTRE INEDITE
DU R. P. JEAN DE CAMILLIS DE CHIO
SUR LA
MISSION DE LÀ CHIMÈRE
Les renseignements que l'on peut glaner çà et là concernant
La Chimère (1), petit district situé sur la côte occidentale de
l'Albanie, sont rares et peu explicites. D'ailleurs, ce canton
abrupt n'a pas encore été, que nous sachions, l'objet d'une
exploration véritablement sérieuse. Ce que l'on en connaît se
borne à de maigres détails donnés par des voyageurs ou de
simples touristes, qui l'ont aperçu de loin, du pont de quelque
bateau. Se copiant les uns les autres, sans la moindre ver-
gogne, ils ont répété, durant des siècles, les mêmes inexac-
titudes.
Le district de La Chimère était jadis beaucoup plus étendu
et comprenait un nombre considérable de villages; mais, par
suite d'un remaniement administratif déjà ancien, une nota-
ble portion de ce territoire en a été distraite et rattachée au
gouvernement de Delvino; de sorte que, à l'heure actuelle, les
villages chimériotes proprement dits sont réduits à sept,
savoir : La Chimère, Brimades, Paliassa (ou Paliatsa), Vounos,
Pylouri, Coudési et Kiparon, ces quatre derniers habités par
des Albanais (2).
Le bourg de la Chimère, éponyme du canton, compte tout
au plus 800 habitants, et non pas 1.300, comme l'indique la
(1) En grec Xîixatpa, Xi[j.âpa et (fautivenioiit) X£t|;.àppa.
(2) P. Aravantiuos, Xpovaypx^îa xy,; 'Hrtsîpo-j, t. II (Athènes, 185G, 8°), p. 178.
Le R. p. Jkan dk Camillis de (_'hiu ;
d'après le portrait à l'huile conservé au Collège grec de Rome.
lp:ttre inédith du ir. i\ jeax de camilms di-; (,ino. 50
carte de l'ingénieur F. Bianconi (1). On y trouve une école mu-
tuelle fréquentée par une cinquantaine d'élèves.
Drimadès compte environ 800 habitants et possède une
école mutuelle hellénique, fréquentée par une centaine
d'élèves.
Paliassa (ou Paliatsa) a environ 400 habitants. Pas d'école.
Vounos possède environ 800 habitants et une école mutuelle
que fréquentent 80 élèves.
Pylouri compte 200 habitants; Coudési, 200 habitants ; Kipa-
ron, 900 habitants. Aucun de ces trois derniers villages ne
possède d'école (2).
Le D"" Emile Isambert nous apprend (3) que les villages de
La Chimère, « perdus au milieu d'une région de roches
nues et d'inextricables ravins, étonnent le voyageur par la vé-
gétation toute méridionale de leurs petits jardins suspendus,
où l'olivier, l'oranger, le citronnier et même le palmier crois-
sent à l'abri des précipices. On y trouve une population
active, intelligente, plus intéressée que véritablement inhospi-
talière, qui s'est enrichie en s'expatriant et en se mettant en
service dans les grandes villes de l'Orient. Ils se livrent au
commerce, et presque chaque bourgade a son échelle sur la
mer et sa flottille de caïques tirée sur le sable. Aussi trouve-
t-on, dans ces populeux villages, une abondance et même re-
lativement un confortable qu'on chercherait vainement dans
l'intérieur du pays ».
Le voyageur Jean Cotovic raconte (4) que ce fut en L590,
date à laquelle il se trouvait à Corfou, que les Chimériotes,
qui avaient jusqu'alors vécu indépendants, se virent contraints
de faire leur soumission aux Turcs. Décimés par la peste et la
famine, ces infortunés montagnards voulurent se rendre à
Corfou, selon leur habitude, pour y acheter des vivres; par
malheur, les autorités vénitiennes non seulement leur en re-
fusèrent, mais encore leur interdirent l'entrée du port et les
firent pourchasser par leurs galères. Un décret fut même
(1) Carte iV Albanie et cVÊpire, 4<= édition (Paris, Chaix, 1888, 4o).
(i) 'EnETTipt; ToO èv KII. -ii-î'.pwrixoù oi),*xua'.Oc'JTticoO aviXXôyou, eto; [i . 1873-18(4
Kn. 1875, 4°j, p. 190.
(3) Itinéraire de l'Orient (Paris, Hachette, 1873, 8"), p. 853.
(4) Ilinerariumhierosolymitanum et syriacum (Anvers, 161.9, 4°), p. 55- '20.
60 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
rendu qui défendait, sous peine de mort, aux habitants de
Corfou d'accueillir un Chimériote dans l'île. Aussi impitoya-
blement repoussés, les Cliimériotes durent, bon gré mal gré,
se soumettre aux Turcs; ils leur donnèrent des otages et con-
clurent, avec le gouverneur de l'Épire, un traité en vertu du-
quel il leur était permis de pénétrer, sans avoir de vexations à
craindre, sur le territoire ottoman pour s'y procurer des sub-
sistances.
Hâtons-nous d'ajouter que, pendant de nombreuses années,
cette soumission, imposée par les circonstances, fut plutôt no-
minale que réelle (1).
Au dix-septième siècle, la Congrégation de la Propagande
s'occupa d'évangéliser les agrestes populations de La Chimère.
Elle choisissait généralement ses missionnaires parmi les
élèves du Collège grec de Rome. Plusieurs d'entre eux sont
bien connus. Citons Néophyte Rhodinos (2), Arcadius Stani-
las (3), qui devint évêque de Musachia et Spatia, et Jean de
Camillis, auteur du document que nous publions plus loin. De
temps à autre, ces missionnaires envoyaient à la Propagande
des relations détaillées sur la situation du pays qu'ils étaient
chargés d'administrer spirituellement. Ces précieux documents
sont malheureusement d'un accès difficile ou, pour parler
d'une façon plus exacte, inabordables. Enfouis dans les cartons
des Archives de la Propagande, ils attendent que Sa Sainteté
Léon XIII daigne autoriser les travailleurs consciencieux à
les compulser. Puisse le vénérable pontife, qui a déjà tant
fait pour l'avancement des sciences historiques, accorder cette
autorisation! Elle rendrait, en particulier, un éminent service
aux érudits qui s'occupent des pays grecs ou albanais, concer-
(1) Ce fut seulement en 1798 que les Chimériotes furent réduits à l'obéissance
par le fameux Ali de Tébélen, pacha de Janina. Voir Sp. Aravantinos, 'laxopia
'AlYi Uxaa. xoù TeTreXev).^ (Athènes, 1895, 8»), p. 95-97.
(2) Voir la notice que nous lui avons consacrée dans notre Bibliographie hellé-
nique du XVIP siècle, t. III, p. 289-302.
^3) Jean-André (prénoms baptismaux), plus tard Arcadius (prénom épiscopal)
Stanilas était Cretois. Fils de Jean Stanilas et d'Anne Andronicos, il entra au
Collège grec, le l^"" août 1655, avec dispense d'âge, car il avait alors dix-neuf ans.
Ordonné prêtre, le 2 mars 1659, il quitta le Collège, le 2 juin 1660, et fut envoyé
dans les missions de Grèce (Archives du Collège grec de Rome, t. XIY, f. 23). Il
vivait encore en 1690.
LETTRE INÉDITE DU U. P. JEAN DE CA.MILLl.S DE illlu. 01
nant lesquels les documents sont si rares, surtout pour les trois
derniers siècles.
Tout en souhaitant la réalisation de ce vœu, nous croyons
utile de publier une lettre écrite de Drimadès, en IGOiS, par
Jean de Camillis et adressée au recteur du Collège grec de
Rome. On y trouve quelques particularités curieuses sur la
population de La Chimère, que ce prêtre avait reçu mission
d'évangéliser.
Mais, avant de publier ce document, on nous permettra de
consacrer à son auteur une courte notice.
Jean de Camillis, fils de Stamatis de Camillis et de Pluma
Maïnerio, naquit à Chio, le 7 décembre 1641 (1). 11 entra au
Collège grec de Rome, le 26 mars 1656, et présenta, lors de son
admission, le certificat ci-dessous, dont nous respectons l'or-
thographe fantaisiste :
G~'qkz y.y). àcpso'xaT?;.; XpicTcD è%XX"/i(7iocç(2)y,al7:a(7iç ti;;ï7,S'j[j.£vi:;tov opOs-
Si^wv "/pt(7Tiav(Jv, ty;v àyia cyç yr^px àa-yZdiixxi èyôj va-ivw; Izpix^
— {;j.(i)v, zapay.aAwvTaç Tov ;x::avTso{v3:;j.wv 1[j.mv I-^o-cuv Xpi7-::v va T'r; zix-
çuXâiTTY; «7:0 Trav-wç ky^po^ tIç •/;[j.bv y.af^oKr^'A'.q y.al àKOffTCAA-^y.ol; ivSkr,-
ciy.q, o(o(j)[j.£v ayq îr^aiv xo) tcwç à6a--"(^aa kyo) o Ta-^iva)? oojXo^ ax: -:bv
'Iwavvrjv -Ï2V Iwv Tou ^TXitÀx-Q NT£"/.a[;/riÀ'/) elq -o) [j,wvaff'i'/^pto)v t1; 0sc-
-ôy.cu -ziq iv zr, ôsai tou zaXeoy.ào-tpo'j ôvo[;.a!^tô[j.aiviç 0^iyr,-p'.xq, '.[j.ipx
GCtôaTOi 1641 o2y,at8p'Io'j 7, xal It^*/] ffaç -bv jj-apT-Zipo) ypr,G-riX'nir/ pwij.sov,
y.al à avâco)^w; «j-ou [;.. Msvl^ ^wsr^ETOç, îl;; cVo*/;^iv TcavTC; tou zpe-
aSr^Tspt'o'j ao'j t"^^ £v XpiaTW "^[j.wv àosX'^onr^TOç.
•f Upsùç 2l!''iAa)v FaX^TOuXaç XiÔtiç '.TroYpisw ;-'-c to '.'oto)v yipr,.
(1) Cette date est donnée par le Registre d'entrées (Arcli. du Coll. groc t. XIV,
f. 24) comme étant celle de la naissance de Jean de Camillis; mais, comme on le
voit par l'acte grec publié ici même, c'est en réalité la date à laquelle l'enfant
reçut le baptême, lequel, d'après l'usage de l'église grecque, n'est souvent admi-
nistré que plusieurs mois après la naissance.
(2) L'accentuation de ce document est fort défectueuse. Nous n'y avons rien
changé.
62 REVUE DE l'orient CHRETIEN.
Noi, Andréa Soffiano, per grazia d'Iddio e délia santa Sede
Apostolica vescovo di Scio, facciamo fede qualmenteil soprano-
minato sacerdote Simeone, il quale ha battezzato Gio. figliolo
de Camili fù et è sacerdote di rito greco di buona fama e con-
dittione, e tra gl' altri parochi approbato dall' illustrissimo suo
metropolita, aile cui attestationi e sottoscrittioni si puote iiidu-
bitamente dar piena fede, ovunque capitarano qiieste nostre.
Dato in Scio, 11 17 febraro 1653.
Loco t sigilli. ANDREA, vesc. di Scio.
Nicolaus de Porte, notarius et cancellarius.
{Au dos :) Fede del battesimo di Gio. de Camilli da Scio (1).
Jean de Camillis fut ordonné prêtre au Collège grec, à l'âge
de vingt-cinq ans (2), et y obtint, le 12 octobre 1668, son di-
plôme de docteur en philosophie et en théologie (3). 11 quitta
l'établissement, le 15 octobre 1668, et fut envoyé par la Pro-
pagande évangéliser le canton de La Chimère (4). Après y
avoir passé quelques années, il retourna à Rome et fut nommé
procureur général des moines basiliens de toute la Russie (5).
Ce fut sans doute alors que, devenu moine, il échangea son
prénom de Jean contre celui de Joseph.
Sur les instances de Cyprien Zochowski, métropolitain uni
de Kiev et de toute la Russie, Joseph de Camillis obtint du
pape Innocent XI une charge viagère de scribe à la Vaticane (6).
Il reste une trace au moins de son passage dans cette célèbre
bibliothèque; c'est la fin d'un inventaire des manuscrits grecs
de la Palatine, lequel est ainsi intitulé : Inventarium graeco-
rum codicum manu scriptorum Bibliothecae Palatino-Vati-
canae inceptum a Josepho de Juliis et finitum a P. Josepho
(1) Archives de Collège grec, t. XIV, f.24; et t. VII, f. 152.
(2) Nicolas Nilles, Symbolae ad Ulustrandam hisloriam ecclesiae orientalis in terris
Coronae S. Stephani (Innsbruck, 1885, 8°), t. II, p. 855.
(3) Archives du Collège grec, t. III (non folioté). Il n'existe pas de diplôme spécial
au nom de Jean de Camillis, mais un diplôme intitulé Privilégia deW addotto-
ramento di Ferdinando Rizzi e Gio. Camilli, et dans lequel figure le nom du
premier seulement. Faut-il en conclure que la soutenance des deux candidats
porta sur les mêmes matières?
(4) Archives du Collège grec, t. XIV, f. 24.
(5) Nicolas Nilles, op. laud., t. II, p. 856.
(6) Nicolas Nilles, op. laud., t. II, p. 856.
LETTIIK INEDITE DU li. P. JEAN DE CA.MILLIS DE Cillu. 03
de Camillis, scriplorihus r/raecis, sub iUustrissimo domino
Emanuele a Schclstraie, liibliothecae Vaticanae praefecto (1).
Dans la suite, Joseph de Camillis fut promu évêque de Sébaste
in partibus, puis nommé évêque de Munk/ics, en Hongrie, où
il fut installé le 20 avril 1690 (2). Il mourut en 1706 (3).
Il publia un ouvrage en italien intitulé La Vita divina
rltrovata frà terniini del Tutto e del Nu/ fa (Rome, 1677,
in-8");iira dédié à Cyprien Zochowski, métropolitain uni de
Kiev et de toute la Russie, lequel avait été son condisciple au
Collège grec (4). Il avait, en outre, composé six autres ouvrages
en grec, qui étaient prêts pour l'impression (5).
Notons, pour finir, une particularité qui intéresse tout spé-
cialement notre pays. Dans le manuscrit 38-21 de la biblio-
thèque du Chapitre de Tolède, on trouve, à la page 27, en
lettres rouges, sur fond d'or et avec de nombreux ornements :
Epistola Dom. II post Pasch. in canonizatione S. Francisai
de Sales, episc. Genev., celebrata pei^ SS. in Christo pafrem
et d. n. Alexandrum VII, pont. opt. max. pontificatus siii
an. XI, a d. loanne de Camillis Chio, coll. gra3C. alumno, de-
cantata, anno Domini MDCLXV, XIX aprilis (6).
II
Voici maintenant la lettre de Jean de Camillis au recteur
du Collège grec de Rome :
(l)Curzio Mazzi, Leone Allacci e la Palatina di Heidelberg (Bolojj:ne, 1893, 8"),
p. 163, note 5. — Dans une supplique adressée au pape Benoît XIII, Michel de Ca-
millis, neveu de Jean (Joseph) de Camillis, nous apprend que son oncle fut,
pendant dix-huit ans, scribe delà Vaticane (Arch. du Collège grec, t. VI, f. 282).
D'après le même clocument, Antoine de Camillis, évêque de Milo, était frère
de Jean (Joseph).
(2) Nicolas Nilles, op. laud., t. Il, p. 854.
(3) Dans le document cité plus haut (note 2), Michel de Camillis affirme que
son oncle, étant évêque de Munkâcs, « converti alla santa fede quatrocento vilagi
in circa con haver soferto varie persecutioni dalli Greci scismatici con iiericolo
délia propria vita, volendo sino incendiarli la propria abitatione ■>.
(4) Une description plus ample de ce rarissime ouvrage se trouve dans le tome Y
de notre Bibliographie hellénique du AT//" siècle, lequel sera très prochaine-
ment mis sous presse.
(5) Nicolas Nilles, op. laud., t. II, p. 856.
(6) Charles Graux et Albert IMartin, Notices sommaires des mss. ffre:s d'Espa-
gne et de Portugal (Paris, 1892, 8"), p. 260.
64 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
Molto revereiido Padre e padrone mio osservandissimo,
Alli 20 di maggio, primo giorno délia santissima Pentecoste,
arrivai a Drimades, per gratia del Signore, sano e salvo senza
alcun sinistro incontro per la strada, con tulto che questo mare
sia al présente molto infestato da corsali, dove fui con gran
carità et amore accolto dall' illustrissimo monsignore Arcadio
Stanilla et allogiato in sua casa, la quale, ancor che sia délia
persona più principale di questa terra, non consiste in più
che in una sol caméra vecchia e si ruinata che in fmo li scar-
pinelli di Roma haverebbero vergogna d'habitarvi . In essa vi
dorme il monsignore, io et il padrone su il pavimento. Hà per
anticamera un cortiletto largo non più d'una canna, il quale,
la notte, serve per habitatione de bovi et, il giorno, délie gal-
line. Io, a dirgli il vero, in questo poco tempo che sono stato
col monsignore per le cose che vidi, ho assai amirato la sua
patienza e virtù. Apena egli è levato la matina a bon hora
che comincia ad empirsi la sua casa di gente, la quale a
lui corre non per portargli mai alcuna cosa in dono, o pre
passare con lui termini d'amicitia e di creanza, ma solo per
tribularlo e per chiederli chi una cosa e chi un altra. Il po-
vero monsignore, con tutto che habbia assai da fare per es-
sere molto inclinato allô studio et alla fatica literale, e per
avère alcune opère assai dotte et utili da stampare per le
mani, lascia quello che molto desidera di fare per dar' orec-
chie alla gente importuna e renderli sodisfatti ; di quella poca
provisione che la Sagra Congregatione gli manda, pochissimo
se ne retiene per se, dando il restante agli altri. Io, con la
mia venuta, gli portai cento diciotto scudi et, in termine
d'una settimana, ne distribui più di ottanta, parte in dono e
parte in prestito. Ma la gente è cosi barbara et indiscreta
che non riconosce la sua bontà; ma, quello che è pura carità
e cortesia, pensa che sia débite et che non ad altro fine sia
in queste parti venuto che per mantenerle con li suoi denari.
Sono assai malcreati e scostumati, vano scalzi e mezo nudi;
e, per essere il luogo tutto montagnioso e sassoso in modo
che non si trova una cana di terra netta, pochissimo frutti-
fica, per il che la gente è estremamente povera; dal che ne
viene che sono interessatissimi, et, il mezzo più efficace per
moverli a quello che si vuole, è l'intéresse. Molta parte delP
LETTIIK INLIUITK IMJ I!. I'. .lEAX I)K «'A.MILLIS DE CHIM. G.J
anno mangiano pane ô di orzo 6 di miglio; et, al présente,
régna caristia si grande che non si trova a latto ne pane, ne
vino, ma si nodriscono solo di latte, di cascio e d'un poco di
carne.
Sono naturalmente assai generosi et inclinati alla guerra,
dal che ne viene che d'altra cosa magiormente non si delet-
tano che délie armi e che con tutto il mondo, per dir cosi,
sono inimici. Sono inimici con li Latini, sono nemici con li
Turchi, e sono inimici fra di se, in maniera che un casale si per-
guita con Taltro, corne li Christiani si perseguitano con li Tur-
chi ad essi confmanti. E non vi è altro modo per pacificarli che
ô una grandissima somma di denari ô il braccio del Signera
Iddio.
lo, quando arrivai soto Cimara, poco mancô che fossi archi-
bugiato; perché, subito che li Cimarrioti videro la nostra barra,
calarono giù con li moschetti e, se non fussimo fuggiti, c'ha-
verebbero agiustati molto bene, e questo non per inimiciziache
havesserocon noi, ma o per loro bestiale capriccio o, come c'ha
detto un loro sacerdote, per invidia ch' havevano fra di se,
acciô molti non vendessero le loro mercantie, le quali in al-
tro non consistono che in jande (1), e per comprarle ivi era
andata la nostra barca.
Quando in queste parti si seppe il mio arrivo, tutti si ra-
legrarono, e le principali terre di questa provincia mandarono
a cercarmi e cominciarono fra di se a litigare per havermi;
ma poco capitale io fo del loro amore, perché conosco che
hanno poca fermezza nelle loro opère, e temo grandemente
che io ancor non habbia a dire, nel fine délia mia missione,
quello che d. Neofito Rodino, huomo da tutti predicato per
uno dei più dotti e santi che habbia cavato il Coîlegio, disse,
dopo Otto anni di fatica nel coltivar questa gente, cioè che
ho seminato nelF arena, perché li vedo pochissimo inclinati
alla pietà e pochissimo disposti alla virtù et alla sapienza.
La Sagra Congregatione ha promesso di fabricare quanto
prima in questa terra una chiesa et un monasterio, il quale
serva per habitatione de' missionanti; et, accio che la robba
non si perda, sarà necessario che sempre qui manteghino
(1) C'est-à-diro ghiande, glands, valloiiéc
ORIENT CHRÉTIEN.
66 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
uno 0 due missionanti assai bene raccomandati ail' arcives-
covo et alli signori di Corfù, senza l'amicizia delli quali questo
paese non puol mantenersi, corne è, al présente, monsignor
Arcadio, il quale, per questa cagione, fà quelle che vole con
essi, essendo che essi non da altro si movono che o dolla
santità, o dal timoré, o dall' interesse. Il pensiero non v'è
dubio che è assai bono; e, suposto che la Sagra Congregatione
vol' assolutamente mantenere questo luogo, non solamente è
bene metterlo in essecutione, ma è affatto necessario; e, se
non lo faranno, non occorre che pensino di seguitar più
questa missione, perché tutti questi stanno assai quieti e
pacificati per tal promessa e, quando poi non ne vedessero
gl' effetti salirebbero in furia si grande che non lascia-
rebbero più stare in questi luoghi; ma quello che mi dis-
piace è che, fmita che sarà la fabrica, à me ordinaranno che
stii perpetuamente in essa. lo con la Sagra Congregatione
sempre voglio portarmi con somma riverenza et ossequio, ma
vorrei che anch' essa si compiaccia di dare anche a me questo
gusto, il quale altro non è che concedermi dopo il corso di
questi tre anni la libertà d'andare dove voglio, massime che
questo per altro non si deve, et io per altro non lo desidero che
per servirla con gusto molto maggiore.
Con tutto che ci siano li mali in questa provincia, non
mancano pero anche li suoi béni. Hanno anche questi béni
da essere invidiati da moltissime parti del mondo. Quanto
al naturale, l'aria di questi luoghi è perfetissima, l'acque
eccelentissime e li frutti di molta perfettione, benchè assai
pochi per essere luogo tutto pietroso. La gente è generosis-
sima e molto capace per riuscire in ogni cosa. Se non ot-
timi, almeno boni, et intanto régna in essi, al présente, tanta
inciviltà e barbarie, perché non hanno superiori, né governo,
né coltura di sorte alcuna e sono in una somma povertà. Quanto
al morale poi, sono di molta semplicità, fideli, massime la
gente di questa terra, e pochissimi sono li vitii che in essi
regnano, et il monsignore m'ha detto che moite volte, fra
cento che confessarà, apena trova tre che habbiano peccato
mortale; per il che più stima egli fà d'un' anima di queste
che di cento d'altre parti.
Questa poca e superficiale notitia io gl' ho voluto dare
LETTIIK INÉDITK DU U. I'. JEAN DE (JA.MILLIS DE CIIIO. 67
per adesso, sapendo clio note non gli sono, accio vedano
quale è quello che qui si patisce da noi, e qualc è il luogo clie
si prese la Sagra Congregatione a coltivare; ma questo non è
niente rispetto a quello che sentira quando il monsignore li
mandarà una compita relatione di tutte le cose che succes-
sero dal principio che si coniinciô questa missione, che in ha
promesse assolutamente di tare quanto prima per darmi gusto.
E, per questa cagione, io non voglio più scrivergli altro,
acciô che la relatione che poi gli mandaro non gli sia
vecchia e tediosa; ma solo la supplico che si voglio ricor-
dare di me e che preghi il Signore Iddio acciô si degni
concedermi patienza, perseveranza e virtù taie che, con
frutto e seconde il suo santo volere, io consumi questi tre
anni di missione.
Li Cimariotti ultimamente c'hanno mandate a scrivere con
preghiere e moite minaccie ch' andassi da loro a far scuola,
ma io restarb in Brimades, perché cosî habiamo giudicato
meglio col monsignore per moite ragioni, e venga quello che
si voglia (1).
Io intanto fmisco baciandogli humilmente le mani, e quello
che haverrà Io scrivero apresso.
Da Brimades, li 13 giugno 1068.
Bi V. Reverenza affetionatissimo et obligatissimo serve,
Giovanni Camillo (2).
Nous devons faire observer que, de toutes les lettres de
Jean de Camillis que nous possédons, celle-ci est la seule ainsi
signée; les autres, de même que le titre de l'ouvrage men-
tionné plus haut, portent de Camillis.
(1) Dans une lettre de monseigneur Arcadius Stanilas, datée de Drimadès,
6 mars 1670, ou lit : « Il signer missionario (il s'agit certainement de Jean de
Camillis) andô in Cimarra a far scuola, perché in Brimades tutti gli scolari par-
tirono da lui, perle scommuniche del vescovo ; ma il simile havorà da succedere
anche in Cimarra ». (Arch. du Collège grec, 1. 1, f. 256.)
{i) Archives du Collège grec de Rome, t. I, f. 268-269.
FRÈRE GRYPHON
ET
LE LIBAN AU XV' SIECLE
Le nom de l'ordre franciscain demeure attaché à tous les es-
sais de restauration catliolique tentés en Orient dans la der-
nière partie du moyen âge. Le royaume latin de Jérusalem
venait de succomber. La lutte ouverte n'était plus possible,
mais on pouvait « reconquérir peu à peu par la douceur et par
d'innombrables sacrifices, sinon la Palestine elle-même, du
moins les sanctuaires qui en font tout le prix aux yeux des chré-
tiens. Pour une mission pareille il fallait un ordre, décidé à s'é-
tablir à Jérusalem, à s'y laisser persécuter, massacrer même,
mais à rester et à y gagner sourdement du terrain. C'est ce qu'ont
fait les franciscains. Ils ont versé leur sang et leur argent à pro-
fusion autour du saint sépulcre, achetant sans cesse le droit de
prier dans des sanctuaires vénérés et se voyant sans cesse ar-
racher ce droit si chèrement payé avec une brutalité et une mau-
vaise foi pleines de cruauté. Rien ne les a lassés. Ils sont morts
par centaines, les uns de misère, les autres sous le fer des Turcs
là où Jésus est mort; mais à mesure que les premiers tom-
baient, il en arrivait de nouveaux; les rangs de cette armée pa-
cifique, qui recevaient sans cesse des blessures sans jamais en
faire elle-même sont toujours restés compacts. Assurément l'on
doit admirer Godefroy de Bouillon et ses compagnons arracliant
des mains des infidèles à travers les flèches et les javelots le
tombeau profané du Christ. Mais peut-être l'héroïsme caché et
FRKRE (illYPIIOX KT LE LIHA.N AU XV'^ SIKOLE. 69
tranquille des franciscains, luttant sans honneur, sans éclat,
mais avec plus de courage encore, pour la même cause, est-il
plus digne d'estime... Si sacrifier sa vie à une folie sublime en
dépit de l'éternelle déception dont il est le jouet, constitue la
véritable dignité de Tliomme, la dernière des croisades, la croi-
sade sans armes des franciscains est la plus belle de toutes et
celle qui mériterait d'être célébrée avec le plus d'émotion ))(1).
A cette croisade, à cette mission, honorables entre toutes, où
il fallait d'abord savoir souffrir et mourir, ils en joignirent
d'autres, non moins glorieuses. Au XV^ siècle — on peut le
dire — on les rencontre sur toutes les routes de l'Asie Anté-
rieure : ils sont au Liban, en Caramanie, à Trébisonde, en Ar-
ménie, en Perse, au pied du Caucase sur les bords de la mer
Caspienne, prêchant, convertissant, tout à la fois explorateurs,
apôtres et diplomates de la cause chrétienne, concluant des
traités à la cour d'Ispahan, ramenant à l'union les dissidents
orientaux, s'efforçant partout de ranimer les dernières étin-
celles de l'esprit des croisades.
Nous voudrions dans les pages suivantes faire revivre la mé-
moire d'un de ces hommes extraordinaires, dont le nom est à
peine connu en dehors de son ordre. Si nous nous décidons à
publier les trop maigres renseignements que nous avons pu
recueillir, c'est dans l'espoir que leur apparition provoquant
des recherches ultérieures soit dans les archives de l'Ordre séra-
phique soit dans les bibliothèques de l'Orient, l'on parviendra
enfin à mettre en relief l'attachante figure du Bienheureux Gry-
phon.
(1) Gabriel Charmes. Revue des deux Mondes, 1881 15 juin p. 772. Comparez ce
passage de VOrbis Seraphicus, (p. 511) : « Ultra quam explicari posset ordini se-
raphico gloriosum quod jam per quinque fere secula Fratres intra Barbares nec
eorum avaritia permoti, nec minis ant verberibus aut carceribus aut martyriis
quaî omnino plurima fiierunt perterriti, potuerint tanta (si dici liceat) cum ma-
jestate permanere >•.
— Pour la biographie de Gryphon nous sommes surtout redevables aux histo-
riens franciscains : Annales de Wadding (.\iv, 128), VOrIns Seraphicus, du P de
Gubernatis, Quaresmius (I, 95), les martyrologes de l'ordre de saint François, etc.
Nous nous contentons d'y renvoyer une lois pour toutes. Les autres sources se-
ront indiquées au fur et à mesure de leur utilisation.
70 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN,
I
Cette appellation de Gryphon (avec les variantes orthogra-
phiques Griffo, Grypho, Griphon) est la seule que nous lui
connaissions, son prénom n'étant nulle part mentionné. Faut-
il y voir une latinisation? Le fait est assez probable, pour cette
époque surtout, à l'aurore de la Renaissance. Peut-être s'appe-
lait-il Grieff ou de Greef. Il a même pu se rattacher à la famille
de ces imprimeurs célèbres, établis à la fin du XV*" siècle dans
les principales villes de l'Europe et qui à Lyon se nommaient
Gryph, Griffio en Italie et Greiff à Hambourg (I).
Son berceau doit certainement être placé dans la partie fla-
mande de la Belgique. Les chroniqueurs l'appellent tantôt
Belga, plus souvent Flander ou cleFlandria. L'annaliste fran-
ciscain Nicolas Glassberger le qualifie de « Theutonicus expar-
tibus inferioribus »; qualification assez facile à justifier, la
plupart des provinces belges (2) relevant à cette époque de l'em-
pire teutonique et ayant pour ce motif longtemps porté la dé-
nomination de Basse Allemagne ou de Germanie inférieure (3).
Seul le P. Arturus dans son Martyrologfum franciscanum
accompagne le nom de Gryphon de cette curieuse note : « Gal-
lus erat natione, patria Flander ». La contradiction est seule-
ment apparente. L'hagiographe franciscain fait sans doute al-
lusion au lien féodal — toujours très faible, qui ne le sait? —
rattachant encore au 15° siècle le comté de Flandre à la cou-
ronne de France (4).
(1) Wadding à la date de 1480 parle d'un autre frère ■< Griphon Slavus >■ mar-
tyr en Ethiopie. Annales, XIV, p. 243, X. On connaît aussi un célèbre médecin
italien « Ambr. Grifus » contemporain de notre Griphon.
(2) Même une partie de la Flandre, appelée Impériale.
(3) Au seizième siècle la bulle de Paul IV (1559), établissant les nouvelles cir-
conscriptions ecclésiastiques des Pays-Bas, désigne ce pays sous le nom de « Ger-
mania inferior » et Papebroch (A .A. S. S. 13 April. II, 156) appelle la langue fla-
mande : « teutonica nostra vulgaris ».
(4) Au dix-septième siècle un confrère du P. Arturus écrivait: « Comitatus Flan-
driœ, utpote nativum Franciœ patrimonium de jure antiquo pertinet ad Gallia-
rum regem : Pharamundus enim, pi-imus Francorum dynastes... illas septentrio-
nales plagas occupasse fertur ». Jiinerarium brève Terrx mncix Fratris Léonard i
du Clou Lemovîcensis, Florence, 1891, p. 76. On pourraitiavec la même facilité ren-
verser la jiroposition; ce serait tout aussi fondé.
FRÈRK (IIIYPIIUX HT LE LIliAX AU XV' SIKCLH. 71
Les chroniques de saint François sont d'une sobriété désespé-
rante pour la période de la vie de notre héros, qui a précédé son
apostolat. Aussi nous est-il impossible de fixer l'année de sa
naissance. En comijinant les diverses données chronologiques,
assez vagues, fournies par les documents, nous croyons devoir
la placer dans les dix premières années du quinzième siècle.
C'est chez les Conventuels qu'il prit l'habit de saint Fran-
çois; nous ignorons également en quelle année. A l'âge de
22 ans il conquit à Paris le grade de docteur et enseigna pen-
dant sept ans en cette Université la théologie, avec un succès
dont sa modestie finit par prendre ombrage. Pour fuir les ap-
plaudissements du monde, il dit adieu à la Sorbonne et à sa
patrie, visita avec dévotion les sanctuaires de Rome et d'Assise
et demanda son admission chez les Observantins d'Italie, pour
vivre au milieu d'eux dans l'obscurité et le silence.
Tout réussit au gré de son humilité. Ses frères eux-mêmes
ignorèrent pendant quelque temps le trésor qu'ils possédaient.
Un jour frère Gryphon assista à une solennelle discussion théo-
logique dans la ville de Mantoue. Voyant que par l'incapacité
du défendant la vérité allait avoir le dessous, l'ancien professeur
de Sorbonne ne put se contenir davantage. Ses explications ra-
virent toute l'assistance et lui apprirent la valeur de l'humble
étranger.
Pour ses supérieurs ce fut une révélation. Aussi exigeant de
lui le sacrifice de ses goûts personnels lui firent-ils accepter
la charge de professeur d'Écriture Sainte. Il s'en acquitta pen-
dant quelque temps avec le plus grand succès (I).
Mais ce n'était pas là ce que Gryphon était venu chercher en
Italie. A l'époque de son admission chez les Observantins, on
s'y entretenait du martyre des Pères Junipérus de Sicile et Jean
de IMantoue, récemment « occis en Hiérusalem pour la Foy de
Jésus-Christ » (2). Les missions de Terre-Sainte avaient toujours
été chères aux enfants de saint François : non seulement à
cause des grands souvenirs qu'elles rappelaient, mais parce
qu'on y vivait dans la menace perpétuelle des prisons, des bas-
tonnades et des vexations de toutes sortes ; et souvent le mar-
(1) « Post navatam non segnom in intorprotandis sacris littoris oporam » P.
Arturus.
(2) Cfr. le Voyage en Terre Sainte du P. Surins franciscain, p. 516.
72 . REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
tyre venait couronner cette vie de souffrances continuelles. Gry-
phon prêtait avidement l'oreille aux nouvelles de Palestine et
enviait le sort de ses frères, engagés dans cette glorieuse arène.
A cette époque on ne parlait, on ne traitait dans toute l'Italie
que de la réunion des dissidents orientaux à l'église romaine.
Le 22 novembre 1439 Eugène III eut la joie de recevoir le ser-
ment de fidélité des envoyés Arméniens. Leur réunion avait
suivi de près celle des Grecs au concile de Florence. Vers ce
même temps arrivait au concile Frère Jean, supérieur des Fran-
ciscains de Beyrouth. Il venait au nom de Jean Al-Gâgî, patriar-
che du mont Liban faire hommage au vicaire de Jésus-Christ,
l'assurer que le chef de la nation maronite acceptait d'avance
toutes les décisions de l'assemblée, réclamer le privilège du
pallium et la confirmation de son élection au siège d'Antioche.
De leur côté les Maronites de Jérusalem avaient envoyé à Flo-
rence le Franciscain Fr. Albert (I).
En 1443 c'était le tour des Jacobites, à la conversion desquels
l'Ordre de St-François prit une part très active (2). Les années
suivantes la suprématie romaine fut reconnue par Etienne, roi
de Bosnie, par les Ghaldéens et les Maronites de Chypre (3). Le
7 août 1445 dans une bulle Eugène IV rendit à Dieu de solen-
nelles actions de grâces pour ces heureux événements (4).
La question des églises orientales était donc alors véritable-
ment à l'ordre du jour. A cause de leurs établissements au Le-
vant les Franciscains, on le comprend, s'en préoccupaient plus
que personne. Aussi le choix de Gryphon fut-il bientôt fixé : il
irait en Palestine travailler à la conversion des dissidents.
III
Vers la fin de 1442 ou dans les premiers 'mois de l'année sui-
(1) Histoire des Maronites (en arabe) par MgrDouwaïhî, publiée par M. R. Char-
tonnî, p. 135. Nous y ferons de fréquents renvois.
(2) Cfr. Orbis Serajjhicus, 514, 515.
(3) Ces derniers engagés dans un schisme temporaire et local.
(4) L'illusion ne fut pas de longue durée à Rome. Dès le commencement du
pontificat de Nicolas V (1447-1455) la curie romaine savait à quoi s'en tenir sur
les dispositions des Grecs. Cfr. Pastor, Geschichte der Pœpste 1, 447-449.
KRÈRK flRYPIlUN 1:T LE LUiA.X AU XV' SIKCLH. l'A
rante, frère Gryphon, débarqua en Palestine. Il commença par
visiter les divers sanctuaires de cette contrée dont il a laissé la
description dans son Itinerarium Terrœ Sanctœ. Sa dévotion
satisfaite il vint se fixera Jérusalem au couvent du mont Sion.
La Ville Sainte était gouvernée au nom d'Al-Malik ad-dàhir,
sultan d'Egypte, par l'émir Tougan al-'Otmânî. Il eut comme
successeur Gars bin Halil (I) et Hosqadim (2), pour ne nom-
mer ici que les émirs qui se remplaçaient dans le gouverne-
ment de Jérusalem pendant le séjour de Gryphon. Au rapport
de Mougîr ad-dîn, le dernier exerça une telle tyrannie que le
sultan dut le destituer.
Le couvent du mont Sion eut beaucoup à souffrir sous .Alalik
ad-dàhir. Ce souverain, un des moins mauvais dans la série des
sultans Circassiens, se montra dur pour les chrétiens (3). On in-
terdit aux Franciscains l'accès du sanctuaire de la dernière
Cène. Les violences allèrent si loin que « les constructions
nouvellement élevées dans le couvent de Sion furent détruites,
le tombeau de David fut retiré d'entre les mains des chrétiens
et on exhuma les ossements des moines qui étaient enterrés
près du tombeau du seigneur David ». Ce fait se passa le 10 juil-
let 1455. Il fallut l'énergique intervention d'Henri IV de Cas-
tille. N'obtenant rien par voie diplomatique, ce prince fit ren-
verser les mosquées dans ses États, l'une après l'autre jusqu'à
ce qu'en 1460 la possession libre du sanctuaire fût rendue aux
Franciscains (4).
En arrivant à Jérusalem, Gryphon y trouve comme Custode
de la Terre Sainte le Père Gandolfe, un Sicilien. Celui-ci ne
tarda pas à être remplacé dans sa charge par Balthasar di S. Ma-
ria délia Marca (5) qui gouverna la Custodie de Terre Sainte de
1446 à 1455. Le couvent du mont Sion était en grande partie
entretenu avec les aumônes des souverains de Gryphon, les
puissants ducs de Bourgogne, qui régnaient alors sur les Pays-
Bas. Ces princes s'étaient toujours distingués par leur libéra-
tité envers les Saints-Lieux, sur lesquels ils exerçaient une
(1) L'historien Sahàwi (Bôulàq, 1896) l'appelle Alfars bin IJalîl.
(i) Sahàwi 6,140,253; Mourir ad-dîn (Sauvaire), 574.
(3) Mougîr ad-dîn, 255; W. Muir, The mamelucke or Slave dynasiy, 154.
(4) Cfr. Das Heili'je Land, 1888, p. 33.
(5) Présenté par le duc de Bourgogne. Cfr. Golubovich, Série cronologka, p. 52.
74 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
sorte de patronage. Ils avaient bâti à Ramlé l'hospice des pè-
lerins et fait restaurer l'église de Bethléem (1).
Ce ne furent pas les seuls souvenirs de la patrie absente que
Gryphon rencontra en Terre Sainte. En aucun pays les pèleri-
nages aux Lieux Saints n'étaient aussi populaires qu'en Belgi-
que. De là l'expression « na Jaffa gaan » aller kJâffa,, qui se-
lon Reland (p. 865) se disait de ceux qui « peregre abierunt
ita ut de reditu desperetur aut de ils qui certo exitio se dant ».
Ce proverbe couramment employé au 14" et 15' siècles témoigne
de l'importance que la Palestine preaait dans les préoccupa-
tions des Flamands de cette époque. Les confréries de Jérusa-
lem — actuellement bien oubliées en Belgique — sont égale-
ment une institution purement néerlandaise. Toutes les grandes
villes en possédaient et la Belgique leur doit encore actuelle-
ment l'existence de nombreuses chapelles du St-Sépulcre. Les
confrères s'appelaient dans l'origine « Palmites, frères de Jéru-
salem ou de la Terre Sainte » plus tard « chevaliers de Jérusa-
lem, chevaliers de Dieu, de Jérusalem et de Ste Catherine ». Ces
confréries avaient leurs chapelles particulières contenant une
représentation ou une reproduction du St-Sépulcre. Dans un
pays où le culte de l'art a toujours été vivant, la peinture inter-
vint fréquemment pour glorifier ces anciens pèlerins. Les égli-
(1) Hans Tucher, pèlerin de 1479 et B. de Breydenbach (en 1483) décrivent les
niagniliques ornements envoyés au mont Sion par les princes bourguignons. Ils
avaient assigné un revenu annuel de lOCKJ ducats - pro fratrum inibi deo famu
lantium sustentatione » Voir aussi Le voyage de la Saincte Cylé de HierusalemiéA.
Scliel'er) pp. 71, 81. — Quant au couvent du mont Sion, un siècle plus tard, il fut
enlevé aux Franciscains, comme le raconte Cliesneau, secrétaire du sieur d'Ara-
mon, ambassadeur français à Constantinople, qu'il accompagna à Jérusalem en
1549. L'ambassadeur, raconte-t-il, estoit attendu des gardiens et cordilliers du
couvent du mont Sion, comme les Juifs attendent leur Messie, pour l'espérance
qu'ils avoient par sa venue estre nus hors des garbouilles et fascheries que leur
faisoient chaque jour certains santons, c'est-à-dire prestres turqs qui tiennent
le cénacle, qui auparavant estoit leur église : et depuis quelque temps les dictz
Turqs en ont faict faire une à leur mode, que nous appelions mousquées. Et
faisoient journellement tant d'estorsions auxdicts cordeliers qu'ilz estoient
presque en délibération d'habandonner ledict couvent et se retirer tous en Chres.
tienté, sans la venue du dict S"" ambassadeur lequel lit tant envers lesdits gouver-
neurs de la ville qu'ils chassèrent les prestres turqs qui estoient moteurs de telles
menées. Toutefois j'ay depuis entendu quelesCordelliers... ont finalement été con-
trainctz laisser et habandonner ledict couvent et se retirer en Bethléem: E. Char-
rière, Négociations de la France dans le Levant, t. II. 109. Paris 1850. Imprimerie
nationale.
FRÈRE (HÎVI'IIOX HT LK LIIJAX Al XV' SU-XL!;. 75
ses et les musées y sont remplis des portraits des chevaliers de
Jérusalem.
Les vieilles relations contemporaines nous permettent de
constater combien grand était le nombre des Flamands, abor-
dant annuellement aux rivages de Palestine (1). En dépit des
dangers inhérents à cette aventureuse expédition beaucoup de
Néerlandais tenaient à la refaire et Tun d'entre eux, Claes van
Dusen visita onze fois les Lieux Saints en l'espace de douze
ans (2). On n'y eut pas toujours à se louer de leurs déporte-
ments. Les pèlerins des autres pays les signalent généralement
comme mauvais coucheurs (3). Bolga hibax ! Dans la cara-
vane de 11.51 presque entièrement composée de Néerlandais
nous trouvons un chanoine d'Utrecht, quatre Gantois, un Lié-
geois, un certain Guillaume de Bréda, qui s'étant enivré se
noya en mer. Un autre pèlerin de Dordrecht, avait mérité le
surnom de « trunck faciens » (4). Ce voyage fut extrêmement
pénible par suite de la présence de plusieurs Néerlandais, que-
relleurs et en état habituel d'ivresse (5). La plupart des Belges
allaient en Terre-Sainte avec l'intention de s'y faire créer che-
valiers du S. Sépulcre. Car ajoute une relation : « chez eux
on considère peu un gentilhomme qui n'a pas été en Pales-
tine » (6).
Gryphon a dû leur consacrer bien des fois son zèle et sa
grande connaissance des Lieux Saints, leur faisant à Ramlé
l'allocution polyglotte d'usage (7), les accompagnant ensuite
dans leurs excursions et surtout au Jourdain. Il était peut-être
(1) Rôliricht-JIeissner, Deutsche Pilgerreisen, 22, 421, 427. — Conrady, Vier
Rhein. Pilgerschinften, 187, 188, 291.
(2) Cfr. Conrady 189, et Revue catholique de Louvain 1873, récit du pèlerinage
deJeanAerts, qui visita la Terre Sainte en 1481 et 1488.
(3) Fabri, Evagatorium, 1, 38, et Rôhricht-Meissnerr. 411.
(4) Rôhricht, 421-22.
(5) En regard des nombreuses relations françaises, allemandes, etc., nous ne
possédons que quelques récits des pèlerins flamands de cette époque; la plupart
sont malheureusement restés inédits. Ce sont surtout les Allemands qui se plai-
gnent des Néerlandais. Il serait peut-être piquant de connaître les jugements de
ces derniers sur leurs compagnons d'Outre-Rhin. Fabri reproche aux Allemands,
ses compatriotes, les trop copieux festins qu'ils faisaient à Jérusalem. Evagator,
II, 92, 93.
(6) Rôhricht, 403, 412, 427, 527.
(7) En latin, en italien, en allemand etc., selon la composition des caravanes.
Cfr. récits de H. Tucher, Breydenbach, Von ZedUtz etc.
76 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
encore à Jérusalem quand y arriva à la fin de l'été 1450, le duc
Jean de Clève, parti de Bruxelles, le 7 avril de la même année,
en compagnie de plusieurs membres de l'aristocratie flamande.
Outre les soins donnés aux pèlerins, les Franciscains s'occu-
paient encore d'un petit troupeau composé de quelques mar-
chands vénitiens et génois (1) et d'un certain nombre d'indi-
gènes demeurés catholiques depuis la chute du royaume latin,
ou ramenés à l'unité par les prédications de leurs zélés apôtres.
Un pèlerin de 1483, Bernard de Breydenbach leur rend ce té-
moignage : « Sunt ibi etiam latini quidam, sed perpauci... con-
versationem habentes bonain et honestam inter gentes ac in
medio nationis prave et perverse lucentes velut luminaria in
mundo, ecclesie sancte rhomane per omnia et in omnibus obe-
dientes ».
Comme il ressort de la lecture de Douwaïhi , il y avait aussi
à Jérusalem une communauté maronite, en étroits rapports
avec les Franciscains. Un pèlerin allemand de cette époque
signale même des Maronites établis au S. Sépulcre (2). Cette
nation possédait à Jérusalem l'église S. Georges, devenue plus
tard propriété des Coptes. Des autels spéciaux leur étaient éga-
lement assignés dans plusieurs sanctuaires (3).
A peine arrivé dans la ville sainte, Gryphon fut témoin du
conciliabule tenu en cette ville par le patriarche orthodoxe,
de Jérusalem, assisté de ses deux collègues d'Antioche et d'A-
lexandrie. On y anathématisa l'acte de Florence et l'on déclara
déchu de sa dignité Métrophane, patriarche de Constantinople,
qui avait adhéré à l'union.
Ce spectacle l'attrista sans diminuer en rien l'ardeur de son
zèle. Le premier travail du missionnaire doit être de se rendre
maître de la langue du peuple qu'il se propose d'évangéliser. De-
puis la conquête musulmane, l'arabe était devenu l'idiome
universel des populations de la Palestine, de la Syrie et de la
Mésopotamie. A cette étude Gryphon joignit celle du Syriaque,
(1) En 1403 les chevaliers de Rhodes obtenaient le droit d'établir des consulats
à Jérusalem, et à Ramleh. Dès la fin du XIV' siècle les Vénitiens et les Génois en
possédaient également à Jérusalem pour la protection des pèlerins. Voir dans
Archives de l'Orient Latin, t. II, p. 334, -un mémoire de W. Heyd : Les consulats
établis en Terre Sainte au moyen âge pour la protection des pèlerins.
(2) Rôhricht-AIeissner, 92.
(3) Cfr.la revue arabe « Al-Machnq >- (Beyrouth), 1898, p. 92.
FiiÈui-: (iRYi'iiox i;t i.v: liiîax au xv'-' sikclk. 77
idiome sacré de la plupart des rites orientaux : Maronites, .la-
cobites, Nestoriens et même Melchites. L'étude qu'il fit de la
langue grecque montre clairement qu'il voulait être en état de
travailler au retour des diff.'rentes fractions, constituant rnr-
thodoxie (1) grecque. L'ancien professeur de Sorbonne ne con-
sacra pas moins de sept ans à cette préparation. Au bout de
ce laps de temps les supérieurs le jugèrent sans doute apte à
commencer la carrière des missions orientales.
IV
Dans la première moitié du XV siècle, le célèbre franciscain
Antoine de Troïa avait, à plusieurs reprises, parcouru l'Orient,
chargé par les souverains pontifes d'importantes missions au-
près des chrétiens orientaux, spécialement auprès des popula-
tions du mont Liban. En 1441, il revenait à Rome accompagné
de députés des Maronites et des Dr uses.
La présence de ces derniers dans la capitale du monde
chrétien a de quoi surprendre le lecteur, habitué depuis 1860,
a considérer les Druses comme les irréconciliables ennemis des
Maronites et du nom chrétien. Telle n'était assurément pas
leur situation à la fin du moyen âge. Dès lors, ils étaient consi-
dérés comme un peuple d'origine chrétienne, reste d'une co-
lonie de croisés, réfugiés au Liban après la ruine des princi-
pautés franques de Syrie. Si l'on s'étonnait de ne retrouver chez
eux aucun vestige de christianisme, on en rejetait la faute
sur les malheurs du temps et l'absence de ministres du culte.
En voyant la bonne harmonie régnant entre eux et les Maroni-
tes (2), leur sympathie pour les chrétiens et la haine qu'ils
(1) Nous employons cette expression consacrée, quoiqu'elle soit d'une origine
beaucoup plus récente.
(2) Jusqu'à la lin du dix-huitième siècle, Druses et Jlaronites ont vécu en
bonne intelligence, ils étaient gouvernés par les mêmes émirs, arabes de la tribu
de Tanoùh, princes des familles Ma'n etChehàb. Jlais quelles que fussent leurs con-
victions religieuses, adorateurs d'Allah ou de Hàkim, ces émirs traitaient leurs su-
jets maronites avec la plus grande tolérance; ils choisissaient même de préférence
parmi eux leurs intendants et leurs hommes d'affaire. S'élevait-il une guerre
civile parmi les Druses, on trouvait des IMaronitos dans les deux camjjs ; fireuve
évidente qu'on ignorait alors ces luttes de raci> et de religion que nous avons
vues s'allumer depuis. Cette bonne harmonie aurait commencé à s'altérer vers
78 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
portaient aux musulmans, on se flattait de Tespoir de les ra-
mener aisément au culte de leurs ancêtres.
De leur côté, les Druses, désireux de s'attirer la protection
de l'Europe contre leurs voisins islamites, faisaient tout pour
entretenir les Occidentaux dans cette persuasion. Au besoin, ils
n'hésitaient pas à se dire chrétiens (1). Leur religion est d'ail-
leurs d'un latitudinarisme étonnant; elle dispense le peuple ou
les ignorants (2) de tout culte positif, et leur permet de se
conformer à celui des populations parmi lesquelles ils demeu-
rent. C'est ainsi qu'on les voit de nos jours professer indifférem-
ment l'islamisme et le protestantisme, sauf à revenir avec la
même facilité au culte de Hàkim (3).
Si donc, au XVIIP siècle, des missionnaires, des diplomates
et des voyageurs, après un long séjour en Orient ont pu à cet
égard nourrir des illusions (4) fréquemment attestées dans leurs
correspondances et leurs mémoires, rien de surprenant que
leurs prédécesseurs à la fin du moyen âge n'aient pu s'en
préserver.
Quoi qu'il en soit, à la suite de la dernière légation orientale
d'Antoine de Troïa, on résolut à Rome de donner une plus
grande extension aux missions syriennes. Et cette même an-
née 1444, le franciscain Pierre de Ferrare, du couvent de St-Sau-
veurà Beyrouth, était créé commissaire apostolique auprès des
Maronites, des Druses et des Suriens (5) ou Melchites. Six ans
1756, époque où deux émirs de la famille Chehàb, gouvernant alors la Montagne,
se firent chrétiens. Mais c'est seulement au dix-neuvième siècle, sous la pression
d'influences étrangères, que ces différents dégénérèrent en luttes féroces, dont les
massacres de 186U ont marqué le point culminant.
(1) Mémoires du chevalier (TArvieux, I, 300.
(2) La nation druse est divisée en deux classes : les '^ur/qâl, savants et initi(''s, et les
johhûl, ignorants ou plèbe.
(3) Le culte des Druses, — des initiés s'entend — s'adresse à IJàkim, de son
vivant calife fatimite d'Egypte, considéré comme une incarnation de la divinité.
(4) Cfr. D'Arvieux : >< il est aisé de découvrir que leurs ancêtres ont été chré-
tiens». L. 361. « Les Druses se disent chrestiens quoj' qu'ils n'ayent aucune mar-
que et n'observent aucune Loy... Lors qu'on leur dit qu'ils ne sont point chi'es-
tiens, ils vomissent mille injures contre Mahomet et ses sectateurs et disent qu'en
dépit d'eux ils boivent du vin et mangent de la chair de porc » (Surius, p. 257).
L'illustre Leibnitz est encore plus explicite. Cfr. Expedilio .^gypliaca, 196, 338. 343.
Sur les Druses du Liban, voir les récits des anciens pèlerins Wilhelm von Bolden-
sele, 286; Lussy, 58; Cotovicus, 395; RaucliMolff, 320; Brauning, 279.
(5) Dans les documents du moyen âge c'est l'appellation habituelle, tlounée aux
FRÈRE (iUVI'lIu.X KT LE LIBAN AU XV" SIÈCLE. 79
plus tard, Gryphon était également attaché à la mission fran-
ciscaine du mont Liban.
Il partit de Jérusalem vers la fm de Tannée 1450, accompa-
gné de F. François de Barcelone, comme lui versé dans les lan-
gues orientales, apprises pendant un séjour prolongé dans le
Levant.
Beyrouth se trouvait sur leur chemin. C'était la clef du Liban
et la résidence du supérieur de la mission. Il est probable que
Gryphon commença par y séjourner quelque tenrips. Dans la
suite, il dut y revenir fréquemment, surtout quand il se vit à
son tour revêtu des fonctions de représentant du Saint-Siège.
A cette époque, l'antique cité phénicienne était avec Alexan-
drie le port le plus florissant de la Méditerranée orientale. La ruine
de Saint-Jean d'Acre, de Tyr et de Tripoli, la chute du royaume
chrétien de la Petite-Arménie lui avait porté bonheur et attiré
en ses murs (I) le commerce de toute la Syrie. Son port était
sûr et bon. La ville renfermait encore une population assez
dense. Construite dans un site ravissant, entourée de belles
cultures, elle jouissait d'une réputation méritée de salubrité et
les marchands venaient y refaire leur santé, ébranlée par le
climat de Damas, d'Alep, de Tripoli et de Tyr. Les Chyprio-
tes possédaient à Beyrouth des églises, de vastes khans et deux
bains. Pendant longtemps, les marchandises vénitiennes n'ar-
rivèrent à Beyrouth que sous le pavillon des Lusignan (2). Les
galères des Vénitiens, des Génois, des Florentins et des Cata-
lans (3) y abordaient régulièrement et chacune de ces ré})ubli-
ques marchandes y possédait un fondoq ou vaste hôtel-
lerie, avec dépôts et magasins. Dès lors, un consul y représen-
tait la Seigneurie de Venise (4).
Jlelchites ou chrétiens du rite grec en Sjrie. Le nom de Jlelcliitc n'a été connu
des Occidentaux que beaucoup plus tard.
(1) Expression qui ne doit pas être prise à la lettre. A cette époque, les rem-
parts delà ville étaient détruits et les Bédouins s'aventuraient jusqu'à venir piller
les magasins (Cfr. aussi le récit d'un pèlerin de 1411 dans ZDPV, xiv, p. 127.)
(2) Damas possédait un consul catalan comme il appert d'une lettre envoyée
parle gardien du mont Sion, le 20 janvier 1392 « >Sotili domino consuli domino-
rum cataj^anorum in Damasco et alius Dominis de Cathalonia ibidem residenti-
bus » Archives de l'Orient latin, I, 541. Les Vénitiens expcnliaient chaque année
trois galères à Beyrouth, Conrady, 195.
(3) Histoire de Beyrouth, fol. 17».
(4) Pour les détails, voir la description d'ibu Batoùta, I, 133, et l'ouvi'age de
80 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
Les sultans d'Ég-ypte, dont relevait BejTouth, faisaient preuve
d'intelligence en favorisant ces relations commerciales, sources
de richesses pour leurs provinces. Ils allaient jusqu'à assigner
une allocation annuelle aux consuls européens. Aussi quand
les trafiquants latins de Beyrouth demandèrent à relever de
ses ruines la belle petite église du Sauveur, le gouvernement du
Caire s'empressa-t-il d'entériner leur requête. Cette église entre-
tenue par les dons des marchands et une taxe levée sur les na-
vires européens abordant au port, était desservie par les Fran-
ciscains établis dans le couvent contigu. Ces Pères s'occupaient
également d'héberger les pèlerins (1) qui y abordaient à l'aller
ou au retour de la Terre-Sainte. La plupart allaient à Damas
vénérer les souvenirs de S. Paul, la maison d'Ananie « l'endroit
oij Abel fut tué ». Quelques-uns, parmi les plus osés, poussaient
jusque dans le Hauràn ou, comme ils s'expriment dans « la
terre de Hus d'où S. Job le prophète est originaire ». Il y avait
là, vers 141 1, une église, possédée par les Arméniens (sic) (2).
Mais tous allaient au célèbre sanctuaire de Saidnâya (3) véné-
rer l'image de la Ste Vierge « peinte par S. Luc, d'où le 8 sep-
tembre découle une huile miraculeuse. Ce jour-là on y rencontre
bien 50.000 chrétiens, dit le pèlerin allemand Ulrich Lemann;
mais beaucoup sont de mauvais chrétiens, entachés de supers-
titions, se conduisant comme des païens (musulmans) et con-
sidérant le Pape comme un hérétique » (4). Avant de quitter la
Heycl, Histoire du Commerce du Levant (trad. française), tome II, 456, 459, 400,
423, 333, 487, etc.
(1) Un pèlerin de 1282, le sieur de Villamont, écrit sous la rubrique Beyrouth :
« Les religieux de l'ordre de saint François y possédaient un beau monastère
qu'ils ont perdu parleur grande faute depuis quelques années en çà, les Turcs
l'ayant pris pour faire une mosquée. S'ils eussent voulu donner 40 ou 50 escus à
celui à qui le grand Turc avoit donné les églises chrestiennes qui y estoient en
son empire il leur fût demeuré à perpétuité « (p. 424). En 1473, le couvent de Bey-
routh était occupé par six religieux. D'après une relation flamande du XV'= siècle,
c'était <■ un beau couvent comme celui de .lérusalem. >• Cfr. Conrad}', 183.
(2) Cfr. dans ZDPV, XV (surtout 200-204) le curieux article du P. Van Kasteren.
S. J. Zur Gcschichte von Schêch Sa'd.
(3) Connu des Occidentaux depuis les Croisades. Comp. ce passage du Balduinus
ConstantinopolUanus, chronique antérieure à l'an 1214 : Soldanus prœcipus timens
comiteni Flandrensium, eo quod prœdecessores ejus infinita damna et mala fe-
cerantolim in Sardenay (Saidnâya) et in regione Abilina, etc. » 11 est fait allusion
au siège de Damas par les croisés.
(4) Rôhricht, U. 10(!.
FRÈRE GRYIMION IIT LE LlUAN AU XV'' SIÈCLFC. SI
métropole syrienne, on tenait à emporter un peu de la terre de
Damas (1), d'où d'après la légende Adam avait été tiré.
En revenant de Damas, le second jour, les pèlerins traver-
saient « une grande vallée où coule un lleuve puissant », la
Célésyrie évidemment. Ils y trouvaient partout le souvenir du
patriarche Noé, son tombeau, l'endroit où il avait planté la pre-
mière vigne. L'arche avait été construite sur les cimes voisi-
nes du Liban, souvent difficiles à traverser, même au mois de
mai par suite des neiges amoncelées (2). Avant d'arriver à
Beyrouth, c'est-à-dire le troisième jour, ils rencontraient de
belles plantations de vignes et d'oliviers, enfin une « forêt de
pins d'une longueur de deux milles » (3). Le soir, ils vénéraient
dans l'église des Franciscains « l'image de Notre-Seigneur que
des meschants Juifs flagellèrent et qui jetta une grande abon-
dance de sang » (4). Avant de s'embarquer, on allait visiter
hors de la ville, l'endroit où S. Georges tua le dragon, près du
Nahr Beyrouth « sur lequel il y a une arcade fort remarquable
pour sa hauteur et un peu plus loin avant en terre est le lieu
où saint Georges tua le dragon pour délivrer la fille du Roy de
Barut et aussi la caverne où demeurait ledict monstre » (5).
Comme de nos jours Beyrouth était dès lors le rendez-vous
de toutes les populations levantines. Sur le pont des galères,
des caravelles, des chebecs, des mahonnes et des felouques, en-
tassés dans la darse, sous la protection de la grosse tour fran-
que, le long du quai construit par les croisés, dans les bazars
tortueux et étroits, c'était un mélange indescriptible de turbans,
de fez, de Keffiés de soie, de torses bronzés, de blancs burnous,
de robes fourrées, d'armures damasquinées, de riches négo-
ciants et de portefaix, de seigneurs et de faquins, de forbans et
d'épiciers, tous plus ou moins métis et courtiers, qui s'entre-
mettent entre l'Asie musulmane et l'Europe chrétienne, égale-
ment prêts à trafiquer de leur accord et de leur discorde. Toutes
les langues de l'univers, toutes les races, depuis le nègre de
(1) Tobler, Jérusalem, II, :.'72; Fabri, II, 345.
(•2) Cfr. ZDPV, XIV, 114-127 ; Rohricht, 1U5; Conrady, IG3.
(3) Encore une preuve que la forêt est antérieurejà Fah ad-dîn.
(4) Relation journalière du voyage du Levant, par H. de Beauveau, Nancy, 1615.
(5) H. de Beauveau; Rohricht, 41, 69, 105, 477, 522; Conrady, 162, etc. La tra-
dition que Notre-Seigneur J.-C. prêcha à Beyrouth est déjà mentionnée par
Breydenbach. Voir aussi Joannis Strauchi disscrtatio de Berylo, 1602, p. 4S.
ORIENT CHRÉTIEN. 6
82 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
Nubie jusqu'au pâle Circassien, du Grec remuant au Bédouin
impassible, du Juif officieux à l'Espagnol hautain, toute l'écume,
toute la fleur des civilisations rivales est poussée là par une
nécessité plus impérieuse que les querelles de politique ou de
religion.
On voit surgir au-dessus de cette tourbe flottante le casque
empanaché des chevaliers de Rhodes (1) et le fin profil des an-
ciennes cités républicaines sous les noms de Venise, Gênes et
Pise : créatures charmantes, êtres ambigus et amphibies, vi-
vant sur la terre et sur l'onde et confondant dans leurs grâces
de syrènes et les procédés de leur politique tortueuse les traits
de l'Europe et l'Asie. Les Catalans, puis les Provençaux se
précipitent à leur suite sur le chemin maritime d'où leurs
navires caravaneurs (2), rapportent l'or et les produits de
l'Orient. Un siècle plus tard, Marseille se posera en rivale de
Venise et les rois très chrétiens pousseront la Turquie comme
un bélier contre les murs de l'édifice bâti par Charles-Quint.
Laissant à ses confrères de Saint-Sauveur le soin d'évangé-
liser la population cosmopolite de Beyrouth, Gryphon ne tarda
pas à prendre avec son compagnon Fr. François de Barcelone le
chemin du Liban.
V
Avant d'y accompagner notre héros, nous allons dans les li-
gnes suivantes, esquisser l'état du Liban à la fin du quinzième
siècle.
A cette époque, la nation maronite n'avait pas encore pris
l'expansion que nous lui connaissons depuis. Principalement
établie dans la partie nord du Liban, autour du massif monta-
gneux des Cèdres, ainsi que dans les districts de Batroûn et
de Gebail, où elle vivait mêlée aux Métovalis (3) et aux Turco-
(1) L'Ordre entretenait clans les Etats soumis au sultan égyptien trois consuls:
un à Ramleh, un à Jérusalem, un troisième à Damietle. Leur mission principale
était de veiller à la sécurité des pèlerins.
(2) Le convoi des navires français destinés au commerce du Levant s'appelait
caravane et les bâtiments qui le composaient, navires caravaneurs.
(3) Les Métoualis occupaient le Mounaïtirat.
FRKiiK (utvi'iiox i;t le mijan au xv" sikcli-:. 83
mans (1), elle n'avait gurre poussé ses établissements méridio-
naux au-delà du Nahr Ibrahim (2). L'émigration des Maronites
s'était portée de préférence vers Rhodes et Chypre. Dans cette
dernière île ils occupaient sous le sceptre des Lusignan, une
trentaine de bourgs et de villages (3). Dès lors cependant, ils
devaient déjà former en Syrie même un corps de nation
assez nombreux, puisque en 1182, Guillaume de Tyr parle de
40,000Maronites (4). Au quatorzième siècle Ludolphc de Suchem
décrit le Liban comme « couvert d'un nombre considérable de
bourgs et de villages, tous habités par une immense multitude
de chrétiens (5) » .
Au spirituel, les Maronites étaient gouvernés par un patriar-
che résidant à Qanoùbîn (6) et assisté de plusieurs évoques.
Quand Gryphon arriva au Liban cette dignité était remplie par
Jacob, du bourg de Hadat (f 1458). Ce prélat occupa le siège
patriarcal un peu plus de 12 ans et fut remplacé par Pierre, fils
de Joseph, fils de Jacob, surnommé Ibn al-Hassân, également
originaire de Hadat.
Au temporel, les différents districts du Liban septentrional
obéissaient à des chefs portant le titre de mouqadcla m . Cette
charge héréditaire ne paraît pas avoir été indépendante de l'au-
torité des sultans mamlouks.
L'Egypte a toujours été centralisatrice et entre les bras d'un
seul maître. En Syrie la variété des conditions géographiques
a favorisé l'émiettement politique et la constitution de grandes
familles féodales. Quand depuis l'Euphrate jusqu'au Wadî'l
'Arîs la Syrie tout entière obéit aux Mamlouks, les provinces
conservent une certaine autonomie sous un régime en appa-
rence uniforme, en réalité complexe et décentralisé. Avec des
sultans de la trempe des Baibars et des Qalàoùn, la suzeraineté
(1) Cfr. L'histoire arabe du Liban « Ahbàr al-a'3-àn », p. 346.
(2) D'après F. Nairon, de son temps (dix-septièine siècle), les Blaronites com-
mençaient à se répandre dans le Kasrouàn, où ils occupaient déjà le gros bourg
de Gazir {Evoplia Fidel, p. 91). Aboûl-Fidâ (p. 229), signalement principalement
le district du Kasrouàn comme le centre des musulmans Ibàhites.
(3) Sur les Jlaronites de Famagoiiste (Chypre). Cfr. Rohricht-3I., p. 52.
(4) Historia belli sacri, 1. xxn, c. 8. Jacques de Yitry parle également des Jlaro-
nites comme d'une nation nombreuse.
(5) 'De Itinere hierosolymitano, exemplaire delà Bibliotheca Rossiana, à Vienne,
non paginé, sans date ni lieu.
(6) Depuis l'année 1439. Cfr. Douwaïhi, 132.
84 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN
égyptienne s'affirmait énergiquement et les petites dynasties
locales devaient momentanément sacrifier l'un ou l'autre privi-
lège de leur semi-indépendance. Mais de 1450 à 1475 ce ne fut
pas le cas. En cet intervalle, sept sultans se succédèrent sur le
trône d'Egypte. A partir de 1467 surtout, l'Egypte traversa une
véritable période d'anarchie (l)très favorable au développement
des jeunes nationalités, s'abritant dans les replis des montagnes
syriennes. Officiellement les districts du Liban relevaient du
niâbat ou régence de Tripoli, dans le district de laquelle Qal-
qàsandî (2) cite les petits gouvernements {wilâyàt) de Mou-
naïtira, Bousarraih (3), etc.
De leur côté les historiens maronites nomment les « mouqad-
dams » de B'sarré, de Batroùn, de Geloail, de 'Aqoùra, etc. De-
puis le commencement du quinzième siècle le mouqaddam de
B'sarré paraît avoir exercé la prééminence sur ses collègues des
autres districts et gouverné le Liban avec une autorité prin-
cière (4).
Dernier refuge des populations araméennes de Syrie, la Mon-
tagne opposa aussi la plus longue résistance aux envahissements
de l'arabe, tendant graduellement à supplanter le syriaque. En
certains districts du Liban septentrional cette dernière langue
avait pu se maintenir comme idiome parlé (5). La plupart des
écrivains maronites de cette époque emploient de préférence le
vieux dialecte national, et s'il faut en croire un des biogra-
phes (6) de notre héros, Gryphon se servit également du syria-
(1) \oiv Revue d'Égyple de Charles Gaillardot-Bey, II, 593-600; Ibid., IV, la fin de
Sahâvvî: W. Muir, The Mameluke or Slave Dynasly, Londres, 1896, p. 158-176.
(2) Msc. de l'Université Saint-Joseph de Beyrouth, pp. 1177 et 1238.
(3) C'est l'orthographe de notre msc. qui signale encore la formevulgaire » Bou-
sarrày ». Nous écrirons Bsarré. Pour le détail très compliqué de la machine admi-
nistrative des Mamlouks en Syrie, on peut consulter les excellentes dissertations
de M. Van Berchem dans le Corpus inscript, arabicarum, II, 210-sqq.
(4) Douwaïhî, 279.
(5) D'après Paul Lucas (I, 21G), dans plusieurs villages voisins des Cèdres on
parlait encore syriaque au dix-septième siècle. Le franciscain Eug. Roger {La
Terre Sainte, 371) donne le même renseignement, ainsi que de la Roque [Vie de
M. de Chasteuil, 60) et Stochorn, Voyage d'Italie et du Levant, 1670, 305. D'après
F. Nairon, Evoplia, 89), les femijies mêmes parlaient le syriaque à Bsarré et dans
trois localités environnantes. Dans la préface de son Dictionnaire syriaque-arabe
{anno 1611), Georges de Karmsaddé dit qu'il a recueilli plusieurs termes syriaques
employés en son pays. Voir dans Journal Asiatique, 1898, I, 244-249, une liste de
mots syriaques entrés dans l'arabe de Syrie; il serait facile de la grossir.
(6) Le P. de Gubernatis a Sospitello.
FIIÈRI': GRYI'IION ET LE LII5A\ AU XV'' SIÈCLE. 85
que (1) pour la composition de plusieurs ouvrages. Lorsque,
comme Gabriel Al-Qalâ'î, les Libanais s'essaient en arabe leur
style rude et populaire trahit une grande inexpérience de la
langue du Coran. Même pour écrire l'arabe, on continuait en-
core à employer les caractères araméens ; et dans tout le Liban
vocabulaire et prononciation conservaient des vestiges nom-
breux de l'idiome disparu ou condamné à disparaître.
Quoi qu'il en soit, Gryphon au courant des deux langues put
commencer immédiatement son ministère. Une des premières
questions qui doit attirer son attention fut celle des rites et des
cérémonies ecclésiastiques; « ritus composuit ».
VI
D'après un annaliste franciscain de cette époque s'appro-
priant (2) les expressions de Jacques de Vitry « les Maronites
forment une nation nombreuse habitant le mont Liban, armés
d'arcs et de flèches, dressés et façonnés aux luttes de la guerre.
En Orient, ils sont les seuls à observer les coutumes des Latins,
surtout dans la célébration des offices et l'administration des
sacrements. Ils obéissent fidèlement à l'église romaine. Chez
les Orientaux, les prélats ne connaissent ni l'anneau, ni la mitre,
ni la crosse; un marteau ou un bâton frappant sur des planches
remplacent les cloches pour appeler le peuple aux offices. Les
Maronites, au contraire, pour montrer leur soumission ont
adopté les usages occidentaux. » — « Il n'était pas rare non plus
« de voir des évèques latins conférer la consécration aux pré-
« lats maronites (3). »
On le voit, plusieurs siècles avant le célèbre concile du Li-
ban (4), les Maronites cherchaient dans la liturgie, à se rappro-
(1) Comme nous le verrons plus loin. Reste à savoir à quel point notre auteiu-
est exactement renseigné.
(2) Cet écrivain nommé Nie. Glassberger, n'omet dans le passage emprunté à
.J. de Yitryque l'accusation de monothélisme. Cette omission très significative est
voulue, croyons-nous; Glassberger, presque contemporain de Gryphon ayant pu
consulter des compagnons de ce dernier.
(oi Ludolphe de Suchen. — Pour l'introduction des cloches au Liban. Cfr.
Douwaihî, Hist. des Maronites, p. 103.
(4) Commencement du dix-huitième siècle.
86 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
cher le plus possible de l'église romaine. Ces rapprochements
datent surtout du temps des Croisades.
Voici comment s'exprime à ce sujet un écrivain maronite,
parfaitement au courant de l'histoire de sa nation : Le zèle de
nos bienheureux patriarches pour l'union avec l'église romaine,
mère et maîtresse des autres églises, les portait à s'écarter de
coutumes rituelles, d'ailleurs excellentes en elles-mêmes, afin
de se rapprocher du siège apostolique. Tous les hommes tant
soit peu au courant de nos anciens usages et de ce qui se pra-
tique de nos jours, savent que ces modifications ont suivi le
voyage à Rome du Patriarche Jérémie al 'Amsîtî en 1215. A
partir de cette époque notre clergé a pris les ornements latins
et tâché de se rapprocher en tout de l'église romaine (1). »
Malgré cette tendance de rapprochement, les différences ri-
tuelles étaient encore assez considérables, et au quinzième siècle
l'église maronite conservait encore plusieurs usages purement
orientaux. Ainsi la confirmation était conférée immédiatement
après le baptême. Pendant le carême, comme chez les Grecs, on
célébrait tous les jours la messe des Présanctifiés; et jusqu'à
la fin du seizième siècle le peuple libanais continua de com-
munier sous les deux espèces (2).
Esprit large et ouvert, le missionnaire flamand se montra
sagement conservateur dans les questions de liturgie ancienne.
Il plaida même si bien en ce sens à Rome qu'on permît aux
Maronites de « garder plusieurs coutumes particulières aux
prêtres de l'église orientale » (3).
Gryphon, nous disent les annales de son ordre, s'occupa acti-
vement à. bâtir de nouvelles églises au Liban. Sous les Croisés
l'architecture religieuse y avait déjà jeté un certain éclat; et
plusieurs des temples élevés alors subsistent encore. « Les
Maronites, dit M. Rey, ne restèrent pas étrangers au courant
(1) M. Rachid Chartoùni, dans la préface de la Lampe du Sanctuaire (Blanàrat
al-Aqdàs) de DomAaïhî, Beyrouth 1898, p. 7.
(2) Dandini, p. 127. Villarmont atteste le même fait. Le 6 juillet 1587. E. von
Bueseck vit les moines de Qanoùbîn « donner le Saint Sacrement avec une cuil-
lère. » Rohricht-M., 457.
(3) Première bulle de Léon X, en 1515 au patriarche maronite dans une collec-
tion imprimée de bulles du seizième siècle conservées à la Rossiana de Vienne
(Autriche), Ilefele-Ilergenrœther l'a reproduite comme inédite dans sa ConcUien-
geschlchlc VIII (pièces justificatives).
FRÈRE GRYl'IION ET LE LIliAN AU XV'' SIÈCLE. 87
artistique qui se développa à cette époque en Syrie. Les églises
de l.Iattoùn (1), Maïfouq, I.Ialtâ, Sabtîn, Toùlà, Bliadîdat, Ma'ad,
'Aqoura, Samàr Geubaïl, celle de Sainte Tôcle àGebail appar-
tiennent à un art syrien, issu du byzantin, et elles offriront un
curieux sujet de recherches à qui entreprendra l'étude de l'ar-
chéologie syrienne médiœvale du Liban. »
Les églises de Ma'àd, d'Eddé, de Bliadîdat, de Kafr Slaimàn
et de Nàoùs renferment des peintures syriennes bien conser-
vées, et d'un grand intérêt. A Bliadîdat on distingue surtout
des chérubins portant la trisagion en beaux caractères estrang-
gélo. « De leur étude résultera, dit Renan, un complément im-
portant à l'histoire de l'art byzantin (2). »
Gryphon ne se contenta pas de bâtir des églises; il corrigea
divers abus (3); car nous croyons devoir traduire ainsi le mot
errores , dont nos auteurs font usage. Il ne peut évidemment
pas être question d'erreurs doctrinales. Les adversaires les plus
décidés de la perpétuelle orthodoxie des Maronites doivent con-
venir que depuis le concile de Florence leurs croyances ont été
absolument irréprochables. Il s'agit donc sans doute de points
de discipline, n'intéressant en rien la foi, d'abus qui peuvent
se glisser, hélas ! dans les milieux les plus fortement imbus de
principes catholiques.
Il y avait en outre, au Liban, plusieurs localités habitées par
des Jacobites. Le géographe Idrîsî signale comme tel le petit
port de Goûnî (4); et s'il faut en croire une inscription syriaque
le couvent de Maifouq aurait été également un centre mono-
physite (5). L'Histoire de Douwaïhî en indique plusieurs autres,
établis en plein pays maronite et très zélés pour la propagation
de leurs erreurs. Peut-être Gryphon eut-il à sévir contre des
livres et des opinions que les voisins Jacobites s'efforçaient de
répandre au milieu de ce peuple fidèle! A la faveur d'une
langue et d'une liturgie communes , les points de contact n'é-
taient que trop nombreux et de l'aveu des écrivains maronites,
(1) Ou Hadtoùn.
(2) Colonies franques de Syrie, par E.Rey, 79; Renan, Mission de Phénicie, 229.
236, 240, 252; Douwaïhî, 103, 112.
(3) '• Errores ablegavit ■>.
(4) Syrie (éd. Gildemeister), p. 17 du texte arabe.
(5) Mission de Phénicie, 254. Elle est de 127G; deux évêques jacobites y sont
nommés; cela suppose l'existence d'une hiérarchie monophysite.
88 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
elles furent en plus d'une occurence nuisibles à la pureté de la
foi a).
Quoi qu'il en soit, abus disciplinaires ou erreurs Jacobites,
les efforts de Gryphon pour les extirper furent couronnés de
succès. Il fut aisé de rendre son premier éclat à la religion chez
un peuple ayant toujours joint un grand fond de piété à un
sincère attachement à la foi catholique.
Ces réformes ne purent se faire sans soulever des difficultés.
Des Maronites trouvèrent le zèle du missionnaire intempestif.
Leur opposition serait tombée d'elle-même sans l'appui d'un
mouqaddam, dont le nom n'est pas indiqué.
Il ne peut être question de 'Abdal-moun'im bin Saifà
(f 1469) ni de son neveu et successeur Rizqallah?Ce dernier par-
tisan obstiné des Jacobites, parvint seulement au mouqaddamat
en 1472. Mais son influence était déjà grande sous le gouverne-
ment de son oncle; et ses sentiments hétérodoxes n'attendirent
pas l'année de sa mort pour s'affirmer avec éclat (2).
L'opposition au zèle du Fr. Gryphon aurait désarmé devant
un prodige. C'était le jour de l'Assomption, fête dès lors célé-
brée avec tout l'entrain et la piété que les Maronites y mettent
de nos jours. Sur le soir, Gryphon avait réuni les fidèles dans
l'église, où il leur adressa une brûlante exhortation. Les rayons
du soleil couchant pénétraient par la porte donnant sur l'occi-
dent. Quand soudain l'orateur fit voir au peuple assemblé le
soleil illuminant les fenêtres au chevet de l'église , soigneuse-
ment orientée, comme toutes celles de l'Orient. Depuis ce jour,
ajoutent les chroniqueurs franciscains, à qui nous empruntons
ces détails, les Maronites font le jour de l'Assomption mémoire
de cet événement extraordinaire.
Nous avons eu bien des fois le bonheur de fêter l'Assomption
au milieu des religieuses populations du Liban. Il faut croire
qu'il y a trois cents ans, au moment où écrivaient les historio-
graphes de l'Ordre séraphique le souvenir de ce prodige était
plus vivant que de nos jours , où il paraît enseveli dans le plus
profond oubli ; du moins n'en avons-nous jamais entendu faire
mention. Le patriarche Douwaïhî est beaucoup plus sévère. Il
(1) Douwaïhî, 129; Dandini, 127; Assemani assigne en substance les mémos
causes.
(2) Douwaïhî, 140, 141, 411.
^ FRÈRE (iRVl-IKiN KT LK IJIîAX AU XV' SIKCLE. 89
traite toute cette histoire de « contes de vieilles femmes n'ayant
laissé de traces ni chez les historiens ni dans les livres d'é-
glise (1)... La fête annuelle célébrée en souvenir du miracle de
Gryphon, cette fête, tous les Maronites l'ignorent. <Jui, ils so-
lennisent l'Assomption de la mère du Sauveur, titulaire du
siège patriarcal de Qanoûbîn, fondé par l'empereur grec Théo-
dose mille ans avant l'apostolat de Gryphon : rien de plus. »
Impossible d'être plus catégorique. Nous n'aurions donc af-
faire qu'à une pieuse légende (2)? Légende ou non, elle atteste
la haute opinion qu'on avait de la vertu du zélé franciscain.
La légende ne s'attache qu'aux pas des hommes extraordi-
naires, comme l'ombre suit les corps illuminés par le soleil.
VII
Les soins donnés à la nation maronite n'absorbaient pas
toute l'activité de Gryphon. Il trouvait encore du temps à con-
sacrer aux populations grecques (3) du Liban.
« C'est un problème assez ardu, dit M. l'abbé Pisani (4), de
savoir si les Melkites de Syrie reconnurent d'une manière con-
tinue la suprématie de Constantinople après le schisme de Pho-
tius et de Cérulaire ; on l'a nié... Il est certain toutefois que pen-
dant les Croisades, les Grecs de Syrie faisaient cause commune
avec ceux de Constantinople; c'est ce qui a mis en relief la fidé-
lité des Maronites ». Cela résulte, selon nous, de la situation
faite aux patriarches d'Antioche , obligés pendant toute cette
période de résider à Constantinople, où ils étaient désignés par
les autorités byzantines. Ces prélats, tous Grecs, favorisaient
évidemment les prétentions de leurs compatriotes. L'un d'entre
eux, Théodore Balsamon, inaugure la campagne contre la li-
(1) Il s'agit apparemment des livres d'offices, eu marge desquels on trouve fré-
quemment la mention des principaux événements.
(-2) Dans la chronique de Marc, évèque de Lisbonne, la légende se termine ainsi :
.< Gryphon... Libani gubernatorem cum tota natione baptisavit ... Cela aide à
comprendre la mauvaise humeur de Douwaïhi.
(3) Grecques de rite, ou mieux melkites, comme on les appelait alors. De nos
jours ce dernier terme ne s'applique plus qu'aux Grecs-unis de Syrie et d'Egypte.
Le P. Arturus est seul à parler de l'apostolat de Gryphon parmi les Grecs.
(4) .4 travers l'Orient, p. 240.
90 REVUE DE l'orient CIIRÉTIEX. ^
turgie de saint Jacques (1) et la langue syriaque en Syrie. Mais
en dehors des deux siècles de l'occupation franque la plupart
des patriarches melkites affectèrent une grande indépendance
hiérarchique envers leurs collègues de Constantinople (2).
A l'arrivée de Gryphon en Syrie le patriarcat grec d'Antioche
était toujours gouverné par Dorothée. Ce prélat versatile, après
avoir souscrit au concile de Florence par son représentant Isi-
dore, métropolitain de Kieff (Russie) s'était déclaré l'adver-
saire de l'union avec Rome. Il fut l'âme du conciliabule de Jé-
rusalem où l'on avait anathématisé le concile de Florence. Non
content de cet éclat, en 1450 il se rendit à Constantinople où, de
concert avec ses collègues de Jérusalem et d'Alexandrie, il con-
voqua une réunion à Sainte-Sophie. On y condamna de nouveau
l'œuvre de Florence et l'on destitua Grégoire, successeur du pa-
triarche Métrophane, comme suspect de tendances latines (3).
Dorothée mourut en 1464. Ses successeurs immédiats furent
Michel, Joachim et Marc; ce dernier mort en 1476 (4). Ces pa-
triarches paraissent avoir eu des sentiments conciliants et
même catholiques. Gr3^phon aura sans doute mis à profit leurs
bonnes dispositions en faveur de l'union.
Peut-être faut-il considérer comme un effet de ses travaux
l'envoi à Rome au commencement de 1460 de Moïse archidiacre
d'Antioche. Le choix était significatif. Moïse possédait des con-
naissances assez étendues : on le dit tout spécialement versé
dans les littératures grecque et syriaque (5). Il appartenait à
(1) Sous prétexte qu'on ne la suivait pas à Constantinople. Cfr. Migne, P. G..
t. CXXXVII, p. 10-20.
(2) Voir à ce sujet une curieuse brochure arabe : ■< Coup d'œil historique sur
la confrérie hellénique du Saint-Sépidcre, signée par 'Abdalahad, nom de guerre
abritant l'archimandrite orthodoxe Gebàra et aussi La question gréco-arabe ou
V hellénisme en Palestine et en Syrie, Arras et Paris, 1895.
(3) Le Résumé de l'histoire des Grecs catholiques melkites (Mouhtasar, etc.) im-
primé à Beyrouth en 1884, paraît le compter au nombre des i)atriarches catho-
liques pour des raisons à nous inconnues. Page 14, il est appelé « Doûsitiànos »,
appellation ne correspondant à aucun nom grec.
(4) L'auteur du Résumé nomme après Michel, les patriarches Théodore et Joa-
chim. Ce n'est pas en 1463, mais en 1460, qu'eut lieu la mission de l'archidiaci-e
Moïse. Le Pape régnant était non Pie III mais Pie 11 (Cfr. Résumé, p. 17).
(5) Les Melkites connaissaient donc encore le syriaque à cette époque. — Pour
ceux qui voudraient étudier le rôle du syriaque chez les Melkites nous devons
nous contenter de renvoyer aux travaux suivants : Dom Parisot. Journal Asiati-
que, 1898, I, 267; ZDMG, XXXIII, 666, hymne syriaque melchite (probable selon
nous); Renaudot, Liturgiarum orientalium collectio, t. I", xui-xlvi; t. II, xx; As-
FRÈRR GRYPIIOX Kl' \A'] l.lliAN AU XV" SIÈCLE. 01
une branche syrienne de la noble famille franque de L^J'y/n-
briac, nommée aussi Giblet, de la ville de Giblet (Gebail) qu'elle
avait tenu en fief aux temps du royaume latin (1). Moïse venait
au nom des patriarches de Jérusalem, d'Antioche et d'Alexan-
drie et apportait leurs lettres d'adhésion à l'union de Florence.
Le grand pape Pie II le reçut en audience privée et publique;
et le 21 avril de la même année, il fit paraître un document sur
cette nouvelle tentative d'union (2). On a, avec quelque raison,
élevé des doutes sur la sincérité de ce rapprochement, de-
meuré d'ailleurs pratiquement stérile.
La faute principale en doit être rejetée sur les chefs de l'é-
glise grecque en Syrie, dont l'attitude en face de l'union fut
trop souvent équivoque ou même hostile. « On peut dire que
pour le peuple le schisme était plutôt matériel que formel jus-
qu'en 1727 (3) », époque où la séparation entre les deux com-
munions devient nettement tranchée. Jusque-là, comme le mon-
trent les Lettres édi fiantes, les rapports entre catholiques et
orthodoxes sont fréquents et souvent amicaux. Jamais les Sy-
riens n'eussent inventé le cri haineux et stupide : Plutôt Turcs
que Papistes ! L'immixtion du Phanar et l'introduction de l'in-
fluence hellénique dans le patriarcat d'Antiocheau dix-huitième
siècle mettent définitivement un terme à cette entente et ou-
vrent par une longue période l'ère d'une persécution san-
glante (4).
Malheureusement les biographes de Gryphon, principalement
semani, Bibliotheca orienlalis, IV, 378; Jos. Aloy. Assemani, Codex Ulurg. ecclesiœ
universœ, I, 132; IX, p. xxix, etc.; Bickell, Compeclus rei Syrorum lilleriœ, 59,
74; Théodore Balsamon, Migne, P. G., CXXI, 137, 958). Pour la contrepartie,
voir Denzinger, Ritus orienta Hum, I, 3. — Les bibliotliéques d'Europe, principa-
lement la Yaticano et lé British ^Muséum contiennent des mss. sj'riaco-nielchites
ou réputés tels; il faudrait les examiner.
(1) Sur la famille des Giblet voir G. Rey-Ducange, Familles d'outre-mer, 31G-
336; elle compta de nombreuses branches entre autre celle des « Angelier » sei-
gneurs de Maraclée (la Maraqiya actuelle). Après les Croisades les Giblet s'éta-
blissent en Chypre où le dernier représentant mourut en 1488. Rey a ignoré
l'existence de la branche demeurée en Syrie, à laquelle appartient notre 3Ioïse.
(2) Raynald, année 1460, n" 55. Les actes relatifs à cette affaire reposent aux
archives secrètes du Vatican, armoire IV.
(3) Rapport de l'abbé P. Geraïgiry à l'Œuvre des Écoles d'Orient en 1879.
(4) Cf. Revue de l'Orient chrétien, 1898. Baron d'Avril, les Grecs Melkites;
p. 12-20. Dans la suite de son travail l'auteur admet également l'existence d'une
liturgie syro-melkite.
92 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
préoccupés de son apostolat auprès des Maronites ont négligé
de nous donner le détail de ses missions parmi les orthodoxes
de Syrie. Elles n'aboutirent qu'à des conversions individuelles ;
le grand mouvement de retour parmi les Grecs n'ayant com-
mencé que vers la fin du dix- septième siècle (1).
VIII
Gryphon eut le bonheur de vivre sous des Papes, tous très
attentifs aux affaires de l'Orient : Eugène IV, le Pontife du con-
cile de Florence, Nicolas V, qu'on a faussement accusé d'indif-
férence à cet égard (2) et surtout Callixte III. La croisade devint
l'idée fondamentale du règne du vieux Pontife castillan. Il l'i-
naugura en s'engageant solennellement par vœu à sacrifier
dans ce but tous les trésors de l'Église et s'il le fallait sa propre
vie : c< Moi, Callixte, fais vœu à la Très Sainte Trmité... de dé-
livrer les chrétiens gémissant dans l'esclavage, de relever en
Orient la vraie foi et d'en extirper la secte diabolique du maudit
et infidèle Mahomet. Si je t'oublie, ô Jérusalem...! ». Il s'entre-
tenait des heures entières de la Croisade avec les Franciscains ;
les autres affaires étaient promptement expédiées; pour celle-là
il y revenait constamment (3). Les appels en faveur de la déli-
vrance des chrétiens orientaux occupent une bonne partie des
38 gros volumes, contenant les actes du pontificat si court de
Callixte III et déposés aux archives secrètes du Vatican (4). Il
ne s'en tenait pas aux paroles. Remarquant un jour sur sa table
une salière dor : « Qu'on l'enlève! s'écria-t-il, pour l'Orient!
de la faïence fera tout aussi bien! » Après la victoire de Bel-
grade (21 juillet 1456) le Pape songea sérieusement à conquérir
la Terre-Sainte (5).
Dès la première année de son pontificat, le 14 juin 1455
Callixte avait écrit au patriarche Jacob de Hadat une lettre,
(1) Revue de l'Orient chrétien, 1898. Baron d'Avril, les Grecs Melkites.
(2) Cfr. Pastor, I, 443. Dans la première bulle de Léon X au patriarche Pierre,
il est fait mention d'une lettre de Nicolas V aux Maronites.
(3) Wadding, Xll, 290.
(4) Pastor, I, 518.
(5) Pastor, 1, 557.
FIIKUE CIIIVI'IIOX KT lA'l LlIîAX AU XV" SlKCLi:. 03
confiée à un certain Ibrahim, envoyé du prélat maronite. Le
Pape y loue la foi et le zèle du prélat pour les intérêts spiri-
tuels de son troupeau (1). En 1457 il adressait une nouvelle
lettre aux chrétiens de Syrie (2).
On devine avec quelle faveur il dut accueillir Gryphon venu
à Rome dans l'intérêt de ses chers Maronites. Le Pontile en qui
malgré les glaces de l'âge bouillonnait toute l'ardeur du sang
espagnol et le missionnaire flamand étaient faits pour se com-
prendre. Tous les deux esprits larges, ouverts aux grandes idées
ils avaient un amour commun : celui de l'Orient. Callixte mit
certainement à profit l'expérience acquise par Gryphon pendant
15 années de séjour en Syrie. Malheureusement l'histoire ne
ne nous a conservé aucun détail sur ce voyage que les étroites
limites du règne de Calhxte III obligent de placer entre 1455
et 1458.
Quelques années plus tard, Rome revit Gryphon pour la se-
conde fois. Pierre, surnommé Ibn al-Hassàn avait succédé au
patriarche Jacob de Hatlat. En 1469 dans une réunion des prin-
cipaux du clergé et de la nation maronite, le nouveau patriarche
décida d'envoyer à Rome les lettres d'obédience pour demander
la confirmation de son élection. Les lettres furent signées par
les assistants et l'on désigna pour les porter Gryphon, accom-
pagné de deux autres franciscains Frère Simon et Frère
Alexandre (3). Cette députation arriva à Rome dans la pre-
mière moitié de 1469.
IX
Successeur de Pie II, Paul II avait hérité de ce grand Pape
son dévoùment aux intérêts de l'Orient chrétien (4). Il reçut
avec joie les envoyés du peuple libanais, ordonna une enquête
sur l'élection du nouveau patriarche, sur son orthodoxie et
(1) Douwaïhî, 404.
(2) Raynald ad. ann. 1456, n° 44, anii. 1457, n" 68. Wadding XII, 420423.
(3) Douwaïhî, 413.
(4) Pour les détails voir Pastor, II, 318-321 ; 345 etc. — Pic II envoya à Jérusa-
lem frère Baptiste de Lubeck, savant médecin, pour donner ses soins aux reli-
gieux de Terre-Sainte. Cfr. Juan de Calahorra, Chronica de Syria, 1. IV, c. XX.
p. 297.
94 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
celle de son peuple. Gryphon rendit à l'un et à l'autre le
meilleur témoignage. En même temps il écrivit de Rome à ses
chers Maronites la lettre suivante (1). En voici les passages
principaux (2) :
« Frères bien-aimés!... Notre Seigneur Paul, Pape de Rome,
Vicaire du Messie et successeur de saint Pierre, me renvoie
vers vous pour vous attester la croyance de Pierre; comme
je suis venu témoigner ici que la vôtre était conforme à la
sienne, que vous étiez d'accord avec lui, soumis à son siège.
De cela j'ai pu fournir plusieurs preuves :
1° Que votre patriarche, vos évêques, vos prêtres séculiers
et réguliers, ainsi que les laïques interrogés par moi à ce sujet
m'ont donné la réponse précédente. J'en suis sûr, ils n'ont en
aucune manière usé de réticence et je ne serai pas accusé de
mensonge près du Pape de Rome.
2" Il y a de par le monde plusieurs sectes chrétiennes ou
infidèles. Les Maronites, nous le savons, ne sont d'accord ni
avec les infidèles, ni avec les Nestoriens, ni avec les Jacobites, ni
avec les Grecs; mais ils considèrent toutes ces sectes comme
hétérodoxes. S'ils agissaient de même à l'égard de la croyance
des Francs, il s'ensuivrait qu'il ne se trouve des savants,
des saints, des livres et des témoignages irrécusables que chez
les seuls Maronites; conclusion évidemment inadmissible, vu
le petit nombre de ces derniers. Mais par le fait de leur
communion avec les Francs, ils le sont également avec une
grande société ayant toujours produit des saints, des savants,
des rois, etc.
3° De temps immémorial tous les Maronites font solennelle-
ment mention du Pontife romain; ce qu'ils ne font pour aucun
autre personnage des autres confessions. Vos ancêtres n'ontétabli
cette coutume que parce qu'ils étaient d'accord avec le Pape
de Rome, unis dans la même croyance.
4° Dans les pays des Francs, à Rhodes, à Chypre, cà Tri-
poli (3), à Beyrouth, à Jérusalem, les Maronites de toute anti-
(1) Des copies de cette lettre étaient jadis répandues par tout le Liban. Au
temps de Douwaihî, les archives de Qanoûbîn en gardaient une de la main de
l'évêque Gabriel, disciple de Gryphon.
(2) Le style en est fort négligé ; notre traduction s'en ressentira forcément.
(3) Les documents des Croisades signalent une église franciscaine à Tripoli.
(ZDPV.X, 33). E.xistait-elle encore au quinzième siècle?
FiiÈui': (iuviMiux i;t lk liijan au xv'^ sikclk. 0.J
quitc fréquentent les églises des Francs et célèbrent sur leurs
autels avec les mêmes ornements; ils consacrent et font comme
eux le signe de la croix; ils se confessent et communient chez
eux et reçoivent en présent des mitres, etc.. En suite de cela
le patriarche Jérémie, ses prêtres et son peuple, il y a plus de
250 ans se sont unis de croyance avec les Francs; en quoi ils
ont été imités par plusieurs patriarches, et à notre époque par
Jean Al^à^î et après lui par le titulaire actuel, Pierre, demeu-
rant au couvent de Qanoûbîn.
Dieu veuille vous garder dans cette union et vérifier ainsi
ce que j'ai attesté à notre saint Père le Pontife de Rome! »
Comme il ressort de toute la lettre, Gryphon se montra à
Rome l'avocat dévoué des Maronites. Grâce à son intervention,
comme on l'a déjà vu, on leur permit de conserver plus d' « une
coutume propre à l'église orientale » (I).
A son retour au Liban il y apportait un bref de Paul II au
chef de la nation maronite. Le Pontife y déclare qu'il a reçu
par Gryphon la lettre du Prélat. Elle lui a appris — détails con-
firmés de vive voix par le missionnaire franciscain — avec
quel zèle il s'applique à maintenir la pureté de la foi. La plus
grande partie de la lettre apostolique est remplie d'explications
sur certaines questions dogmatiques, actuellement d'assez mé-
diocre intérêt. A la fin, le Pape confirme l'élection de Pierre,
l'engage à recevoir les enseignements de Gryphon et de ses
compagnons et à écouter leurs conseils, comme s'ils émanaient
de sa propre personne. Ce document est daté de Rome, août
1469.
Paul II ne se serait pas contenté de ces exhortations, si ho-
norables pour Gryphon. S'il faut en croire la plupart des his-
toriens franciscains, il l'aurait consacré patriarche des Maro-
nites.
Il y a près de cinq ans, nous nous trouvions à Bruxelles dans
(1) Dans sa lettre à Léon X, le P. Franc. Soriano, custode de Terre-Sainte dit
que les Maronites ne se distinguent des Latins que par « certaines coutumes ap-
prouvées par le Saint Siège sur les instances de Frère Gryphon. »
96 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
la bibliothèque des Bollandistes. Nous nous rappelons encore
la stupeur qui nous saisit quand pour la première fois en
feuilletant les grandes histoires de Tordre franciscain nous
tombâmes sur cette nomination d'un missionnaire flamand
comme patriarche du Liban. Le problème historique nous parut
digne d'être élucidé. De cette pensée est sorti le présent travail.
Le fait est d'autant plus étrange qu'à cette époque précise
les Maronites venaient d'élire un patriarche et que le mission-
naire était lui-même porteur du bref approuvant cette élec-
tion. Cependant la presque unanimité de nos auteurs affirment
ce fait. Malgré leur nombre imposant, en examinant de près
leurs expressions, on s'aperçoit que tous ont copié AYadding,
et souvent textuellement. Tout revient donc à l'autorité du
principal historiographe de l'ordre séraphique.
Nous pouvons heureusement opposer ici à Wadding la chro-
nique du franciscain Glassberger, récemment éditée à Flo-
rence (1). Ce religieux allemand entré dans l'Ordre en 1472
était presque contemporain de Gryphon et sa chronique manus-
crite, demeurée dans la poussière des bibliothèques jusqu'à ces
dernières années n'a pas été utilisée par Wadding (2). C'est
donc un travail indépendant des sources auxquelles a puisé ce
dernier. La courte mais substantielle notice, que Glassberger
consacre à son illustre confrère semble avoir été composée sur
des renseignements fournis par les compagnons ou les succes-
seurs immédiats de Gryphon (3). Or tout en exaltant les grands
travaux du missionnaire il ignore complètement cette promo-
tion à la dignité patriarcale (4). C'eût été pourtant le lieu de
la mentionner. Dans de pareilles conditions son silence est si-
gnificatif.
Le plus sage semble donc de se rallier à la conclusion de
Quaresmius. Ce judicieux écrivain n'adopte pas non plus la
version de Wadding et, après l'avoir exposée, il conclut par cette
(l) En 1887. Dans la collection « Analecta franciscana », t. II.
("2) Cfr. la préface, p. vi, de l'édition de Glassberger.
(3) A part cependant certains détails de haute fantaisie, par ex. : ... « Maronitœ
«on habent proprium idioma, sed aliqui loquuntur grsece, alii saracenice et in
Divinis utuntur litteris latinis, in negotiis saîcularibus litteris nationum. >'
(4) A la fin du dix-septième siècle les prélats et le peuple maronites voulurent
sérieusement élire comme patriarche M. de Chasteuil, un simple laïque. Cfr.
De la Rocquc, Voyage de Syrie et du mont Liban, II, 193.
FRÈRE fiUVPIION KT LE LIBAN AU XV' SIÈCLE. 1)7
réflexion extrêmement sensée : « Sans doute ce n'est là qu'une
façon de faire ressortir les travaux de Gryphon pour l'instruc-
tion et le salut des Maronites ».
Selon nous, quelque chose fut cependant modifié dans la
position de l'humble missionnaire après son retour de Rome.
Il revint au Liban avec une mission officielle et investi de pou-
voirs spéciaux. Paul II dans sa lettre au patriarche Pierre sem-
ble y faire allusion, quand il l'exhorte à recevoir les paroles du
Franciscain, comme si elles émanaient du siège apostolique.
Cette hypothèse parait d'autant plus vraisemblable qu'à la mort
de Gryphon Sixte IV recommande au général des Franciscains
d'envoyer désormais au mont Liban un de ses religieux, comme
représentant du saint Siège, charge remplie exclusivement par
eux, jusque vers la fin du seizième siècle où nous voyons aussi
envoyer aux Maronites des membres d'autres ordres religieux.
Représentant de Rome au Liban, Gryphon a-t-il en outre
reçu le caractère épiscopal? Devant l'affirmation presque una-
nime des auteurs que nous suivons, nous inclinerions à l'ad-
mettre. Ayant juridiction sur les Latins du Levant, il aurait été
chargé auprès des rites orientaux de fonctions analogues à
celles de nos délégués apostoliques. Évêque et délégué pontifical
au Liban les chroniqueurs occidentaux auront transformé
Gryphon en patriarche maronite. Voilà comment nous nous re-
présentons l'évolution de cette nouvelle légende, répétée avec
tant de persistance.
Une autre explication, donnée par Douwaïhî, va beaucoup
plus loin. D'après lui, il y a confusion. Gryphon a été réelle-
ment patriarche, non pas des Maronites, mais de Jérusalem. Le
docte historien ayant oublié de nous dire sur quelle autorité il
appuie cette affirmation, nous devons lui en laisser toute la
responsabilité. En tous cas Gryphon n'aurait pu être que pa-
triarche titulaire, le patriarcat latin de Jérusalem n'ayant été
rétabli que vers le milieu du dix-neuvième siècle. Malheureuse-
ment pour cette dernière hypothèse, pendant toute la durée du
séjour de Gryphon au Liban le titre de patriarche latin de Jéru-
salem fut porté par l'illustre cardinal Bessarion (1449-1472) et
par Louis I d'Harcourt mort en 1479 (I).
(1) Das laleinische Patriarcat von Jérusalem, par le P. Eg. Goissler, dans Das
heil. Land, 1891, p. 2(3.
ORIENT CHRÉTIEN. 7
98 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
Pourtant la supposition de Douwaïhî n'est pas entièrement
chimérique. Dès 1400 il avait été question de créer un patriar-
che pour les Latins du Levant (1). Le titulaire proposé était un
franciscain (2) italien, Fr. Louis de Bologne, qui venait d'ame-
ner à Rome les envoyés de l'empereur David de Trébizonde, du
chah de Perse et d'autres princes orientaux, inquiets des progrès
de la puissance ottomane. Malgré les instances de cette députa-
tionle projet échoua devant les résistances de Pie IL Les événe-
ments devaient justifier les répugnances du Pontife. La con-
duite de L. de Bologne en France, en Belgique, à Venise (où
malgré la défense de Rome, il se fit consacrer évêque) en Polo-
gne et en Perse, donna lieu à des soupçons. « Rien ne prouve
cependant, dit Hefele, que ce religieux excentrique fût à propre-
ment parler un imposteur » (3).
Paul II reprit-il en faveur de Gryphon le projet abandonné
sous Pie II, ou le franciscain flamand fut-il simplement revêtu
du caractère épiscopal? Dans les deux cas il aurait pu consacrer
les évêques (4) dont parlent les écrivains occidentaux.
Ayant distingué parmi les Maronites deux sujets de grand
talent et de haute vertu, Jean et Gabriel, il les admit dans l'or-
dre séraphique et après leur profession les envoya à Venise et
à Rome se perfectionner dans les sciences sacrées. Revenus
plus tard en Orient, ils y firent beaucoup de bien (5).
Vers ce 'temps les Jacobites du Liban avaient relevé la tête et
s'efforçaient de glisser leurs erreurs parmi les Maronites. Fr.
Gabriel les démasqua et parvint à arrêter la contagion. Ce fut un
écrivain d'une étonnante fécondité. Au témoignage de Douvaïhî,
([) Et non pour tons les catholiquesorientaux, comme le dit Rolirbacher, Ilist. de
r Église, XXII, p. 269.
(2) ZDPV, XII, 52, en fait à tort un dominicain.
(3) Concilienrjeschichte, VIII, 143 :' Pastor, II, I72-I7J.
(4) Ou suffragants (Wadding). Après la mort de Gryphon, Sixte IV ordonne
d'envoyer désormais au Liban un franciscain, muni des pouvoii-s les plus amples
pour absoudre des censures et des cas réservés, commuer les vœux, accorder des
dispenses, sans être honoré de la dignité épiscopale. Cette dernière dignité aurait-
elle été seulement conférée à Gryphon à cause de ses mérites personnels! Rap-
prochez encore le fait signalé par L. de Suchem en 1336 qui dit avoir vu des pré-
lats maronites consacrés par des évèques latins. Or à cette date il ne restait plus
un seul des évèchés fondés par les croisés en Syrie.
(5) Surtout Gabriel. Jean mourut peu après son retour en Syrie. Douwaïhî, 143,
409.
FRÈRI<; GIIVI'IKJN KT LK LIBAN AU XV' SIK<'1,E. 99
il écrivit 4G5 lettres ou petits traités dirigés surtout contre les
Jacobites.
Nous avons eu entre les mains quelques-uns de ces mayâmir
ou Zagaliât, conservés clans la bibliothèque de notre Univer-
sité! Ils devaient exister encore pour la plupart au temps
de Douwaïhî. Ce savant prélat les cite pour ainsi dire à cha-
que page (1). A en juger par ces spécimens, plusieurs de ces
pièces mériteraient d'être publiées : elles jetteraient de la
lumière sur l'histoire des Maronites et du Liban, avant le
quinzième siècle, époque si pauvre en documents histori-
ques (2).
En 1494, Gabriel écrivit au patriarche Simon de Hadat une
lettre pour le presser de demander à Rome la confirmation de
son élection, comme l'avaient fait ses prédécesseurs. Nous
croyons devoir en citer un extrait à cause des allusions qu'elle
renferme à des événements antérieurs, intéressant l'histoire re-
ligieuse du Liban :
« On ne peut m'objecter que cette coutume est une innova-
tion, inventée par moi. Plus de quinze lettres de Papes, munies
de leurs sceaux me rendent témoignage et sont encore conser-
vées aux archives de votre couvent. On y lit des professions de
foi, vieilles de 282 ans et plus. Votre propre profession de foi
se trouve à Rome où elle fut apportée par Gryphon et les FF.
Alexandre et Simon. Le Fr. Jean, supérieur de Beyrouth, délé-
gué de votre patriarche Jean Al-gàgî, avait fait de même au
concile de Florence, et avant lui Aiméric des Frères prêcheurs
et le Cardinal Guillaume, légat du Pape auprès de votre peu-
ple. Les principaux du clergé et de la nation, le patriarche,
pour lors Grégoire de Hâlàt, se réunirent en sa présence : tous
attestèrent par écrit et jurèrent de demeurer invariablement
attachés au siège de Rome. »
« Lorsque le roi Godefroy, après la prise de Jérusalem, envoya
porter cette nouvelle à Rome, à ses ambassadeurs s'étaient
joint des envoyés du patriarche Joseph Al-gargasî, et ils lui
rapportèrent une crosse et une mitre. Du temps de la reine
(1) Par exemple, pp. 339, 354, 368, etc.
(2) Écrites en un style extrêmement populaire, elles donneraient une idée du
dialecte vulgaire au quinzième siècle. A ce titre seul les arabisants d'Europe
salueraient leur apparition avec plaisir.
100 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
Constance (1) on commença au Liban à sonner les cloches,
selon l'usage de l'église occidentale : jusque-là on n'avait em-
ployé pour appeler aux offices que des morceaux de bois comme
les Grecs. Quand cette princesse acheta pour 80,000 dinars à
Jérusalem l'église de la Résurrection, le tombeau de Marie, le
mont des Oliviers et le sanctuaire de Bethléem, elle donna aux
Maronites la grotte de la Croix et plusieurs autels dans les autres
églises de la Ville Sainte, leur permettant de célébrer sur les
autels des Francs et avec leurs ornements, ajoutant en outre une
confirmation pontificale de tous ces privilèges. Et dans une
réunion de Maronites, tenue à Jérusalem, tous s'engagèrent
solennellement à rester fermement unis à la communion ro-
maine, etc.. »
Gabriel traduisit en arabe une quantité d'ouvrages utiles ; il
en composa aussi d'originaux en cette langue et en syriaque.
En plusieurs rencontres il défendit avec vigueur sa nation
contre les attaques de ses adversaires. Aussi les Maronites
l'ont-ils en grande estime. « Le récit de ses actions fut écrit, dit
Quaresmius et est conservé au couvent patriarcal (2), comme
l'ont assuré des Maronites dignes de foi (3). » Le patriarche
Simon de Hadat le consacra en 1507 évêque des Maronites de
Chypre (4).
XI
Quoique revêtu d'une dignité nouvelle, Gryphon ne changea
rien à son austère façon de vivre. Il poussait la pauvreté jusqu'à
ses dernières limites (5). Comme tous les vrais saints, « sévère
pour lui-même il était d'une tendresse et d'une charité infinies
pour les autres » (6). Aux fatigues de la prédication (7), des
(1) II s'agit de Constance, femme de Robert roi de Sicile. Cfr. Douwaïhî, 4Cy2.
(2) De Qanoùbîn.
(3) Il serait à désirer qu'elle fût publiée. Elle nous donnerait sur cette époque et
peut-être même sur Gryphon des détails intéressants. Sur Gabriel, voir Douwaïhî.
412-425.
(4) Douwaïhî, 143, 285, 369.
(5) '- Paupertate et humilitate clarissimus, » dit de Gryplion le P. Arturus.
(6) Comme s'exprime le Père Arturus.
(7) Ses conférences étaient quotidiennes d'après de Gubernatis.
FRÈIIK GI{V1'II0\ I:T le LIBAN AU XV'^ SIÈiXE. 101
voyages et du saint ministère, il voulut joindre celui de la
composition. D'après le P. de Guljcrnatis il écrivit plusieurs
ouvrages en syriaque et en traduisit d'autres en cette langue,
fait assurément peu commun dans les ;innalcs de l'orientalisme.
Il aurait même traduit certaines parties de la sainte Écriture.
Cette assertion n'a rien d'invraisemblable, la version arabe
intégrale de la Bible à l'usage des Maronites datant seulement
de 1671 (1); on peut aussi songer à un commentaire biblique
auquel l'ancien professeur d'exégèse aurait travaillé.
Malheureusement il ne nous reste que le titre de deux de ces
ouvrages. Le premier : Gloires de Marie (2j; le second Itiné-
raire ou Topograp/iie de la Terre-Sainte ; Wadding(3) cite les
premiers mots de ce dernier travail (4). Douwaïhi attribue àGry-
phon un petit écrit {maïniar) sur la chute de Constantinople. Il
serait intéressant de les retrouver. A notre époque où l'on s'oc-
cupe sérieusement de l'étude des manuscrits syriaè[ues, l'avenir
nous réserve peut-être de nouvelles trouvailles. Cet espoir nous
semble permis. En l'absence de catalogue et d'autres informa-
tions bibliographiques nous n'avons que de vagues renseigne-
ments sur les trésors littéraires gardés avec un soin jaloux dans
labibliothèquedupatriarcatdeBekerkietdans quelques couvents
du Liban (5). Certains savants maronites, au premier rang des-
quels nous devins nommer M. Rachid Chartoumi ont commencé
depuis quelque temps à exploiter cette mine, à peu près intacte
et, senible-t-il, riche de promesses.
Cette seconde moitié du quinzième siècle fut pour le Liban
une ère de grande prospérité. La Montagne jouissait d'une
paix profonde sous la sage administration de ses mouqaddams.
Aussi de toutes les parties de la Syrie les chrétiens des autres
rites venaient-ils y chercher un refuge. Dans le seul village de
(1) Cfr. Al-Machriq, I, et 10.
(2) De laudibus Mariœ; nous ne savons si cet ouvrage était en latin ou eu un
autre idiome.
(3) Scriptores ordinis Miiioruin, Roaia?, 1G50; p. 141.
(4) Traduit en français par Garcia de Santa-Maria (Rûhricht, Bibliot. Gcogr. Pa-
lestinœ 121.), Original et traduction paraissent perdus.
(5) Cfr. la revue arabe Al-Machriq, de Beyrouth (1898, p. 261). Nous y ex-
])rimions l'espoir de voir publier les ca'talogues des bibliothèques patriarcales
de l'Orient. Dans VOrientalistiche Literaturzeitung (1898, p. 104), le docteur
G. Kampffmeyer s'est fait l'écho de cet article.
102 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
Hadsît on comptait vingt prêtres. Bsarré avait autant d'autels
que de jours dans l'année. Le bourg de Hadat possédait 600
paires de bœufs (1). Le mouvement littéraire était en rapport
avec cette prospérité extérieure. Si on vit paraître alors peu de
productions originales, l'on s'efforçait de conserver du moins les
oeuvres des prédécesseurs. Selon Douwaïhî le nombre des co-
pistes (nossàh) de ce temps dont il a eu les manuscrits entre les
mains s'élève à environ 110. Vers cette même époque on com-
mença à remplacer l'écriture estranghélo par les caractères sy-
riaques arrondis.
XII
Cependant Gryphon avait avancé en âge; mais son zèle n'a-
vait en rien souffert des atteintes de la vieillesse. Voyant le
florissant état de la religion au Liban, il jugea que ses frères (2)
pourraient continuer l'œuvre commencée et il songea à entre-
prendre le voyage de la Perse.
Quel était le motif de ce brusque départ pour une si lointaine
destination? Le zèle des âmes, répondentnos auteurs. Mais encore
sommes-nous en droit de demander pourquoi de préférence aux
contrées plus rapprochées, où son zèle aurait trouvé de quoi
se satisfaire, Gryphon songe à la Perse; et cela à un âge où
l'homme s'inquiète plutôt de mettre la dernière main aux
œuvres commencées que d'en entreprendre de nouvelles.
Espérait-il provoquer un mouvement de conversion parmi
les Nestoriens de Chaldée et de Perse? Un de leurs métropoli-
tains, ayant juridiction sur l'île de Chypre était rentré dans
le sein de l'Église en 1439. Jusque vers le milieu du siècle
suivant, c'est la seule tentative d'union au sein du Nestoria-
nisme. Aussi croyons-nous devoir chercher ailleurs le motif du
départ de Gryphon.
A cette époque, l'Europe, l'Italie surtout, tremblaient devant
le Turc. Or on venait d'y apprendre que les Persans, ces en-
nemis nés des Ottomans, avaient battu leurs armées réputées
(1) « Et Ehden 70 mulets, » ajoute Douwaïhî.
(2) Outre ce Frère François de Barcelone les auteurs occidentaux et Douwaïhî
nomment d'autres franciscains assistant Gryphon dans ses travaux.
FRKRK (IRVIMION HT LIO LIBAN AU XV" SIKCLE. 103
invincibles. A plusieurs reprises les pontifes romains avaient
entamé des négociations avec les souverains persans; en 14G0
ils avaient accueilli leurs envoyés venus à la suite de Frère
Louis de Bologne (1). Les circonstances paraissaient plus favora-
bles que jamais pour une entente commune. Si profitant de la
diversion opérée par la Perse, les chrétiens d'Europe avaient
mis en mer une flotte imposante, des flots de sang auraient sans
doute été épargnés à l'Occident. Ces considérations n'avaient
pas échappé à la vigilance de Sixte IV qui venait de succéder
à Paul IL
Pour préparer cette nouvelle croisade, il envoya des légats
à toutes les cours de l'Europe. Il a dû également reprendre
les négociations avec la Perse. A vrai dire je n'ai pas décou-
vert les traces de ces négociations, au moins pour les années
1474 et 1475 où la suite de l'histoire de Gryphon vient de nous
conduire.
En 1475 nous retrouvons à la cour de Perse le fameux fran-
ciscain Louis de Bologne. Il s'y rencontra avec le Vénitien Am-
broise Contarini, auquel il se donna comme patriarche et
ambassadeur de Bourgogne. En 1477, il reparaîtra à Rome,
chargé, cette fois, d'une mission authentique par le souverain
persan (I).
Nous l'avons déjà vu, Louis de Bologne n'inspirait à la cour
romaine qu'une médiocre confiance. Peut-être songea-t-on à lui
substituer un négociateur beaucoup plus sérieux. Quel homme
était plus à même de remplir cette nouvelle mission que Gry-
phon? Sa longue expérience de l'Orient, sa connaissance des
mœurs et des langues de ces contrées le désignaient naturelle-
ment au choix du souverain pontife.
Quoi qu'il en soit, mission apostolique ou négociations diplo-
matiques, le zélé franciscain s'embarqua (2) pour se rendre en
Perse, toujours en compagnie de Frère François de Barcelone. En
mer il tomba dangereusement malade et fut obligé de relâcher
à Famagouste, le principal port de l'île de Chypre. Il y ex-
il) Hefele, VIII. 142-144.
(2) Ainsi s'expriment nos auteurs. Jlais pourquoi se trouvant au Liban, Gry-
phon prend-il la mer pour se rendre en Perse ? Allait-il d'abord à Rome, ou se
proposait-il de débarquer dans le golf(^ d'Alexandrette, voie encore très suivie de
nos jours?
104 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
pira quelques jours après, entouré de ses frères au couvent de
Saint-François. C'était le 18 juillet 1475 (1).
. Frère François de Barcelone partit aussitôt pour Rome. Il
annonça à Sixte IV la mort du grand missionnaire et l'engagea
à lui donner un remplaçant. Le Pape, franciscain lui-même, en-
joignit aussitôt au général de l'Ordre séraphique d'envoyer en
Syrie celui de ses religieux qu'il jugerait le plus capable de
remplir cette mission. La chose ne put être exécutée de sitôt.
Mais le détail de cette négociation nous entraînerait hors du
cadre de notre travail.
Le souvenir de l'héroïque apôtre fut religieusement conservé
dans l'ordre de saint François. Il est mentionné dans le Mé-
nologe franciscain du Père Fortuné Hueber et dans le Marty-
rologe franciscain du P. Arturus, où le titre de bienheureux
lui est clairement donné (2).
Les Maronites ne l'oublièrent pas non plus. Dans une lettre
du 8 mars 1514, adressée à Léon X le patriarche Simon-Pierre
supplie le Pape de lui envoyer des religieux comme Gryphon (3)
dont le souvenir était resté dans la mémoire du peuple maro-
nite comme le modèle des missionnaires. On n'en pouvait faire
un plus bel éloge.
H. Lammens s. J.
(1) Date à laquelle Gryphon est'mentionné dans les ménologes et martyrolo-
ges franciscains. Le décret de Sixte IV désignant un successeur à Gryphon est
du 5 octobre suivant.
(2) Il n'est pas question du bienheureux Gryphon dans les nombreux martyro-
loges belges anciens que j'ai consultés à la Bibliothèque des BoUandistes, quoiqu'ils^
eni'egistrent non seulement les saints et bienheureux des Pays-Bas, mais encore
les personnages morts en odeur de sainteté.
(3) Ilel'ele. VIII, G82;Raynald, année 1514, n° 87.
LES OFFICES ET LES DHiNITÉS ECCLÉSIASTIQUES. 117
fois chez les Latins, le chef du collège des prêtres attachés à
une cathédrale; mais le sens spécial que le mot archiprétra a
pris chez nous pour désigner le curé d'une église cathédrale,
qui est en même temps paroissiale, est inconnu en Orient.
Le Deuriùme Prêtre, h AsuTspsuor; t(ov '\zç.iwt. — Ce digni-
taire dirigeait et précédait les autres prêtres dans toutes les
cérémonies, particulièrement dans les processions. Lorsque
Tarchiprêtre était absent, il le remplaçait et jouissait de tous
ses droits. Comme ce dernier il avait le privilège de concé-
lébrer avec le patriarche, les autres prêtres n'étant admis à le
faire qu'avec les évêques. C'était lui qui, à la fin de la messe,
récitait la prière dite de derrière l'ambon, t-Jjv à::i!jOx;j,6o)vsv
Le Deuxième Diacre, h A£u-spî'jo)v twv Aia-/,ivo)v. — Il est assez
étrange que le premier d'entre les diacres, c'est-à-dire l'archi-
diacre, ne soit pas mentionné dans cette liste des dignitaires
ecclésiastiques rédigée par Codinus. Les commentateurs de
cet auteur ont fort discuté sur ce fait, sans parvenir à l'élucider,
et, généralement, ils ont fini par admettre qu'au moment où
ce catalogue des dignités et offices fut dressé la charge d'archi-
diacre avait été supprimée. Il y aurait des recherches à faire
pour trancher définitivement la question. Quoi qu'il en soit, il
semble que, pendant un temps plus ou moins long, le Deuxième
Diacre ait été le véritable chef du corps des diacres. Ses attri-
butions à ce titre étaient nombreuses. Celles que les auteurs
énumèrent habituellement sont les suivantes : il indiquait aux
diacres la part que chacun d'eux devait prendre dans les céré-
monies, il recevait, à leur entrée dans l'église, les empereurs
et les patriarches et faisait chanter en leur honneur les ttoXu-
Xpovi(TiJ.ûijç, il portait le livre des Évangiles dans les proces-
sions, il récitait les litanies appelées cruva—xîet aÎT-r^ïstr, etc.
LES CINQ OFFICES DU SEPTIEME GROUPE,
Le Premier Chantre ou Protopsalte, b Upiù-cbih-r,:;. —
Comme son nom l'indique clairement, ce personnage avait sous
sa direction tout le personnel des chantres. Placé entre les deux
1 18 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
chœurs, c'était lui qui commençait les chants que ceux-ci con-
tinuaient alternativement ou ensemble suivant les règles éta-
blies par l'usage. Il était vêtu du crçixTcijpiov, sorte de tunique
courte et étroite.
Les deux Domestiques^ c'est-à-dire celui du premier et celui
du deuxième chœur, o\ Suo Ac[j.£i7-ii/.ot toù •Trpwtoj -/.ai -zXj osuTÉpou
y^oç,:,X). — Le mot latin domesticus, devenu ccijicr-ty.o; en grec,
désignait dans la période byzantine diverses personnes chargées
d'un emploi, et même d'un emploi important, à la cour impé-
riale, dans les palais des grands seigneurs et auprès des pa-
triarches : c'est ainsi qu'il y avait un domesticus scholarum,
un domesticus mensœ, etc. Dans la Grande Église il devint le
nom des chefs des deux chœurs, qui exécutaient les chants re-
ligieux, sous la direction générale du protopsalte. Mais un mo-
ment vint où il parait être tombé en désuétude, et il n'y eut
plus dès lors, au lieu d'un protopsalte et de deux domestiques
de chant, qu'un chef du chœur de droite, qui fut le protopsalte
lui-même, et un chef du chœur de gauche, qui s'appela lampa-
daire, Aaix^aoàpisç, comme nous le verrons plus loin.
Le Convocateur, 6 Aaoa'jvi7-r,q. — Cet officier, on le com-
prend sans peine, devait prendre toutes les mesures nécessaires
pour que les fidèles et les ecclésiastiques fussent régulièrement
avertis des jours et des heures où ils devaient se rendre à l'é-
glise, afin d'assister aux diverses cérémonies.
Le P)'i)nicier des greffiers ou des registres, b IIpiij.i/.ôpiîç
Twv Ta6cjAo:pûov. — Le cicrgc pascal étant un des objets les plus
apparents du chœur, l'usage s'établit de bonne heure d'y graver
les noms des principaux dignitaires ecclésiastiques. Dans cer-
taines églises ces noms étaient inscrits sur des tablettes endui-
tes de cire, que l'on suspendait dans un endroit d'où elles pou-
vaient facilement être aperçues. De là vint le nom deprimus in
cerd, par abréviation primicerius, qui était donné au personnage
inscrit le premier sur la liste en question. Plus tard, ce terme,
pris dans le sens général de chef, de directeur, servit à désigner
divers officiers placés à la tête de tels ou tels fonctionnaires
ou employés; il y eut, par exemple, un primicerius aulae, un
primicerius domesticorum, etc. Bien entendu les Grecs l'adop-
tèrent, et c'est pour cela que nous trouvons à la cour patriar-
cale un ~pi[).œripioç Ta6uÀap(o)v. Mais que signifie •vaSjXapiwv, mot
LES OFFICES ET LES DIGNITÉS ECCLÉSIASTIi,»L'ES. 119
également latin? Faut-il le traduire par nolaires, greffiers
{tabularii) ou par archives, registres (tabidaria), c'est un
point sur lequel les commentateurs de Codinus ne sont point
d'accord. Du reste, dans le premier cas, quelle différence y
aurait-il entre le fonctionnaire dont il s'agit et le protonotaire,
et, dans l'autre, en quoi se distinguerait-il du grand archiviste?
Le mieux est d'avouer que l'on ne peut se faire une idée précise
de ses attributions.
Le Chef des kondakia, z "Apy_o)v twv y.^vTay.uov. — Le nom de
y.cvsay.i5v OU y.ov-âyasv est donné, ainsi que nous l'avons vu plus
haut, à de petits volumes renfermant des extraits de l'eucho-
loge, livre de grandes dimensions et, par conséquent, peu
maniable ; mais il est employé également pour désigner une
strophe ou, plus exactement, un tropaire, contenant en abrégé
le sujet de la fête du jour (xovtôç, bref, court). Le chant de ce
tropaire avait une assez grande importance pour qu'il fût con-
fié spécialement à un clerc de l'ordre des lecteurs, lequel tirait
de sa fonction son nom de chef des kondakia.
LES CINy OFFICES DU HUITIÈME GROfPE,
Le Primicier des Lecteurs, b npt[j.iy,-(^pio; twv 'AvayvwsTwv. —
Il est inutile de s'étendre sur les attributions de ce clerc, puis-
que son nom suffit pour en donner une idée exacte : il avait
autorité sur tous les lecteurs de l'église patriarcale, comme
l'archiprêtre sur les prêtres et l'archidiacre sur les diacres.
L'Aumônier (?), b Nci;.oo6t-oç -q NoiJ.iy.6c. — Il est moins facile,
ou plutôt il est impossible de préciser ce que furent les fonc-
tions de ce personnage, aucun texte ne nous les faisant clai-
rement connaître. Aussi les liturgistes et les philologues ne
s'appuyent-ils, pour les déterminer, que sur l'étymologie de son
nom, et naturellement ils ne sont pas d'accord.
Codinus qui l'appelle voij.i.xc; et ailleurs 'iz\).zlbxr^q n'ajoute
aucune mention explicative à ces deux termes. D'après Goar
ceux-ci viendraient du mot grec vô;j.s;, loi, règle, et désigne-
raient l'ecclésiastique qui veillait à ce que les rubriques
fussent suivies avec soin, à ce que tous les usages fussent scru-
120 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
puleusement observés dans les cérémonies. Suivant Gretser le
vc[Atxoç aurait pu être un fonctionnaire versé dans la science du
droit canon et chargé, à ce titre, de résoudre toutes les ques-
tions relevant de la jurisprudence ecclésiastique, à moins qu'il
ne fût une sorte de maître de chapelle ayant pour mission de
battre la mesure (-/£tpovo[;.£Tv) et de diriger les chœurs, le pro-
topsalte, dont il a été question plus haut, et le lampadaire,
dont il sera parlé plus loin, ayant été les principaux chantres
des chœurs, mais non les directeurs du chant. Dans le premier
cas il aurait été ce que fut plus tard le voi^o^ûXa; mentionné
par quelques auteurs.
Quelques autres commentateurs, parmi lesquels on remarque
Jean de Citrium et Du Cange, préfèrent rattacher vo[j.i/.i; et
vo[j.co6t-/;ç au \3ii'mnumus,qm signifie pièce de înonuaie, de sorte
que l'office du personnage en question aurait consisté soit à
remettre aux ecclésiastiques les sommes d'argent qui leur
étaient dues, soit à distribuer des aumônes aux pauvres, comme
le faisait Y eleemosynarius dans nos cathédrales et nos monas-
tères.
Cette dernièrç interprétation est-elle la meilleure, je ne sau-
rais le dire. Aussi n'est-ce pas sans hésitation que, en tête de
ce paragraphe, j'ai traduit vci^a/.ô; par aumônier.
Le Chef de la maitrise, h npo)Tcy.avivap-/oç. — Tout ce que
nous dit Chrysanthe de ce personnage, c'est qu'il appartient à
l'ordre des lecteurs et qu'il suffit de considérer son nom pour
se rendre compte de cequ'étaientses fonctions. N'en déplaise à cet
auteur, le rôle du -jrpwtoxavovapxoç ne peut être compris que de
ceux-là seuls qui savent ce qu'on entend par y,y.vb^)oiç)yzq. Or, le
sens de ce mot n'est guère connu chez nous. Les -/.avivapyoi,
que le chef de la maitrise a sous sa direction, sont, ainsi que
je l'ai écrit ailleurs (1) des enfants ou de jeunes clercs, qui sont
chargés tantôt de lire certaines leçons, tantôt d'exécuter cer-
tains chants. Mais leur devoir principal, celui qui a donné
naissance à leur nom, consiste à faciliter la tâche des chantres
d'une manière particulière. Ces derniers, debout et immobiles,
chantent sans se servir de livres, habitude venant de ce qu'au-
trefois les livres de chœur étaient rares et conséquemment peu
(1) Dictionnaire grec-français des noms Ulurgiques en usage dans l'Église grec-
que, Paj'is, Picard, 1895, p. 74.
LKS OFFICES KT LHS DIGNITÉS ECCLÉSIASTIQUES. 121
en usage. Ils chantent donc par cœur, entre autres, les tro-
paires dont se composent les innombrables v.avôvïç des offices
grecs; mais, comme la mémoire pourrait leur faire défaut, ils
ne font entendre chaque incise d'un tropaire que lorsque celle-ci
a été préalablement lue à haute voix par un -/.avivapy:;. Il est
inutile de dire que cette succession rapide d'une lecture faite
par une voix claire d'enftmt et d'un chant exécuté par les
chœurs produit un singulier effet, auquel nous ne sommes pas
habitués en Occident.
L'Exarque, h "E^apycç. — Le mot exarque a eu et a encore
diverses significations dans l'Église grecque. Plusieurs pages
seraient nécessaires pour déterminer les circonstances dans
lesquelles il servait à désigner tel ou tel archevêque, tel ou tel
métropolitain. Mais dans les listes des dignités ecclésiastiques
il s'applique à un membre du clergé qui avait pour mission de
faire des enquêtes et de présenter des rapports sur des faits à
propos desquels une décision devait être rendue par le pa-
triarche. Actuellement il ne semble pas qu'il y ait à Constanti-
nople un ecclésiastique portant spécialement le titre d'exarque ;
mais chaque fois qu'une affaire importante est introduite au
tribunal patriarcal, un exarque particulier et temporaire est
nommé, lequel a pour mission d'étudier avec soin la cause en
question.
L'Ecclésiarque, 5''E7.z.A-r;c7tapy^ç. — Les liturgistes grecs ne
sont pas parfaitement d'accord au sujet des attributions dont ce
personnage était revêtu. Tout ce qu'on peut dire, c'est qu'il
était une sorte de sacristain et de cérémoniaire; mais, comme
d'autres ecclésiastiques portaient déjà ces titres, ainsi que nous
l'avons vu plus haut, il serait assez difficile d'expliquer en quoi
il se distinguait d'eux.
LES CINQ OFFICES DU NEUVIEME GROUPE,
Le Domestique des portes, 6 Ao[A£ffTr/.b; -wv Oupwv. — Ce clerc
avait évidemment pour mission de veiller à ce que, pendant
certaines cérémonies, l'entrée de l'église restât interdite aux
personnes qui n'étaient pas autorisées à y pénétrer, telles que
122 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
les infidèles, les chrétiens excommuniés, etc. Mais en quoi se
distinguait-il des différentes sortes de portiers, ècr-cûpioi, dont
il a été question plus haut, c'est ce que nous ne savons pas.
Chrysante est muet sur ce point.
Le Chartrier, 5 XapTOJAâpic;. — Suivant divers auteurs,
entre autres Jean de Citrium, il y avait dans le personnel du
palais patriarcal plusieurs clercs désignés par ce nom, lesquels
étaient placés respectivement sous les ordres du Grand Éco-
nome, du Grand Archiviste et du Grand Chapelain, auxquels
ils servaient de secrétaires. Pourquoi Codinus n'en nomme-t-il
qu'un, c'est ce que nous ne savons pas. Chrysanthe se contente
de répondre : î'^wç Zib-i sr/sv ùr.epoyfi^f -iva.
Le Député, à AsTrcutâxoç. — Il y avait également plusieurs
personnages qui portaient ce nom d'origine latine, et l'on ne
peut que supposer que celui dont il est question ici était le pre-
mier d'entre eux. Peut-être aussi est-ce à cause de cette supé-
riorité qu'il était placé au nombre des officiers b'^ovAiy.\ici, tandis
que les autres députés n'auraient été que de simples employés,
dont les fonctions, au dire de Jean de Citrium, étaient classées
parmi les Siay.oviaç et non parmi les o^^ty.ta. Or quelles étaient
ces fonctions? Suivant certains formulaires, les députés, comme
chez nous les bedeaux précédaient le patriarche et les autres
grands dignitaires ecclésiastiques et faisaient écarter la foule
devant eux. Mais, d'après Jean de Citrium, qui leur attribue un
rôle plus noble, ils marchaient vêtus d'une sorte de chape et
portant un cierge, devant l'évangéliaire et devant les saints
dons, pendant qu'ils étaient transportés solennellement le pre-
mier à l'ambon pour la lecture de l'évangile, les seconds de la
prothèse à l'autel pour le saint sacrifice; de sorte qu'ils auraient
été ce qu'on appelle également des céroféraires et des acolytes.
Le Caudataire (?), b è-l if^q ricosaç. — On appelait Trcosa chez
les Grecs byzantins un long vêtement qui descendait sur les
pieds et traînait à terre. Goar, s'appuyant sur cette signification,
a vu dans le clerc appelé 5 i-r:\ --^ç Tcossa? une sorte de cau-
dataire ou porte-queue. Mais cette opinion du savant domini-
cain est rendue douteuse par d'autres interprétations qui, d'ail-
leurs, ne sont pas plus certaines que la sienne. Quelques auteurs
et parmi eux Du Cange, appliquant le nom de r.zUy. à toute étoffe
de grande dimension, disposée dans une église de façon à des-
LES OFFICES ET LES DIGNITÉS ECCLÉSIASTIQUES. 123
cendre jusqu'au sol, ont prétendu que le personnage qui nous
occupe avait sous sa garde le grand voile de l'église patriarcale.
Il semble, en effet, qu'avant la construction des iconostases,
c'était un voile qui, dans les églises grecques, comme dans le
temple de Jérusalem, séparait la nef du sanctuaire. Enfin, s'il
faut en croire d'autres commentateurs et particulièrement Chry-
santhe, on entendait par r.zliv. des vêtements ou plutôt des
voiles dont on recouvrait les images de Notre-Seigneur, de la
sainte Vierge et des saints, et, par extension, les pierreries et
les autres ornements dont elles étaient décorées; et, consé-
quemment, le clerc dont il s'agit ici était chargé de veiller avec
soin sur ces choses si précieuses et d'empêcher qu'elles ne fus-
sent ni détériorées ni volées pendant les jours de fête, où les
fidèles viennent en très grand nombre, suivant la coutume
orientale, vénérer les saintes icônes.
Ici se termine la liste des offices et des dignités ecclésiasti-
ques que nous a laissée Codinus le Curopalate. Quoique plus
longue et mieux divisée que plusieurs autres qui nous sont éga-
lement parvenues, elle est loin d'être complète, soit que certai-
nes fonctions n'existassent pas du temps de cet auteur, soit que,
pour une raison ou une autre, il n'ait pas cru devoir les men-
tionner. Dans son livre que j'ai cité plue haut, le patriarche
Chrysanthe s'est efforcé de combler les lacunes du texte du Cu-
ropalate, ce que Goar avait déjà fait en reproduisant et en com-
mentant dans son Euchologe d'autres listes de dignités, extraites
par Allacius d'anciens manuscrits. Je vais résumer rapidement
les notes de ces deux auteurs.
Le Premier Epistolaire, b IIpona-c—oAapic;. — On appelait
ainsi le premier d'entre les lecteurs qui avaient pour mission
de lire l'épitre au commencement de la messe.
Le Catéchiste ou Exorciste, 5 l\y-rjr-,r^: •/; 'E;:p7.ic7-:v-ç. —
Cet ecclésiastique devait instruire et préparer à la réception du
baptême les infidèles qui voulaient devenir chrétiens. Nous
avons vu plus haut qu'un autre personnage, le chef des lumiè-
res, aurait eu les mêmes attributions.
Le Visiteur, h Espioo^jT-o;. — Dans le langage usuel le mot
TCspicos'jTYiç, qui signifie « celui qui circule, personne ambulante »,
servait à désigner le médecin qui faisait des tournées périodiques
dans la région habitée par lui, pour découvrir les malades et leur
124 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
offrir ses soins. Passant dans la langue religieuse il fut appli-
qué, par analogie, à un ecclésiastique, véritable médecin des
âmes, qui parcourait la contrée pour visiter, conseiller et en-
courager les fidèles, ainsi que pour rechercher, éclairer et gui-
der les infidèles disposés à se convertir au christianisme.
Le Gardien du saint chrême,- ô Mupooir^ç. — Comme son
nom l'indique suffisamment, cet ecclésiastique avait le saint
chrême sous sa garde et en faisait la distribution, suivant les
ordres qu'il recevait du patriarche.
Le Baptiseur, 5 Boutiut-^ç -i^ Ka-:o:6ouTi(7TÔç. — On sait qu'en
Orient le baptême a toujours eu lieu principalement par immer-
sion. Or, le personnage dont il s'agit ici et qu'il serait plus juste
d'appeler le plongeur, avait pour mission de plonger, d'im-
merger le néophyte dans la piscine, pendant que le prêtre pro-
nonçait les paroles sacramentelles du baptême.
Le Chambrier, b Ksu6cj7,Ar,ç 1^ KGjor/.cuXàptsç. — Chrysanthe se
borne à dire, au sujet de ce serviteur du patriarche, qu'il pré-
cédait celui-ci, lorsqu'il sortait de son palais et portait son
bâton (osy.aviVaov, sorte de canne richement ornée qui remplace
la crosse en dehors des cérémonies solennelles). Goar est beau-
coup plus indécis, car, nous dit-il, suivant qu'on s'en rapporte à
tel ou tel auteur, le mot y.cuecjy.AETîv a pu signifier la chambre du
patriarche ou une chapelle ou le tabernacle, dans lequel on con-
servait la Sainte Eucharistie, ou enfin le clocher de l'église.
Le Directeur de r Orphelinat, z 'Op9avc-:piço;. — Le rôle de
ce personnage, cela va de soi, consistait à pourvoir à l'entretien
des pauvres orphelins recueillis dans Ybp^yyo-pcotXov, et à admi-
nistrer les biens de cet asile.
L'Interprète du Typicon, 6 T'jzr/.âpr^ç. — Le Tj-r/iv est une
sorte de manuel liturgique contenant toutes les règles relatives
aux cérémonies religieuses. Or, comme ces règles sont très
nombreuses et parfois assez difficiles à comprendre, l'ecclésias-
tique nommé Tu-r/.apr^; avait pour devoir de les étudier avec
soin, de les expliquer et d'en assurer l'exécution.
Le Juge, b i-rzX twv Kpiijcwv. — N'ayant trouvé aucun rensei-
gnement sur ce personnage dans les formulaires nommés
TaxTixà, Chrysanthe suppose que ce personnage instruisait et ju-
geait les causes civiles qui étaient portées devant le tribunal
patriarcal.
LES OFFICKS ET LES DIGMTÉS ECCLÉSLVSTKjCES. 125
Les Surveillants, rj, 0£o)po{. — On donnait ce nom à des clercs
qui, évidemment sous la direction du Grand Sacristain, de-
vaient entretenir en bon état et protéger contre toute profana-
tion et tentative de vol les mille objets précieux possédés par
l'église, vases sacrés, livres, manuscrits, icônes, etc.
Les Acolytes, o<. liy.[u::y.~zu — Le mot, d'origine latine, 7.y.[jx-
(jâxoi, qui serait très bien rendu en français par le terme cami-
sards, si celui-ci n'avait dans notre langue une signification
tout à fait spéciale, s'appliquait à de jeunes clercs, de l'ordre
des lecteurs, dont l'office était de préparer l'encensoir, de faire
chauffer l'eau nommée rf^v , de servir en un mot les ministres
de l'autel. La longue tunique dont ils étaient revêtus explique
leur nom. En les appelant acolytes, j'emploie cette expression
avec le sens qu'on lui donne dans le langage courant, car on
sait que l'ordre mineur des acolytes n'existe pas chez les Grecs.
Le Lampiste, h KavoY)Xâ-Â:r^ç. — Le mot -/.avs-^Xa désigne en grec,
non pas un cierge, comme le terme latin candela, dont il n'est
que la transcription, mais une lampe alimentée avec de l'huile
d'olive. Dans les grandes églises orientales les lampes qui brû-
lent devant Iqs saintes images sont si nombreuses qu'il a tou-
jours été nécessaire qu'un employé spécial fût chargé de les en-
tretenir.
Le Lampadaire, b Aai/Kacâpioç. — Si le mot 7.y.vlrj.y., ainsi
qu'on vient de le voir, doit se traduire par « lampe » et non par
« cierge », par contre, le terme Xay.-jri; est appliqué en grec non
pas à la lampe dans laquelle brûle de l'huile , mais à tout flam-
beau fait de cire et surtout au cierge d'église. Or, la multitude
des cierges dont on fait usage en Orient dans la plupart des cé-
rémonies religieuses explique qu'un clerc, nommé lampadaire,
avait pour mission particulière d'en faire la distribution aux
assistants et de les allumer.
]Mais ce nom fut également donné à l'officier ecclésiastique qui
portait un bougeoir élevé devant l'empereur, lorsque celui-ci
' assistait au service divin. Enfin on désigna de même l'ecclé-
siastique qui était chargé d'un semblable office auprès du pa-
triarche, dont le trône était alors situé devant le sanctuaire, du
côté gauche de l'église. Mais, comme cet ecclésiastique était or-
dinairement le chef du deuxième chœur des chantres, ou chœur
de gauche, parce que la place qu'il occupait était auprès du
126 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
trône patriarcal, le nom de lampadaire lui est resté, même après
qu'il eût cessé de tenir un cierge devant le patriarche, et, au-
jourd'hui encore, à Constantinople, ce nom désigne spéciale-
ment le deuxième chantre, tandis que le chef du chœur de droite
est appelé T.più-cbxkir,:, c'est-à-dire protopsalte ou premier
chantre.
D'après Codinus, ainsi que nous l'avons vu plus haut, c'était
d'abord au deuxième portier qu'il avait appartenu de porter de-
vant le patriarche le bougeoir nommé [;.:v:6â;j.cuA:v.
L'Annonceur, 5 Koi-x'^'zpiJ-r,:. — Chrysanthe nous apprend
qu'il n'a trouvé dans les taktika aucune indication précise sur
les fonctions de cet ecclésiastique. Il ajoute que, probablement,
elles consistaient à annoncer au peuple les fêtes pendant les-
quelles on devait s'abstenir de tout travail et assister aux offices
religieux.
Cette hypothèse ne repose donc que sur le sens du mot v.x-x-
Ycpsjw. Aussi Chrysanthe ne semble pas connaître cette liste
d'offices donnée dans Teuchologe de Goar, où le personnage en
question est appelé non pd.SY,x-xyopsjrr,ç, mais 7,x-x';zpixpr,ç, et où
ses attributions sont indiquées par l'expression oùoy.a/aov ty;v
iy./,X-r;cr':av, ce qui signifie qu'il avait à entretenir la propreté et le
bon ordre dans l'église. Allatius , dit Goar, propose de lire y.xz-r}-
'^zpûpr,^, c'est-à-dire <( celui qui est chargé de remettre chaque
chose à sa place, giiicuncta ad proprias 7.x-r,-;opixç a7nandaé ».
Le CircuJafour, h Tiip<.v.zipyz'^.v)zz ■?, U-p<.^ipz'^.vK:. — Ce per-
sonnage, nous dit également Chrysanthe, serait le même, mais
sous un autre nom, que le ■Ax^?or,'Kx--r,z (Voy. plus haut) ou le
■/.x-xyopzj-Tt: dont il vient d'être question.
Le Porteur, b Bxz-x-(xpizz. — Ce nom aurait été donné,
semble-t-il, au clerc qui, dans les processions portait l'image
du saint dont on célébrait la fête. Peut-être n'était-il qu'un
synonyme du nom précédent.
Le Proc/udn, z Ylpzzv^z:. — Quel était le rôle de cet officier
dont le nom est la transcription du mot latin pro.vimus, c'est
ce que ni Chrysanthe ni aucun autre auteur ne peuvent nous
apprendre avec certitude. Un taktikon dit bien : b -pi;i;j.:ç bpCti
/.x\ (7r,ixa{v£i èv tw v.xipM t^; •ixk'^iùoixç; mais ceci est vague et
Goar ne nous renseigne pas beaucoup mieux quand il nous
dit que le nom du -oir-.y.:; vient sans doute de ce que « proxime
LES OFFICKS ET LES DKINITÉS ECCLÉSLVSTKjLES. 127
ad hujus officialis nutum et iiuperium fiât in ecclesia signum
ut proxime deinde sacraî psalmodiai detur initium ».
Le Doyen, 5 Asy.avôç. — Le mot latin decanus, devenu oi/.y.-
viç en grec, a servi à désigner diverses sortes de fonctionnaires
et d'employés civils, ainsi qu'on peut le voir dans le diction-
naire de Du Cange. Quant à l'officier ecclésiastique dont il
devint également le nom spécial, nous ne pouvons nous faire
une idée de la nature de ses fonctions que d'après une de ces
listes d'offices retrouvées par Allatius et reproduites par Goar.
Il y est dit, en effet, que le doyen Tâjsst tijç ItptX: èv -zXz i?'/,^'M-
voiç aÙTwv oiy.auo[j,ac:u Ainsi cet ecclésiastique avait pour mission
de répartir les revenus casuels entre les membres du clergé
de l'église, suivant les droits de chacun.
Telles sont les additions que j'ai cru devoir faire, d'après
Chrysanthe et Goar, à la liste des dignités ecclésiastiques qui a
•Codinus pour auteur. Est-ce à dire que ces additions ne pour-
raient pas être multipliées, certainement non. On sait jusqu'à
quel point fut poussé l'excès du fonctionnarisme chez les Byzan-
tins : jamais chez aucun peuple on ne vit pareil engouement
pour les titres, les charges et les honneurs. Ce qui se passait à
la cour impériale était fidèlement imité à la cour du patriarche ;
aussi, tandis que le palais du souverain regorgeait d'une foule
innombrable de dignitaires et de serviteurs aux noms et aux
costumes les plus variés, de même les très nombreux ecclésias-
tiques, dont se composait le clergé de la Grande Église, se
partageaient les fonctions les plus diverses, à chacune desquel-
les étaient attachés un titre et des privilèges particuliers. Il
suffit de feuilleter les auteurs de la période byzantine pour ren-
contrer sans cesse la mention de ces charges, désignées parfois
par les plus étranges appellations. Malheureusement, s'il est
possible à la rigueur d'en dresser une liste à peu près com-
plète, il serait excessivement difficile de déterminer exactement
en quoi elles consistaient. Leur multitude même embarrasserait
quiconque voudrait en faire l'objet d'une étude spéciale. Outre
que beaucoup de noms de dignités et d'offices doivent être
synonymes, il est évident que très souvent aussi c'était à peu
près la même charge qui, sous des noms différents, était confiée
128 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
à plusieurs personnages afin de satisfaire cliez tous cette soif
d'iionneurs dont je viens de parler.
Pour jeter quelque lumière au milieu de ce dédale d'expres-
sions bizarres et obscures la plupart du temps, il faudrait se
livrer à de longues et minutieuses recherches. Mais quelque
pénible qu'il dût être, il serait avantageux qu'un pareil travail
fût entrepris par un érudit doublé d'un bon helléniste : il ren-
drait un très grand service à l'histoire religieuse des grecs de
Byzance, à la science liturgique et à la philologie gréco-latine
du moyen âge.
Léon Clugnet.
MÉLANGES
I
UrV SAINT ÉVÊQUE DE FRANCE HONORE
EN RUSSIE
La présence d'un saint français dans le calendrier de l'Église
russe est un fait qui mérite de fixer l'attention. Ne doit-on pas
aujourd'hui recueillir avec un soin jaloux et une persévérance
continue tout ce qui rapproche, tout ce qui témoigne de l'an-
cienne union et peut devenir un instrument de concorde et
d'entente fraternelles? Le royaume de Dieu n'est pas divisé; si
des chrétiens se trouvent réunis dans la vénération d'un même
protecteur céleste, il est permis de voir là un aymbole d'espé-
rance, qui, nous voulons le croire, deviendra quelque jour une
joyeuse réalité.
A la date du 13 juillet, l'Église russe fait la commémoration
de saint Julien, évêque de Kenomani. Or ce jour, qui corres-
pond au 25 juillet latin, est précisément celui, où la cité et le
diocèse du Mans célèbrent la fête de la Translation des reli-
ques de saint Julien, leur premier évêque. Si étonnant que le
fait puisse paraître tout d'abord, l'apôtre du Maine et le saint,
que l'on trouve honoré d'un culte officiel en Russie et en Ser-
bie, ne sont qu'un seul et même personnage; nous allons en
donner les preuves, d'après un travail, qui a fait sensation
ORIENT CHRÉTIEN. 9
130 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
dans une de nos plus intéressantes provinces de France, et au
delà (1).
S'il existait en Russie, ou quelque part ailleurs, dans une
des églises « orthodoxes » de l'Orient, un siège épiscopal de
Kenomani, la question qui nous occupe, n'aurait pas lieu d'être
posée. Heureusement, dans l'empire des Tsars, comme en Asie
ou dans les royaumes balkaniques, il n'y a pas de ville connue
sous ce nom, et Le Mans, de France, revendique pour lui seul
l'appellation de Cenomanum, qui lui a étédonflée aux piemiers
siècles du christianisme. Ajoutons à cela que les renseignements
les plus autorisés pris à Pétersbourg, à Moscou, à Kiew et à
Odessa constatent partout l'absence d'un saint Julien, qui ne
fût pas le fondateur de l'église du Mans. C'est déjà une forte
présomption en faveur de l'identité. 11 y a plus, nous l'avons
vu, puisque un diocèse de l'église latine se rencontre avec l'é-
glise russe pour fêter au même jour un évêque, sur lequel on
conserve de part et d'autre une même tradition. Le 13 juillet
grec, ou 25 juillet latin, n'est point la date de la Dormition de
saint Julien, que la ville du Mans célèbre le 27 janvier. Les
Slaves ne pouvant choisir ce dernier jour, consacré déjà à la
Translation des reliques de saint Jean Chrysostome, fixèrent
tout naturellement au 13 juillet la mémoire de saint Julien de
Kenomani, que son église fêtait à cette date en souvenir d'une
translation, qui eut lieu à la moitié du neuvième siècle. Le
SyHaxaire slavon, dit le P. Nilles, professeur à l'université
d'innsbruck, reproduit presque littéralement l'éloge de saint
Julien, qui se trouve au Martyrologe romain. Avec les livres
slavons, il est passé chez les Serbes, qui en font commémora-
tion le même jour; il est à remarquer qu'il ne figure pas dans
les autres calendriers orientaux.
Les Vies des Saints russes sont d'accord avec les traditions
de l'église du Mans sur l'histoire de saint Julien, sur sa mis-
sion apostolique et les miracles qu'il accomplit pour amener à
(I) Nous nous servons pour la présente communication, d'une très intéressante
étude, publiée par M. le chanoine Jules Didiot dans la Revue historique et ar-
chéologique du Maine, n» de janvier 1899. A l'heure actuelle, la découverte du
savant professeur des Facultés catholiques de Lille ne présente pas seulement un
intérêt local ; elle est, en quelque sorte, catholique à cause de son importance au
point de vue religieux, et nationale pour nous, Français ; ceci dit en dehors de.
toute opinion personnelle sur l'allianeo IVanco-russc.
MÉLANGES. 131
la vraie foi les populations du pays qu'il évangélisait. L'hagio-
graphie russe mentionne spécialement le miracle de la source
que le saint fit jaillir par ses prières et que l'on peut voir encore
sur une des places de la ville du Mans, la résurrection de plu-
sieurs enfants morts, et la conversion du gouverneur, qu'on
nommait le Defensor. Ce sont là les faits les plus connus de la
vie du saint évêque, et très populaires dans la province.
L'iconographie vient ajouter une preuve de plus à celles que
nous venons de résumer. On sait quelle est l'importance de
l'imagerie religieuse en Russie, où il existe une surveillance
spéciale et des censures pour les chromolithographies livrées
au public ; rien n'est abandonné à la fantaisie et l'artiste doit
avant tout tenir compte des données traditionnelles pour le su-
jet qu'il a^hoisi. M. le chanoine Jules Didiot, de Lille, en pré-
parant un travail sur l'Imagerie religieuse et populaire de la
Russie, a découvert à Kiew, deux icônes représentants saint
Julien, évêque de Kenomani. « La première, dit-il, vient d'O-
dessa. Elle représente un évêque debout, nimbé, en costume
pontifical gréco-russe, tenant dans ses bras un enfant vêtu
de blanc, sans nimbe. A leur gauche, sur un brasier allumé,
un bassin d'eau bouillante ; et auprès, un vase et un linge. A
leur droite, sur un pupitre, un rouleau portant ces mots en sla-
von : « Seigneur, sauvez l'enfance; ayez pitié d'elle; conservez-
la maintenant et dans l'avenir. » Au-dessus de l'évêque, sur un
fond d'architecture élégante, cette légende, aussi en slavon :
(c Saint Julien, évêque de Kenomani. » L'autre image a été faite
à Moscou. L'évêque nimbé, en costume de ville, tient un petit
enfant emmaillotté, et est agenouillé devant un pupitre, au-
dessus duquel se trouve une image de Notre-Dame; de nouveau,
on lit cette légende : « Saint Julien, évêque de Kenomani. »
Cette double composition, qui nous présente le saint évêque
comme un protecteur spécial de l'enfance, fait allusion à un
miracle, qui eut lieu à l'arrivée du corps de saint Julien dans
la ville du Mans. Une femme était occupée à faire chauffer de
l'eau pour laver son enfant, qu'elle avait placé dans la chau-
dière, on annonce le cortège ; dans son empressement à le voir,
la mère oublie son enfant, mais subitement rappelée par la préoc-
cupation qui lui remet en mémoire la position de son fils, elle
rentre chez elle, et grande est sa joie de trouver l'enfant sain et
132 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
sauf et le feu éteint. Les artistes manceaux n'ont représenté
cette scène que plus tard, à l'époque de la Renaissance; les
Russes les ont devancés sur ce point.
Pour trouver l'explication des faits énoncés, il est nécessaire
de remonter avant les premières tentatives de séparation entre
l'Église romaine et l'Église russe, c'est-à-dire avant le onzième
siècle, A première vue, il paraît difficile d'expliquer comment
saint Julien du Mans est en même temps, selon l'expression d'un
« orthodoxe », un saint calholiquc et aussi russe. L'histoire
nous apprend que son culte a été très répandu en Sicile, en
Angleterre et en Allemagne, surtout à Paderborn et à Mayence,
mais on n'en connaissait jusqu'ici aucune trace en Russie. Aussi
diverses hypothèses furent-elles émises sans succès. Les uns
pensèrent à la tradition, qui fait de Julien un disciple de saint
Clément, lequel travailla plusieurs années aux mines de la
Chersonnèse. Un prêtre russe, le révérend Arséniew, de Moscou,
dit que dans les premiers temps du christianisme, les saints de
chaque pays d'Europe étaient également vénérés partout. Mais
la difiiculté est plus sérieuse, car on ne nous explique pas,
pourquoi seul parmi tant d'autres, saint Julien du Mans a eu
cette faveur et cette gloire d'être honoré chez un peuple dont il
n'est pas l'apôtre, à une grande distance du pays où il a vécu,
et de voir son culte subsister malgré le schisme. Les croisades
ne peuvent non plus fournir la réponse voulue, car le nom de
saint Julien, ne figure dans aucun des calendriers orientaux et
n'est point passé des Menées byzantines aux Menées russes. Au
neuvième siècle, les deux apôtres Cyrille et Méthode ne sem-
blent pas non plus avoir introduit dans la liturgie slave, la fête
d'un saint, dont ils ignoraient peut-être l'existence, et que rien,
en tout cas, ne signalait particulièrement à leur attention.
Force nous est donc de chercher ailleurs la solution du pro-
blème; elle se trouve dans les relations de l'Église du Mans
avec celle de Paderborn, qui remontent au moins à la première
moitié du neuvième siècle. « Saint Badurad, évêque de Pader-
born, dit Dom Piolin, envoya des députés à notre évêque pour
en obtenir le corps de quelque Bienheureux, qui l'aidât par ses
miracles à retirer de leurs superstitions les Saxons de la West-
phalie. Saint Aldric lui remit le corps presque entier de saint
Liborie, qui devint le patron du diocèse saxon. Ce fut le 27 avril
MÉLANGES. 133
838. » (D. Piolin, Ilisloire populaire de saùil .lulœn, p. 90).
Bientôt saint Julien fut Iionoré là où son troisième successeur
devenait le patron et le protecteur d'une chrétienté nouvelle, et
il est à croire qu'un exemplaire de sa Vif accompagna les reli-
ques de saint Liborie aux pays d'Outre-Kliin. Toujours est-il
que de bonne heure sa fête devint très populaire à Paderborn,
à Mayence et dans les contrées environnantes. Il n'y a pas de
doute possible, dès le neuvième siècle, ces régions, qui for-
maient le vaste diocèse de Paderborn, connaissaient et hono-
raient saint Julien du Mans, et c'est de là que son culte fut in-
troduit dans les pays slaves par les missionnaires latins, qui,
sur l'ordre de l'empereur Otton I, répondirent à l'appel de la
princesse Olga, régente de Kiew, en 959. Cette princesse, qui
avait reçu le baptême deux ans auparavant à Constantinople et
pris le nom d'Hélène, demanda à l'empereur des ouvriers évan-
géliques pour travailler à la conversion de ses peuples; cette
mission, il est vrai, n'obtint pas un grand succès, mais le fait
en est indubitable, comme l'influence exercée par les prêtres
latins dans la capitale. « Que les missionnaires choisis par
l'empereur pour seconder le zèle apostolique d'Olga aient ap-
partenu, quelques-uns du moins, à l'église de Paderborn; ou
qu'ils aient connu les saints qu'on y honorait de préférence, et
qu'ils aient eu la pensée de recommander à la princesse l'invo-
cation et le culte de saint Julien, c'était pour eux chose des plus
simples à faire, et pour nous des plus faciles à supposer. » (Ch.
Didiot). Telle est l'explication naturelle de la présence du saint
fondateur de l'église du Mans dans la liturgie gréco-russe.
L'iconographie russe nous le montre aujourd'hui en ornements
orientaux; l'église slave a gardé fidèlement la mémoire du pro-
tecteur qui lui est venu de la France catholique, et le Mans
salue avec bonheur son premier évêque dans la personne de
saint Julien de Kenomani, que la Russie vient de lui révéler.
Puisse le culte du grand apôtre du Maine devenir le lien sacré
de l'union des églises tant désirée, et que son intercession pro-
cure au monde tous les avantages qu'on est en droit d'attendre
du rapprochement de deux grands peuples !
Pom Paul Renaudin.
II
SUR UN ABRÉGÉ ARMÉNIEN DES
PLÉROPHORIES
Nous avons dit que les Plérophories ont été résumées par
Michel le Syrien dans son Histoire ecclésiastique. (V. supra,
1898, fasc. 3, p. 233.) Nous aurions pu ajouter que notre publica-
tion servirait à corriger un résumé arménien de l'histoire
de Michel (traduit par Langlois, Venise, 1869, in-l", cf. pp.
154-167).
Dans ce résumé les détails historiques et géographiques dis-
paraissent bien souvent. Voici à quoi se réduit le chap. lxxi :
ce Anastase, moine d'Édesse, ayant communié des mains de
notre Père Pierre eut la même nuit une vision où il était
baptisé de nouveau et habillé à neuf; on lui expliqua que la
conversion à l'orthodoxie était un nouveau baptême et une
rénovation à la vie. »
Les noms propres sont estropiés de barbare façon : Pélagius
(il) devient « Vlacien »; Jean (v) = « Joseph »; Lidius (vu) =
« La grande ville d'Aladis »; Kefar Seorta (viii) = Kherarz;
Panoi/propios (xxi) — « Pamphile » ; Chcrsonnèse (xxvi) --
« chrosonos » ; Ptoleniaïde (xlvii) = « Potoline », etc.
Les contresens abondent et sont complétés parfois par des
interpolations : appelé des trois cellules \f^^i^ (xiii) = « appelé
des trois morts (it^^ïo) » ; à Enaton d' Alexandrie (xiii) = « vis-
à-vis d'Alexandrie » (1); r immense croix qui brillait... (xi) =::
« une croix d'or, qui fut brûlée et tomba en poussière » ; moine
(1) M' Carrière, le représentant autorisé des études arméniennes en France,
qui nous a signalé cette version arménienne, suppose que le traducteur, ne con-
naissant pas Enaton (Ct. Wright, Syriac LUeralure, p. 16, et Catalogue des Mss.
syriaques du British Muséum, p. 34, note) a rapproché ce mot du grec àvTÎ.
MÉLANGES. 135
de Scétê (xxxiv) = « solitaire scythe »; j'ai encore entendu,
raconter à notre Père Pierre, lorsque f habitais Arca, ville
de Phénicie (xxxvii) = « Le Père Pierre le Phénicien » ; Des
scolastiques orthodoxes d'Alexandrie qui étudiaient à Bey-
routh (lxxviii) = « Deux séculiers d'Orient, Arméniens de
nation, qui faisaient le pèlerinage, vinrent à Béryte, » etc.
Enfin on a sans doute remarqué l'originale figure de ce soli-
taire qui demeure sous le porche du palais d'Antioche, ne parle
jamais et auquel la plus violente colère ne put arracher que
deux monosyllabes (lxxxviii et lxxxix). Dans l'abrégé arménien
ce solitaire discourt : « Il interpellait les Chalcédoniens en
disant : Je sens sur vous l'odeur de l'iniquité et de la mort et
je ne puis l'endurer patiemment. » Ce prodige termine les
Plérophories arméniennes.
F. Nau.
BIBLIOGRAPHIE
Histoire universelle des Missions franciscaines, d'après le T. R. P.
Marcellin de Civezza, M. 0. de la province de Gênes. Ouvrage traduit
de l'italien et disposé sur un plan nouveau par le P. Yictor-Bernardin
de Rouen, 0. F. M. de la province de France. Tome 1. Asie : Tartarie,
Paris, Tolra, 1898, in-8, 405 p.
Quiconque a étudié l'histoire avec quelque soin ne peut ignorer ce que
le christianisme a fait pour répandre et développer la civilisation dans
l'univers entier. Partout où les peuples se sont élevés d'une condition in-
fime à un état plus nohle et plus prospère, à une situation plus conforme
aux aspirations instinctives de l'humanité, partout, en un mot^ oîi a com-
mencé l'ère du progrès véritable, c'est-à-dire de la marche vers la perfec-
tion morale, on ne peut s'empêcher de constater que ce changement mer-
veilleux a eu lieu grâce à l'introduction des doctrines chrétiennes, venant
remplacer peu à peu les croyances délétères du paganisme.
Et quels sont les hommes qui, bravant des dangers de toutes sorfes,
supportant des privations infinies et souvent allant à une mort certaine,
ont porté et portent encore à l'heure actuelle la parole de vérité aux po-
pulations barbares, aux nations plongées dans l'erreur, sinon ces mis-
sionnaires intrépides que l'Église, depuis le jour où elle a été fondée, n'a
cessé d'envoyer au loin dans toutes les directions ? Aussi quelles magnifi-
ques annales que celles où sont exposés les actes de ces pionniers de la
civilisation chrétienne, dont la plupart sont des héros, dont un si grand
nombre sont des martyrs! Nous les connaissions en partie; mais c'est au-
jourd'hui seulement que les archives secrètes commencent à révéler tous
leurs trésors et que dans chacune des congrégations religieuses qui ont
contribué à évangoliser le monde on se préoccupe de faire connaître exac-
tement, par des récits d'ensemble, la part qui revient à chacune d'elles
dans la diffusion de la vérité.
Les missionnaires de l'ordre illustre des Franciscains ont déjà eu comme
historien le Père Marcellin de Civezza. Son ouvrage, écrit en italien « nous
« présente l'action simultanée des enfants de S. François. Cette méthode a
« l'avantage de montrer l'inépuisable fécondité du vieux tronc séraphique
« dont la puissante végétation est assez riche pour fournir à la fois des
« rejetons à toutes les parties de l'univers, mais elle a l'inconvénient de
« couper les récits et d'interrompre une action commencée sur les bords
BlBLIOGRAI'IllK. 137
« du Jourdain, du Gange ou du fleuve Jaune jjour transporter sans transi-
« tien le lecteur sur les rives du Nil ou de l'Orénoque et de le conduire
« brusquement ensuite dans les plaines de la Tamise ou du Dnieper. »
L'auteur des lignes précédentes, un franciscain français, le R. P. Victor-
Bernardin de Kouen a eu la bonne pensée, dont on doit le féliciter, de re-
prendre l'œuvre du P. Marcellin de Civezza et de la publier dans notre
langue sur un plan nouveau. Sans toucher au fond de la relation italienne,
il a rapproché et uni ensemble tous les passages de cette dernière rela-
tifs à chaque mission en particulier; de sorte que, après avoir exposé d"a-
bord tout ce que les franciscains ont fait jjour imi)lanter la foi chrétienne
dans une partie du monde, il passera à une autre région, et ainsi de suite.
Le premier volume, qui vient de paraître, nous fait connaître les efforts
tentés, sous l'inspiration des papes, par les missionnaires de l'ordre de
S. François, pour arrêter et convertir au christianisme les hordes tartares
qui, avant les Turcs, ont menacé l'Europe d'une destruction totale. Em-
brassant une période de deux siècles et demi environ (de 1245 à 1476), il
contient tous les souvenirs de l'action franciscaine dans les régions qui
furent plus ou moins directement soumises, pendant le moyen âge, à la
domination des descendants de Tchingiz-Khan. C'est dire qu'il fait passer
devant nos yeux les figures trop peu connues de missionnaires pleins de
zèle, doublés de voyageurs intrépides, tels que Laurent de Portugal, Jean
de Pian-Carpino, Guillaume Rubrouck, Jean de Mont-Corvin, le B. Odo-
ric, etc., et, bien entendu, il reproduit de nombreux extraits des relations
que certains d'entre eux nous ont laissées. Plusieurs, en effet, de ces cou-
rageux et saints missionnaires ont rédigé, à leur retour, des récits de leurs
voyages, qui sont d'une valeur inappréciable pour l'étude de l'histoire et
de la géographie de l'Asie. Tous les savants qui ont publié des travaux sur
les contrées envahies par les Tartares, ont dû les consulter avec soin,
mais tous ne les ont pas appréciés de même, et, à ce propos, je me per-
mettrai de regretter que leurs jugements n'aient pas été suffisamment
contrôlés par l'auteur de la nouvelle Histoire des missions frunciscaines.
Le B. Odoric, principalement, a été l'objet de critiques violentes, par
exemple de la part d'un auteur anglais, fort estimé d'ailleurs, Desborough
Cooley (1). Or, nous aurions aimé à savoir de la bouche du P. Victor-Ber-
nardin ce qu'il y a d'exagéré dans ces reproches, en admettant qu'ils ne
soient pas complètement injustes.
Peut-être pourrait-on désirer, d'un autre côté, que certains renseigne-
ments bibliographiques fussent plus complets. Ainsi, pourquoi le titre
exact des ouvrages où se trouve la relation de Guillaume Rubrouck n'estil
pas donné dans la note de la page 65, et pourquoi n'avoir pas mentionné,
entre autres, le recueil publié à la Haye en 1735 par Bergeron et intitulé
Voyages faits principalement en Asie, etc.?
Chose plus étrange, l'auteur ne nous donne aucune indication sur le
livre du P. Marcellin de Civezza qu'il reproduit sur un plan nouveau.
(1) Histoire génrmlc des voyayes, des découvertes iiinrilimes cl continentales. Paris,
1840. Voy. vol. 1, p. 314 (!l siiiv.
ORIENT CHKÉTIEN. 10
138 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
Serait-ce parce que, ainsi qu'il le dit dans sa préface, « bien peu de per-
sonnes, en deliors de la péninsule italique, entendent la belle langue de
Pétrarque et du Tasse »? Cette dernière assertion fùt-elle vraie, ce qui est
plus que douteux, les quelques personnes qui comprennent l'italien, peu-
vent tout naturellement avoir le désir de feuilleter l'ouvrage dont on en-
trepend de leur donner la traduction ; or, quel est son titre, quand et oîi
a-t-il paru, c'est ce que je n'ai pu découvrir dans le volume que j'ai sous
les yeux.
Une dernière remarque. Dans une liistoire où les noms propres sont si
nombreux et ont une si grande importance, il est extrêmement utile que
ces derniers soient orthographiés avec exactitude. Il est donc à craindre
que le lecteur ne soit désagréablement prévenu à ce propos, lorsqu'il voit
dans les 15 premières lignes du premier chapitre les noms Oljy, Djihun
et De Guignes écrits Olby, Dijhun et De Guignés.
Toutefois ces quelques taches ne peuvent diminuer l'intérêt que pré-
sente l'œuvre du P. Victor-Bernardin. Celle-ci comble un vide dans l'his-
toire de l'Eglise, et c'est avec impatience que la suite en sera attendue
par quiconque aura lu le premier volume.
L. C.
Nau (F.). — Les fils de Zonadrrb, fils de Réchah et les îles Forivnees {Histoire
de Zozime), texte syriaque de .Jacques d'Édesse publié pour la première
fois, avec une traduction française d'après les manuscrits de Paris et de
Londres. Paris, Leroux, 1899, in-S», 39 p.
Cet opuscule contient une très curieuse légende dont l'original hébraïque
est perdu et d'après laquelle les habitants des iles Canaries (les îles Fortu-
nées des anciens) auraient été peuplées parles descendants deRéchab,dont
parle le prophète Jérémie.
Amaury de la Barre de Nanteuil (le B°"). — L'Orient et V Europe. Paris,
Didot, s. d. 252 p. avec cartes.
BÉRARD (V.). — Les affaires de Crète, Paris, Calmann-Lévy, 1898, in-18,
336 p.
MiliaraKI (A.). — 'laropfa xou PaatXsi'ou t% Nr/.afa; xa\ tou Ocajccrtâtou t%
'Hrofpou. Athènes, Perri, 1898, in-8°, 676 p.
AuERBAcn (B.). — Les races et les nationalités en Autriche- Hongrie. Paris.
Alcan, 1898, in-8", 334 p. avec cartes.
Novum Testamentum graece. Praesertim in usum studiosorum recogno-
vit et brevibus annotationibus instruxit J. M. S. Baljon. L, continens
evangelia Matthaei, Marci, Lucae et Johannis. Groningen, Wolters,
in-8°, 1899, xxiii-320 p.
Whitlock (J,-A.). — A handbook of Bible and church music. Part I : Pa-
triarchal and Hebrew musical instruments and terms, the temple ser-
vice, headings of the Psalms. Part II : a short sketch of ecclesiastical
i!iiîi-io(ii{A[Miii;. 139
music, from the earliest Christian times to thc days ot' l'alcsli'in;! ;uid
Purcell. Lniidon, Sopottiswood and Eyre, 1899, in-12, 134 p.
GÉDKON (I). — Ruî^avTivbv 'l'IopToXôytov. Tsuyoç II, ConstaiililiOJjlf!, Uepasta,
1899, in-4.
.PapADOFMJULOS KeHAWEUS (A. ). — 'AvâXsxta ÎEpcaoXuy.'.Tf/.% aT5!/iioÀoY('aç. 'IV^aoç A'.
St-Pétersbourg, 1897, in-8°, 013 p.
GuKPiN (Dom A.)- — Un apôtre de runion des éf/lises au xvn" siècle. Saint
Josopluit el réff/ise gréco-slave en Po/ofjtie et en Hussie. Dcuxiônic édi-
tion. Paris-Poitiers, Oiidin, 1897-1898, 2 vol. in-8", XLvn-380-32-I8 et
CLViii-589 p.
Égremont (Cil.)- — L'Année de Véglise, 1898. i^nris, Lecoffre, 1898, in-8",
509 p.
Parisot (Dom I.). — Musique orientale. Extrait de la Tribune de Saint-
Gervais, Paris, i)ureaux de la Schola cantorum, 1898, in-8", 24 \).
SciiLUMBERGER (C). — Renaud de Châlillon prince d''Antioche, seigneur de
la Terre d'Oulre-Jourdain. Paris, Pion, 1899, in-8", viii-407p.
Albin (C). — Lile de Crète, histoire et souvenirs, 3*= édition. Paris, Sanard;
1899, in-8°, viii-241 p., avec carte et gravures.
Die griechischen christlichen Schriftsteller der ersten drei Jahrhunderte
hcrausg. von der Kirchenvàter-Commission der Kôn. preuss. Akad. d.
Wissensch. Origenes, I. Leipziz, Hinriclis, 1899, in-8°, xcii-374 p.
Togan (N.). — Rnmànii din Transiivania la 1733. Conscriptia Episcopu-
lui I. Klein de Sadu, publicatà dupa manuscriptul aflàtor in Museul din
Sibiu. Sibiu, 1899. In-S»; 45 p.
BuoGE (Wallis). — The contendings of the Apostles, being the historiés of
the lives and martyrdoms and deaths of the twelve Apjostles and Evange-
lists. The Ethiopie texts now first edited from manuscripts in the British
Muséum with an English translation. I. The Ethiopie text. London,
Frowde; 1899. ln-4"; x\ii-601 p.
WoiîBERMiN (G.). — Altchristliche liturgische Stileke ans der Kirche Aegyp-
tens, nebst einem dogmatischen Brief des Bischofs Serapion von Thmuis.
Leipzig, Hinriclis, 1899.
SOMMAIRE DES RECUEILS PERIODIQUES
Échos d'Orient.
Décembre \H9S-janvier 1899. — La Rédaction : A nos lecteurs. — S. Vailhé :
Les martijrs de Phounon. — A. Hergès : Le Monastère du Pantocrator à
140 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
Constantinople. — S. Yciilhé: Les garnisons romaines de la province d'A-
rabie. — J. Pargoire : Géographie administrative. — L. Petit : Le manuel
canonique du moine Christophore . — S. Vailhé : Les laures de saint Gé-
rasime et de Calamon. — Damien Ramia : Mgr Jeaa El Bagg.
Février-mars 1899. — L. Petit : Entrée des catholiques dans l Eglise ortho-
doxe. — J. Pargoire : La dote de la mort de saint Isaïe. — A. de P. Vi-
dal : Autour du lac. — M. Théarvic : Le Patriarcat œcuménique en Tur-
quie d'Europe. — S. Vailhé : La province ecclésiastique d'Arabie. —
A. H. : Les cimetières en Turquie.
Revue Bénédictine
Février 1899. — D. Gaïsser : Lg système musical de V Église grecque. —
D. Morin : />'ow était évéque Nicasius, l'unique représentant des Gaules au
concile de Nicée. — D. Besse : L'enseignement ascétique dans les premiers
monastères orientaux.
Mars 1899. — D. Morin : Le testament de saint Césaire d'Arles et la criti-
que de M. Krush. — U. Berlière : L'émde de l'hisioire ecclésiastique. —
Statistique de l'ordre bénédictin, 1898.
Le Directeur-Gérani
F. CHARMKTANT.
TYPOGRAPHIE FIRMIN-DIDOT ET C"=. ~ MESML (ELRE).
Librairie ALPHONSE PICARD et fils, 82, rue Bonaparte
Legrand (Emile), professeur à l'Ecole Nationale des Langues
Orientales. Bibliographie Hellénique ou description rai-
sonnée des ouvrages publiés par des Grecs au xvii'' siècle,
accompagnée de notices bibliographiques et documents
inédits. t894-1896, 4 vol. or. in-8 100 fr.
— Le même, pap. lloU 200 fr.
Lapôtre (S.-J.). L'Europe et le Saint-Siège à l'époque car-
lovingienne, t. i, et le pape Jean VIII (872-882. 1 vol.
in-8 (xii-368 p. 7 fr. 50
Loisy (L'abbé A.). Histoire critique du texte et des ver-
sions de la Bible, i : Histoire du texte hébreu de l'ancien
Testament. 1892, in-8 (314 pages) 7 fr. 50
— II : Les versions de l'ancien Testament. 1893, en 4
fasc, in-8, br. 1254 p. 7 fr. 50
— Les Evangiles synoptiques, traduction et commentaire.
Suite des études parues de 1892 à 1894, épuisées au-
jourd'hui, in-8 (133 p. 1 fr. 50
— Le livre de Job traduit de l'hébreu avec une introduc-
tion. 1892, in-8 (175 p.; 4 fr. 50
— Les études Bibliques, 1894, in-8 (97 p. . . . 1 fr. 50
Valois (Noël). La France et le grand schisme d'Occident,
tomes I et H, 1896, 2 vol. in-8, br 15 fr.
Pierre Dubois. De recuperatione Terre Sancte, traité de
politique générale du commencement du xiv^ siècle, publ.
par Clî.-V. Langlois Tasc. 9 4 fr.
Souscription . 2 fr. 75
Schœmann. Antiquités grecques, traduction mise au cou-
rant des travaux récents de l'érudition française, par
C. Galuski, avec un index très complet et une biblio-
graphie détaillée. 1883-1887, 2 vol. in-8, br. . 15 fr.
NÊOOCIATIONS
RELATIVES AU
TRAITÉ DE BERLIN
ET AUX ARRANGEMENTS QUI ONT SUIVI
1875-1886
Par A. D AVRIL
MINISTRE PLÉNIPOTENTIAIUE
AVEC 6 CROQUIS TOPOGRAPHIQUES ET LE TEXTE DU TRAITÉ
1 vol. grand 111-8° de 474 pages. — Paris, LEROUX. — Prix 10 fr.
LE GÉNIE SÉMITIQUE ET LE GÉNIE ARIAN DANS L'ISLAM
Par CARRA DE VAUX
In-12 de 232 pages. — Paris, CHAMPION, 1808
Prix : 3 fr. 50
DICTIONNAIRE GREC-FRANÇAIS
I3ES ISTOINJIS IjITXJRGhIQXJBS
EN USAGE DANS L'ÉGLISE GRECQUE
Par L. CLUGNET
Un vol. iii-8" de 18t; p. — Prix 6 fr. — Paris, PICARD, 180Ô.
DOCUMENTS RELATIFS AUX ÉGLISES DE L'ORIENT
ET A LEURS RAPPORTS AVEC ROME
3" édition, in-8» de 62 pages. — Paris CHALLAMEL. — Prix- 2 fr. 50
LES
ÉGLISES AUTONOMES ET AUTOCÉPHALES
Par A. d'AVRIL
/'■'' partie : Le groupe orthodoxe.
//« partie : De la hiérarchie catholique. — Les Orientaux dans le patriarcat de Kome
Ia-8" de 49 p. — Paris LEROUX. — Prix : 1 franc.
LES FILS DE JiADAB, FILS DE RÉCHAB ET LES ILES FORTOIËS
(HISTOIRE DE ZOZIME)
TEXTE SYRIAQUE DE JACQUES D'ÉDESSE
PUBLIÉ POUR LA PREMIÈRE POIS AVEC UNE TRADUCTION FRANÇAISE
d'après les MANUSCRITS DE PARIS ET DE LONDRES
Par P. NAU
Docteur ès-sciences mathématiques
In-So de 39 pages. — Paris, LEROUX, 1899.
Typographie Firmin-Didot et C'«. — Paris.
REVUE
DE
L'ORIENT CHRÉTIEN
RECUEIL TRIMESTRIEL
4« ANNÉE. — N» 2. — 1899
PARIS
LIBRAIRIE ALPHONSE PICARD ET FILS
82, RUE BONAPARTE, 82
1899
SOMMAIRE
I. — LETTRE AUTOGRAPHE DE S. S. LEON XIII ADRES-
SÉE AU DIRECTEUR DE LA « REVUE DE L'ORIENT
CHRÉTIEN » 141
II. — LES HIÉRARCHIES EN ORIENT^ par M. le Baron
«l'Avril 145
III. — LA BIBLIOTHÈQUE DU SÉMINAIRE SYRIEN DE
CHARFÉ, par le R. P. Dom Parisot, ©. S. B. . 150
IV. — OPUSCULES MARONITES, par M. l'abbé F. î^au,
professeur à rinstitut Catholique 175
V. — RÈGLEMENTS GÉNÉRAUX DE L'ÉGLISE ORTHODOXE
EN TURQUIE (suite), par le R. P. Petit des Augus-
tins de l'Assomption. 227
VI. — LE SYNODE DE MAR JÉSUYAB par Mgr Ciraffîn,
professeur à l'Institut Catholique 247
VII. - FRAGMENT D'UNE VERSION COPTE DE L'APOCA-
LYPSE DE SAINT JEAN, par 11. Jean Clédat . . 263
VIII.— LA GRANDE DOXOLOGIE. ÉTUDE CRITIQUE, par
M. Amédée CSastoué, professeur à l'École de
chant liturgique de Paris 280
IX. —BIBLIOGRAPHIE 291
La Revue de l'Orient chrétien (recueil trimestriel) paraît par fascicules
formant chaque année un volume de plus de 500 pages in-S", avec des textes
en langues grecque, slaves, syriaque, arabe, arménienne, copte, etc., et
des planches.
ON S'ABONNE A PARIS :
A la LIBRAIRIE Alplionse RICARD,
RUE BONAPARTE, 82.
Prix de l'abonnement :
F'rance H îr.
Étranger lO »
Prix de la livraison 3 fr. oO
On peut se procurer les volumes qui ne sont pas épuisés à raison de 10 fr. le vol.
Les communications relatives à la rédaction doivent être envoyées au Secrétariat de
la Revue de l'Orient Chrétien, rue du Regard, 20, à Paris.
Il sera rendu compte de tout ouvrage relatif à l'Orient, dont un exemplaire aura
été adressé à la Revue de l'Orient Chrétien, ciiez MM. A. PICARD et Fils, libraires,
rue Bonaparte, 82, à Paris.
LETTRE AUTOGRAPHE
DE S. S. LÉON Xm
ADRESSÉE AU DIRECTEUR DE LA « REVUE DE l'oUIENT CIIRÉTIEX ».
Au moment où la Revue de l'Orient Chrétien allait entrer
dans sa 4° année, les membres du Comité de rédaction ont cru
qu'il était de leur devoir de faire hommage au Saint-Père des
trois volumes déjà parus et, à cette occasion, de le remercier
des marques d'encouragement qu'il leur a prodiguées et de l'as-
surer des efforts qu'ils continueront de faire, conformément à
ses vues et à ses directions, pour contribuer au retour des
Orientaux à l'unité catholique.
Sa Sainteté non seulement a accueilli avec bienveillance les
volumes qui lui ont été offerts, ainsi que les paroles de filiale
soumission qui les accompagnaient, mais encore Elle a daigné
manifester sa satisfaction par la lettre autographe que nous re-
produisons ci-après et qui est adressée à j\Ionseigneur Charme-
tant, directeur de la Revue. Puisse l'approbation si encoura-
geante et la précieuse bénédiction que Léon XIII envoie cà
tous les collaborateurs de la Revue de l'Orient Chrétien les
exciter à dépenser à l'avenir encore plus d'activité et d'ardeur
pour le succès de cette œuvre qui lui est si chère, l'union de
toutes les Églises sous le sceptre unique du successeur de Saint
Pierre !
ORIENT CHRETIEN. 11
LEO PP. XIII
Dilecte Fili, salutem et Apostolicam benedictionem.
Tria volumina accepimus, quœ complectuntur ea quii3 hacte-
nus edidistis cum titulo Orient Chrétien, ad provehendam
orientalium concordiam cum Romana Ecclesia ineundam. Gra-
tias de officio agimus. Quia, vero opus, in quod elaboratis No-
bis vel maxime cordi est, studium constantiamque vestram lau-
damus, ominamurque fructus quales reapse optamus atque a
Deo instantissime postulamus. Idque ut munerum divinorum
subsidio cedat, liorum auspicem et testem benevolentia:^ Nos-
tr^, Apostolicam benedictionem tibi ceterisque, qui tecum
adlaborant, amantissime impertimus.
Datum Roma? apud S. Petrum die II Junii MDCCCXCIX, Pon-
tificatus Nostri anno vicesimo secundo.
Dilecto Filio
Felici Charmetant
Protonotario Apostolico
Parisios.
LEON XIII PAPE
Cher Fils, salut et bénédiction Apostolique.
Nous avons reçu les trois volumes qui contiennent tout ce
que vous avez publié jusqu'ici sous le titre de Revue de l'Oiient
Chrétien, dans le but de promouvoir l'union entre les Orien-
taux et l'Église Romaine. Nous vous remercions de cet envoi
et, comme l'œuvre à laquelle vous travaillez Nous est grande-
ment à cœur, Nous louons votre zèle et votre persévérance, et
Nous espérons qu'ils produiront des fruits tels que Nous les dé-
sirons et que Nous les demandons instamment à Dieu. Et, afin
que ce résultat soit obtenu par le secours des faveurs divines,
comme présage de celles-ci et en témoignage de Notre bien-
veillance , Nous vous accordons très affectueusement à vous et
à vos collaborateurs Notre bénédiction Apostolique.
Donné à Rome auprès de S. Pierre, le 2 Juin 1890, la •22'' an-
née de notre Pontificat.
Léon XIII, Pape.
A Notre cher Fils
Félix Charmetant
Protoiiotaire Apostolique
à Paris.
146 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
hiérarchies, des rites, des usages spéciaux reconnus et approu-
vés par l'Église romaine. C'est pourquoi les Orientaux qui ont
abjuré l'hérésie ou le schisme forment des groupes distincts
dans le sein du catholicisme.
Pour comprendre le tableau qui va suivre, il faut se rappeler
que ni les hérétiques ni les schismatiques ne sont constitués hié-
rarchiquement d'après un principe unitaire suivant la croyance.
En général, chaque nationalité forme ou tend de plus en plus
à former une Église distincte. Celles de ces Églises qui ont la
même croyance peuvent dans certains cas être considérées
comme une sorte de république fédérative.
Je ferai remarquer que, dans ce tableau, ayant à opter entre
plusieurs systèmes également acceptables, je me suis borné à
présenter simplement l'état de fait, sans prétendre à trancher
de délicates questions de droit que cet état laisse pendantes.
C'est sous le bénéfice de cette explication que, parmi les démem-
brements du patriarcat de Constantinople, j'indique une sépa-
ration consommée de fait, mais qui n'a pas été consacrée en la
forme canonique, comme les autres.
Observation. — D'après ce qui précède, il est facile de voir
que l'expression Église orientale n'a pas de sens au singu-
lier (1) : on doit dire les Églises orientales séparées. En effet,
il n'y a pas d'unité religieuse orientale : il y a trois groupes,
le nestorien, le monophysite et l'orthodoxe, lesquels s'anathé-
matisent réciproquement, dans leurs livres sacrés et ail-
leurs (2).
A plus forte raison n'y a-t-il pas de chef religieux unique
pour tout l'Orient non catholique. C'est à tort qu'on applique
quelquefois cette qualification à l'empereur de Russie, lequel
n'a aucune attribution sacerdotale même en Russie, ou au pa-
(1) « L'expression Église orientale est aussi en contradiction avec celle de catho-
lique, c'est-à-dire universelle, que se donnent les orthodoxes grecs. — A church
cannot be both the easlern and the calholic churcli. » (Neale's A history of the
holy eastern church.)
(2) Voici, par exemple, comment un patriarche grec de Constantinople parlait
des autres Orientaux : « Il j- a quatre sectes avec lesquelles notre Église n'a aucune
communion. Ces sectes sont l'arménienne, la copte, la maronite et la jacobite. Le
rite de ces sectes est difforme et absurde, leurs cérémonies plus que brutes. Ils
sont hérétiques quant à la foi et, dans leurs mœurs, comme dans les autres cir-
constances de la religion, rien ne les distingue des animaux. » {Monuments au-
thentiques de la religion des Grecs, p. 154.)
LES IIIKRAUCIIIKS EN ORIENT.
117
triarche grec de Constantinople qui, aux yeux des Nestoriens et
des Monophysites, esttou.l aussi hérétique que le pape de Rome
et pour les mêmes motifs.
En 1862, en 18G9, en 1SS5, nous avons présenté le tableau
des hiérarchies orientales et ce tableau a dû subir chaque fois
des modifications notables. Voilà qui est caractéristique : ces os-
cillations sont une double conséquence du phylétisme (de 'I>'//.r.,
race) et du prétendu principe : Imperium sine palnarcà non
staret. (Voir les Éçibses autonomes et autocéphales, in-S" de
49 p. Paris, Leroux, 1895.) 11 est très probable que, dans quel-
ques années, peut-être demain, le présent tableau devra encore
être modifié.
A. d'Avril.
Tableau sijnoptique des Églises orientales.
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LA BIBLIOTHEQUE
DU SÉMINAIRE SYRIEN DE CHARFÉ
Lorsque, après la sanction définitive de leur union à l'Église
romaine, les Syriens catholiques constituèrent leur patriarcat
dans sa forme actuelle, ils en établirent le siège dans une ré-
gion du Liban où le voisinage des Maronites et la plus grande
facilité des relations avec l'Europe les protégeaient davantage
contre les Turcs et les Schismatiques. La nation des Syriens
unis fit l'acquisition, au siècle dernier, du couvent de Gharfé,
ancien monastère de moines maronites. C'est une construction
assez spacieuse, pourvue de larges corridors voûtés, de cellules
et de terrasses, remontant, sauf l'église, au xvii^ siècle. Le
siège patriarcal ayant été, sous Grégoire XVI, transféré à
Mardin, l'établissement de Charfé devint un séminaire, où,
jusqu'à ce jour, de jeunes Syriens viennent de diverses pro-
vinces, recevoir l'instruction.
Grâce aux efforts des Patriarches syriens et au mouvement
intellectuel créé par M^' Joseph David, Charfé possède une
riche bibliothèque, contenant de nombreux manuscrits arabes
et syriaques. C'est de ces derniers que nous voulons parler ici.
La bibliothèque patriarcale de Charfé était plus riche il y a
quelques années. Bien que les règlements posés par les chefs
de l'Église syrienne proscrivent sévèrement, et pour de justes
raisons, la sortie des manuscrits, plusieurs de ces livres du-
rent, en des circonstances particulières, être donnés à la Pro-
pagande. Néanmoins, telle qu'elle subsiste aujourd'hui, la
bibliothèque de Charfé peut fournir de précieux instruments de
travail, et les indications qui vont suivre en feront foi. Si les
manuscrits ne peuvent sortir de leurs salles, les travailleurs ont
du moins toute facilité d'y entrer, et on les accueille avec
une bienveillance sincère et éclairée.
Le classement et l'inventaire de l'ensemble de cette biblio-
thèque devrait être dressé, dans l'intérêt de ses possesseurs
LA niBLIOTIIKQin-; DU SH.MINAIF'J'; SYRIEN KK CHAflFi;. I..1
aussi bien que de leurs iiûtes. Faute d'un catalogue de ces vo-
lumes, on n'en connaîtra ni le nombre ni l'importance. En at-
tendant que l'entreprise désirée puisse être menée à bonne
fin, nous ferons connaître dès maintenant quelques-uns des ma-
. nuscrits syriaques si libéralement mis à notre disposition.
J. Pakisot.
a) Le plus remarquable des manuscrits syriaques de la bi-
bliothèque de Charfé est le Trdmr des Mystères de Barih-hri-ls.
On regarde cet ouvrage comme le plus important des traités
théologiques et scripturaires du célèbre auteur. Le Trésor des
Mystères est en effet un commentaire critique et doctrinal de la
Bible entière , basé non seulement sur la vénérable version de
la Peschito, mais aussi sur les variantes du texte hébreu et des
versions grecques , des traductions syriaques postérieures, des
bibles copte et arménienne, enfin des leçons particulières des
Jacobites et des Nestoriens.
Nestlé {Brevis liiKjKœ syr. grammatica, 1881, p. 31-32), Ru-
bens Duval {La littérature syriaque, 1899, p. 81, not. 2) et
W. Wright {Syriac literature, 1894, p. 274, note 4) donnent la
liste des parties de ce livre publiées de 1858 à 1894. Elles re-
présentent seulement le tiers de l'ouvrage entier.
Le manuscrit de Charfé doit être mentionné à la suite des dix
copies de ce livre que nous possédons en Europe (1). C'est un
très bel exemplaire in-folio (30/20 cm.) à deux colonnes, rouge
et noir, écriture jacobite serrée; 38, 41, 42,45 lignes à la page.
Titre ; P^^vâLio ^aDa-v»;^';^^^ -v^ v^^/r l-^°^''" r^ -^^ "-'Oj ov^; u^^o^ h»; Jjo/; (jtso
\^^ï. « Le livre du Trésor des Mystères. Explication de toute
l'Écriture biblique. Composé par notre Père Mar Grégorios,
Maphrien d'Orient. »
Début '. -3<"'- /OV^ ^3 \.,JiCLX ^ \:Lio D^-Xao .\Xic "'«o. p».»/ N-Ji.L» ^ .^a...ioo;^ lS.*^j^.
« Premièrement le Proœmium. Que tout genou se courbe de-
vant toi, qui as suspendu la terre sur les eaux et séparé les
eaux des cieux. »
(1) Il en existe deux exemplaires à la Bibliothèque Vaticane (ii»* 170 et i%i). un
à Florence (Palat. Medic. -26), un à Cambridge (S.P.C.K.), un à Oxford (Bodl.
llunt. 1), deux à Berlin (Alt. Best. 11. Sacliau. 134 et ioQ) un à Gœttingue (Orient.
18 a) et trois à Londres (British Muséum. Add. 718G, 21.580, 23.596). Cf. R. Du-
val et Wright., 11. cit.
152 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
Le commentaire se poursuit de la Genèse jusqu'à TÉpître
aux Hébreux.
Au dernier folio se lit la formule suivante qui nous donne la
date de la composition de ce livre par Barhébréus : .o^^^ojl^
^,^Li/ Col» ya-,rSi v.Q-o» oyca.2^ (SIC) | . . ■ i Vi )_.;-i^V^ [j] opea^ro wV-'l-s |)V/ »jO/> )jto^^^Nji(
(o^c^i^i. v.oûi,Li/ ijocli. oK^j i^;/;>oa--=>- « Fin. Le livre du Trésor des
Mystères, dont l'auteur est Barhébréus [maphrien] des Orien-
taux, a été achevé au courant du mois de Canoun premier (dé-
cembre), l'an 1583 (1272), le mercredi, aux [premières] vêpres,
du jeudi. Il a été terminé le 9 de Tammuz (juillet) (1). » A la
suite, « le compte de chacun des saints prophètes qui ont pro-
phétisé sous les rois », ^ ^-^ ooo, ^-^N^ lii^œ ,^/ ..ooai;»; p.coi >joL
.^ p:^. Vient enfin la date du manuscrit et la signature du co-
piste : \oi^l r^ Mc^'V [^l -l^Coi. l^Co. ^-^l ^i |i,itm.-yio 1-^.*--^ p/o. « Et mol,
humble et pauvre, Rabban Ephrem, qui ai écrit ce livre, je
demande la miséricorde de la part de Dieu... des moines du
couvent de Mar Hanania et Mar Ewgin » [le monastère de
Za'faran, près Mardin, résidence du Patriarche Jacobite].
Suit rénumération du personnel de ce couvent : « Le vieillard
spirituel u^o; i^^ qui est Rabban Yuhanon , et Rabban Abdul-
karim, vieux et honoré; Rabban Tumà, R. Habib, R. >^a^v^,
Philoteos (?), R. Abdulgesi, son frère, R. Kuriakus, R. Hanna,
R. Behnam, R. Ya'qub, son frère, R. Yéshu', R. Behnam,
R. Yaballaha iPr*-?, supérieur, R. Petros, R. ^qj-uls Fenyanos (?),
son fils, R. Abdulmasih, R. Abdullaha, R. Zokê. Surtout, que
l'on prie pour mon humble personne, dans la divine charité »,
Au verso, après un éloge de Barhébréus : « Achevé et terminé
ce livre du Trésor des Mystères le 28 de... qui est dans le mois
de Heziran (juin), l'an 188... des Grecs, au saint monastère qui
est le siège apostolique d'Antioche de Syrie, à savoir le monas-
tère de Mar Hanania et Mar Ewgin, des Orientaux, le château
d'Atta (c!;^^! i^-ls. Cf. Biblioth. Orient., 11, p. 462)... dans le
pays de Mardin, la ville forte, aux jours de nos Pères, les doc-
teurs glorieux... instruits dans les deux sciences du syriaque et
(1) Barhébréus avait 46 ans. Le Trésor des Mystères date, comme les plus
importants des ouvrages de notre auteur (entre autres l'Éthique et la Montée de
l'esprit, écrits en 1279. — Cf. Payne Smith, Catalog., p. 584), de l'époque où la
vie de Barhébréus fut le plus activement adonnée aux soins de son vaste diocèse.
LA l!IIJLlUTIII>(jLE DU SHMINArur: .SVUIKN 1)1-; cHAIill'.. 1 ."(.'i
de l'arabe; et aux jours de notre Père et Seigneur iMar Ignatios,
le patriarche, qui est Timotliée, et de notre Père Mar Timo-
theos, custode du siège apostolique d'Antioche de Syrie, qui
est Thomas, frère du patriarche de Mardin , la ville forte ».
^3\f ^aJl .(^V^ vW)--^ t^/r ^^[^J ...^ïiol.o ^-^ûcii^ .|)/ï Uj^o/. |pO) )_3to ^v.iai.Nj/0 ^ISjc/
|;[^!] ooj; |_>Qxd; ^.Dcu^/; ^.^^^ji P^iDJoa ^OioN_/j |Njl-^ )^^ -P^a^» ...o ^.uooLo IpiojLiolo
|Nim..V^ IC^i^yio l.poj |H|-3 ]t^-^ )LISj/j pXo ^ .l.*^jjij >.o,ol!^|. -vsji^o/ ^'r^oo | - ■■ ^;j>o;
^^:>oa^>_3 .p^î/o P-.>axao pLa^cx^ ^ïC^j ^«.«HXàia» 1;.^^ ...(lo | . . -; . n^ \ ia\v» ^Lov-s/» - y^^ -• ^
|>Q^ jco)N^o-4 ^po yOj/o .rDo|LQ.[ia]*i «^t! -^=°-^W^^ >^Q-4lA4^/ >-po ^poo ya^/o
.|Nim..v< )Njl.j^o IjVio ^io; p)^^^» wOiO-J .xdo|jooL oO); P»qj=dj |.^«i^<^/» |....\t p^roioj;
Suivent des vœux et des prières.
b) Livre d'office du rite syro-melkite, en syriaque et arabe.
L'écriture est une modification du caractère appelé chaldéen,
que les Melkites conservèrent pour se distinguer des Syriens
(Cf. Catalogue des manuscrits syriaques et sabéens de la biblio-
thèque nationale, n°' 19 (p. 7 et 20). Les titres, les rubriques,
la ponctuation et la notation mi/sicafe de quelques piècer^ sont
en rouge. Le texte est en syriaque, sauf les titres, les rubriques
et les lectures , rédigées en arabe.
Ce manuscrit, sur papier, in-4°, est incomplet du commence-
ment et de la fm. La pagination consiste en chiffres arabes,
correspondant, les uns aux cahiers du manuscrit, les autres
aux jours du mois auxquels se rapporte le contenu du texte.
Certaines pages sont déchirées ou rendues illisibles par l'humi-
dité.
Malgré son mauvais état de conservation, cet exemplaire est
remarquable en ce qu'il offre des spécimens de pièces notées.
C'est là une particularité des manuscrits syro-melkites, dont
peu d'exemples ont été signalés jusqu'à ce jour; et il esta sou-
haiter qu'en décrivant les manuscrits de cette classe, on in-
dique les exemples notés, afin d'en permettre l'étude (1). Pour le
présent, il suffira de dire que cette écriture musicale représente
peut-être un stade de l'ancienne notation grecque, de la-
quelle dériveraient les divers genres de notation st'miogTa-
(1) Le manuscrit do Charfé contient jusqu'à six pièces notées, eommo on le
verra dans notre description. Nous pouvons dès maintenant en signaler une
autre de même sorte, savoir le tropaire jn^^o^l. ,^f, du ms. syriaque n" -'8 (Oc-
toéchos) de la Bibliothèque pati'iarcale du Saint-Sépulcre à Jérusalem.
154 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
phiquede l'Orient. Il est en effet admissible « qu'en même temps
qu'ils adhérèrent à la foi et au rite des Grecs, les Melkites qui
leur empruntèrent leurs heures canoniques, leurs chants et
jusqu'à leur musique » (1), aient reçu d'eux cet ancien système
de notation. Ce serait donc bien improprement que l'application
aux textes syriaques de ce système sémiographique des Grecs
a été désignée sous le nom de notation de saint Ephrem (2).
Ce manuscrit contient les menées de décembre (incomplet),
janvier et février, plus des offices communs pour certaines
classes de saints, des stichèra, théotokia, canons et kathismata
en l'honneur de la sainte Vierge.
I. Fol. (1). t-j/ ^^j^Q^ :o,: ^. Jj^î .,jJ'^. « Décembre, hymne 5.
Sur Tu es le médiateur ».
Fol. (2). i-»^«^" <^=ûJk^? ^^.^^ ic^QjajiL : inv)r»N-. ,3 oi- :ô: jiL. « Hymuc 6.
Sur Lo}-sque dans l'abîme. Gloire au Christ, le roi de notre
race ». _ _
Fol. (3). \oi^l<. OjN--^ a^ Dvojj .j^ ^K^l p/ Qi> ..^ vu jjoo. c^"^ i-^j' ^
)..aïi- ^oi/ o/ ;A-; iLï^^coi,. « Janvier. Kontakion. Ton VIII. Sur Je
suis venu de. Tu as planté tes vertus dans la maison de Dieu,
ô Père saint... » (KcvTây.icv. r,yo: ttA.o'. [-fi û-£p;j.z/w]. Ile^UTEJ'j.s-
vcç àv aÙAaT^ -yXq -sij Kupiou io'j Txq tpavoxâ-aç ôcpz-x:. ..). Menées,
1 1 janvier. Saint Théodose (de Jérusalem) le Cénobiarque.
Suivent les hymnes 7-9, chacune de quatre strophes, puis
Yexapostilarion^^^^'^^^i « Ta mémoire brille aujourd'hui pareille
au soleil... »
Le synaxaire, qui vient, dans les textes grecs, après le Kcm-
takion et ÏŒchos séparant le Canon entre la sixième et la sep-
tième ode, est toujours placé, dans notre manuscrit, à la suite
de la neuvième ode et de l'exapostilarion. La rubrique et la
leçon du synaxaire sont en arabe, aussi bien que les indications
afférentes à la conclusion de l'office et aux pièces mobiles de la
messe. Toutes ces parties, que nous offre régulièrement notre
exemplaire, manquent souvent dans les inenaea syriaques
(Cf. Biblioth. nat., Catal. cité, p. 88). La leçon assignée à Théo-
(1) A. Amiaud, La légende syriaque de saint Alexis. Paris, 1889, p. iaxx.
(2) .1. Thibaut, Élude de musique byzantine. Bvzantinischc Zeitschrift, 1898,
VIII, I, p. 145.
LA BinLIOTMÈQUE DU SÉMINAIRP] SYRir:\ DE rHARFK. I .'>.'i
dose le Cénobiarque est mutilée après le début et dans ses der-
nières lignes.
A la suite : i-;-^^^ cu.^ correspondant à l'indication grecque
£'.ç 'c'j: A'ivîuç; puis l'indication de l'un des slichlrn.
Office de la Messe : (^'jjj! (r;.; -.;;v 'Kv.-.z-jz';iy.-,) :•: .^ .)-^^
c« Psaume. Ton IV » (-ps/.E^i^.zvcv. v/;.; fixpjr) -oic^j^x^ oo, ;.^ (-.i-j.'.-.z
Le texte de l'épître, en arabe; l'alléluia avec son verset : .\^i^
upo ^ \^jj )^^^^\ ^0,0^x14, :5: .o « Alléluia. Ton VI. Heureux l'homme
qui craint le Seigneur ». Enfin le chant de la Communion :
a^;A> )oow ;!o^>:^ P;jo!. ^^.Vjy^r (K:'.vo)vt7.:v. z\: ;j.vr,;x;::jvcv j:'.(.')V'.;v iz-y.'.
ii7.y.io:).
Les cinq jours suivants ne sont représentés que par l'indica-
tion, en arabe, de la fête :
« Le 12 » (en marge ^). « La martyre Ta[tienne] et le mar-
tyr... »
« Le 13. Le martyr St[ratonice] ».
« Le 14. Les Abbés mis à mort sur le mont Sinaï ».
« Le 15. Les saints abbés Paul [leThébain] et Jean |CalybiteJ ».
ce Le 16. Les Chaînes de saint Pierre » avec renvoi à la fête
de ces Apôtres.
« Le 17. Notre Père Antoine le Grand ».
L'office du soir, '-^ lî *^^^ {ïzztpv/'y/), est en arabe jusqu'aux
stichira. Ceux que donne notre manuscrit sont difterents de
ceux des menées grecques (M-^vxbv. Janvier. Éd. Venise, IS7<>,
p. 131, 132). En outre, il ne s'en trouve que deux dans le texte
syriaque, au lieu des cinq de l'office grec. Celte partie du ma-
nuscrit est au surplus altérée par l'humidité. Le premier de
ces stichira suit à la vérité le type modal de l'office grec : :.: -^
p^po ,^j 00, Qi. (v/;ç 5". '0 à; û'iyiJTîu vj.rfiti:) , mais n'en reproduit
pas le texte; l'autre .ov*-;^ :,-^ « Ton IV. Strophe type », est à
peu près la strophe 5 yypi7[j.x-My (p. 132). La pièce suivante
(Fol. 13) poïi- v<"/ 0/ :o:asjQ.» (v/;ç ::/.. ,3". "Ojts T.i-tz , tl; t.xzt/
Tr,v yy;v (p. 133) est notée musicalement en rouge.
L'office est continué par les trois lectures, en arabe, puis les
idiomèlesde la supplication vi^LU? (riç -:y;v Xitv;. ^-:iyr,px lz'.z[j.t\x) .
Le quatrième luoj i;^ [^^^ \^>. (fol. 18), noté de la même manière
156 REVUE DE l'orient CHRETIEN.
que précédemment, est incomplet. Il est suivi d'une lacune. Les
trente-six strophes de l'hymne qui vient à la suite ne sont pas
représentées dans l'office grec. Après le kathisma, l'indication
des versets et de l'évangile , en arabe , vient le canon , avec ses
neufs odes au complet , sauf l'altération d'un feuillet du manu-
scrit, au cours de la troisième et de la quatrième. Ici, comme
dans les autres offices, le kontakion précède immédiatement
la septième ode; et le Synaxaire, en arabe, est relégué à la fin
de l'office, après Vexapostilarion, dans lequel la mémoire de
saint Antoine est réunie à celle de saint Athanase , qui est fêté
le jour suivant.
« Le 18. Les patriarches d'Alexandrie, Athanase et Cyrille ».
« Le 19. Macaire d'Alexandrie, et (sic) Macaire l'Égyptien ».
« Le 20. Efthymios le Grand ». Le manuscrit lui attribue le
stichiron u.^t>^i .^^^i {~x-zp FyjHù[v.z, b crbç '^izz) à demi illisible,
ainsi que les feuillets suivants.
Le manuscrit reprend au cours de l'office de saint Grégoire
le Théologien (25 janvier), au troisième des stichira prosomia,
différents des strophes assignées dans l'office grec. Des trois
lectures, en arabe, la première, tirée de Jérémie, remplace la
leçon des Proverbes dans les menées. Il y a seulement quatre
stichira, pris de l'office grec, mais dans un autre ordre. L'à-c-
AUTîy.'.sv est désigné par le titre de tropaire vv^o^,. Le canon est
celui de Théophane, sans l'intercalation du second, de Cosmas,
qui rompt l'acrostiche. Le kontakion et le Synaxaire sont dis-
posés comme ci-dessus.
Une nouvelle lacune nous conduit au milieu des proéortia de
la fête de la Purification (2 février), qui suit l'office du MÉya
£!7-£piv6v, iJuv^:.m,5io. Los vanatious dans la disposition ou même
le texte des pièces sont justifiées par la note de l'éditeur des
menées grecques (Venise, 1870, p. 2, 3). Notre manuscrit con-
tient pareillement pour troisième lecture une section d'Ézéchiel,
que les éditions grecques ont supprimée : àv-rl -zzX) àvio-répsu àva-
YvoWiJ.aTc; [Tlaab'jj, Ta '/z^^b^ipx^^y. iyyj'jV) ï-tpov ïv. '0^43 •/,xl44 v.zoy.-
'kx'.o'j -f,; TTpoor^tîîaç toù 'hl^r/.'/r^A (ibid., p. II). Suivent les idiomè-
les, réduits à quatre; puis, à son rang, un texte connu de nous,
pour être passé, dès le ix^ siècle, des menées grecques à
l'office latin. Nous voulons dire l'antienne Aclorna. Cette pièce
LA \MVAAi)TUK*ilJE DU SK.MIXAIUK SMtIK.N l)i; < IIAIUK. \~h
nous servira d'exemple. On verra comment les traducteurs sy-
riens ont satisfait à leur tâche. Sans doute, il était impossible,
dans cette langue, de garder à la fois le sens, le nombre des
syllabes, les accents et les divisions sticliiques. Aussi n'y a-t-il
pas de « parité rigoureuse entre les schémas grecs et les odes
syriennes » (1). Les traducteurs latins ont pu suivre de plus près
la lettre du texte original, en s'abstenant de toute paraphrase, et
sauvegarder ainsi la mélodie musicale. Pourtant, dans la cita-
tion qui va suivre, les incises sont en nombre égal à i -elles du
cantique grec et le compte des syllabes de chacune d'elles se
trouve être, grâce à la paraphrase, sensiblement le même dans
les deux textes, ce qui garantirait le fait de l'emprunt mélodique.
: j: ^.oo
(12) .yQ_.0)[ |lS^..,,i,-»t o( wj>jual^ N*.ii vjO^L/ô —t^j
(llj .\.2.1.t ^ |JCc ^V:ia\ ^o^ àN-ioo ov:v>6)A , « nriq
(15) .j-I^icLA; \^>l ovCO/ ^O)» |ISi.olS-3 >o-vio; ovîokji _A1^
(13) .jk^QjjiL; |j.Vio ^oioki/» ooii. .-aoL Kii.^ )»c>i
(9) .)I^Oi^o^sJ ov^CO/ )iO)aj; ^^>-^x ) î i ">
(14) .lïiovî VatifO v^J Ir^ai 01 «" °> i i ^^ JJOO) NJ^)
f 12j .| jL"li,-o ^^0)ai.ï; ^^ yoxvit 01N in ^3 001
(22) INJoojô 1^3/ j.::^^.; |;Jo ^40)oki( ^i^ iJoj ).vi,"V)\ toi. w^)(ô |ooi )jLè
(ij ■:• liciNv oiSoj» ^oo^ao
TRADUCTION.
« TON VII ».
« Dispose et prépare ton lit nuptial, ô glorieuse Sion. Sors à
sa rencontre et reçois le Roi, l'Époux, le Christ. Salue Marie,
la Vierge, qui est la porte du ciel : car elle a été montrée, dans
un prodige, comme étant le trône des chérubins. Elle porte
aussi celui qui est le Roi de gloire. La Vierge est la nuée lumi-
neuse , lorsque , créature (matière) , elle porte en ses bras le fds
qui existait avant les luminaires; Siméon le recevant en ses
bras sacrés, cria et proclama aux nations : Celui-ci est le Sei-
gneur des vivants comme des morts et le Sauveur du monde
entier. »
Nous donnons, afm de permettre la comparaison, le texte
(1) Amiaud, 1. cit.
ORIENT CHRÉTIEN. '-
158 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
grec de l'idiomèle de Cosmas, et, à la suite, la version latine,
moins exacte et moins complète.
xaTaxo'fftJi.viaov tov vua'iwva cou ^SitoV (12)
xai uTroosqai xôv BauiÀsa Xpiaiôv (11)
àcTTraffai tvîv Motpiàui tyiv sTroupaviov ttoÀtiv (15)
auTV) yàp ôpo'vo; /£pouêi)cèç àveSei'/ÔT)* (13)
aur/i paarâ^si -uôv py.aiH(x t^ç oo^'/jç' (13)
vsajsXv) cpwTo; bizâpy^i yj TrapÔÉvo;* (12)
tpspoïïaa £V crapxi ulov irpo ecoscpopou* (13)
ov }.aéwv ]Su[X£wv i^ ocyx-iXan; auTOii, (12)
Ixv^pu^e Xaotç OEtjTroTrjV aùxov stvai (^ioy)ç xat xoîJ OavaTOo, (20)
xat <7(0Tvipa Toîi xôatxou. (7)
Adorna thalamum tuum, Sion, et suscipe Regem Christum :
amplectere Mariam, quie est ca3lestis porta; ipsa enim portât
Regem gloria^ novi luminis. Substitit Virgo, adducens manibus
Filium ante luciferum genitum; quem accipiens Simeon in.
ulnas suas, pra3dicavit populis Dominum eum esse vitas et
mortis, et Salvatorem mundi.
L'office du matin de la même fête débute par i^j^.j^ ^J^'
{Szbq y.jpicç) et les trois kathismata. Après une lacune, vient le
canon, avec son s'.p;xiç, v^o^^-r^u Mais les megabjnaria de la neu-
vième ode, composés, dans l'office grec, par alphabétisme, sur
©soToy.s f( sAziç, sont remplacés ici par une autre hymne hepta-
syllabique, de treize strophes, et l'hirmus de l'ode est intercalé
entre les deux premières strophes de ce chant.
« Le 3. Siméon le Juste ».
« Le 1. Isidore [de Péluse] ».
« Le 5. Sainte Agathe ».
« Le 6. Saint Julien d'Emèse » .
Trois idiomèles et le canon intégral représentent ici l'office
que le ménci3on byzantin a remplacé par celui de Bucolus,
évêque de Smyrne.
Suit la simple nomenclature des offices des jours suivants
jusqu'au 23, savoir : Parthénius l'évêque, Théodore le Général,
Nicéphore, Caralampios, Biaise, Mélèce, Onésime, Pamphile
Théodore, Leontius (sic), pape de Rome, Philémon, Léon, évê-
LA HIBLIOTIIKf.iIK DU SK.MIXAIHK SVIilKX UK CHAliFl';, 150
que de Catane, Kustache, patriarche d'Antioclie, Tliomas, pa-
triarche de Constantinople, Polycarpe le martyr.
« Le 24. Invention de la tète de saint Jean-Haptiste ». Cette
fête est pourvue d'un office complet, dans la même disposition
que les fêtes décrites précédemment, et donnant lieu aux
mêmes remarques.
« Le 25. Tarasius, le Patriarche ».
« Le 26. Porphyre, FEvêque ».
« Le 27. Procope, le Martyr ».
« Le 28. Kasianos ».
Cette première partie du livre se termine par une rubrique
relative à la célébration de ces offices en temps de carême.
IL Prosomia et Canons ^L'^j ^jr^^j^ ,_^^C '-^!j.
1° Pour un Apôtre. Stichu-a, canon et exapostilarion.
2° u^r uav^, 'Av.i/w'jOa d'un Prophète. Même ordre que le
précédent. Lacune au cours de la septième hymne du canon
(fol. 139, 140).
3" Office de plusieurs martyrs. Le dernier des stichira vo=>c^ si
)c^;^; i^oro, « Venez, ô toutes les extrémités de la création », est
noté en noir (fol. 144).
4° Office d'un seul martyr. Notation, en noir, du dernier
des stichira, it^;^^N.io ovV3 p^o.. « Aujourd'hui toute la terre »
(fol. 1.55).
5° Office d'un Pontife martyr.
6" Office d'un Pontife. Lacune à la fin de la neuvième hymne.
T [Office d'un martyr]. En marge : cjjrU. Débute au milieu
de l'avant-dernier des stichira.
8° Office des Justes.
9° Office d'un solitaire ^.^i.^^j^Ul ~UJ' >>^^ ^^y- Le der-
nier des stichira est en double, et l'un et l'autre sont notés en
noir. Le premier est le même texte que la pièce notée du feuil-
let 13, u^^ sp^[ o/ (T)7u Tzâcrzp) , mais les signes musicaux sont
en partie différents, bien que le ton indiqué (le sixième) soit le
même pour les deux. La strophe de rechange i-u.ovso/:»^:-.:^!^ pv-i
paii.; est prise pareillement de l'office de saint Antoine (v/:;
zA. 5'. [Suy.£(OTOj]. Twv [jLovatTTwv -'y. -'/.rfir,. Menées. Janvier,
p. 134). Le nom propre a été remplacé par l'indéterminé ^-
160 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
III. Épîtres et Évangiles pour diverses fêtes, en arabe
(fol. 214-219).
IV. Hymnes pour le jour de la Procession du Saint-Sacrement
V. Stichira et theotokia, canon et kathismata en l'iionneur
de la Mère de Dieu.
VI. Autre canon en l'honneur de la Mère de Dieu. Les odes
sont ainsi numérotées •.<^- ^^ -i-- -»i- -.*,: -»i- :♦: -*i- :^: jc^q^]*!. Le
texte s'arrête après la première strophe de cette dernière. Les
derniers feuillets (247, 248) sont mutilés.
e) Hirmologe. Manuscrit sur papier, non paginé (19/12 m.),
rouge et noir, incomplet du commencement et de la fin. Cote 1;
(IG). Ce livre donne le texte intégral des hirmus dont nous
n'avons vu, dans le manuscrit qui précède, que l'indication
abrégée.
Fol. (9). ^\ \^l M>l^i° P-o l^5sl-' 1-^ [|IS^]oB^ ^ |-:«3NvN t^L( ..CDO^Î/ :;: Jil
Zoo^pe. « Ode 4. Hirmus. Tu es venu en ce monde, [né] d'une
vierge, non comme un messager ou un ange, mais comme le
Seigneur glorieux ».
Fol. (10). \'r^y'i -^^ )v^/^ ioo) ^^^^ .\^r^\- « Autre. Il a entendu ta
voix. Seigneur de toutes choses, le messager que tu as appelé ».
Fol. (18). |oi^/ [U]*J^ |.«i-.ij;o )oii>./; h^\ V^y>a .^<xio;/ :o,: wiL. « OdO .J.
Hirmus. Tu es le médiateur entre Dieu et les hommes, ô Christ,
Dieu ».
Fol. (2il)). pi-invN-^ |A ).ioooiIS^ .p/ ■^r'ils.M oisico ^3» l-jiioaxa p .w£oaio>( :o: jiL
« Ode 6. Hirmus. Toujours plongé dans l'abîme de l'iniquité,
je n'en trouve pas le fond ».
Fol. (30). lov^/ ^^.^Q\j po^; oo, p,^a3 ..^c^;\ :j: ^L. « Odc 7. HiriBUS.
Ce commandement nouveau contre Dieu » .
Fol. (36). pvv.; p;m \r[:.^] ^)^ pou .^a:»;/ :-.: ^u « Odc 8. Hlrmus.
La fournaise... dans le pays des Chaldéens ».
Fol. (44). ujv^o p;io loii./ ^jojL lA. ijQi^; i-^ .^a^;i :4,: oïL. « Odc 9. Hlr-
mus. Fils engendré sans commencement. Dieu, Seigneur et
homme ».
Fol. (53). -V-ps! m,<^ j^ --^'•'r i-^o^-^ ..cDOio!/ :.^: ,^ : / : uiL .i/=lJj) ^m-I^I
ucL^. « Le mardi de la Résurrection. Ode 1. Ton III. Hirmus.
i
LA BIBLIOTIIKl^UH I)i: SK.M IXAIItH SVRIKN \)V, ('AWMVV.. KJl
Au travers de la mer, divisée par la bag-uotte que Moyse avait
dans sa main ».
Fol. (89). M>î oo, p>ooo,DO>, .wCDo^;/ :/: ^ :/; ^l .^wJjLxJI 1^^! ' ^'j'Js'i
« Katabasia pour la sainte Résurrection. Ode 1. Ton I. Ilirmus.
Ce grand abîme ».
Fol. (165). 7>^ 1-^^^ .^JS>a^H :/: a,L :o,: ^ .IN^^oN Ua>p>K^|^ .L^'^'j
^QXDj i^o- Q,^ vP"»*^^^'- « Katabasia pour la Résurrection. Ton \ .
Ode 1. Hirmus. Les cavaliers avec leurs chars au milieu de la
mer de Suph ».
Fol. (189). |N.^.=>; j^l .^o^;/ :/:^L. ^w'il^'l .p^Y' i..-'_jJ! '^'JsU
u^-^ p-oj. ^^ ;Ao, ^ioooiOo.. « Katabasia de la Résurrection. Le
sixième jour. Ode 1. Hirmus. Le peuple racheté marcha sur
l'abîme comme sur la terre sèche ».
Fol. (248). 0)N-vi;vi3 ^po j3 ^ai.;^^. :/: ^i :^: ^ .|Nvi.n\ p,.ûo|j^^. K<ll'(-
tmsia pour la Résurrection. Ton VIIL Ode L Pharaon armé sur
son char ».
Le texte s'arrête après le début de la neuvième strophe de
cette première ode.
d) Beyt-gazo, ou Trésor de prières (Bréviaire du rite jacobite),
contenant les prières communes, celles du Magnificat et des
Vigiles , les supplications [rythmées] , les hymnes de diverses
sortes, )L'^LÔ ILdï.jjo ipLL^o jN^oai-o l_ïovJio [.àïaibo j-^o.".;......, « |L<i-^) to>Jo/ .)kx ^->-3> l-ito
P Offices pour les six jours fériaux :
a. Office du lundi aux vêpres (fol. 4). Invitatoire de l'office de
nuit, i-^î Pr-s^ (fol. 13). Prière du Magnificat, i^îo^.> ilc^j (fol. 15).
Office du matin, i-^sj? ilo^-j (fol. 21).
b. Office du mardi aux vêpres (fol. 32). Office de la nuit
(fol. 39). Hymnes de l'office du matin, i^^j» u-^ (fol. 41).
c. Office du mercredi (fol. .50).
cl. Office du jeudi, MLicL-^a.. \.ai^ (fol. 71).
e. Office du vendredi (fol. 91).
f. Office du samedi (fol. 113).
Les offices des six jcturs de la semaine sont divisés en trois
parties principales : les vêpres, i-i^î ou ok^, le nocturne, compor-
tant, après l'hymne appelée PU^^. « excitatoire », plusieurs m^i^
IQ2 REVUE DE l'ORIENT CHRETIEN.
« stations » {y.xdiaiJ.x-^) ; enfin Toffice du matin , il^^. Cf. Biblio-
thèque nationale. Fonds syriaque, n°^ 145-150. La même dispo-
sition a fait le fonds de la rédaction romaine du Bréviaire férial
à l'usage des Syriens unis. Fauste Naironi fut chargé de l'exa-
men de ce bréviaire et approuva l'impression de l'édition donnée
en 1696. Comme le Beyt-gazo syrien ne contient pas d'office
pour le dimanche, celui-ci faisait défaut dans cette première
édition. On récitait en sa place l'office du mercredi, qui était
dit ainsi deux fois dans la semaine. Lorsqu'il fut question de
donner une seconde édition du Bréviaire syrien , on suppléa à
cette grave lacune de la première par un office dominical extrait
d'un manuscrit complet des offices syriens, écrit en 1744, sous
Benoît XIV, et approuvé dès lors par le cardinal Antonelli, en
vue d'un usage ultérieur. Ce manuscrit est conservé à la Biblio-
thèque de la Propagande. La seconde édition parut en 1787(1)
avec l'approbation d'Elias Fadhalla, prêtre syrien, de Diarbekr.
Selon l'ancien usage des Syriens, l'office du dimanche venait à
la suite de l'office du samedi. Cet ordre a été renversé dans
l'édition de 1853, qui débute par l'office dominical (2).
2. Hymnes communes du Magnificat disposées en huit séries,
suivant l'ordre, sans doute, des tons du chant ecclésiastique,
iLxjcL^ |_3Ïais \>.i.Vii .^oC^sli \>.3; ij-io \oy\l j^a ^oi (slc) (fol. 13.5).
Ces pièces et les suivantes se retrouvent, à part quelques
différences dans le nombre et la disposition, dans les manuscrits
catalogués du Beyt-gazo.
3. Chants des Vigiles, pïori M. ^ot^ iIo^Lai.; M- "«^ -^oi- (fol. 191)
(Cf. Assémani. Catal. mss. Bibl. Vatic. 11, 405).
4. Hymnes dites i^aibl (fol. 243) , que l'on attribue à Rabbula
d'Édesse dans quelques manuscrits.
5. Chants appelés i^-:^,^ (fol. 274); peut-être, comme Vvr/r,
(1) Breviarium feriale syriacum SS. Ephrem et lacob Syrorum, iuxta ritum
eiusdem natiouis, a feria ij usque ad sabbathum, iuxta exemplum editum anno
nidcxcvi , typis Sac. Congr. de Propaganda Fide. Nunc accedit OtTicium domi-
nicale. Romae, mdcclxxxvj. Typis S. C. de P. F.
(2) Officium feriale iuxta ritum Ecclesiie Syrorum. S. Congr. de Propaganda
fide iussu editum. Romte, 1853. Ce Bréviaire avait été approuvé par le Patriarche
Gérawé, le 20 octobre 1844.
LA lUnLlOTIIKi^UK DU SK.M IXAIIiK SVI'.IIC.V I)K ClIAlîFl';. 1(53
\rja-i7.o):: dcs Grecs, parce qu'on les disait à voix basse. Cf. I';iyrie
Smith, Tliesaurus syr., p. T."»!.
0. Supplications suivant le mètre de. Jacques de S;iru^- (en vers
dodécasyllabiques) , i-^a^oo ^o^a^j^^io i^^, iLin^ >^ j^o )cn^( .^ ^u
(fol. 279).
7. Supplication suivant le mètre de saint Éphrem (en vers de
sept syllabes), pour la pénitence, ii^^l» ^o^-r^i ^i^. iio^^ ooi (fol. -288).
8. Ordre des hymnes \l^i, que Ton appelle aussi supplications
de Mar Jacques, ^=mi- -po. ilox^ ^.v^icoo. il-^l. i^c^ ^ol (fol. 2'.)i»).
9. Versets d'avant l'Évangile, v^-^o/ ^^, m^^c^ ^l (fol. .300).
10. Hymnes appelées Maclrosc/ie de saint Ephrem, (Hvisées
en .Jo INXaxD : ) |g\\vi V3_;^| ^V^oi. ^Y «■'''>; l-»»,-io ^ooN-u |Nju,.i5 |LQjCs.*ikL; | \ .,.. ^*kA
(fol. 302). Cf. Bibl. nat. Syr. 148, G". Cat. p. 108'.
11. Les 7.xHiG\j.a-x pour les fêles, ij^ip-» ^w,pbCLCïi.LM> (fol. 320). r)n a
rayé (fol. 331-334) la sugita de la révélation de Joseph, li^ ^v"^
.a^o.; o0^o; fol. 360-363 en blanc.
12. Office du diacre (en carchouni). -^-^ o^^)V^[ •-.•^i^^; ooo^ .^inj
(fol.' 364)'.
13. Leçons des Épîtres de saint Paul, \ii<Ji ^ "5^-:^ -^=!^ -^l
(fol. 376).
Fol. 383 en blanc.
14. Indications relatives au calendrier pour les douze mois
de l'année (en carchouni). Fol. 384.
Manuscrit sur papier en fort bon état de conservation. Non
paginé.
L'écriture, en caractères jacobites, est soignée. Les pages
(15/11 cm.), encadrées de rouge et de vert, sont de 25 lignes.
Le folio 1 porte une miniature, représentant le Christ terrassant
un squelette. Au fol. suivant, la Vierge et l'enfant Jésus ayant
une sorte de scapulaire. Légende (en carchouni) :
Au fol. 325, miniature de saint Pierre et saint Paul.
164 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
Deux notes finales nous apprennent que ce livre fut écrit sous
le Seigneur Patriarche Ignace-Pierre et le Seigneur évèque
Denys Rezaq-Allah, d'Alep, au mois d'Adar (mars) de Tan -2001
des Grecs (1690), fol. 387; — et qu'il fut acheté par Michel,
fils du Schammas (diacre) Na'amtallah; plus tard par le Scham-
mas Stefan, fils de Georges, Tan 2074 (1703).
é) Rituel d'ordination , suivant le rite syrien , en syriaque et
carchouni. ln-4'' papier; non paginé.
Fol. (1) verso, -a^^û^-/ '^^ ^ai i-^s^^o^^iio .^ixjljo ^,h^ ...^\^\o >^p./ ^j-oij
ovj-po v-^;^£lLio ^iv^oio ^axi>^ ;p>o ;jA^.i,:>ai./. (( Au nom du Père... Nous
commençons par écrire l'Homologie composée par le glorieux
saint Mar Jacques, évèque de la ville de Maiphéracte » (cf. Bi-
bliothèque Nationale. Fonds syriaque, n° 110, 9° Catalogue,
p. 68).
Lacune après le premier feuillet.
Fol. (4) recto. A l'énumération des saints Ignace, Denys,
.Jules, Athanase, Basile, Grégoire, Jean, Cyrille, on a ajouté en
marge, ^Jarusxû^jo u»a.wo^i» : « Sever[i]us et Dioscore », et raturé à
demi dans le texte ^^=>^ii- -poo ^-^z >-vio, « Mar Ephrem et Mar
Jacques ».
Fol. (7) recto. Ordination des diacres. A la suite de celle-ci
on indique qu'il ne convient pas d'ordonner des prêtres et des
diacres dans une même cérémonie : i;-^ [pjLjicuLyso pova. .û,) i^ ;>o^
Fol. (13) recto. Des ratures dans le texte et des notes margi-
nales, au fol. (18) recto, montrent l'usage pratique qu'on a fait
de ce manuscrit.
Fol. (21) recto. ilq-ajc^ ioo,, in-,, i^ol^; )Loi,j « Prière pour l'huile
du saint chrême qui sert aux onctions ». La rubrique qui suit
indique que l'on prend de pure huile d'olive. L'un des prêtres
l'apporte à l'évêque, qui prononce les prières en faisant le signe
de la croix sur cette huile. Gn l'emploiera pour l'onction du
baptême avant l'immersion. Suit un canon ecclésiastique, sous
le nom de saint Ephrem, décrétant des peines contre le prêtre
qui se servirait de la même huile pour l'onction des malades.
S'il n'y a pas de consécration du chrême, voîa:^, et que l'évêque
veuille consacrer l'huile sainte, il le fera le mercredi du milieu
du carême.
LA mBLiOTiii-:(^Lr: di: si;.Mi.\Aiiii'; smukn df, ciiarfk. 105
Fol. (21) verso. Prières de la consécration do i'Iiiiile.
Fol. (25) verso. Ordination des arcliiprètres, povûjl.;, métropoli-
tains et évoques.
Au fol. (17) verso, on trouve le plan de la disposition de
Tautel que l'on doit consacrer.
Fol. (18) recto. Consécration des autels « qui se célèbre après
l'office du matin ».
Fol. (C3) verso. Plan de la table d'autel.
Fol. (74) verso. Vêture des religieuses.
Fol. (105) verso. Consécration du chrême vo'^^, Les versets
du psaume sont séparés alternativement par les lettres -^^ -^ •/,
indiquant une division exceptionnelle en trois chœurs.
Fol. (160) recto. N-|I>-M.o I^.>);^..ia^o M-^-Vi«v>o ^.oA/ ^oîo^ jl.q^. l-ooj^, poX.
• 1^^. ^CQ.xJ.â P^JQ^! s^ j/ Cv'-'a ,JL-a^ ^y-^'. li-p pO) P>l^3 v^UoL/o ...^jaio; |»L/ ^ ...^_i^io
« Fin de l'office de la consécration du chrême divin, com-
plète, parfaite et régulière, telle que nous l'avons trouvée dans
la maison des saints, [de] Notre père Mar Basilios, Patriarche
de l'Orient, qui est Barsauma le libérateur, au pays de .Mos-
soul... Ce livre a été écrit dans le monastère de saint Jean, l'an
1903 des Grecs (1592), au mois de Nisan (mars) ».
Les feuilles de garde et la couverture intérieure du manus-
crit contiennent une nomenclature d'ordinands.
« L'Esprit-Saint a sacré Jacques. -J- ws«mi^ [p-]r^ !--«>' -;^' t
L'Esprit-Saint a sacré Manuphar... vsoiio .^ u^i ^v^oj f
— — Georges. .ms^Ja^ — —
— — Emmanuel. \^|ai.^A — - —
Bedros.
^£CO)r.3
L'Esprit-Saint a sacré Théodore, 11^^:^. [puLliojoo ^oJ.l — —
diacre de l'église de Saint-Pierre et .:.^oi;o|_5; ^oi-os -;^o jco;is^ ^-^i
Saint-Paul à Édesse.
L'Esprit-Saint a sacré Isaïe, prêtre ) . r^;n ->\ i_jlVjl-d i__.^ ^-jl/ — —
du siège de Za'pharan, l'année 1905 ■-.■0,^1 njj viva^i:
(1594). _
L'Esprit-Saint a sacré Ebednura, .rcu^ja^^poi 11^:^. jlo Maj^^ii. — —
prêtre de l'église Saint-Georges du .^ i;^ p/ coi>^; -;
château d'Atta.(V. ci-dessus, p. 15"?.)
L'Esprit-Saint a sacré Abdallah, i_ioo/L ^po. )l^ ^jojoo oip.^ — —
diacre de l'église Saint-Thomas, l'an- •> o,j( toj
née 1905.
166
REVUE DE L ORIENT CHRETIEN.
L'Esprit-Saint a sacré Schahalad,
prêtre de la sainte église de la Mère
de Dieu, à Amid, Tannée 1906.
L'Esprit-Saint a sacré Samuel, prê-
tre de la sainte église du siège de
Za'pharan, la même année.
L"Esprit-Saint a sacré Marga, prê-
tre de la sainte église de la Mère de
Dieu, Marie, la même année.
L"Esprit-Saint a sacré Anastase,
diacre de la même église de la Mère
de Dieu.
L'Esprit-Saint a sacré Elie, diacre
de la sainte église du siège de Za'-
pharan.
L'Esprit-Saint a sacré Halalma...
de la sainte église de la Mère de
Dieu, à Alep, l'année 10Q9 (1598),
par les mains de Basile.
L'Esprit-Saint a sacré Jacques,
diacre de la sainte église de la Mère
de Dieu, à Alep.
L'Esprit-Saint a sacré Thomas,
diacre de la sainte église de Saint-
Georges du château d'Atta, l'année
1904 (?) des Grecs (1593).
L'Esprit-Saint a sacré Hanna, prê-
tre de la sainte église de la Mère de
Dieu, dans la ville de Bérée.
L'Esprit-Saint a sacré Kand...
l'année 190G (1595).
L'Esprit-Saint a sacré Murad, dia-
cre de la sainte église de la Mère de
Dieu, Marie, à Bérée, par les mains de
Denys, l'humble, l'année 1909(1598).
A été élevé du degré des prêtres
au degré de (chorévêque) Fathallah,
de la sainte église de la Mère de
Dieu à Bérée, la ville forte de Phé-
nicie (Alep).
L'Esprit-Saint a sacré Elian, diacre
de la sainte église de la Mère de
I ■ min-\. ,_o )L^i^ »t f) ^'^>_.|a VI «
•;. )liUL«j ou vlr-SLi.j»
•:• |N 1» -I ovs OV.S v3-.po
ovi> t-3 oii> I I <Mi » \i . mo {;>m i / —
■> \oy\l IA-; )L^^
(_/tXD>Q.3> v^ ll-fV.*^ ^OJLâO |_.i._\(
\li^^)!
lt^~Êt ^ |l-«-^ ^OJOO
\^l
)o>i.( L^i^; yJi ]lf>\ )« .«n l-L-
) « .,— O l—OJ w-V-ÛO|.Oj| tOL» )1!^ j_LO
(avant-dernier feuillet- verso) .
.^,1 tuju [-^.-..^yu^ .m. non 11 .; .-.jJ-'Ij ))o',-a-s»
l_^>jA I « •.« n; >_^»; ^-io .^.i^L/o J :■
l,X-; )Nj-.,^ ILt^i. oiiCi-P-N^ (sic) IQ-ÎCLDJ
j^ )Lp\^aJLào yl-A-f j^ P-oî ^t^ol J
LA IÎII{MOTIIK(^L"K DU SK.M INAIIIK SMîFEX 1)K CMAHri';.
107
Dieu, rannée 1934 des Grecs (1G2:5).
L'Esprit-Saint a sacré Pharhat,
diacre de la sainte église de la Mère
de Dieu de Phénicie (Iloins ou Aie])),
Tannée 1934 des Grecs, par les mains
de Denys.
L"Esprit-Saint a sacré Matlub, prê-
tre de la sainte église de la Mère de
Dieu, dans la ville de Bérée (Alep),
par les mains de Mar Denys, Thunihle.
L'Esprit-Saint a sacré Na'amtal-
lah, pour la sainte église de la Mère
de Dieu, Marie, à Bérée, l'année
1935 des Grecs (1624).
L"Esprit-Saint a sacré Georges,
diacre de la sainte église de la Mère
de Dieu, dans la ville de Bérée, par
les mains de Mar Denys, l'humble
métropolite.
L'Esprit-Saint a sacré Antus , dia-
cre de la sainte église de Sainte-
Schamuni.
L'Esprit-Saint a sacré Abdalahad,
diacre de la même église de Sainte-
Schamuni.
L'Esprit-Saint a sacré Saphar,
diacre de la sainte église de la Mère
de Dieu, d'Amid.
L'Esprit-Saint a sacré Saliba, dia-
cre de la même église de la Mère
de Dieu.
L'Esprit-Saint a sacré David, dia-
cre de la sainte église de la Mère de
Dieu, Marie, la même année.
L'Esprit-Saint a sacré le diacre
Mina, pour la sainte église de Saint-
Georges, au village du château d'At-
ta, l'année 1906 (1595).
L'Esprit-Saint a sacré le diacre
Joseph, pour la même église, l'an-
née 1906 des Grecs.
L'Esprit-Saint a sacré Hanna, dia-
••••Q- Aj/ Njl» \oC^l L^,
-t-iO v.,V_^|_s )tO_j_iO ||o;_3lj loui./ L_X-»
■:• I \ « .. VI "■"•> - '•"'•■ ■" ■;
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•■•■v°-! °j(
168
REVUE DE L ORIENT CHRETIEN.
cre de la sainte église de Sainte-
Schamuni, l'année...
L"Esprit Saint a sacré Paul, diacre
du saint monastère de Mar Abhai,
la même année.
L'Esprit-Saint a sacré Abdalahad,
diacre du saint monastère...
L'Esprit-Saint a sacré Hu..., diacre
de la sainte église des Quarante
Martyrs.
L'Esprit-Saint a sacré Abdulma-
siti, diacre de la sainte église de
Sainte-Schamuni.
L'Esprit-Saint a sacré Na'meh,
diacre de la sainte église de Mar
Thomas, Tannée...
L'Esprit-Saint a sacré Simon, sous-
diacre de la sainte église de la Mère
de Dieu.
L'Esprit-Saint a sacré Dhakral-
lah, sous-diacre de la sainte église
de la Mère de Dieu.
L'Esprit-Saint a sacré Hanna, dia-
cre de la sainte église du couvent
de la Mère de Dieu , Marie.
L'Esprit-Saint a sacré Na'meh ,
diacre de la sainte église du cou-
vent de la Mère de Dieu, Marie, la
même [année]. Amen.
L'Esprit-Saint a sacré Na'meh,
diacre de la sainte église du couvent
de la Mère de Dieu, Marie.
L'Esprit-Saint a sacré Fradjallah,
diacre de la sainte église de la Mère
de Dieu.
L'Esprit-Saint a sacré Halabia ,
diacre de la sainte église de..., l'an-
née 1951 (1640).
L'Esprit-Saint a sacré Na'raeh ,
diacre de la sainte église...
L'Esprit-Saint a sacré Joseph, dia-
cre de la sainte église. Amen.
...|K| i.JjLo wO<i.yi »
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LA HIliLIOTIIHQUE DU SÉMINAIRE SYRIEN DK ClIARn';.
IGO
L'Esprit-Saint a sacré Musa, diacn;
de la sainte église du couvent de l;i.
Mère de Dieu.
L'Esprit-Saint a sacré Ibrahim,
diacre de la sainte église du cou-
vent de la Mère de Dieu.
L'Esprit-Saint a sacré .Joachim, de
l'église...
L'Esprit-Saint a sacré Hanna, de
Téglise...
L'Esprit-Saint a sacré Elle, diacre
de la même église.
L'Esprit-Saint a sacré Abdulma-
sih, diacre de la même église.
L'Esprit-Saint a sacré Michel, dia-
cre de la même église.
L'Esprit-Saint a sacré Ibrahim ,
diacre de la même église.
L'Esprit-Saint a sacré
Georges, diacre de l'église.
Georges, diacre de l'église.
Schahadu..., diacre de l'église.
L'Esprit-Saint a sacré... Abdallah,
prêtre de la sainte église de la Mère
de Dieu, Marie, par les mains de
l'humble Mar Denys, dans la ville de
Bérée. Dieu le rende parfait !
Avec lui Zamin, l'année 195L.
des Grecs trompeurs (1640).
L'Esprit-Saint a sacré Schaliadah,
prêtre de la sainte église de la Mère
de Dieu, Marie.
L'Esprit-Saint a sacré Jabé, prêtre
de la sainte église du couvent de la
Mère de Dieu de Beit Kudida (Ba-
khudeyda), l'année 1963 (1652).
L'Esprit-Saint a sacré Abdalahad,
prêtre des saints Quarante Martyrs.
L'Esprit-Saint a sacré Jean, sous-
INjL^jJI )L,jJi, \OJLiO
<• lIjO»^./ t^ [v^^.
]iSj_jj3 )i-^x\ 5Q.JOO vi_oi;j/ — — Y
(marge inférieure).
)ip:>. (sic) j>ouiQ- — — 7
ILjii. |JL- — — ■'-
ovA ^_ji
(en addition au bas de la page)
)L,^.\ >n > V) ' °. o»| .. «
(dernier feuillet-recto;
.|Njl.,jm |)_>^jLâ ,xoQ.»xD^ja^t wV^o |\«...y>
^o.^)/< Il t<» o »— P»-/ vv Iji^^û I— o» ^i^ol Y
.'sic) |JL>.J licnJD
170
REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
diacre de la sainte église de la Mère
de Dieu.
L'Esprit-Saint a sacré Jean ( 'Âzam),
diacre de la sainte église de la Mère
de Dieu de la ville de Phénicie, par
les mains de Denys, d'Alep, Tannée
1974 des Grecs (16G3).
L'Esprit-Saint a sacré Daoud, dia-
cre de la sainte église de Mar Kuria-
kis, par les mains de Denys.
L'Esprit-Saint a sacré Na'meh,
diacre saint de l'église des Quarante
Martyrs. d'Amid, [ville] forte dans
le Seigneur.
L'Esprit-Saint a sacré Abdulkarim
de la même église.
L"Esprit-Saint a sacré Abdallaha,
prêtre de l'église d'Édesse, l'année
1976 des Grecs (1665).
L'Esprit-Saint a sacré Siméon...,
de l'église d'Amid.
L'Esprit-Saint a sacré Barsawm,
diacre de la sainte église de Saint-
Pierre et de Saint-Paul, dans la ville
d'Edesse, par les mains de Sévérius,
métropolite d'Édesse, qui est Élie,
Tannée 2045 des Grecs (1734).
L'Esprit-Saint a sacré Ephrem...,
de l'église des Saints Pierre et Paul,
par les mains du métropolite Elie ,
Tannée 2045 des Grecs.
L'Esprit-Saint a sacré Abdalahad ,
diacre de l'église [des Saints] Pierre
et Paul, par les mains du métropo-
lite Élie, 2045.
L'Esprit-Saint a sacré Barsawm,
diacre de l'église [des Saints] Pierre
et Paul, par les mains de...
L'Esprit-Saint a sacré Abdalahad,
diacre, par les mains du métropo-
lite Élie, Tannée 2045 des Grecs.
L'Esprit-Saint a sacré Ephrem,
L,i>^» Y^ ll-v^ ^oJLio vsip. ^u.a^
. rr\n . coi-, m .« w^-^|_3 |NjL>v^O - " - "*■ " •■ |0|\/
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LA lilIiLIOTHKQUK DU .S K M 1 N A 1 1 1 Fv SVRIKX DM CIIAItFl';,
71
diacre de l'égiise [des Saints] Pierre
et Paul, 2045.
L'Esprit-Saint a sacré Urias, dia-
cre de l'église [de Saint] Pierre dans
la ville d'Edesse, Tannée 2045.
L'Esprit-Saint a sacré Georges,
diacre de l'église de Saint-Pierre, par
les mains du métropolite d'Edesse,
Élie.
L'Esprit-Saint a sacré Saphar, dia-
cre de l'église des Saints Pierre et
Paul, dans la ville d'Edesse, par les
mains de Sévérius, Métropolite d'E-
desse, qui est Élie, l'année 2040 des
Grecs trompeurs (1735).
L'Esprit-Saint a sacré Jacques,
diacre de l'église des Saints Pierre
et Paul dans la ville d'Edesse, par
les mains de Sévérius, métropolite,
qui est Elie, l'année 2046 des Grecs
(1735).
L'Esprit-Saint a sacré Thomas,
pour la sainte église des Saints Pierre
et Paul, dans la ville d'Edesse, par
les mains de Sévérius, métropolite
d'Edesse, qui est Élie, l'an 2047 des
Grecs (1736).
L'Esprit-Saint a sacré Paul, diacre
de l'église des Saints Pierre et Paul,
dans la ville d'Edesse, par les mains
de Georges, métropolite, de Mar...,
qui est Jacques, l'année 2021 des
Grecs trompeurs (1710).
L'Esprit-Saint a sacré le prêtre
Boghos (Paul) pour l'église des Saints
Pierre et Paul, à Édesse, l'année
2029 (1718).
L'Esprit-Saint a sacré Abdulma-
sih, diacre de l'église des Saints
Pierre et Paul, à Édesse, l'année
2029.
L'Esprit-Saint a sacré le prêtre
[au-dessus de la ligne] — —
.ovio_s (si<" Ni-« _oi>o/t
.^co\.^l >.o,;o;. o;^io ~'i'U> -œ;-é^
^^po> |_C'v£« )I-v^ va» V) ;qm — -
w..¥j(_3^0)»o/» [Col., vi -> . mf^\n -. wVJoo «roo'^^sS
^.■t— .)— 3 wO)»o/» [Ni., yi ^ .jon \ci g — ;_ico
..Q-.; sic |).M-3
) « -y '■■\ |L,-i.\ va «yi "^"W'-'Q - —
.| \'«->i pLio^« |jl3 ta_k >^o fiv-.
(couverture verso) \j^^ \^ai --;j»/
. fofa\r> o<n .soa'y-^^ w ;_^t |1-,-^^ ..isa.^a.0
^Vio; |1>>.V ^ « va , ...mvaNi^-a.b.
^\^of |L,_i..i> .m o; fn I « « » n\ — —
172 REVUE DE L ORIENT CHRETIEN.
Sarkis, pour Téglise des Saints .'L.^oo cuut (sic) -oiîo^ ^oi-ciao ^o-,^
Pierre et Paul , à Édesse , Tan 2029
des Grecs.
L"Esprit-Saint a sacré le diacre ..v-io; l"-;-^^ ("?) >o <m ^«^o — —
Kassur. ..(?), pour Téglise des Saints kx± ]!s^,-m ^o,jo\-ji wrooAa^o .icov_Ê>^
Pierre et Paul, à Édesse, Tannée .a. ..^è-^
2029 des Grecs.
L'Esprit-Saint a sacré le prêtre ^;_ioj )Lj_ii. ^oj;j | » >« n\ — —
Barsawm , pour l'église des Saints .a. -^oo^» (sic) ..ofio]^ uïîQ\aj>o .aso^^
Pierre et Paul, à Édesse, 2029 des
Grecs.
L'Esprit-Saint a sacré le prêtre .roo;^ 11^:^, ^o^^cui .m.mn — —
Siméon, pour Féglise [des Saints] ...-.^sXDaû^oLS ^o. .^oa^ mji jQi-a.a (sic)
Pierre [et] Paul, l'année 2049 (1738),
le jour de la Pentecôte.
f) Rituel crordination suivant le rite syrien. Texte et rubri-
ques en syriaque. In-folio (32/22 cm,), rouge et noir. 41.5 pages,
25 lignes à la page. Numérotation postérieure en chiffres ara-
bes. En marge, annotations et traductions en carchouni.
I. Ordinations.
1°) Ordination des Psalmistes. ^^^3 ^-^i^j ioi\f ^^ ^ol ...m/ j^ojl^
Père... jMaintenant, avec le secours de Dieu, nous écrivons le
livre des chirotonies sacerdotales. Premièrement : Ordination
des Psalfes, c'est-à-dire des Chantres » (fol. 1).
2°) Office de l'ordination du Lecteur, ^o^^ox^p/ (fol. 7).
3°) Office de l'ordination du Sous-Diacre, ^cucu^p.aâ/ (fol. 22).
4°) Ordination des Diacres (foL 22).
5°) Ordination de l'Archidiacre (fol. 40).
6°) Ordination des Prêtres (fol. 49).
7°) Office de l'ordination du Périodeute pîoa (fol. 70).
8°) Ordination qui se fait quelquefois des diaconesses (fol. 77).
9°) ^o,-ai;a^ui -i^vi Office de l'ordination des IMoines (carchuni)
(fol. 79).
10°) Office de l'ordination des Chorévèques (fol. 132).
11°) Instruction, 1.^:00^, sur l'ordination des Évêques (fol. 142).
12°) Office de l'intronisation, d'après Abulpharage (fol. 134).
13°) Explication des prières secrètes de l'évêque (fol. 210).
LA niBLIOTIIKQUE DU SK.MI.NAIItK SVIUKN DK niAllli;. 173
1 1"*) Office pour fia réconciliation del celui qui revient des
hérésies (fol. 220).
15°) Office de la tonsure d'une reli-^ieuse (fol. 231).
1G°) Office sur celui qui a été payen et revient du paganisme
au christianisme (fol. 251).
17°) Office de celui qui a apostasie (fol. 2G5).
18°) Office pour donner exactement la profession de foi
(fol. 278).
19°) Imposition des mains sur les femmes des prêtres
(fol. 294).
II. Prières et cérémonies diverses.
20°) Prières sur chaque espèce de péchés, de maux et de
maladies (fol. 306).
21°) Prières pour les pécheurs (fol. 313).
22") Ordre des prières de l'alliance [monastique], pioua>( fol.. 343).
23°) Prière du vœu (fol. 348).
24°) Ordre des prières de l'alliance, dites par le"*Maître sur
ses disciples religieuses (fol. 351).
25°) Bénédiction des croix (fol. 371).
26°) Ordre du renouvellement du vœu (fol. 371).
27°) Prière de la bénédiction de la coiffure (des religieuses),
ito^o^ (fol. 391).
28°) Prière du renouvellement du vœu dite par le Maître sur
ses disciples religieuses (carchuni) (fol. 393).
29°) Prière du renouvellement du vœu (carchuni) (fol. 396).
Nous voulons signaler aussi, parmi les recueils liturgiques
de la bibliothèque de Charfé :
g) Un ordinal syrien, in-folio, sans date; ayant appartenu,
comme en fait foi une indication de la dernière page du livre,
à Giuseppe Kodsi, arcivescovo soriano.
h-j) Trois recueils d'anaphores : le premier, daté de Tannée
1800 des Grecs (1489), in-4° en gros caractères jacobites, écrit
en rouge et noir, en bon état de conservation. Le second, daté
de l'an 1801 des Grecs (1493), petit format carré, titres en
rouge, provient du monastère de 8aint-Serge, dans le pays
ORIENT CHRÉTIEN. 13
174 REVUE DE L ORIENT CHRETIEN.
de Hardin (Liban) -vîv-? i^'i^ -ç"^ "=^^ -^ci^^v^ -p*. i^.. ^. L'autre .
incomplet du commencement et de la tin, de même écriture
que le premier, est complété par quelques pages d'écriture
plus moderne.
k) Un bréviaire syrien, incomplet, sans date, in-4'' à deux
colonnes, rouge et noir, d'une très belle écriture ancienne.
/) Un livre d'offices du rite syrien, in-4°, rouge et noir, de
l'an 2076 des Grecs (1765).
m) Un recueil de prières en arabe et carchuni, in-4°, 1826
(1515).
M-r) Cinq fascicules contenant le rite de la consécration des
autels, l'ordre de la célébration du baptême et diverses fonctions
épiscopales. Bons spécimens d'écriture syriaque moderne.
OPUSCULES MARONITKS
OEuvres inédites de Jean Maron. — Chronique syriaciue Maronite. —
Ecrits de controverse. — Histoire de Danid de Mardin. — Histoire d"un
bienheureux qui demeura au monastère de Saint-Maron. — Détails sur
Beyrouth au v® siècle.
INTRODUCTION
Ces opuscules ont trait aux Maronites ou à leur pays. Nous
espérons donc qu'ils seront bien accueillis par les lecteurs de
l'Orient chrétien. Car les Maronites sont les seuls parmi les
catholiques orientaux qui puissent défendre leur perpétuelle
orthodoxie (1). Ils ont déjà été, et seront peut-être encore, les
instruments choisis par la Providence pour ramener à l'unité
Romaine certaines communautés orientales (2). J'ajouterai
qu'au temps des Croisades, les Occidentaux, en butte aux perfi-
dies de tant de chrétiens orientaux, trouvèrent chez eux des
alliés sûrs et courageux. Guillaume de Tyr, qui les trouva aux
environs de Tripoli de Syrie et de Byblos, nous dit en eflet :
« Erant viri fortes, et in armis strenui, nostris, in majoribus
negotiis, qua? cum hostibus habebant, valde utiles. » Cétaient
des hommes courageux, de braves guerriers, (jui furent très
utiles aux nôtres dans les nombreuses a/fa i tes qu'ils eurent
avec leurs ennemis (3). Enfin les Maronites surent défendre
leur indépendance contre les empereurs schismatiques de
Constantinople d'abord et ensuite contre les Arabes, de sorte
que seuls dans tout l'empire ottoman ils sont propriétaires des
(1) Cr. Perpétuelle orthodoxie des Maruuites, par S. G. -Ms"' J. Dobs. arciifvoqiio
maronite de Beyrouth, 1 vol. grand in-8" de 268 pages.
(2) Perp. orth., pp. 55-58.
(3) Histoire des Croisades, 1. XXII, ch. viii. Voh- aussi Pc?-/;, orth., p. 114 où l'on
irouvora un passage analogue tir('' du 1. VIL ch. x.xi do VHistoire des Croisades.'
176 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
terrains qu'ils cultivent, aussi nous pouvons dire, en nous ser-
vant d'une expression empruntée à notre histoire, que les
chrétiens orientaux sont encore taillables et corvéables à merci,
tandis que les Maronites eurent toujours et ont encore le droit
de bourgeoisie.
Il serait donc intéressant de publier, avec documents à l'ap-
pui (1), une histoire de l'organisation et des luttes de ce petit
peuple, grâce auxquelles il a pu jusqu'à ce siècle (2) se passer
de tout secours officiel pour sa religion et conserver une suffi-
sante liberté. Cette étude serait particulièrement intéressante
pour nous, qui, depuis Constantin, sommes accoutumés à vivre
de l'appui et des subventions des pouvoirs publics, appui qui
menace de se changer bientôt en hostilité.
En attendant cette étude savante et impartiale, à laquelle la
présente publication fournira des éléments inédits, nous allons
résumer l'histoire des Maronites surtout d'après l'ouvrage de
jM^'^ Debs déjà cité :
Un moine nommé saint Maron réunit des disciples sur les
bords de VOronte, entre Émèse et Apamée {Théodoret, Phi-
lothée, ch. 16). Ce moine vivait du iv° au v" siècle, car saint
Jean Chrysostome lui écrivit une lettre, et Théodoret, qui fut
élevé à l'évêché de Cyr en 422 et qui écrivit son histoire, dit que,
de son temps, il n'était plus du nombre des vivants. Après sa
mort, les fidèles fondèrent un monastère auquel ils donnèrent
son nom. — Les moines de ce monastère de Saint-Maron restè-
rent toujours attachés à la doctrine catholique et leurs adhérents
furent, de leur nom, appelés Maronites.
Il est question assez souvent, dans l'histoire, de ces moines
et de leurs adhérents; ils sont désignés en syriaque par la lo-
cution : « ceux de saint Maron », ^opo ^po. ^o, (3).
[Pagius, dans son histoire (an 400, n° 19), raconte qu'ils étaient
(1) Cf. Fauste Nairoii : Dissertalio de origine, nomine ac religione Maronilarum,
Rome, 1759, et Etienne Douaïhî d'Ehden, Sur l'origine des Maronites.
(2) Il esta noter que des missionnaires latins, dans leur zèle intempestif, voulaient
identifier l'organisation des clirétientés d'Orient avec la nôtre, au moment même
où celle-ci, faute de l'appui du pouvoir civil qui est sa base, a perdu beaucoup de
sa valeur. S. S. Léon XIII a du reste rappelé à ces missionnaires qu'il entendait
respecter l'organisation, les rites et les usages des Orientaux.
(3) Le passage suivant entre crochets est tiré de Perpétuelle orthodoxie, pp. G!)
70. Voir aussi pp. 184-188.
OPUSCULES MARONITES. 177
les plus vaillants champions de la religion en Orient. Ils .-itla-
quaient les hérétiques, arrêtaient la propagation des hérésies,
prêchaient robservation de la doctrine définie dans le concile
de CJialcédoine, comme on peut le lire dans un mémoire de
ces moines {Traité cVApamée) adressé aux évoques de la Syrie
seconde, mémoire écrit par le prêtre Alexandre, archiman-
drite de Saint-Maron, et inséré dans le premier canon du cin-
quième concile général. On peut voir aussi la signature de
ce même Alexandre dans le mémoire dos archimandrites de
Saint-Maron de la Syrie seconde, adressé au pape llormisdas.
C'est pourquoi les hérétiques Acéphales, Sévériens, Eutychiens,
et les sectateurs de Pierre le Foulon, remplis de fureur contre
ces religieux, exercèrent sur eux leur vengeance au point que
l'empereur Anastase fit endurer le martyre à trois cent cin-
quante des moines de ce monastère de Saint-Maron, et l'Église
romaine honore leur mémoire le 31 juillet. L'empereur lit
brûler leur monastère, ainsi qu'on le voit dans le mémoire des
archimandrites au pape Hormisdas, inséré dans les actes du
cinquième concile général; on y lit en effet : « Lorsque nous
nous rendions au conseil de Mar Simèon, pour les affaires de
notre Église, des scélérats nous attaquèrent en chemin, tuèrent
trois cent cinquante des nôtres, en blessèrent un plus grand
nombre d'autres, massacrèrent aux pieds des autels ceux
qui avaient pu s'y réfugier, et brûlèrent nos monastères. >•>
Justinien le Grand restaura le principal monastère de Saint-
Maron, ainsi que l'atteste Procope de Césarée dans son ouvrage :
Des édifices bâtis par l'Empereur Justinien (liv. \', ch. ix).
Les moines maronites se multiplièrent, et leur monastère rede-
vint l'un des principaux de la Syrie seconde.]
Lorsque les empereurs de Constantinople persécutèrent les
Jacobites pour rétablir l'unité de culte, ils trouvèrent chez les
moines de Saint-Maron des auxiliaires d'un zèle parfois cruel,
qui semblent avoir été les dignes prédécesseurs de nos inquisi-
teurs religieux.
Voici tout le passage de Bar Hébreus, historien jacobite,
auquel je fais allusion [Chronique ecclés., I, col. 270-274).
« Lorsque Chosroès, roi de Perse, eut été assassiné par son
fils (628), Héraclius, empereur de Constantinople, reconquit
la Syrie et vint à Edesse. Le peuple, les prêtres et les moines
178 REVUE DE l'orient CHRETIEN.
allèrent au-devant de lui, et quand il vit une si grande multi-
tude de moines, il dit aux fidèles de sa religion : « Il ne faut
« pas laisser loin de nous un peuple si nombreux et si vertueux. »
Aussi, un jour de fête, il se rendit à TÉglise des monophysites
et fit de grandes largesses à tout le peuple pour l'amener à
adhérer au concile de Chalcédoine. A la fin du divin sacrifice,
l'empereur s'avança pour participer aux saints mystères selon
l'usage des empereurs chrétiens. Mais Isaïe, métropolitain
cVEdesse, entlammé de zèle, refusa les mystères à l'empereur
et lui dit : « Je ne te les donnerai que si tu anathématises par
« écrit le concile de Chalcédoine. » Aussi l'empereur irrité
chassa l'évêque Isaïe de la grande Église et la donna aux par-
tisans du concile.
« Arrivé à Maboug, l'empereur reçut la visite du patriarche
Athanase et de douze évêques, il leur demanda la formule de
leur profession de foi (^oo,n-;ol; ^r.N-..v). Quand il l'eut parcourue, il
les loua, mais ne cessa de leur demander de recevoir le concile
de Chalcédoine. Et comme ils ne le voulurent pas, l'empereur,
irrité, écrivit par tout l'empire : « Si quelqu'un n'acquiesce pas,
« qu'on lui coupe le nez et les oreilles et qu'on pille sa maison. »
Alors beaucoup nous quittèrent. Et les Moines de Maron, de
Maboug et d'Émèse montrèrent leur cruauté et détruisirent
beaucoup d'églises et de monastères, et lorsque les nôtres se
plaignirent à Héraclius, il ne leur répondit pas. Aussi le Dieu
des vengeances envoya les Arabes pour nous délivrer des Ro-
mains. Nos églises ne nous furent pas rendues, car chacun
conserva ce qu'il possédait, mais nous fûmes du moins arrachés
à la cruauté des Grecs et à leur haine envers nous. »
Tel est le récit de Bar Hébreus. Mais il ne faut pas croire
que les querelles entre les Jacobites et les Maronites cessèrent
à l'arrivée des Arabes. Car on trouvera dans la chronique tra-
duite ci-dessous que les deux partis eurent une controverse
l'an 659 devant Moaviah; le patriarche jacobite Théodore et
l'évêque Sévère Sabokt furent battus par ceux de Saint-Maron
et condamnés par Moaviah à payer une amende de vingt mille
dinars, qu'ils payèrent tous les ans depuis lors pour que le
calife les protégeât contre les fils de l'Église.
A cette époque, du reste, les Maronites étaient brouillés avec
les empereurs de Constantinople. Car ceux-ci, qui cherchaient
OPUSCULES MAROXITHS. 1 7Î)
un terrain de conciliation entre monophysites et dyopliysites,
trouvèrent un moyen terme qui créa une h<'résie de plus : celh^
du monothélisme. On devait admettre deux natures en Notre-
Seigneur Jésus-Clirist, mais une seule volonté. Les moines de
Saint-Maron et leurs adhérents se séparèrent des nouveaux
hérétiques et restèrent fidèles à la vérité catholique.
[Ils résistèrent les armes à la main à l'empereur Justinien
Rhinotmète, qui envoya des troupes contre eux en 604. Ses sol-
dats firent l'assaut du monastère qu'ils renversèrent de fond en
comble, massacrèrent cinq cents de ses moines, dispersèrent et
tuèrent les habitants de Kennesrin et de Haouas, puis se diri-
gèrent vers Tripoli, dans le but de s'emparer de Jean Maron,
premier patriarche des Maronites et des Libanais. Mais ceux-
ci les mirent en déroute et tuèrent deux de leurs chefs dans un
combatprèsd'Amioun, ainsi que le relatent le patriarche Etienne
Douaïhi d'Ehden, dans son livre sur l'origine des Maronites,
le patriarche Joseph d'Akoiira, et l'auteur de l'apologie des Ma-
ronites. Après cette destruction, le monastère de Saint-Maron
ne fut pas rebâti, et aucun auteur n'en fait plus mention (1).]
M^' Debs identifie aussi les Maronites avec les Mardaïtes (i],
dont il est fait mention chez beaucoup d'auteurs et qui furent
très puissants en Syrie au vu" siècle. Puis les Grecs et les Ara-
bes les obligèrent à se réfugier dans le Liban, qui leur offrait
comme une citadelle naturelle pour résister à leurs ennemis.
Les croisés les y trouvèrent et, à partir de cette époque, les rap-
ports des Maronites avec les Occidentaux et la cour de Rome de-
viennent assez fréquents et assez connus pour ne pouvoir plus
trouver place dans un simple résumé. Je rappelle seulement
l'expédition faite au Liban par la France en 18GU pour mettre fin
aux massacres des Druses (3). Quand l'ordre fut rétabli, les sol-
dats français se rembarquèrent, donnant ainsi un bel exemple à
nos modernes libérateurs de peuples, qui ne vont délivrer des
opprimés que pour les soumettre à leur propre joug, prêts du
reste à massacrer ceux qu'ils allaient, disaient-ils, délivrer, sils
(1) Perp. ortli., pp. 70-71.— (2) Pcrp.orlh., pp. 8 et ^lô-SlS.
(3) Rappelons la cause des massacres : L'émir maronite Bôchir. prince do la
montagne, aida les Anglais à chasser de Syrie Méhémot Ali, protégé de la France.
En récompense, les Anglais emprisonnèrent l'émir à JLalte, rel'usorent de lui
donner un successeur, et partagèrent la montagne entre les Maronites et les
Druses, d'où les conflits.
180 REVUE DE l'orient CHRETIEN.
ne veulent devenir leurs esclaves. — Du moins, les sentiments
des Maronites envers la France, dont l'appui fut toujours désin-
téressé, ne doivent pas ressembler à ceux des habitants de Cuba,
de Porto-Rico et des Philippines envers les États-Unis, occupés
actuellement à les « délivrer » .
Voici maintenant quelques détails sur chacun des opuscules
qui vont être publiés ci-dessous :
I
LES OEUVRES DE JEAN MARON, PATRIARCHE d'ANTIOCHE, d'APRÈS LE
MANUSCRIT DE PARIS (SYRIAQUE 203) ÉCRIT EN 1470.
Les œuvres de Jean Maron, signalées déjà par Assémani (1), ont
fait l'objet de plusieurs controverses avant d'être publiées (2).
La logique aurait demandé, semble-t-il, de les publier d'abord,
d'autant que cette publication, que nous entreprenons aujour-
d'hui, fera disparaître bien des difficultés (3).
Ces œuvres comprennent : l" un exposé de la foi qu'Assémani
appelait Libellus fidei ; 2° deux courts traités, l'un contre les
Jacobites, et l'autre contre les Nestoriens.
L'exposé de la foi renferme d'abord l'exposé lui-même,
œuvre personnelle de Jean Maron, puis de nombreuses citations
des Saints Pères, des docteurs et des quatre premiers conciles
généraux, pour montrer que la doctrine catholique est bien con-
forme aux traditions de l'Église.
Le manuscrit de Paris est écrit sur deux colonnes : l'une ren-
ferme le syriaque et l'autre une traduction ou quelquefois une
paraphrase carchouni (arabe écrit en caractères syriaques) (4).
La première page manque et a été remplacée par la traduction
carchouni seule dont je donnerai le titre. Ce titre, comme celui de
(1) Bibliothèque orientale, I, p. 513... JI"' Dobs établit aussi la sainteté do Jean
îlaron. Perp. orth., pp. 242-249.
(2) Cf. Perp. orth., pp. 249-265.
(3) Nous joindrons au tirage à part des présents articles, tous les textes syriaques
lithographies (chez Leroux, éditeur, rue Bonaparte), afin de permettre de contrôler
notre assertion et de montrer, comme le dit Jean Jlaron de lui-même, que nous
n'avons « ni diminué, ni changé, ni augmenté ».
Les chiffres gras compris dans la traduction renvoient aux pages du texte.
(4) Cette paraphrase est duo, d'après Assémani, à Thomas, évoque de Kafr-Tab,
qui vint au Liban pour attii'er les Maronites au monothélisme, et composa ou in
terpola des ouvrages dans ce but. Cf. Perp. vrt/i., pp. 99 et 260.
OPUSCULES MAUoMTKS. ISI
trois manuscrits de ce même ouvrage conservés l'un à Houie (1)
et les deux autres près de Beyrouth (2), attribue l'exposf^ de
la foi à Jean Maron, patriarche d'Antioche. Quelques manu-
scrits ajoutent que l'ouvrage fut composé au monastère même
de Saint-Maron. Nous sommes donc obligé de transcrire tel quel
ce titre que nous trouvons partout et de traduire : U']uvres de
Jean Maron... et non : OEuvres attribuées à Jean Maron...,
comme on l'a fait à tort, sans aucune raison à l'appui, dans le
catalogue des manuscrits syriaques de Paris. *
En revanche, l'ouvrage ne porte aucune indication formelle
sur l'époque à laquelle vivait son auteur, Jean Maron, patriar-
che d'Antioche. M^'" Debs le fait vivre du vn^ au vni" siècle (3)
et a sans doute pour cela de bonnes raisons; mais si l'on n'avait
que les œuvres de Jean Maron pour fixer son époque, on la pla-
cerait certainement au \f ou au commencement du vii'^ siècle.
Car le dernier concile cité est celui de Chalcédoine tenu en 4.^1,
et le dernier témoignage cité est celui de Sévère, patriarche
d'Antioche, mort en 543. Déplus, tout l'ouvrage est dirigé contre
les Jacobites et suppose donc les moines de Saint-Maron en con-
troverse avec eux, et il n'y est pas question, même incidem-
ment, du monothélisme qui fut promulgué en 633 par Cyrus,
patriarche d'Alexandrie.
Toutefois ces raisons, qui sont purement négatives, ne peu-
vent prévaloir contre une seule raison positive trouvée par ail-
leurs. Jean Maron, à quelque époque qu'il ait vécu, pouvait se
borner à combattre les Jacobites et s'arrêter au concile de Chal-
cédoine qui les mit hors l'Église. Nous supposerons cependant,
(1) Écrit en 1392 à Eckel, prés de Bylilos. Cl'. B. ().. I, p. 513, ou Perp. ,.>rth..
pp. 255-256.
(2) Cf. Perp. orlh., pp. 256-257. Ms' Debs cite le titre de ces deux ouvrag(^s pour
montrer qu'Assémani a bien traduit le titre prétendu ambigu du manuscrit di'
Rome. Mais ce titre est explique'; plus loin sur le manuscrit de Rome lui-même; ou
lit en effet : « Alors ce Jean, surnommé Maron. commença... ••
(3) Perjiét. orlh., pp. 53, 70, 228-242. Citons une parole de Benoit XIV : - Eru-
ditioni pariter vestra? notum esse censomus, quod sœculi septimi propé linem,
cum ha^resis monothelitarum in patriarchatum Antiochenum grassaretur, Ma-
ronitaî quo se ab eà contagione integros servarent, statuerunt sibi patriar-
cham eligere, qui a Romano Pontilîce confirniaretur, ab coque pallii dignitatem
acciperet. » Allocution du 13 juillet 1744. Perp. orlh., p. 206. Si les Maronites ne se
choisirent un patriarche qu'à la fin du \n" siècle, leur patriarche Jean Maron ne
peut avoir vécu plus tôt.
182 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
en attendant mieux, qu'il naquit dans les premières années du
Yii'^ siècle et qu'il écrivit sa profession de foi, étant simple
moine, vers 630, au moment où Héraclius demandait un écrit
analogue aux Jacobites et où la lutte était si acharnée entre
ceux-ci et les Maronites (voir le texte de Bar Hébreus ci-dessus).
J'ai dit que le texte syriaque de la première page manque
dans le manuscrit de Paris; W Basbous, représentant de la na-
tion Maronite à Paris, m'a procuré une copie des premières
pages du manuscrit de Rome (1). Je laisse de côté le titre et deux
phrases préliminaires dues au scribe et donne les quelques
lignes qui commencent r exposé de la foi :
« Nous, fils de la sainte Église catholique, nous croyons et
nous confessons les enseignements des prophètes, des apôtres et
du troisième ordre : celui des saints docteurs qui ont toujours
brillé dans la vraie foi de l'orthodoxie et qui, dans les quatre
saints conciles, ont combattu le bon combat... (2). »
Il y a identité entre le manuscrit de Paris et celui de Rome,
hors quelques particularités orthographiques et une interpola-
tion, ou omission, de trois mots (3). Voici maintenant quelques
remarques sur le contenu :
Les citations des Pères grecs, dont j'ai pu contrôler une par-
tie, sont exactes et confirment la tradition d'après laquelle
Jean Maron aurait fait ses études à Constantinople et aurait, par
suite, bien possédé le grec. Par contre, il existe des différences
notables entre une citation de S. Ephrem et le même texte édité
par M^' Lamy. Enfin les citations de l'Écriture ne sont pas
faites d'après la Peschito.
(1) Jusqu'aux témoignages dos Saints Pères.
(2) Cfr. B. 0., I., p. 514. La suite est dans le ms. de Paris.
(3) Le catalogue des manuscrits syriaques de Paris avance donc à tort que le
manusci'it de Paris diffère de celui de Rome. .le n'ai pu collationnor que jus-
qu'aux témoignages des Saints Pères, mais il n'y a pas do motifs pour que ces
témoignages, qui sont de pures citations, soient altérés.— Les trois mots qui man-
quent dans le manuscrit de Paris ont cependant une réelle importance. On les
trouvera en note à leur place. Il suffira de comparer notre publication à l'ana-
lyse que donne Asséniani du manuscrit de Rome, pour voir que toutes les cita-
lions sont communes aux deux manuscrits, hors peut-être deux textes de Sévère
d'Antioche. Cf. B. 0., t. I, p. 51G.
OPUSCULES .MAROMTKS. 183
On remarquera que Sévère, patriarche jacobite d'AntioclK-,
est cité; mais il n'est pas nécessaire de supposer, comme le fai-
sait Assémani, qu'il y a là une interpolation, car les textes cités
sont nettement dyophysites." Nous en dirons autant pour
Jacques de Saroug. Quant au titre de Saint donné à ces deux
Jacobites (1), il ne tire pas à conséquence, comme le voudraient
ceux qui oublient les usages orientaux. Dans ces heureux
pays, en effet, on accable les gens de titres auxquels ils n'ont
que des droits très contestables, et un saint là-bas n'est pas tou-
jours un saint chez nous. Du reste, Jean Maron lui-même nous
montre plus loin le peu d'importance qu'il attache à ce titre,
puisque dans sa discussion avec un Nestorien et un Jacobite, il
appelle toujours ses adversaires : « frères saints ».
Enfin tout l'exposé de la foi est dirigé contre les monophy-
sites.Il n'y est jamais question d'une ou de deux volontés, encore
moins de controverses avec les monothélites ; le mot lui-même
de volonté n'entre qu'une fois dans tout l'ouvrage et ce n'est pas
dans un texte de Jean Maron ; c'est dans une citation de Severia-
nus, évêque de Gabala : « ... un fils, une volonté, un pouvoir,
un gouvernement, une adoration... » Dans la phrase pré-
cédente il est question du Fils, et dans la phrase suivante il est
question de la Trinité; suivant donc que l'on rapproche cette
phrase de la précédente ou de la suivante, il s'ensuit que Seve-
rianus est monothélite ou orthodoxe. Or cet évêque était le con-
temporain et l'ami de saint Jean Chrysostome (en attendant qu'il
en devînt le rival), il vivait donc avant que la question mono-
thélite se posât, et il ne passa jamais pour hétérodoxe, puisque
plusieurs de ses discours ont été et sont encore imprimés sous
le nom de Jean Chrysostome. Il faut donc rapprocher cette
phrase douteuse de la suivante et entendre quen la Trinité il
n'y a qu'un Fils, une volonté, un pouvoir, etc. (2). Si j'ai déve-
loppé ce point qui importe assez peu à Jean Maron, puisqu'il cite
Severianus contre les monophysites et lui laisse, bien entendu,
(1) Asst'mani (B. 0., 1. 1) croyait Jacques tU^ Saroug orthodoxe, mais il recounut
plus tard (B. 0., t. II) qu'il ne l'était pas.
(2) Ajoutons que parmi les quinze discours de Severianus traduits de l"anno-
nien par Aucher (Venise, I8:i7), les deux premiers ont pour titre : De fuie deque
generatione Filii a Pâtre et De Incarnafiune, mais on n'y trouve pas le passage
cité par Jean Maron, Ce passage est-il dans un discours perdu ou a-t-i! t'té inter-
polé? Il ne se trouve pas non plus chez Léonce de Jérusalem.
184 REVUE DE L ORIENT CHRETIEN.
la responsabilité de ses autres opinions, c'est que je voudrais
trouver là, au moins dans quelques cas particuliers, l'origine de
l'imputation de monothélisme qui fut dirigée contre les Maro-
nites, sans aucune preuve positive à l'appui.
Voici, en effet, ce qu'écrivait Eutychès, patriarche melkite
d'Alexandrie (x^ siècle), qui fut cité depuis par Guillaume de
Tyr (1), Masoudi etc. (2) : k II y eut, du temps de l'empe-
reur romain Maurice, un moine nommé Maron, qui affirma
en Notre-Seigneur Jésus-Christ deux natures et une seule vo-
lonté, une seule opération... Après sa mort, on édifia un mo-
nastère qu'on appela le monastère de Maron (3). »
Nous avons déjà dit que le monastère de Maron fut fondé
au IV' siècle; de plus, on se demandera pourquoi Eutychès
fait vivre Maron sous Maurice (582-602) et pourquoi il affirme
que ce Maron reconnaissait une seule volonté et une seule opé-
ration. Or, supposons qu'Eutychès, qui semble avoir été un
homme érudit, ait eu entre les mains l'exposé de la foi. Il
aura pu facilement ne pas reconnaître le célèbre Severianus
dans le syriaque pL.-,jac, mal interpréter son texte et l'attribuer à
Jean Maron lui-même, puis placer Jean Maron à la fin du
VI* siècle d'après le contenu de son livre, comme j'ai dit
moi-même plus haut qu'on pouvait le faire. Il ne le nomma
pas patriarche d'Antioche parce que les melkites affirment
« avoir conservé l'antique et légitime patriarcat d'Antioche (4) »
et que ce Jean Maron dut lui sembler un usurpateur. Enfin
il lui rattacha arbitrairement, à cause de la similitude des
noms, la fondation d'un monastère dont il avait entendu
(1) Cf. Perp.orlh., p. 113.
(2) Cf. Le Hure de Vavcrtisnemenl et de la réoisiun, traduction de M. le baron
Carra de Vaux, Paris, 1897, pp. 211-212, 218.
(3) Perp. orth., p. 91.
(4) Perp. orlh., p. 228.
11 y a de grandes analogies entre les œuvres de Jean Maron et un traité très
développé publié par Blaï : Scriptorum veterum nova colleclio, t. VII, pp. 110-156.
Ce traité a pour titi^e : Questions du très savant moine Léonce de Jérusalem contre
ceux qui attribuent à N.-S. Jésus-Christ une nature composée, avec les témoi-
gnages des Saints et V explication de leurs piar oies. Nous y renverrons souvent. On
ne peut dire toutefois que Jean Jlaron le résume, car il donne j:les citations qui
ne sont pas chez Léonce. Celui-ci cite les mêmes auteurs que Jean Rlaron,
hors Jacques de Saroug, Denys l'Aréopagite, S. Ephrem et Isaac le Syrien; il cite
en plus Tiniothée Œlure et ne parle pas des conciles.
OPUSCULES MAI'.OMTKS. 185
parler par ailleurs. — Celte explication, ne serait-elle qu'ingé-
nieuse, aurait Tavantage de trouver une petite cause à la grave
imputation de monothélisme portée sans preuve, de divers
côtés, contre les Maronites.
II
FRAGMENTS D UNE CIlRuNKjUE SYRIAQUE MARONITE, d'aI'HÈS LE
MANUSCRIT DE LONDRES : ADD. MS. 17.210 (l-OL. l-lô).
Nous avions transcrit à Londres toutes les parties lisibles
de cette chronique quand nous avons appris, en la tradui-
sant (1), que M. Nœldeke en avait publié la fin. Il l'attribue
lui-même à un Maronite (2). Elle a donc sa place toute mar-
quée parmi ces opuscules. Son importance a très bien été mise
en relief par M. Nœldeke, auquel nous emprunterons quelques
notes.
III
ECRITS DE CONTROVERSE.
On trouvera sous ce titre deux courts opuscules intitulés :
Controverse entre un Syrien et un Grec, et : Paroles de Jean le
stylite du monastère de Saint-Mar Zeouro de Saroug. Ces
deux opuscules inédits sont tirés du manuscrit de Paris, sfj-
riaque 203, qui, en dehors d'eux et des œuvres de Jean Maron,
ne renferme aucun autre écrit syriaque. Nous l'aurons donc pu-
blié ici tout entier.
La controverse entre un Syrien et un Grée roule sur l'addi-
(1) En choi'chant le mot m^mNfri.. Le Dictionnaire de M. Payne Sniitli me ren-
voya au ti-avail de 3L Xœldeke. — J'ai constaté aussi que la chronique syriaque
du ms. oriental 1017, qui commence au fol. 170, après la chronique dWphraate.
n'est qu'une transcription de la chronique syriaque de BarHébreus. J'en avais
aussi relevé inutilement les premières pages.
(•2) Z.D.D.M.G., 1875. T. XXIX, pp. 82-99.
Dor Verfasserlebte wahrscheinlich in Palastina, das er vorzugsweise im .\uge
hat. Dazu stimmt, dass er ein Maronit war
186 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
tion au Trisagion du : Crucifhvus est pro nobis. Les Syriens
usèrent, en effet, de cette formule longtemps avant les Grecs, et
son introduction à Constantinople sous Anastase n'y provoqua
rien moins qu'une sanglante émeute (1). L'auteur de cet écrit
est peut-être un écrivain jacobite David fils de Paul (2). Mais
les idées qu'il renferme étaient communes à tous les Syriens
et même aux Maronites, par opposition aux Grecs de Constan-
tinople. La formule qui crucifixus est pro nobis n'a du reste
en elle-même rien d'hérétique.
IV
HISTOIRE DE DANIEL DE MARDIN.
Ce court récit des tourments qui furent infligés à un moine
est intéressant, parce qu'il nous donne un exemple du dan-
ger des controverses dans l'empire ottoman au xiv^ siècle.
Daniel avait écrit en arabe un livre sur les fondements de
l'Église, ce qui lui était permis, mais il voulut établir une
comparaison avec les fondements des autres religions et cette
prétention l'amena devant le juge, comme on le verra.
Cette histoire inédite est tirée du manuscrit syriaque n° 244.
Elle en occupe la dernière page.
DETAILS SUR BEYROUTH AU V*" SIECLE.
On a publié en Allemagne, en 1893, le texte syriaque (3) d'une
vie de Sévère, patriarche d'Antioche, par Zacharie le Scolas-
tique (4), auteur d'une Histoire. Je ne connais encore aucune
traduction de cette biographie.
(1) Cf. Land, Anccdota syriaca, t. III, p. 224, et l'histoire ecclésiastique de Jean
d'Asie, Revue de VOrient Chrétien, supplément trimestriel 1897, p. 465.
(2) Cf. Assémani, B. 0., t. I, p. 515.
(3) Qui est lui-même une traduction du grec.
(4) Das Lebendes Severus von AnHochie7i,hevausgegchen von. J. Spanuth. Gœt-
tingue, 1893, in-4" do 32 pages.
Ol'CScn.KS AIAItO.MTHS. 187
On en trouvera ici une traduction française, lar l;i plus
grande partie a trait à Beyroutii où Sévère et Zaciiarie font
leurs études de droit. On aura ainsi des détails minutieux sur
la vie des étudiants, chrétiens ou non, dans cette ville, et sur
les livres de magie qui y étaient, paraît-il, très nombreux. Inci-
demment on trouvera le nom des Églises qui existaient alors à
Beyrouth, on apprendra qu'il y avait dans cette ville un théâtre
et un amphithéâtre avec des combats de gladiateurs et de
bêtes, etc., etc.
I
LES ŒUVRES INÉDITES DE JEAN MARON , PATRIARCHE DANTIOCIIE.
(vif SIÈCLE.)
Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit qui ne sont qu'un
seul Dieu. Ainsi soit-il. Nous écrivons le livre de l'exposition
de la sainte foi dû au célèbre parmi les saints, à Mar Jean Ma-
ron, patriarche d'Antioche.
Ils combattirent le bon combat dans les saints Conciles,
contre ceux dont nous venons de parler (1). Ces conciles sont :
le concile de Nicée et ses trois cent dix-huit (Pères) contre l'im-
pie Arius ; et celui de Constantinople avec ses cent cinquante
(Pères) contre l'impie Macédonius qui blasphéma contre le Saint-
Esprit et dit qu'il était une créature; et celui d'Éphèse avec les
deux cents (Pères) qui se rassemblèrent dans sa première ses-
sion contre le rebelle Nestorius, et le (Concile) célèbre des six
cent trente-six (Pères) qui fut réuni à Chalcédoine au sujet
d'Eutychès.
Pour nous, nous confessons la vraie foi qui fut confirmée
par les Saints Pères dans les conciles que nous venons de rap-
peler, et d'après leur enseignement nous disons : Au nom du
Père, du Fils et du Saint-Esprit, Trinité sublime d'égale es-
sence, une Divinité, une nature, mais trois personnes réunies
qui ne sont ni séparées ni divisées de l'essence unique. Nous
confessons encore que l'un de cette sublime Trinité d'égale
essence, et adorable en tout, qui est Dieu le Verbe, par la volonté
du Père, du Fils et du Saint-Esprit, dans les derniers temps,
pour le salut du genre humain, sans changement et sans mo-
dification, s'incarna du Saint (Esprit) et de la Sainte, adorable
et pure mère de Dieu Marie toujours vierge. Il prit une chair
(1) Il est question, plus haut, de Nestorius et d'Eutj'chès.
ŒUVRKS DK .IKAN MARON. 1S9
de même essence et de môme nature que la nôtre, à l'exception
du péché, passible comme la nôtre, animée par une fimc douée
d'intelligence et de connaissance et formée de deux natures : la
divinité et l'humanité, chacune d'elles ayant toutes les pro-
priétés (1) qu'emporte son nom. (2) D'où l'on reconnaît en vé-
rité un fils, un seigneur, un messie, une substance et nous ne
refusons pas de dire une nature du Verbe incarné, comme l'ont
dit les Saints Pères (2), de même essence que le Père pour la
divinité, et de même essence que nous pour l'humanité, passible
dans la chair et non dans la Divinité, limité par le corps et
illimité par l'esprit, le même étant à la fois terrestre et céleste,
visible et connaissable.
Attachés à ces enseignements que nous professons, nous ne
disons pas qu'il y a deux fds, ou deux Messies, ou deux subs-
tances, ou deux personnes, mais nous disons qu'il y a un seul
seigneur Notre-Seigneur Jésus-Christ fils de Dieu, Dieu le Verbe
qui s'incarna; nous confessons que le Dieu éternel s'incarna lui-
même dans le temps pour sauver le genre humain. Il s'incarna,
non par un changement de la divinité, mais par son union avec
l'humanité, car le Verbe possède cette nature (divine) sans
changement ni modification, aussi bien que le Père qui l'en-
gendra avant les siècles, et tout ce que l'on imagine de la divi-
nité du Père, on peut aussi l'attribuer à son fils unique, car il
(1) La copie du ms. de Rome qui me fut envoyée, au lieu de |6^^:i>*; v<>c»i.. porte
LQjj.:i.>sioo pLX^i v®»^- " ^t "^^'^^ *^i^^ '^■'^ volontés et opérations qu'emportent
leurs noms [\lo i-^) ». Cette phrase est dirigée explicitement contre les monothé-
lites. Du reste, la leçon du manuscrit de Paris oflVe, au fond, le même sens.
(2) J. M. vient de dire que N.-S. a deux natures : la divinité et riuimanité.
Ici il emploie la locution « une nature » parce que des Saints Pères l'ont em-
ployée au sens large pour montrer l'unité de Notre-Seigneur, La phrase suivante
de Jean ftlaron montre bien qu'il se borne à citer une locution des Saints Pères,
sans la prendre au sens propre. 11 expliquera du reste cette locution plus loin,
page 10, etc. (les renvois ont trait aux chiffres gras). — Il ne faut pas ou-
blier que la philosophie scolastique n'existait pas et que les mots persvnne et
nature étaient mal définis, peut-être même n'étaient-ils pas définis. Car dans cet
ouvrage polémique, comme dans plusieurs autres de cette (''poque, catholiques ou
jacobites, que j'ai pu lire, onne trouve pas une seule définition. — On ne s'éton-
nera plus après cela qu'il y ait quelquefois un peu de vague dans les argumen-
tations, surtout si l'on songe que les catholiques, qui anathématisent les Xes-
toriens, furent toujours appelés Nestoriens par les monophysites. et que les
monophysites, qui anathématisent les Eutychiens, furent toujours appelés Euty-
chieus par les catholiques.
ORIENT CHRÉTIE>. 1*
190 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
fut engendré de la même essence, et Notre-Seigneur l'enseignait
à Philippe quandil disait: « Celui qui me voit, voit mon père (1), »
et dans un autre endroit : « Tout ce qui appartient à mon père
m'appartient (2), mon père etmoi ne faisons qu'un (3). » Chacun
pourra trouver d'autres passages qui démontrent l'identité
d'essence. La divinité ne commença pas, mais elle existait, car
au commencement était le Verbe; l'humanité n'existait pas,
mais commença, car il nous la prit. C'est l'enseignement du
bienheureux Paul : « Comme il était semblable à Dieu, il avait
le droit de s'estimer l'égal de Dieu, mais il s'amoindrit et prit
l'apparence d'un serviteur de la race d'Abraham (4). » Il ajoute
aussitôt au sujet des enfants qui participent à la même chair et
au même sang, que (le Verbe) y participa de même. Ainsi il y a
un fils, à la fois passible et au-dessus de la souffrance, mortel et
au-dessus de la mort, il est passible et mortel en tant qu'homme,
mais ne peut souffrir ni mourir en tant que Dieu ; il ressuscita
sa chair qui était morte, car il avait dit : « Détruisez ce temple
et en trois jours je le rebâtirai (5). » En tant qu'homme, jus-
qu'à la résurrection, il était passible et mortel; (3) mais après
la résurrection il ne pouvait plus souffrir ni mourir, il était in-
corruptible et conservé par les rayons propres à la divinité. La
chair ne se changea pas en la nature divine, mais il conserva les
propriétés de l'humanité, car il ne possédait pas un corps sans
limites, cette unité ne convient qu'à la nature divine, quand il
demeurait dans son premier état; il disait à ses disciples :
« Voyez mes mains et mes pieds, c'est bien moi, touchez-moi,
voyez et reconnaissez qu'un esprit n'a ni chair ni os, comme
vous voyez que j'en ai (6). » Il ne dit pas : comme vous voyez
que je suis, mais comme vous voyez que f en ai, afin de nous
faire connaître ce qui avait été et ce qui était, et de même il pro-
mit de revenir tel qu'on le vit monter au ciel ; c'est ainsi que le
verront ceux qui croient en lui et ceux qui le crucifièrent « re-
garderont aussi celui qu'ils transpercèrent (7) ». Nous adorons
(1) Jean, xiv, 9. Cf. xii, 45.
(2) Jean, xvi, 15. Cf. xvii, 10.
(3) Jean, x, 30.
(4) Phil., u, 6, 7.
(5) Jean, n, 19.
(6) Luc, XXIV, 39.
(7) Jean, xix, 37.
(KUVRES DE JEAN MAIION. 101
donc un seul fils chez leiiuei nous voyons deux natures com-
pU'les; aussi le même est appelé fils de Dieu vivant, et fils de
David, les divines Écritures l'appellent Dieu, et le bienheureux
apôtre Paul proclame qu'il y a un Dieu et un médiateur entre
Dieu et les hommes qui est Jésus, le Messie incarné, qui se
donna lui-même pour la rédemption de tous(l). Mais celui qu'il
dit être incarné, en un autre endroit il l'appelle Dieu : « Nous
attendons l'espérance des biens et la révélation de la gloire de
Dieu grand et du Sauveur Jésus-Christ (2). » Dans un autre en-
droit, il dit que Dieu a subi la mort à cause de son amour pour
les hommes. Et ailleurs : « Pour gouverner l'Église que Dieu a
- cimentée de son sang (3). » Ailleurs il énonce les deux (natures),
« le Messie, qui est le Dieu de l'univers, leur est apparu dans la
chair, à lui gloire et bénédiction dans les siècles des siècles.
Ainsi soit-il ». Il appelle le même « un juif qui apparut dans la
chair (4) et qui est le Dieu de l'univers ». Le prophète Isaïe dit
aussi : « C'est un homme de douleur qui connaît la souffrance,
il souffrit ainsi à cause de nos péchés et s'humilia à cause de
nos iniquités (5). » Et un peu plus loin il ajoute : « Qui fera
connaître sa génération (Gj? » Celle-ci n'est pas humaine. Dieu
dit aussi par le prophète Michée : (4) « Et toi, Bethléem de
Juda, tu n'es pas la moindre du royaume de Juda, car de toi
sortira le chef, et sa sortie eut lieu dès le commencement des
jours du monde (7). » Quand il dit : De toi sortira un chef, il
parle du gouvernement temporel, et quand il ajoute : sa sortie
eut lieu dès le commencement des jours du monde, il montre
la divinité qui fut engendrée du Père avant la création du
monde, le Verbe de Dieu qui s'incarna.
Et au sujet de la Sainte Vierge nous confessons qu'elle est la
mère de Dieu, car elle engendra Emmanuel, c'est-à-dire Dieu
avec nous, et le prophète qui le nomma par avance Emmanuel
ajoute un peu plus loin : « Un enfant nous est né et un fils nous
a été donné, le pouvoir est sur son épaule, on l'appela Admi-
(1) I Tim., H, 5-G.
(2) Tite, II, 13.
(3) Actes, xx, 28.
(4) Le ms. de Rome porte : if"-'-' ►-;<i- ^r ov:>a-»-
(5) Isaïe, LUI, 3 et 5.
(6) IbkL, f 8.
(7) Michée, V, 2; Matth., ii, G.
192 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN'
rable, Royal, l'Ange du grand conseil, Dieu maître des siècles, le
Prince de paix et le Père du monde à venir (1). » Si donc l'enfant
né delà Vierge a été appelé Dieu maître (des siècles), celle qui l'a
engendré peut avec justice être appelée mère de Dieu, car elle est
honorée d'avoir engendré un tel fils et elle est à la fois vierge,
mère et servante : elleestmère parce qu'elle engendra l'homme,
le Messie Notre-Seigneur ; elle est servante parce qu'elle engen-
dra son maître et son créateur. On rend ainsi compte des pa-
roles : sans père, car il fut ainsi appelé par le divin apôtre Paul,
sans mère, sans famille, ses jours n'ont pas de commence-
ment et sa vie na pas de fin. Il est sans père comme homme,
car il ne fut engendré en tant qu'homme que par sa mère. Il
est sans mère comme Dieu, car il fut engendré de toute éter-
nité par un père éternel avant le monde, sans commencement
et sans fin; il est sans famille comme Dieu, mais en eut dès qu'il
devint homme, bien que sans changement. Matthieu écrivit
la généalogie de Jésus-Christ, fils de David, fils d'Abraham;
l'évangélisteLucécrivitaussi sa famille. Comme Dieu, il n'eut pas
de commencement, car il naquit avant le monde, et il n'y aura pas
de fin pour sa vie, et le même est au-dessus de la mort et de la
souffrance par sa nature divine; mais en tant qu'homme, ses
jours eurent un commencement, (5) car il naquit au temps de
César Auguste, et sa vie corporelle eut une fin, car il fut crucifié
sous Tibère, il mourut, fut enseveli et ressuscita le troisième
jour. Après la résurrection, il possède la nature humaine im-
mortelle et il viendra tel qu'il est monté, selon la parole des
anges : « Ce Jésus qui vient de vous quitter pour monter au
ciel reviendra tel que vous venez de le voir monter au ciel (2).
Cet enseignement nous fut présenté par les divins prophètes,
nous fut prêché parla cohorte des saints apiHres, nous fut trans-
mis par les saints orthodoxes qui apparurent aux diverses épo-
ques et éclairèrent la sainte Église catholique et apostolique. Et
pour montrer à chacun que nous ne parlons pas d'après nous-
même, voici des témoignages tirés des écrits et des lettres des
Saints Pères ; personne n'aura de doute à leur sujet, car Dieu
qui voit tout sait que nous ne diminuons, ne changeons ni
(1) Isaïe, i.\, 5.
(2) Actes, I, 11.
• iKUVRHS DK .IKAX MAIIdN. K*3
augmentons; voici leurs noms avec leurs écrits et leurs lettres.
Voici d'abord saint Si/lvcslre, dvcque de Rome (1), <jui
présida le concile de Nicêe. Il dit dans sa lettre contre les
Juifs : Aussi je suis incapable de connaître et d'enseigner com-
ment des deux natures unies ensemble Tune tombe sous le
mépris, l'autre y échappe.
Saint Athanase, évètjue d'Alexandrie (2), écrit dans son
hymne sur l'âme : Le verbe de Dieu a complètement revêtu
l'homme et Ta fait participer en tout à l'honneur de sa nature, et
des deux natures il forma une moyenne.
De même, de son discours contre Apollinaire : Le mot Mes-
sie ne désigne pas une manière unique, mais dans ce nom, qui
est un, l'événement montre un témoignage de deux natures, de
la divinité et de l'humanité (3).
De saint Flavien l'ancien, évèque d'Antioche (4), dans le
commentaire sur Jean l'Évangéliste : Il se montra avec un
nuage corporel, lui qui prit notre nature pour nous instruire
de ses deux natures, de l'humanité visible (6) et de la divinité
réalisée par un corps.
De saint Basile, évèque de Césarée en Cappadoce (5), dans
le chapitre quatre-vingt de son ouvrage de réfutation contre
Amomius (6) : Si tu penses que c'est l'homme qui fut vaincu
par la puissance de la mort, remarque encore que le même
revint de la mort avec du butin. Il faut donc considérer avec
grande i-éserve comment dans un seul apparaît la vérité de deux
natures.
De saint Grégoire, évèque de Nysse (7), dans sa lettre au
(1) Pape de 314 à 335. dûo xaxà -rauiôv rivw[iévwv çOffewv, f, (lèv [i;a t.zç,\.tÀt.'z: :%
iiêpet; -h 5è sxépa xoeîxtwv uàGou; Ttavxôç à.r,to-dy^. L(>oncc de Jériisa'.em, chez Maï.
t. YII, p. 134. — Mai ajoute que cette lettre de saint Sylvestre est perdue.
(2) aiort en 373.
(3) Livre 1, 13; Migne, Patrol. grecque, t. XXYI. col. 1 1 10. Xpicxô; [iovoxpô-w; oO lé-
Y£-ai àlV £V aOxw xû ôvôfiaxi évlôvxtéxaxc'pwv rwv TipayiAixtov ôsîxvyxai (jr.ixr'.T'a, Ocoxr.xo;
TE y.ai àvÔpwTxôxriXoç.
(4) Mort en 404. '"Iva àaçioxepa; aùxoO oioa/ûpiEv xàç çûcet:, xal xèv ôp wsie-^ov âv9pw:rv..
xai XYjv oià xoO cwjxaxoç âvspYoOcav Ôïoxrjxa, Mai, \ II, P- loD.
(5) JMort en 379.
(6) Assémani (B. ()., I, p. 516) a lu Eunouiius sur le nis. du Vatican. Voir ci-
dessous p. 18 du texte syriaque où l'on trouve - Eunoniius » à propos de la citation
actuelle qui est répétée.
(7) Jlort de 390 à 4(|( ».
194 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
moine Philipjje (1) : Le Messie a deux natures et nous montre
ainsi très clairement qu'il a la substance unique d'une créature,
mais que la différence du Verbe et de la chair animée est con-
servée, sans confusion ni hésitation, et que les propriétés du
Verbe ne souffrent aucune atteinte.
De saint Grégoire le Théologien (2), clans sa seconde lettre à
Cledonius : Celui qui introduit deux fils, l'un de Dieu le Père et
l'autre de la mère, et qui les distingue l'un de l'autre, va contre
l'enseignement orthodoxe selon lequel il y a deux natures : Dieu
et l'homme, comme il y a aussi l'âme et le corps, mais il n'y a
ni deux fils, ni deux Dieux (3).
Du même, dans son discours sur le fils contre les Ariens :
Dieu est appelé père, non du Verbe (seul), mais aussi de la
créature ; il est donc certain que Dieu est le Père non seulement
de la créature, mais aussi du Verbe, car (le Messie) est double, et
les deux choses sont vraies.
De saint Ambroise, évêque de Milan (4), dans son discours
contre les Apollinaristes : Et quand nous blâmons ceux qui
apparurent en dernier lieu et dirent que la chair et la divinité
de Notre-Seigneur ne forment qu'une nature, quel enfer a pu
vonrir un tel blasphème (5) ! Que ne dirons-nous pas des Ariens
qui augmentèrent la mesure de leur impiété pour commettre
d'une autre manière cette plus grande erreur que le Père, le Fils
et le Saint-Esprit n'ont pas une même essence? Les autres
s'efforcent de dire que la chair et la divinité de Notre-Seigneur
ne forment qu'une essence.
Du même, dans son discours contre rempereur Gratien,
que saint Cyrille, évêque d'Alexandrie, cita au premier con-
cile d'ÉpIièse contre l'impie Nestorius : (7) Cessons toute vaine
dispute de mots, car il est écrit que le royaume du ciel n'est pas
dans la persuasion des paroles. Le changement du corps et
(1) Assémani (B. 0., I, p. 516) indique Oiympius comme le destinataire de cette
lettre. Cf. infrap.l4.
(2) Mort vers 389.
(3) Le sens de ce passage se trouve dans la seconde letti-e à Cledonius. Jligne, Pa-
trol. grecque, t. XXXVII, p. 195.
(1) Mort en 397.
(5) Cette phrase existe chez Léonce de Jérusalem : 'AvEçû-^ia-àv tivs; triv càpya toO
\i.saz^j. Mai. Vil, p. 131.
OHUVRES DE JKAN MAHON. lO.')
celui de la divinité est destiné à montrer la puissance de Dieu;
c'est un seul fils de Dieu qui parla dans les deux états, car il a
deux natures; mais bien que ce soit toujours le même qui parle,
on voit en lui tantôt la gloire de Dieu et tantôt les souffrances
de l'homme; en tant que Dieu, il parlait des choses divines,
car il était le Verbe, et en tant qu'homme, il parlait des choses
humaines, car il parlait dans cette nature.
De saint Ainphiloque, évêque cV Iconium (1), dans son expo-
sition de la foi pour Séleucus (Cf. p. 14), fds de Trajan : Je
crois au Messie, fils de Dieu, fils unique en deux natures, passible
et impassible, mortel et immortel, visible et invisible, palpable
et impalpable, sans commencement et ayant un commencement,
sans limites et limité. Il fut engendré sans commencement et
de toute éternité par Dieu le Père dans la divinité, et le même
fut engendré à la fin des temps dans la chair par la Vierge
Marie et le Saint-Esprit.
De saint Jean Bouche d'or, qui en grec est appelé Chrysos-
tome (2), dans la lettre qu'il envoya au moine Césaire (3) :
Quel enfer a fait dire que le Messie n'a qu'une nature? si Ton
n'admet que la nature divine, ne répudie-t-on pas nécessaire-
ment tout ce qui est humain, c'est-à-dire notre rédemption?
Si l'on n'admet que la nature humaine, ne répudie-t-on pas la
nature divine? Qu'ils nous disent donc laquelle des deux na-
tures a perdu ses propriétés. Car si l'on proclame l'unité, il
faut nécessairement que le caractère de l'unité soit conservé,
sinon on n'aurait plus l'unitémais la confusion et la destruction.
Et un peu plus loin (4) : Fuyons ceux qui divisent, quand
bien même ils reconnaîtraient deux natures, car elles existent
(1) Au lye siècle. — Quelques mots de ce passage sont conservés cliez Léonce
de Jérusalem : "Eva ulôv, ôûo ç-jctewv uraÔyiTT); te xal àTraÔoùç. Maï, t. VII. p. 13û.
(2) Mort en 407.
(3) Chez Migne, Patrol. grecque, t. LU, col. 759.
IIoîo; o5v aor,; £|-/ip£-j?aTO [xiav Im. yçio-tç) Xéysiv çûffiv ; ^ yàp Tr;v Oitav yO-j-.v xpa-
toùvte; ty]v àv9pwTC:vYiv àpvoùvrai, çYiat xrjv rijASTs'pav (Twir,p:av. f, -zry àvOpa)::{vr,v xstï-
■/ovzzz Tviç ôsîaç (pûffswi; Tr)v âpvYiciv irotoùvTaf sud XavÉTwcav, itoîa à~o),<i)>,£Xî t6 'io:ov,
El yàp ËTt sppwTa'. t] svMcrtc, Ttâvxco; xal y-tià. t?,; évwsîw; tSiiôfiaxa àitOdwîSdOat àviyxr],
ETTct où}( evMCTi; TOÛTO, à).)>à aûyyyaiç xat à?avtff[jL6i; twv çOo-etov.
Une partie de ce texte est chez Léonce de Jérusalem. Mai. t. VII. p. 1:30.
(4) IbicL, col. 760. 4>uyw[1£v toù; Siaipoùvxa;. El yàp xai oiT-r, r, çOdi;, à),X' ouv àotat-
pstoç xoù àStà(T7ta(jT0i; ■^ êvwtyi;, yjv èv âvl tw r/j; u'iôrriTo; 6[jio).OYO'J(Aev îrpodw-to xal tiià
OiroTTâiTcu Ce texte est aussi chez Léonce de Jérusalem. .Alaï. t. VII. p. IC'J.
196 ' REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
sans division ni scission, et nous proclamons l'unité dans une
personne créatrice et dans une substance.
Du même, un peu plus loin (1) : Fuyons ceux qui ont la folie
de proclamer une nature après l'unité, car par la pensée de
l'unité ils sont portés à imposer des souffrances à Dieu qui ne
souffre pas.
Bu même, dans son discours sur le baptême de Notre-Sei-
gneur et sa tentation par Satan : Aussi les anges quittent le
ciel et lui apportent des louanges, la terre l'exalte (8) et le Saint-
Esprit sous la forme d'une colombe plane au-dessus de la tête
du Fils et sanctifie la nature humaine qui est mise dans la per-
sonne du Fils; et la voix du Père se fait entendre et dit : « Voici
mon Fils chéri dans lequel je me suis complu. » Dieu le Père s'est
complu en vérité dans la nature humaine qui est mise dans la
personne du Verbe, et j'ai compris ici exactement le mystère,
car ici la Sainte Trinité est en évidence : le Fils qui est baptisé,
le Saint-Esprit qui plane, et la voix du Père qui insiste et dit :
« Celui-ci est mon Fils chéri dans lequel je me suis complu. » On
remarquera que la parole du Père a deux parties, car le Fils
ayant deux natures, l'une divine et l'autre humaine, la phrase
qui le concerne a aussi deux parties; les mots : Voici mon Fils
chéri indiquent son éternité, et dans lequel je me suis complu
ont trait à la nature humaine qui est unie dans la personne. Et
que les adversaires de Dieu ne grincent pas ici des dents, car
nous ne reconnaissons pas deux Fils, ou deux Messies, ou deux
Dieux, mais un seul Seigneur Jésus-Christ.
Du même, dans son discours sur l'Ascension de Notre-
Seigneur (2) : De quelles paroles me servirai-je et quels mots
proférerai-je, je n'en sais rien? Cette nature très vile, cette nature
méprisable qui était en dessous de tout, a tout vaincu et est
montée au-dessus de tout; aujourd'hui elle a été placée au-dessus
de tout, aujourd'hui les anges ont reçu ce que depuis longtemps
(1) Ibid. 4'ijYa)|j,£v toÙç (jiav çiiaiv {/.s-rà tïjv evwaiv Tspaxî'jofJilvûut;- tïj yàp if,;, [xtà;
ETTivoîa Tw àTtaôsT 6ïco TiâQoç TrpoaaTTTS'.v èTceîyovTai.
(2) Chez Migne, P. gr., t. L, col. 448. IIwc etuw; tI ),aXVw; uw; s^evéyxw lô pfi\i.cc
xo\tio;fi çûffi; ■}) vjxù:r,ç, y) Ttâvxwv KffuveTWTÉpajUâvTwv àvwTe'pa yéyovî (jri[Jiepov. 2v)|J.£pov
a7r£),a6ov ày^tlo^, 6 7iâ),at £7ï69ouv (jYi[A£pov eTSov àp/àyysXot, ô 7tà).ai etieôûjjlow, Trjv cpOfftv
f^v rifASTîpav ànà xoù Opôvou, àcrTpiuToyaav toù paTiXixoO , ô6!^-(i xal xàXÀet (jTO.êouuav
àôavaTw.
(KUVRES DE JEAN .MARnN. I!t7
ils attendaient et désiraient voir, aujourd'hui les arcliang-e.s
purent être spectateurs de ce qu'ils attendaient depuis long-
temps, ils virent notre nature resplendir sur le sièg*,' du roi
dans une gloire immortelle.
De saint Severianus, év^f/ue de Gabala (1), dans non dis-
cours sur la Nativité de Notre-Seigneur selon la ehair :
L'humanité de Notre-Seigneur n'est pas venue accroître sa di-
vinité, car cette natiu-e n'admet pas d'augmentation, elle n'aug-
mente ni ne diminue en rien, mais demeure absolument telle
qu'elle est, elle n'a pas pris un corps parce qu'elle en avait
besoin, mais parce que cela lui a plu. Donc celle qui a pris et
celle qui a été prise ne forment qu'une personne. Ainsi quand
nous disons Père, Fils et Saint-Esprit, nous proclamons trois
personnes, mais nous annonçons et confessons une seule na-
ture, de même lorsque nous disons divinité et Immaniti'' (9)
nous proclamons deux natures et confessons une personne.
(Il n'y a dans la Trinité qu') un Fils, une volonté, un pou-
voir, un gouvernement et une adoration (2); quand nous prions
le Père, le Fils est prié avec lui, et quand nous louons le Fils,
le Saint-Esprit est aussi loué. De même dans l'opération, le Père
veut, le Saint-Esprit exécute, le Fils termine, mais ils ne sont
qu'un en tout, car leur nature est une, la Trinité est conser-
vée par la distinction des personnes. La foi que nous prêchons
est une; que Dieu daigne l'admettre près de lui, et que ses
miséricordes soient sur nous tous. Ainsi soit-il.
De saint Proclus, évëque de Constant inople (3), dans son
discours sur la Nativité de Notre-Seigneur selon la chair (4) :
(1) Contemporain et rival de S. Jean Chrysostome. Un de ses discours est im-
primé chez Uigne : Palrol. grecque, t. LXIIl, pp. 5:J1 ct53G; t. LVI, col. 42'.t. etc.
Ces discours furent attribués à S. Jean Chrysostome. Voir sur Sévérianus, jngue.
Pair, gr., t. LXV,col. 10, et l'introduction ci-dessus.
(2) Comme nous l'avons déjà dit dans l'introduction, en rapportant cette der-
nière phrase à ce qui précède, c'est-à-dire au Fils, nous rendrions Severianus
monothélite. Or cet ami, puis ce rival de saint Jean Chrysostome vivait bien
avant ces questions de monothélisme (et même de monophysisme) et personne
ne l'a jamais accusé d'avoir professé cette erreur. Assémani supposait donc ce
passage interpolé. Jusqu'à ce qu'on ait la preuve de cette interpolation, il suffira
de rattacher cette phrase à ce qui suit, c'est-à-dire à la Trinité, comme nous
l'avons fait, pour qu'elle n'offre qu'un sens orthodoxe.
(3) Patriarche de 434 à 44(3.
(4) Le texte grec de ce discours est perdu. 11 en reste une traduction syria-iu."
et on en trouvera la traduction latine chez Migne, P. gr., t. 05, col. b\*'>.
198 REVUE DE L ORIENT CHRETIEN.
Nous ne dirons pas que celui qui est né est un simple homme,
ni un Dieu nu, car, si le Messie n'était qu'un homme, comment
la Sainte Vierge après son enfantement serait-elle demeurée
vierge? Cela nous apprend à confesser deux natures dans le
Messie, l'humanité et la divinité qui ne forment qu'un seul
Jésus-Christ, fils unique.
De saint Cyrille, évêque d'Alexandrie (1), dans le troisième
tome contre Nestorius : Ce n'est pas parce qu'il nous res-
semble que celui qui est Dieu périra jamais ; et parce qu'il a la
nature divine et une forme incorruptible, il ne s'ensuit pas
que nous devions en exiger autant de l'homme. Il faut remar-
quer qu'il est Dieu en même temps qu'homme et qu'avec la
nature et la perfection divine, il n'en est pas moins homme, car
il possède les deux natures, il est Dieu et l'homme Emma-
nuel.
• Bu même, dans son commentaire de Jean l'Évangéliste,
livre II, chapitre VI (2) : Comme il avait pris la livrée du ser-
viteur et qu'il était homme puisqu'il était né à la chair, le Verbe
n'usait pas toujours dans sa parole de la liberté et de l'autorité
qui conviennent à Dieu. Bien plus, il lui arrivait de se servir de
cette dispensation dans les choses communes à Dieu et à
l'homme. Car il était l'un et l'autre.
Du même, dans [ses lettres) à Xiste, évêque de Rome, suc-
cesseur de Célestin (3) : Je reconnais et la nature du Verbe
Dieu qui est impassible et immuable (10) et la nature humaine
qui est passible, et le Messie qui est un dans les deux (natures)
et avec les deux.
Du même, dans sa lettre à Eulogius (4) : Quand on parle de
(1) Mort en 444.
(2)Migne, P.gr., t. LXXIII,col.358.'OçYàpïîûYi xriv toùôoûXou [j.opçviv7r£ptx£![jisvoç ôtà
tô £va)9r,vai (rapxt, oùx ÈXsyÔspav, oCiSà àv£i[ji,évyiv TcavTsXwç el; ÔeoTtpîT:^ Trappriciav ÈTtotEiTO
xr-jV SixXsïtv ïyj^triT:^ oï (j.àX),ov lOitt'Jx-t} oi' o'txovo(AÎav Ë(j9' ots, vÎTisp àv TcpÉTto'. Oetô te ôfioy
v.aX àvôpwTvw. Kat yàp ^v ovtm; xaxà xayxôv àjjKyôxïpa.
(3) Ce fragment est chez Migne, P.^r.,t.LXXVII,coI. 285: oIoa&sxatàTraû^xrivxoù
0£où çûffiv -/.ai àxpSTTxov y.at àvaXXoiwxov , xat xî) xr,c, ài/ôpwTtoxyjxoç çÛ(T£i , xaî £va èv à(Jii>otv,
xac i% àfjLcpoTv, xov Xpirrxôv. Ce texte édité par Mai, d'après une citation de Léonce de
Jérusalem, s'éloigne plus de l'original que celui de Jean Blaron. Cf. Mai', t. VII,
p. 132. Chez Mai on trouve loùffxov au lieu de Xiste.
(4) Migne, P. gr.,X. LXXYII, col. 2"25. "Otiou oàp Ëvwo-iç mouÂ^tx^, où/, évô; Ttpâyfjtaxoç
(7v-|[;.atv£xai (tùvo3oç, àXX' •/] Sûw, y\ uX£tovwv. xal oiacpoptov àXXrjXoiç xaxà xriv ç-jctv, cité
chez Léonce de Jérusalem, Mai, t. VII, p. I2G.
ŒUVRES \)K .IE\.\ MAROX. 11)1)
l'unité, ce n'est pas une seule chose qui est unifiée, mais deux
ou plusieurs de nature différente.
Du iiwme, conire ceux qui ne placeiU quunc iialurc coin-
posée dans le Messie, dans l'ouvrage qu'il fit contre les mo-
no})Ji]jsiles : Je n'admets pas le mélange, qui est contraire à la
foi apostolique et à la tradition orthodoxe, car le mélange éta-
blit une confusion dans les natures, mais l'unité ineffable de ces
deux natures, quand elle est bien confessée, les conserve sans
confusion, et forme avec les deux une seule nature incarnée (1),
qui est le Messie visible, Dieu et homme simultanément.
Du même, dans son discours à Secundus sur l'àme et le
corps : Si nous cherchons une démonstration dans le composé
qui nous constitue, nous autres hommes, nous sommes com-
posés de l'âme et du^corps et nous voyons en nous deux na-
tures, Tune de l'âme et l'autre du corps; et parce que nous
sommes composés de deux natures, nous sommes loin d'être
deux hommes, mais un seul composé, comme je l'ai dit, formé
de l'âme et du corps, et non une destruction des deux.
Chapitre pour montrer que par une nature du Verbe in-
carné, les Saints Pères entendent deux natures, car par incarné
ils annoncent et reconnaissent une nature.
De saint Cyrille d'Alexandrie, dans son commentaire sur
l'épitre aux Hébreux (2) : Notre-Seigneur Jésus-Christ est un,
et qu'on ne croie pas le Verbe distinct de lui, après la généra-
tion corporelle de la Sainte Vierge : la chair ne répugne pas
non plus à l'unité avec le Verbe de Dieu, car bien que nous
conservions deux natures différentes et inégales qui tendent
simultanément à l'unité, je veux dire la chair et Dieu le N'erbe,
il n'y a néanmoins qu'un Fils formé avec les deux. Lune, ani-
mée par une âme rationnelle, est vraiment le temple qui linitie
Dieu le Verbe. Et quand nous disons que la chair est unifiée
dans la personne du Verbe unique de Dieu le Père, nous ne
voulons pas dire qu'il s'est opéré une confusion des deux na-
(1) Les mots une nature incarnée indiquent doux natures. Voir le chapitre ci-
dessous.
(2) Ce passage manque parmi les fragments conservés du commentaire de Cy-
rille sur rÉpître aux Hébreux.
200 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
tures Tune dans l'autre, car chacune d'elles demeure ce qu'elle
était, mais nous entendons que le Verbe de Dieu s'unit la
chair. (11)
■ Du même, dans la lettre à Eulogius déjà citée (1) : Il nous
faut dire à nos accusateurs que l'on ne doit pas fuir et re-
pousser tout ce qu'enseignent les hérétiques, car ils professent
beaucoup de choses que nous professons nous-mêmes. Ainsi
les Ariens disent que Dieu est le Père de l'univers et ce n'est
pas pour cela qu'il faut fuir leur confession [mais ils ne di-
ront pas : le père qui possède toutj. De même, Nestorius parle
de deux natures quand il marque la différence de la chair et
de Dieu le Verbe. Devons-nous le nier? la nature de Dieu
le Verbe est bien différente de celle de la chair, mais ils ne
confessent pas l'unité avec nous; et nc^us, par contre, nous
confessons un Messie, un Fils, un Seigneur, c'est-à-dire l'unité
de Dieu le Verbe qui s'est incarné.
Du même, dans le commentaire déjà cité de l'Évangile de
Jean au livre quatre (2) : Il y a lieu de s'étonner de ce que
l'évangéliste saint Jean proclame clairement que le Verbe s'est
fait chair, il ne dit pas qu'il fut dans la chair, mais qu'il fut
chair, et cela pour montrer l'unité. Nous ne dirons pas non
plus que le Verbe qui vient de Dieu le Père a été changé en
la nature de la chair ni que la chair fut changée en la nature
du Verbe, car chacun demeure ce qu'il était naturellement.
Du inème : Il est écrit : « Où le fils des libres est-il parmi
les morts? » Comme il ne mourut pas lui-même, nous dirons
qu'il mourut selon la chair et nous dirons qu'il supporta cela
non pas en dehors de la chair, mais en elle surtout; et il re-
(1) aligne, P. gr., t. LXXVII, col. 225. Xo-Ài Sàtoî; |j.£[j.:f o[j.Évot:£-/.£Ïvo XÉyîiv • ott oO TrâvTa.
ôffa Xéyouo-iv ol alpsTixoi, çiyyôiv xal TrapatTîtcrÔai -/pr,- Tïo>,),à yàp 6[Jio).OYoij<;tv tôv xxi
rifjiEÏç ô(;.o),oYoù[L£v. OIov, ot '.Apîiavot OTav Xsywai rôv Traiépa, oti oyijAtoupy&i; âatt iwv
ôXwv xal Kùpio;, [Arj Stà toùto çs-jysiv •^(laç àxôXouOov xa-jxa; xà; ôfJioXoyîaç ; ovixw y.at
im Nîaxopîoy yàv Xéyy) Syo oûctei:, xyiv Siaçopàv t7r|[ji.a;vwv xv^; aapxo:; xal xoO 0£où
Xoyou ■ éxépa yàp v] xoù Aôyou çuat;, xai éxépa y) xvi; ffapxôç, oO-céxi xïjv É'vtoaiv ô[j.oXoy£t
ti£6' Yjjxwv. 'HaEÏ; yàp évwiavxE; xaùxa, ëva Xpiuxov, Ivx utôv, xov aùxôv £va Kûpiov ô[j.oXo-
yo'j[jL£v • xai XoiTTov jxiav xoù (r)£0'j ffiû(7iv (7Ecapxw[J.£Vï'|V.
(2)Migne, P.gr., t. LXXIII,COl.580. KàvxoOxw.o/; [j-âXiaxa 9a'jtj.àc;a'. Tipoc/ixEi xôv àyiov
eOayysXKTxyiv <• Kai ô Xôyo; oàp^ ÈyàvExo » oiappriSïjv àvax£xpay6xa • où yàp oxi yiyovEv Èv
ffapxî, aXX ôxi yiyo-zE gôlçi^, o'j xaxEvàpxvTîEv e'.tceîv ïva OcÎ^y) xr)v evcouiv. Kai oO o-f] tiov
ça[J.£v, y; xèv EX Haxpô; 0£Ôv Aôyov £Î; xriv XYJ; aapxà; jjLExaTïEuotïi'jÔat çûaiv, r^youv xy)v
aàpxa [J.£xaxwpvii7a'. T^po; Aôyov • jj.£V£t yàp éxàxspov, 07ï£p é'Txl xrj 'fû(ï£i.
ŒUVIŒS ïn: JKAN MARON. 2(>1
vêtit avec elle la gloire divine, car il mourut et ressuscita selon
la loi de la chair et dans notre nature.
De S, Mar Jacques de Balnan de Sorony (1), dans le dis-
cours qu'il prononça sur Lazare des quatre jours (2) : Marie
dit : « Jecrois, Seigneur, que tu es le Messie qui vient et viendra
en grande gloire avec ton père. Je crois, Seigneur, que tu n'as
pas de père parmi les mortels ni de mère dans le ciel. (Com-
ment un seul fds peut-il avoir deux pères? Elle savait que Jo-
seph était son père putatif!) Je crois. Seigneur, que tu as formé
le premier Adam, et le vieillard Siméon te louait dans le saint
Temple. Je crois, Seigneur, que tu as deux natures, l'une venant
d'en haut et l'autre (12) du genre humain. Tu as la nature spi-
rituelle du père et la nature corporelle de la fille de David, l'une
venant du Père et l'autre de Marie sans division, l'une de l'es-
prit et l'autre du corps sans fraude. Je crois. Seigneur, que le
Père n'est pas plus ancien que toi et tu peux dire avec con-
fiance que tu es plus ancien que celle qui t'a engendré. »
Du même, sur l'Église elles délracleurs (3) : La jeune fille,
principe de l'Église, vint en jugement avec les détracteurs (4j,
el peu après il dit : Je proclame deux interprétations en Em-
manuel : il est en vérité à la fois Dieu et homme, car nous lui
voyons notre nature et Dieu annonce sa divinité sans division.
Emmanuel est homme et Dieu avec nous, non comme un mé-
lange des deux, mais comme parfait des deux côtés.
Du même, dans son discours sur tejeùnedeXolre-Seigneur
el sur la lenlalion du malin (5) : Il avait faim providentielle-
ment et naturellement, et les deux choses avaient une cause
(1) Mort en 521.
(i) AWiision kquatriduanus est enim. S. JeanChrysostome a fait deux homélies
sur le même sujet : inqualriduanwn Lazarum; aligne. P. gr., t. XLVIII. cnl. 770, et
L, col. (341.
(3> Assémani, B. 0., I, p. bhl écrit : Discours sur l'Égliso et les cuercheursiscru-
tatores).
(4) Dans le ms. 117 du Vatican, fol. 9, il y a une homélie analogue dont le titre
(le premier vers) est : isio. puj\ ijioïj ^ ic^^ Up-.
La citation que fait Maron ne s'y trouve pas. L'a-t-on supprimée? Voir ci-iles-
80US les altérations du texte de S. Ephrem.
(5)Cediscoursexisteau Vatican, ms. n" 118, fol. 9I-9(>. M^'Graflin, qui prépare une
édition complète des œuvres de .Jacques de Saroug, m'en montra une transcription et
une photographie, t-o; l^j ^ ^coii/. est remphicé, dans le manuscrit du Vatican,
par )io'J t^~^ ^^.oj^Wj
202 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
dans le même sujet : providentiellement parce qu il est Dieu
avec son père, et naturellement parce qu'il s'incarna dans la
fille de David.
De Mar Ephrem le Syrien (1), dans son discours des prières :
Le soleil est l'image de ta grandeur, la lune est le symbole de
ton humanité. Les deux natures qui étaient cachées en toi,
Seigneur, (se sépareront enfin sur ta croix).
De Mar Ephrem, dans son discours sur Notre-Seigneur {2).
La grâce a atteint les bouches blasphématrices et les a changées
en instruments de louange.
Et un peu plus loin : Considère l'humilité de Notre-Seigneur
depuis la crèche jusqu'au tombeau et vois qu'elle ne le quitta
plus et que sa grandeur fut changée en petitesse, et son éléva-
tion en humilité ; tandis que son humanité était visible en di-
verses actions, sa divinité apparaissait dans de remarquables
prodiges, afin que l'on connût qu'il n'y avait pas une nature,
mais deux. Il n'y avait pas seulement la nature humble ou la
nature sublime, mais bien les deux; l'humble et la sublime
étaient réunies l'une à l'autre. Ces deux natures montrèrent
(1) Mort en 379.
(2) Édité pa\'Ue^LB.mj{SanctiEphraem SyrlHymniet Sermones, t. L. Cf. pp. 174
et 223) d'après nn ms. du Brit. Mus., add. 14.570, écrit au v" ou au vi» siècle. II
y a un certain nombre de variantes entre les deux textes. Voici celui qu'édita
M^' Lamy :
liai» "^)/o ovi. -O) l-oi.; ^y^o : |;>n\ \^o^ l^-a;^ x^o ^po; OiLoi.iMiN V*^ ov;a-./
o,Loovk : loo, l_>^N.io |t) gv\..«v> iLdjsj-s 0)Lq_3>> ;^^ |.i./ .oin-OO^eiN )_io;^ooio ojLoîai.)^,
|oO) j— |oO) jj; : )oo)^|.^ ^ooi^i-.-3; r^ OO) ooi |oi>i nskj-.ISj; .Looj ^X^tvio |N..V-m (SlC) |l-oL^s
^aj( ^ïl PI .^oio;a.Jio )jio;jo;.io |.j_o ^ol jis/ .«..oiojou-i- (içu^o )oo, )j^o -^^ l»») P «:'''• VI
yOOltOCli.^ yOJOl I J.:;.-» yOOV.VL pO) ^^OO .|.3uOLiOO ^.io; .OOO] ,j*^.0>— j-^O j— J .(SlC) ^*J-0
: )t^C^ OO) ^1 ;_st^oûj p» .^ooi...VNj JLojlj LoO) ^jl^H : yoov^ïl» JDoo.^^; 5.-./ .0001 y....; m.v)
.|LoN^/ ^^^^00 )ooj J--J OO) .pL^Q- "^é^io )oOl ^'Lj >».r^Nj; P| .|.^)a^OLj> |oOi ^ÏL; oO)
J'ajoute que le texte de J. M. wt-aw/^ est préférable à wLaa»^, car il faut un mot
qui fasse pendant à wtowSs. De même le texte U^ low t^ a^j que donne Jean
Maron est préférable à celui de Ms"' Lamy, car ce dernier change le sujet. Chez
Jean Maron, le sujet est partout la nature. Chez Ms' Lamy, c'est Notre-Seigneur au
commencement et la nature à la fin. Voici, en effet, le mot à mot: « afin que l'on
connût que cet Un (Notre-Seigneur) qui se tenait entre eux (?) n'était pas un, mais
deux, car il n'y avait pas seulement la nature humble ni la nature élevée seule,
mais les natures étaient deux, mélangées, etc. ». — J'ai développé cette remarque,
parce qu'elle nous montre comment, grâce à, d'intelligentes retouches, S. Ephrem
put fournir des armes aux jacobites comme aux catholiques. C'est là une diffi-
culté sérieuse pour qui veut donner une édition de ses œuvres.
ŒUVHKS DE JKAN MAUOX. 203
leurs particularités, afin que personne, d'après les particulari-
tés des deux, ne pensât que celui-ci qui était double à cause
de l'union était simplement un, mais bien que celui qui est un
par essence est double à cause de l'union.
Dumême Mar Eplirem, dans l'hymne sur la naissance de
Notre- Seigneur^ oh il montre les natures divine et limnaine :
Elle le glorifia sur la montagne où elle apparut au dehors. Klle
l'obscurcit sur le bois où elle se cacha. (13) II fut glorifié sur la
montagne, elle montra sa nature, il prit l'apparence des morts
et montra encore sa nature, celle que les animaux ne virent
pas et que les anges ne peuvent regarder.
Du même Mar Ephrem, dans le symbole de la foi : Qui n'ad-
mirera pas la diversité de tes changements? le corps cachait
l'éclat naturel de la puissance, les vêtements cachaient la na-
ture humble, le pain cachait le feu qui y était.
Du discours du docteur Isaac, sur le symbole de la /oi : Il
n'était pas seulement un corps simple ; mais une âme, un corps
et une essence formaient une seule personne; non pas une na-
ture simple, mais une personne simple. Si Ton recherche les
natures, on trouve qu'il y en a deux, l'une élevée venant du
ciel, et l'autre inférieure venant de la terre; celle qui vient de
la terre est connue, celle qui vient d'en haut est cachée; les deux
ne forment qu'une personne, celle qui est cachée est unie à
celle qui est visible.
Discours de Mar Isaac le second, sur le char d'Ézéchiel :
Pour établir la vérité, le char nous donne une image remar-
quable. Dans ce symbole mytérieux, il y a une personne et deux
figures, l'une humble et l'autre forte. Le prophète vit une subs-
tance en deux modes qui étonne les yeux du spectateur : une
moitié est le feu qui dévore, l'autre moitié une clarté moyenne.
De son dos et au-dessus c'était un feu dévorant, de son dos et
au-dessous il ressemblait à l'arc des nuages. C'est le Messie qui
apparut mystérieusement dans ce char, sa divinité et son hu-
manité sont visibles : les deux figures que l'on voit ne forment
qu'une substance, deux natures ne forment qu'un Sauveur.
Dans le char on trouve son image mystérieuse, dans son évan-
gile on trouve sa vérité et sa justice, on trouve son umbre
dans le char et son corps dans l'Évangile.
Du même, dans son discours sur l'Incarnation de Xotre-
204 REVUE DE l'orient CIIRETIEX.
Seigneur : Que l'on ferme la bouche hérétique qui rejeta le
corps de notre Sauveur. S'il n'avait pas revêtu un corps, pour-
quoi aurait-il été à la circoncision? qui peut circoncire le
feu? qui peut revêtir un esprit? s'il n'a pas pris un corps,
une nature vile et faible, s'il n'a pas deux natures, pourquoi
compter le huitième jour? Ce calcul du huitième jour ferme la
bouche de l'hérétique.
Du même, irn peii plus loin : Celui qui est seul et qui est deux
dans une substance ; Celui qui descend avec une nature et re-
monte avec deux natures unies ; Celui qui descend en esprit
et monte en corps et en esprit ne peut être connu (14) du so-
phiste ni compris de l'insensé (qui prône) une nature simple.
Il revêtit une nature créée, œuvre de ses mains. Gloire à lui et
que ses bénédictions soient sur nous en tout temps.
De saint Isidore, prêtre de Péluse (1), dans sa lettre au
diacre Théodore : Il est impossible d'employer une démons-
tration naturelle quand nous recherchons ce qui surpasse
la nature, bien que le Verbe de Dieu ait été chair en vérité ; ce-
pendant le Messie qui s'incarna n'était pas un simple homme,
il était surtout Dieu, et, en deux natures, il est le Fils unique de
Dieu.
Du même, dans sa lettre au lecteur Timothée (2) : Garde ton
cœur avec grand soin et n'accepte jamais une seule nature dans
le Messie après l'Incarnation. Car la profession d'une seule
nature entraîne l'une de ces deux conséquences : ou bien Dieu
a été changé ou bien l'homme s'est évanoui, ce qui est la mau-
vaise opinion de Manès qui veut jeter tout homme au feu (éter-
nel).
Du même, dans sa lettre à Théophile (3) : En vérité c'était
un homme et en toute justice c'était un Dieu, il doit être
adoré dans les deux natures.
De Saint Justin, philosophe et martyr, qui était de Néapo-
(1) Mort vers 440. Une partie de cette citation est donnée par Léonce de Jéru-
salem, îMaï, t. vu, p. 135. npo; Gcooôfjiov ôiàxovov : <• GO '{/i).ô; àvÔpwTroc ô Xpiaxô; èvav-
6pto7i':^(7a:, [j.àXXov ôè 0sà; Èv é/aTÉpai; xat; çûcsiriv et; ÛTtdcpxsi uiô;. »
(2) Livre I, lettre en, chez JMigne, P. gr., t. LXXYIII, col. 2.ô2. Le texte de Jean
Maron confirme la version donnée en note par Jligne : [xtqttw; tj.tav Xpi^Toù c^ûctiv
fi.£TàTriv... qui est celle de Léonce de Jérusalem, Maï, t. YII, p. 134.
(3) Livre I, lettre xxni chez Migne, P. gr., t. LXXVIII, col. 196. Il faut encore
prendre la version donnée en note : èv àiAçoTlpaii; -raïç okxjîcv.
ŒUVRES DR JKAN MAIIOX. 205
lis, dans le chapitre dix-huit de son discours sur la foi (1) :
De même que l'homme est un, et a cependant deux natures dif-
férentes, dont l'une pense et l'autre accomplit ce que la première
a pensé, ainsi l'àme intelligente songe à la construction d'un
navire, puis elle amène peu à peu (2) à terme ce qu'elle a
pensé; de même il y a un Fils et deux natures : (par l'une il fait
des prodiges), par l'autre il souffre des humiliations. En tant
qu'il vient du Père et qu'il est Dieu, il fait des prodiges; en
tant qu'il vient de la Vierge et qu'il est homme, il supporte
volontairement, d'après sa nature, le crucifiement, les souffran-
ces, et autres choses analogues. Si l'on pousse l'exemple jus-
qu'ici, il nous donne une image fidèle; mais si l'on compare, du
tout au tout, les différences
De Grégoire, frère de Mar Basile, dans la lettre quil en-
voya au moine Philippe sur l'objection que nous font tes
Ariens (3) : Puisque Dieu nous y pousse, nous ajouterons briè-
vement ce qui suit : le Fils est passible d'après sa nature; si on
dit qu'il l'est d'après sa nature (15) divine, ce qui est impos-
sible, on peut leur appliquer les paroles du vénérable Séleucus
(cf. p. 7) ; s'il est passible d'après sanature humaine. Usera impas-
sible d'après sa nature divine, comme les fidèles le proclament.
Ainsi la nature de même essence ne reçoit aucune atteinte, car
nous ne disons pas que la divinité et la chair ne forment qu'une
nature comme l'affirment follement ceux qui (confondent^ les
essences, mais que celui qui reçoit la souffrance et ne souflre
pas est double sous divers points de vue. Nous résoudrons
(1) Expositio rectfe confessionis,choz Migue, P. gr., t. VI, p. 1-220. Lo véritable titre
serait, on le voit: Expositio fidei ("Exôôfft: Tïtatew;) comme le portent certains mss.
qui tous attribuent cet ouvrage a S. Justin. Robert Etienne l'édita donc parmi
les œuvres de ce saint. Jlais depuis, Jlichel Lequien trouva que l'ouvrage favori-
sait les Nestoriens, surtout par certaine comparaison où il s'agit du soleil
(v. Bligne, loco citato, p. 1203). Il l'attribua donc à Nestorius, et M. Migne, sans
partager son avis cependant, mit ce traité parmi les opéra spm^ia de saint .lustin.
La présente publication montre qu'au \if siècle, on ne doutait pas de son au-
thenticité. La division de l'ouvrage qui servit à Jean Maron ressemble à celle du
ms. de Clermont qui multiplia les chapitres (v. Jligne, loco citato, p. 1-2(>G). Ce
passage est aussi chez Léonce de Jérusalem (Mai, VII, p. 130), à l'exception d<> la
phrase où il est question du navire et de la \m du texte.
(2) Il faut lire : à l'aide des mains.'
(3) Sur l'objection des Ariens contre les catholiques. C'est la même que la lettre
a Olympius, dit Assémani,B. 0., t 1, p. 51G. Cependant elle porte chez Léonce de
Jérusalem le même titre que chez Jean Jlaron.
ORIENT CHRÉTIEN. 15
206 REVUE DE l'orient CHRETIEN.
aussi cette seconde (question) : Nous reconnaissons une diffé-
rence de personnes, c'est-à-dire de substances; sans introduire
de confusion de personnes comme Séleucus, nous confessons
que la Trinité sainte a une seule essence qui ne reçoit ni aug-
mentation ni diminution : le Père ne précède pas le Fils, mais
lui est égal en tout, excepté comme cause. Dès maintenant que
l'on ne se préoccupe pas si le Père a cessé d'être Père, si le
Fils a cessé d'être Fils, car si le Père a toujours existé et si le
Fils a toujours existé, il est évident que le Père, le Fils et le
Saint-Esprit n'ont qu'un être et une essence, bien que le Fils
ait pris, à cause de nous, une nature créée. Oelui-ci seul, à cause
de son incarnation, participe aux natures créée et incréée, mor-
telle et immortelle, fmie et infinie. Et ce n'est pas parce qu'il se
fit homme dans les derniers temps qu'il cessa d'être Dieu et
perdit l'égalité d'essence avec son vrai père; voici, en effet, la
parole de Notre-Seigneur : « Moi et mon Père, nous sommes
un; je suis en mon Père, et mon Père est en moi, etc. » Si l'on
reproche au Fils sa création, son humilité, sa mission et autres
choses semblables, il faut savoir que tout cela est dit de la
chair et n'empêche pas le Fils d'avoir toujours même essence
que le Père, bien que certains l'aient nié. En tant que Fils uni
à la chair, il a même essence que le Père et lui est identique :
en diffère cependant, mais à un autre point de vue. Qui,
parmi ceux qui pensent bien, ne sait pas que tout ce qui se
ressemble a sa source dans une essence unique et que toutes les
choses différentes qui se trouvent dans le même être ont leur
source dans des essences opposées? Bien que tous deux ne fas-
sent qu'un dans une unité ineffable et inexprimable, il n'y a
pas unité de nature, je parle de la confusion ; la divinité est
toute différente du corps. Le Messie a deux natures, on le con-
naît ainsi en toute vérité, et il a une personne unique comme
fils (1); ainsi il garde sans confusion et sans division le change-
ment du Verbe et de la chair animée et ainsi le Verbe conserve
(1) Les dernières phrases sont citées par Léonce de Jérusalem sous le titre :
rçYiYopiou NûffCTTQ; Ttpàç <I>îXtTi7rov |j.ovà!|ovTa nspl toO tmv àpstavwv àvTi6é(j£wi;, -qz "/) àp^r),
Voici la citation : Km yàp àpp^Tw xai àcppaTtw évwcjsi rà iruvafAçÔTspa Sv, à'/X oO
xri cpûast, Sià tô àavy/yco'j ^r]\i.l' Ëxepov yàp xô 0£tov Ttapà xô (7w[xa, ÈTistffaxxov yàp.
ô xoîvyv Xpt(Txàc Sûo Û!îâp-/a)v çOffetç, xal £v aùtaï; à>.r;&(J6; yvwpisôfjiîvoç, (Aovaotxov
TtpôffWTTov, àaûyxMXCiv cijj.w;. Mai, t. Vil, p. loi.
fKUVRKS UK JEAN MAROX. 207
ses propriétés sans aucune atteinte. (16) Nous avons écrit ces
quelques mots pour reprendre ceux de Seleucus qui manquent
(de foi), et pour votre instruction et celle des amis de la vérité. Je
vous demande de garder constamment votre esprit de Terreur.
De Saint Proclus, évcquede Consianlinojjlc, dans son dis-
cours sur la mère de Dieu incarné : Le même est vrai Dieu et
vrai homme, de même essence que le Père en ce qu'il est, et de
même race que moi en ce qu'elle est, excepté le péché; il a la
nature divine et incréée, il m'a emprunté (ma nature) sans ses
désavantages; il est un seul fils; les natures ne sont pas sépa-
rées en deux personnes, comme le dit Nestorius, mais une
mystérieuse Providence unit les deux natures sans confusion en
une personne (1).
De Saint Ambroise, évêc/ue de Milan, dans son discours
sur Vexplication de la foi (2) : Ceux qui font du Messie un
homme simple, ou de Dieu le Verbe un être passible, (et disent)
qu'il se changea en chair, ou qu'il a même essence que le corps,
ou qu'il apporta ce corps du ciel; ou que Dieu le Verbe
était mortel et avait besoin que le Père le ressuscitât, ou qu'il prît
un corps sans âme ou une âme sans intelligence, ou que les
deux essences du Messie forment comme un mélange ou ne
forment qu'une essence unique; enfin ceux qui ne confessent
pas avec nous que Notre-Seigneur Jésus-Christ a deux natures
sans confusion et une seule personne, parce qu'il n'y a qu'un
Messie et qu'un Fils, tous ceux-là sont maudits par la Sainte
Église Catholique Apostolique.
De Mar Isaac le Syrien, disciple de Mar Ephrem le
Syrien (3), dans son discours sur la foi orthodoxe : Ce qui
(1) La fin est citée par Léonce de Jériisaleni : Kai ëstiv £Î; uîà;, o-j twv ç-jffïwv
£iç ôuo ■uTtocrxào'etç ôtYîpyifiévMV, àX\6. iz çpuKTv;; o'.y.ovo[jLta; Ta; ô'jo suffi-.; v.z [jiîav
uTtôfftaffiv évwffâffy]!;. IMaï, t. VII, p. 134.
(2) Il y a quelques divergences entrée» t(\\te de .Jean .Maron et le texte parallèle
suivant : Toù àyîovi 'Ajxêpoaîou ÈTrtffxoTrou MeotoXdivwv if. tî^; £p(i.r,veta<; toù àyiov Tj^to).o\) :
« Toù; Sa /iyovTa; ([^.età xà h (xÉffO) nvà) xà; çûffïi; xoO .XoiffxoO xaxà àvâxp«(Tiv ffuy/oi-
âeîaa; [lîav sivai çûa'iv, xai (Ar) 6[i.o>.oYoOvxa; tov xvptov riUÛv 'Ir,ffo"jv Xptffxov ôûo l'/v.'i
cpyffEt; àffUYX.Oxouç, £V 5è TtpofftoTxov, xâ6' 6 xal eî; xûpio;, xoOxoy; àva9£|AaxiÇet f, xa6o).tXT;
xal à7xocxo),txyi êxxXiriffia. » IMaï, t. VII, p. 131.
(3) Jacques d'Édesse (addit. ms. 1-2.172. fol. 123) nous aprend qu'il y eut trois
docteurs Isaac, dont deux orthodoxes et un Chalcédonien. Le premier, prêtre
d'Amid, disciple d'Ephrem, alla à Rome sous Arcadius. C'est de celui-là qu'il est
question ici. — Le second, prêtre d'Édesse vivait sous Zenon. — Le troisième vi-
208 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
mourut, clans sa nature, fut le corps; ce qui ne mourut pas
ressuscita ce qui était mort, car la divinité, mes frères, ne
laissa pas le corps dans la souffrance. L'intelligence était dans
le corps, dans le tombeau et dans l'univers, mais non enfermée
comme l'àme qui vivait en lui, car Fàme y était enfermée
et quitta le corps après le cri (à la fm de la passion); mais celui
qui enferma l'àme était dans le corps quand il mourut ; l'àme,
qui sortit du corps, n'y existait plus dans le tombeau, mais
l'essence qui était à l'intérieur du corps ne le quitta pas.
L'àme jusqu'à la fm ne revêtit plus le corps qu'elle abandonna,
mais l'essence qui revêtit le corps y resta jusqu'à la fm.
De Saint De ny s, disciple de V apôtre Paul, dans son traité
des noms divins (1) : (17) La divinité fut aussi appelée aimant
les hommes (philanthrope), effectivement et éminemment,
parce qu'elle s'unit à nous en toute vérité, dans l'une de ses
personnes pour tout ce qui était de nous. Elle appela à elle,
attira et éleva l'humilité de notre humanité. Ainsi fut constitué
le simple Jésus, et ce qui était une essence (éternelle) prit un
intervalle du temps et vint dans notre nature, lui qui était au-
dessus de tous les ordres dans toutes les natures. 11 possédait
néanmoins dans leur perfection les propriétés de son essence
sans changement et sans confusion. L'enseignement occulte de
nos pères et de nos divins docteurs nous fit connaître tout cela
avec toutes les autres lumières qui procèdent de Dieu et con-
séquemment avec les paroles divines. Nous professons aussi
toutes ces choses.
Du décret du concile d'Antioche contre Paul de Samo-
sate : Nous confessons Notre-Seigneur Jésus-Christ, né du Père
par l'Esprit avant tous les siècles et né de la Vierge dans la
chair à la fm des jours. Il est une personne, composée de la di-
vinité céleste et du corps humain.
vaitàÉdcsse, sous l'ôvèque Paul, et devint nestorien sous Asclépias. — Il est encore
question du premier chez Land, Anecd. Syriaca, t. III, p. 84.
(1) V. Migne, P. gr., t. III, col., 592. <l>i),àv6pw7rov ôè StasspôvTwç, ÔTt toï; y.aô' r,iJLàç
upo; àXviÔctav ô),iy.w: Èv [jiia tûv aÙTri; imoaiiatiùv £x.oivwvr)(7£v, àvàxaXoujxévy) upô; éau-
xriv, 7.7.1 àvaxtOstaa x-?)v àvÔpwuîvYiv Icr-^aTiàv, è; ■^ç àpp^xw; ô à7t>,oûç 'lïiooû; (juvsxÉâï],
xas irapàxao'tv zWricfz ypovtxr.v 6 àioio;, xai e'ica) xyj; xa6' yiiaôc; Èysyâvet çiiffEo);, 6 Trâar,;
XTiZ xaxà Tiàcav ©ûffiv xoc^ew; •CiTTEpoyffîw; àxêsêrixà); (j,£xà xyjç àiJ.£xao6Xou xal àffuyxûxou
twv oîxsîwv lôpO(7£w;. Kal ôaa aïlo: Ôeoupytxà çwxa tûï; lo-^ioiz àxoXoOÔw; yj xùiv èvôÉwv
•r)[Atôv xa9riy£[ji6v(ov xpyoia itapâôoiji; êxsavxoptxw; r^[).Xv ÈStop-ôffaxo, xaùxa xal r,[i.s.X: [xs-
[A\Jvi[A£6a.
<n;uvi{i;s iiK .ii;a.\ .mari in. 20'.J
De Saint Flavien, dans la lettre qu'il envoya à l'ciniic-
reur T/wodose (1) : Flavien, ôvûque deConstantinople, au fidèle
empereur Tliéodose qui aime le Messie, salut. — Pour le prêtre
de Dieu et pour celui qui prêche le divin enseignement, il ny
a rien de beau comme de renseigner celui qui nous interroge
sur notre espérance et sur notre grâce (2). Nous n'avons pas
honte de Tévangile du Messie, car il est la force de Dieu qui aide
au salut de tous les croyants (3); et comme, par la miséricorde du
Messie tout-puissant, nous avons été placés serviteurs de l'évan-
gile, nous avons la vraie foi sans reproches, car nous sui-
vons toujours les Livres divins, le symbole des Saints Pères qui
se réunirent à Nicée (1) et à Kplièse et (l'enseignement) de Cy-
rille (5), évêque mémorable d'Alexandrie.
Nous prêchons Notre-Seigneur Jésus, qui naquit dans sa di-
vinité de Dieu le Père sans commencement, avant les siècles, et
dans son humanité de la Vierge Marie à cause de nous et pour
notre salut, à la fin des temps; Dieu complet et homme com-
plet, car il prit une âme intelligente et un corps; consubstan-
tielau Père dans sa divinité et à sa mère dans son humanité. (18)
Nous attribuons ainsi deux natures à Notre-Seigneur, mais
après qu'il eut pris un corps de la Vierge et après son incar-
nation en une personne et une substance ; nous confessons un
Messie, un Fils, un Seigneur, et nous ne refusons pas de dire :
une nature de Dieu le Verbe qui prit un corps et s'incarna, parce
que, avec les deux, il n'y a qu'un seul Seigneur Jésus-Christ.
De Grégoire le Théologien, évéque de Xazianze, dans s<>n
discours à Syntacticus : Nous avons tout dit quand nous le re-
connaissons un par essence et, sans division d'adoration, en
trois personnes, ou substances, comme le préfèrent quelques-
uns. Et si l'on appelle les natures, c'est-à-dire les essences,
des choses subsistantes, ce qu'elles ne sont pas, comme nous
l'avons montré d'abord, nous dirons : ces deux natures que nous
confessons dans cette personne unique de Dieu le Verbe après
(1) A'oir Migiio, P. !jr., t. LXV, col., 8'.Kl, sous lo titiv : 'Avi-vcaçov rf,; io-.oyiipov
uiCTTEw; «tXaêtavoù ÈTtiaxÔTiou KwvffxavxtvouTvdXewç, ÈTt'.ooÔeiar,; Trap' auTOÛ a'.Tr;<TavTi
"(•2) Cf. I Pierre, m, 15.
(3) Cf. Rom., I, 16.
(4) Le texte grec ajoute ici : et à Constantinople.
(5) Le texte grec porte : à Éphèse sous [là diroction do) Cyrille..
210 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
l'unité, c'est-à-dire la divinité et l'humanité, seront donc re-
connues, d'après leurs noms, comme ses choses subsistantes;
or, si tu donnes aussi le nom de choses subsistantes aux per-
sonnes, c'est-à-dire aux substances, comme on l'a dit auparavant,
nous ne pourrons plus dire que notre essence se trouve chez
le Messie, ni quant au nom, ni quant à la chose, comme si
elle avait en lui une personnalité caractéristique; et pour
montrer qu'il en est ainsi, écoute les paroles analogues à
celles-là que disait sat'nt Athanase dans son discours contre
Apollinaire; il disait que le jMessie ne s'entend pas d'une seule
manière, mais que, dans ce nom qui est un, on trouve l'indica-
tion de deux choses : de la divinité et de l'humanité ; et le divin
Basile enseigne des choses analogues dans son ouvrage écrit
pour réfuter Eunomius (1). Il lui dit au chapitre quatre-vingt :
Si tu penses que l'homme a été vaincu par la puissance de la
mort, remarque que le même est revenu vainqueur de la mort;
il faut donc considérer, avec humilité et crainte, que dans un et
dans le même on voit la vérité des deux natures, je veux dire de
la divinité et de l'humanité (2). Cyrille, véritable rempart (de
l'Église), adhérait au même enseignement quand il écrivait à
Eulogius et lui disait : « Quand on entend parler d'unité, il ne
s'agit pas du rassemblement d'une seule chose, mais de deux
ou de plusieurs qui ont des natures différentes les unes des
autres (3). » Il disait encore : « Que répondent à cela ceux qui
imposent le mot d'unité au Messie? Ils nient le nom des choses,
sous le prétexte de l'unité vraie, et lorsqu'ils se croient sages, ils
sont insensés. »
De Saint F lavienV Ancien, évêque d'Antioche, (19) dans
(1) Ce traité se trouve chez Migne, P. gr., t. XXIX, p. 498, etc. On trouve même
(P. gr., t. XXX, p. 835) l'ouvrage d'Eunomius que réfuta Basile. Dans un ouvrage
du v'= siècle, on trouve mentionné, parmi les œuvres de Basile, m.viQjc/ i.q\»
lisxso lo .\ ->n n m; ^o,. Vie de Sévère, éd. Spanuth. Gœttingue, 1893, p. 14,1. 6. —Le
texte cité ici, l'a déjà été p. 6. Une partie de ce texte a été conservée chez Léonce de
Jérusalem : 'Ex toutou oeï (juvtopàv, ôuw; èv tw évl xal "zSxx.v-zCt âxaxipa; çûffswç aTto-
ôeiyô^ ri à),Yi6£'.a. •
(2) Cette citation ligure déjà plus haut, p. 6. Ainsi Grégoire, comme Léonce de
.Jérusalem, fait en partie les mêmes citations que Jean Maron. Quand on aura
publié tous les traités contre les monophysites, on pourra sans doute établir
entre eux une filiation, et montrer que leurs citations ne sont pas toujours de
première main, mais do seconde ou de troisième.
(3) Cité plus haut. Y. p. 10.
OHUVRES DE JEAN MAHON. iill
son explication de l'évangile de Luc l'évangêlisle : Notre-
Seigneur nous écrit en toute manière comment nous devons
honorer Dieu et il montre souvent sa nature, dont les signes (1 )
et les manifestations sont nombreuses et évidentes sur son ar-
rivée dans le corps et sur sa divinité qui est réalisée dans le
corps, car il tâche que nous le rencontrions sous ses deux na-
tures. Et saint Basile dans le livre des chapitres dit : " Par ces
paroles, nous ne disons pas qu'il y a deux fils, car il n'y en a
qu'un, mais nous voulons faire connaître chacune des deux na-
tures. » Pierre, chef des Apôtres, dit : « Le Messie a souffert
pour nous dans la chair. » Cyrille écrivit aussi à Xiste, évèque
de Rome : « Je connais la nature de Dieu le Verbe, impassible
et immuable, et la nature passible de l'homme, et le Messie est
un, formé des deux et avec les deux (2). »
Saint Proclus, évét/ue de Constantinople, donne les mêmes
enseignements dans son discours sur le dogme du samedi
avant le carême : Le même est véritablement Dieu et homme,
de l'essence du Père et de la même race que moi, à l'exception
du péché, et cela ne fait qu'un seul fils, car les deux natures ne
furent pas divisées en deux personnes, mais une Providence
vénérable unit les deux natures en une personne (3).
Extrait de l'enseignement de saint Sévère (4) de sa troi-
sième lettre à Sergius, surnommé le Grammairien (5) : Tu
me disais au sujet de saint Cyrille : « Ce Père semble dire que les
natures sont unies aux propriétés et que le Verbe de Dieu in-
carné est complètement un, quant à la nature et quant aux pro-
priétés, » et tu ajoutais que je t'en avais annoncé autant lorsque
tu me questionnais. — S'il a prononcé un tel jugement, et moi
aussi (je l'ai fait), mais comment cela (pourrait-il être) lorsque
j'ai confirmé par beaucoup de témoignages et ai montré qu'il
ne convient pas de dire d'Emmanuel qu'il a une essence et une
signification ou une propriété (6) ? Ensuite tu combats à nou-
(1) Je lis pLfcj au lieu do 1-:^-.
(2) Cité plus haut, pp. 9-10.
(3) Ce texte existe avec quelques mots ou plus ot sous un autro titre à la
page 16.
(4) îtfort à Alexandrie en 854 des Grecs (543). B. H. C. E., I., p. il,'.
(5) La correspondance de Sergius avec Sévère existe au British Muséum dans le
ms. add. 17.154. Cf. catal. Wright, p. 557.
((3) Cette phrase est chez Léonce de Jérusalem : 'laOi ouv [xr, oûtw; ëxeiv tô cù.rfiU,
212 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
veau contre ces paroles et tu fais une apologie à leur sujet; tu
apprendras de moi que nous n'avons jamais enseigné autre
chose (1): que le mot de consubstantialité (2) n'est pas l'in-
dice d'une seule signification, mais, quand on l'applique à la
Sainte Trinité, il a rapport à la nature des trois personnes, et
quand on l'applique à l'Incarnation divine, il indique la réu-
nion naturelle des choses qui ont (chacune) une essence, et
non des parties d'une seule espèce. (20) Je sais parfaitement
que personne de ceux qui prônent la raison, la connaissance et
l'immortalité, propriétés de l'àme humaine, n'osera dire que ceci
est la signification d'une seule essence avec le corps mortel
et passible, ou pour l'homme qui est formé des deux; à plus
forte raison et de la même manière dirons-nous courageuse-
ment d'Emmanuel, qu'aucun homme intelligent ne dira que la
nature du Verbe et (celle) de la chair animée et intelligente
qu'il s'est unie personnellement ne forment qu'une essence et
n'ont qu'une signification (3). Je n'ai pu voir non plus comme
tu distingues la signification des natures lorsque tu dis que la
signification du Verbe s'est unie à la signification du corps. Le-
quel des Pères à la parole divine as-tu trouvé qui ait jamais in-
troduit dans l'Église cette doctrine et cette parole si sotte? Car
tous ne prônaient l'unité de nature qu'afm de montrer par là que
les significations qui vont naturellement ensemble apparaissent
clairement unies. Et moi qui ai prêché durant six ans (4) dans
l'Église d'Antioche et qui ai écrit de nombreuses lettres, mon-
tre-moi si j'ai dit une seule fois, n'importe où, qu'Emmanuel est
d'une seule essence ou d'une seule signification ou d'une pro-
priété.
Du même, au chapitre neuf de son second discours : Que
personne ne blâme le concile de Chalcédoine d'avoir reconnu
deux natures dans le Messie, Dieu nous en garde, mais de ce qu'il
•Ml itpooaTïoçrjaavTÔ; [ic-u xat ôià TtXetovwv ij.apTupiwv à7roÔ£Î;avTo;, w; où x^'^
XeyEtv TÔv 'EjjLfjLavouriX [j.tàs oCiCTla; ii xal ttoiôttito; xat Évà; ioiw[j.aTo;. ÎMaï, t. VII,
p. 138.
.(1) Je lis : tv-lv-/.
(2) Je lis : )^.^j-.aji comme |i.a^Q-».
(3) Cette dernière phrase est encore citée chez Léonce de Jérusalem : Maï, t. VIT,
p. 138.
(4) 512-518.
(«OUVRES DE JEAN MARO.V. 213
a refusé de reconnaître l'unité des personnes, celle de deux (per-
sonnes).
Du même, au chapitre trente-deux du second discours :
Comment ne serait-ce pas une erreur et un écart en dehors de
tout l'enseignement (de l'Eglise) que Dieu le Verbe, qui est
appelé Messie après son union avec la ciiair animée d'une àme
intelligente, ait été connu avant l'union par ce qui devait cons-
tituer le Messie? Et Grégoire le Tliéologien dans son panégyri-
que a dit : « 11 est un de deux et deux par un. »
Du même, au chapitre trente du troisième discours <i
Sergius appeté le Grammairien : Ainsi donc par le seul Em-
manuel, deux étaient visibles, Dieu et l'homme. Et si quelqu'un
interroge sur les deux qui apparaissent par le seul Emmanuel,
que celui qui demande cela écoute : Grégoire reconnaissait aussi
deux natures à Dieu et à l'homme ; il disait, en effet, dans la lettre
à Cledonius : (21) « Il y a deux natures, Dieu et l'homme (1). »
Si donc Grégoire a reconnu deux natures. Dieu et l'homme, il
a dit par là même que Dieu et l'homme apparaissaient dans le
seul Emmanuel et par suite nécessairement que deux natures
apparaissaient par le seul Emmanuel. Et comme Emmanuel
est certainement un après l'union , on voit après l'union deux
natures dans le seul Emmanuel.
Et encore au chapitre cent deux du 'PiAaXr/Jr.c r2) oit il
parle de Cyrille dans le scholiuni : Quand Dieu le Verbe s'unit
à la chair, les natures demeurèrent sans confusion, avec l'unité
et le rapprochement de deux choses qui sont et demeurent dans
une seule personne et dans un seule subsistance du Verbe in-
carné. C'est ce qu'on appelle l'unité personnelle.
Du même, dans ce quil écrivit à Nephatius (3). Nous sa-
vons, nous aussi, que les natures qui constituent le Messie de-
meurèrent sans confusion et sans changement, ainsi la chair
(1) Cité plus haut, p. 6.
(2) Cet ouvrage de Sévère est mentionné par Bar Ilébrous et existe au British
Muséum. Cf. Chron. ecclés., I, 190, et Catal. des mss. syi-. du British Muséum. OôTb,
926a, 935a, 943b. Zacharie, dans la Vie de Sévère, p. 28 (Spanuth, Gœttingue^ 181)3,
32 pages in-4°), nous donne la cause de la composition de cet ouvrage : Sévère
voulut réfuter les Nestoriens qui tronquaient des passages de Cyrille pour faire
croire qu'il enseignait leurs erreurs.
(3) Léonce de Jérusalem cite aussi le symbole de la foi ■:ïpô; >'r,?i).'.ov. Mai,
t. VII, p. 136.
214 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
demeura chair et la divinité divinité, aucune d'elles ne passa
à la nature de l'autre.
Fin, avec Vaide de Dieu, des témoignages des Saints Pères.
Profession de la foi orthodoxe du saint concile réuni à
Antioche (1) au temps de Gallien, empereur de Constanti-
nople (2). Les chefs de ce concile étaient Denys, évêque de Rome,
Denys, évêque d'Alexandrie, et Grégoire le Thaumaturge, évêque
de Néocésarée dans le Pont.
Nous croyons que Notre-Seigneur Jésus-Christ qui naquit de
Dieu le Père avant le temps par le Saint-Esprit et naquit à la
fin des jours de la Vierge, est une personne composée de la di-
vinité céleste et de la chair humaine.
Même avec ce qu'il tient de l'homme il est Dieu complet, et
même avec la Divinité il est homme complet; mais il n'est pas
homme en tant que Dieu; de même il est adorable tout en-
tier même avec le corps, mais il n'est pas adorable en tant
que corps; il prie même avec la divinité, mais il ne prie pas
en tant que Dieu; il est tout entier incréé même avec le corps,
mais il n'est pas incréé en tant que corps. Il a été fait tout
entier même avec la Divinité, mais il n'a pas été fait en tant
que Dieu, car il estde l'essence de Dieu, même avec le corps, mais
il n'est pas de l'essence de Dieu en tant que corps. De même,
il n'a pas l'essence humaine en tant que Dieu, mais plutôt il
a notre essence par la chair avec la divinité. De même, quand
nous le disons de la nature divine par l'esprit, nous ne le di-
sons pas de la nature de l'homme par l'esprit, et quand nous le
proclamons de la nature de l'homme par la chair, nous ne le
proclamons pas de la nature de Dieu par la chair. De même
(22) il n'est pas de notre, nature par l'Esprit , mais il est par là
de la nature divine ; et il n'est pas de la nature divine par la
chair, mais bien de la nature humaine. Nous avertissons de ces
choses et nous le décrétons, non pour séparer chaque personne
qui est inséparable, mais pour marquer la distinction des pro-
priétés de la divinité et de la chair.
(1) L'an 264.
(2) 253--268.
(»i:i;mii;s dp; .iean .makon. 21.")
Van six cent trente-six d'Alexandre (I), la vinfjtièmc
année de l'empereur victorieux Constantin, se réunit le saint
concile de Nicée; Sylvestre était patriarche de Rome,
Alexandre d'Alexandrie, Eustathius d'Antioche, Macaire de
Jérusalem et Alexandre de Constantinoph'.
Il anathûmatisa Timpie Arius, et Kusèhe de Nicoméilie et
Théognis de Nicée avec tous leurs adhérents et ceux qui se
trompèrent à leur suite. Voici la cause pour laquelle ces irapies
furent anathéniatisés : ils disaient dans leurs blasphèmes que
le fils vivant de Dieu n'était qu'une créature, qu'il était l'esclave
et le serviteur de Dieu tout en étant la première des créatures.
A cause de ces blasphèmes et d'autres semblables, le saint
concile les anathématisa ainsi que tous leurs adhérents; il dé-
créta vingt canons et le symbole suivant :
Nous croyons en un Dieu, pèro tout-puissant, créateur du ciel
et de la terre et de toutes les choses visibles et invisibles, et en
un Seigneur Jésus-Christ, fds unique de Dieu ; c'est celui-ci qui
fut engendré du Père, de l'essence du Père, avant tous les
siècles, lumière de lumière. Dieu vrai de Dieu vrai, engendré
et non créé, de même essence que son Père, de la nature du Père
par laquelle tout fut (fait). Pour nous autres hommes et pour
notre salut, il descendit du ciel, il prit un corps du Saint-Esprit
et de la Vierge Marie et fut homme. Il fut crucifié pour nous au
temps de Ponce Pilate, souffrit, mourut, fut enterré, ressuscita
le troisième jour comme il était écrit, monta au ciel, s'assit à
la droite de son père d'où il viendra avec grande gloire pour
juger les vivants et les morts, et son royaume n'aura pas de
fm. (Nous croyons) au Saint-Esprit, le maître qui vivifie tout,
qui procède du Père et est adoré et loué avec le Père et le Fils,
qui a parlé par les prophètes et les apôtres. (Nous croyons) en
une Église sainte, catholique et apostolique. Nous confessons un
baptême pour la rémission des péchés; nous attendons la ré-
surrection des morts et la vie nouvelle du monde futur. Amen.
Et ceux qui disent du Saint-Esprit (23) qu'il y eut un temps où
il n'existait pas, qu'il vint de rien, ou d'une autre personne, ou
qu'il est d'une autre nature, ceux-là sont anathéniatisés par
l'Église. Et ceux qui disent du Fils du Dieu vivant qu'il est une
(1) 325 de notre ère.
2W REVUE DE l'orient CHRETIEN.
créature ou qu'il est sujet au changement et aux transforma-
tions, ceux-là sont maudits par la Sainte Église Catholique et
Apostolique.
Définition que firent les saints dans le même concile de Nicée
au sujet de la Trinité consubstantielle.
De même nous croyons , nous confessons et nous adorons la
Trinité sainte dans une unité sans confusion, et de la même
manière l'unité sainte dans la Trinité sans séparation, sans
commencement et sans division. De même que la Trinité sainte
existe sans confusion, elle existe aussi sans division : sans con-
fusion à cause de la propriété (1) des personnes; sans division,
car elle est toute-puissante et le Fils est tout-puissant, et le
Saint-Esprit est tout-puissant. Les trois personnes sont sans
commencement et éternelles, elles existent dans l'unité qui est
dans la Trinité, incréées, indivisibles, sans confusion, insépa-
rables, sans commencement, éternelles, consubstantielles,
inaccessibles, comme il est écrit. Nous avons un Dieu dont tout
(procède), à lui la gloire avec son Fils chéri et le Saint-Esprit
consubstantiel. Amen.
Fin du concile de Nicée. Que sa prière soit avec nous.
On réunit encore le concile des cent cinquante Saints Pères
en la ville impériale de Constantinople, Van six cent soixante
d'Alexandre (2), et la seconde année de Théodose, empereur
puissant et chrétien sincère, loi^sque Damase était patriar-
che de Rome; et Timothée, frère de saint Pierre, patriar-
che d' Alexandrie ; et Mèlèce, patriarche d'Antioche, mais
il mourid durant le concile et Flavien le remplaça; et
Cyrille, évéque de Jérusalem; et Nectaire, de Constanti-
nople.
Il anathématisa Macédonius qui enseignait que le Saint-
Esprit était une créature faite par le Fils. Aussi cet impie fut
anathématisé dans ce concile ainsi que tous ses adhérents et on
décréta quatre canons et une définition de la foi orthodoxe,
(1) Le scribe avertit ici que son ms. porte \io^^j^^^,runilé. Il a remplacé ce mot
dans le texte par li-o-p, la propriélé.
(2) En 381. La date précédente est inexacte. Il faut lire : en 692 de l'ère d'A-
lexandre.
«KUVHHs dp; .fkax .maf{on. 217
celle qui avait été promulguée par les Saints Pères au concile de
Nicée, et on y ajouta : et cti un Seigneur le Saint-Esprit, etc.,
et ils l'appelèrent Seigneur et Dieu et vivifiant tout, et (ils
confessèrent) un baptême et la résurrection des morts et la
vie nouvelle du monde futur, amen.
Concile d'Éphèse, l'an (24) sept cent (juaranie-trois d'A-
lexandre le Macédonien, la vingt-deuxième année du règne
de Théodose le jeune (1), lorsque Célestin était patriarclie
de Rome, Cyrille d'Alexandrie, Juvénal de Jérusalem, Jean
d'Antioche et Nestorius de Constantinople.
Nestorius fut déposé et remplacé par Maxime; il fut anatlié-
matisé parce qu'il ne voulut pas appeler la Sainte Vierge Marie
mère de Dieu mais mère du Messie, et il n'appelait pas le
fils de Dieu fds de la Vierge mais fils de lliornrne, comme
l'un des prophètes; il appelait celui qui naquit de la \'ierge
Marie un simple homme, et le Verbe vint et demeura en lui.
Il fut anathéraatisé et chassé de ce saint synode avec tous ceux
qui adoptèrent son abominable enseignement, à cause de ces
blasphèmes qu'il avait prononcés. (Ce cojicile) confirma le
concile de Nicée à l'occasion du symbole impie que présentèrent
les prêtres Pélad et Pléia et ce saint concile enseigna que Marie
est vraiment et sans aucun doute mère de Dieu; il anathé-
matisa tous ceux qui ne la reconnaîtraient pas pour mère de
Dieu, au contraire des enseignements impurs et trompeurs
de l'impie Nestorius.
Anathème qui fut envoyé à Nestorius en personne, un jour
après qu'il eut été décrété par le concile :
Nous, le saint concile, qui, par la bonté de Dieu, selon l'ordre
des illustres empereurs fidèles et aimant Dieu, nous sommes
rassemblés à Éphèse : 0 Nestorius, nouveau juif, sache qu'à
cause de ta prédication impie et de ta rébellion contre les ca-
nons orthodoxes, selon les lois de l'Église, le -22 du mois cou-
rant de Khaziran (juin), tu es rejeté du concile et tu deviens
étranger à toute l'étendue de l'Église.
Nous commençons le concile de Chalcédoine qui fut réuni
(1) En 431.
218 REVUE DE l'orient CHRETIEN.
Van 762 cV Alexandre (1), la première année de l'illustre
empereur Marcien; lorsque Léon était patriarche de Rome,
Dioscore d'Alexandrie {celui-ci fut déposé et saint Protérius
le remplaça), Maxime d'Antioche, Juvénal de Jérusalem et
Anatole de Constantinople.
Il anathématisa le rebelle Nestorius qui renia la mère de
Dieu, la Sainte Vierge Marie, quand il dit qu'elle était la mère
d'un simple homme; il anathématisa Eutychès et Dioscore, son
partisan, parce qu'ils imaginèrent que la divinité et l'humanité
de Notre-Seigneur ne formaient qu'une nature composée, im-
piété qui surpasse toutes les impiétés et tous les blasphèmes. Il
confirma la foi de Nicée, fit trente-six canons, et à la fin (25) de
chaque canon il prononça un anathème contre celui qui s'écarte
de la foi des trois cent dix-huit Pères de Nicée et y change si
peu que ce soit en mal. Et ceux qui furent anathématisés, chassés
et rejetés de la Sainte Église, se mirent à aiguiser leur langue
injuste et dirent que le concile n'avait pas été réuni selon les
règles. Le saint concile des six cent trente-six Pères fit aussi
la profession de la vraie foi suivante : « Nous adhérons aux
Saints Pères de Nicée, nous confessons, et enseignons tous à
confesser, un seul fils Notre-Seigneur Jésus-Christ, complet
dans la divinité, consubstantiel avec le Père et l'Esprit, et
complet dans son humanité comme nous à l'exception du péché,
unité sainte de deux natures, car le Verbe est Dieu en vérité,
et le même est homme complet avec une âme rationnelle et un
corps, de la nature du Père par sa divinité et de notre nature
par son humanité, semblable à nous en tout à l'exception du
péché, né du Père avant les siècles, sans commencement par
sa divinité et né de Marie sans changement à la fin des temps,
pour notre salut, par son humanité. Le même est un seul Fils
et un Seigneur unique, grâce à la' sainte unité en deux natures,
sans confusion, sans changement et sans division. Cette unité
n'enlève aucunement la diversité des deux natures, mais con-
serve plutôt chacune des natures dans sa propriété, c'est-à-dire
chaque être demeure ce qu'il est, et concourt en une seule per-
sonne. Il n'est pas divisé en deux personnes ou séparé ou
mélangé en rien, mais il est un seul et Fils unique. Dieu le
(1) En 451 .
i»i;uvRi:s i)K .ii:an mahox. 219
Verbe, notre Seigneur Jésus-Christ, comme les prophètes l'a-
vaient prévu d'avance à son sujet, comme Xotre-Scifriitur
Jésus-Clirist nous Ta enseigné et selon le symbole que nous
léguèrent nos pères de Nicée. »
Telle est la profession de loi des Saints Pères rassemblés ;iii
concile de la ville de Chalcédoine, dans laquelle ils professent
que la Sainte Vierge est mère de Dieu et que Dieu le Verbe
Notre-Seigneur Jésus-Christ n'a qu'une seule personne. Ils
confessèrent aussi qu'il y a union sans division, ni séparation,
ni mélange, ni confusion. En plus, ils anatliématisèrent .Xes-
torius, Eutychès, et Dioscore partisan d'Eutychès, qui le rerut
dans sa communion au second concile d'Éphèse. Léon et toute
l'assemblée adhérèrent à cela.
Ainsi, mes frères, fidèles cro3^ants, fds de la sainte Église
catholique, soyez de vrais chercheurs et instruisez-vous les uns
les autres; voyez ce qui a été professé par le saint concile et
par saint Léon et ce qui a été enseigné par nos (26) Saints
Pères que nous avons cités ci-dessus; voyez comme leurs
témoignages concordent bien avec les nôtres du concile de
Chalcédoine où la vérité a témoigné par le pape de Home saint
Léon et les six cent trente-six saints.
Que leur prière soit avec nous et avec vous. Amen.
Quelques questions contre ceux qui ne reconnaissent
qu'une nature dans le Messie, c'est-à-dire contre ceux qui
confondent et mélangent la simplicité de la nature de Dieu
le Verbe avec la chair, et disent qu'il n'a qu'une nature (1).
Dites-nous, ô saints frères, cette nature unique que vous
confessez dans Notre-Seigneur après l'unité est-elle consubs-
tantielle au père, oui ou non?
S'ils disent oui, il s'ensuit que la chair est de même na-
ture que Dieu ; s'ils disent non, il s'ensuit qu'à cause de la
(1) Léonce de Jérusalem emploie contre ces monophysites le même mode de
raisonnement que Jean Maron, Mai, t. VII, p. 119-1-22; au lieu de queh/ues (jues-
lions, on pourrait traduire résumé. Ce résumé pourrait être fait par Jean Maron
d'après un autre ouvrage ou bien par un anonyme d'après un travail plus long
de Jean Maron.
220 REVUE DE l'orient CHRETIEN.
chair, le Fils ne sera pas cousubstantiel au Père. — Et après
l'avoir embarrassé ainsi, demande-lui encore : Dis-moi par
quelle nature il est égal au Père et par quelle nature il est
égal à l'homme; s'il dit : Il est égal au Père par la nature
divine et à nous par la nature humaine, il confesse donc deux
natures après l'union. — Et s'il ne le veut pas (on dira) : Cette
nature que vous confessez, est-ce celle qui existait avant l'union,
oui ou non? S'ils disent oui, il s'ensuit que ce n'est pas cette
nature formée de deux, et s'il te dit non, dis-lui alors : Tu
formes une nouvelle nature après l'union, laquelle n'est ni
divine ni humaine. — Dis-lui : 0 père, est-ce que le Père et le
Verbe n'ont qu'une nature, oui ou non? S'il dit oui, tu seras en
droit de lui demander : Le Père, Dieu le Verbe et la chair
forment-ils une nature, oui ou non? S'il dit oui, tu répondras :
Alors le Père, le Verbe et la chair du Verbe ne forment qu'une
nature; comment un tel manque d'intelligence peut-il avoir
lieu, le Père et la chair de Dieu le Verbe ne former qu'une
nature! — Dis-moi, cette nature unique et composée que tu
attribues à Notre-Seigneur Jésus-Christ est-elle dans la Trinité
ou en dehors de la Trinité, oui ou non? S'il dit oui, réponds :
c'est impossible, mais le Verbe en particulier a uni sa nature
divine à la nature humaine en dehors du péché. — Cette nature
unique que tu prônes en Notre-Seigneur Jésus-Christ, est-elle
consubstantielle à son père ou à Marie ? Si tu dis : Au Père, tu
nies l'humanité; si tu dis : A Marie, tu le fais un simple homme.
— Dis-moi, ô père, la nature que le Verbe avait avant l'union,
l'a-t-il conservée après l'union, oui ou non? S'il dit oui, réponds :
Tu as raison; s'il dit non, réponds-(27) lui : Il a donc changé,
et s'il est vrai que cette nature est éternelle, qu'elle n'augmente
ni ne diminue et ne reçoit pas d'accroissement, comment cela
peut-il être? et alors, dis-moi, cet homme complet qu'il s'est
uni, à l'exception du péché, comment pouvait-il être de la
nature humaine que tu renies? — Dis-nous, ô père : ces deux
natures qui s'unissent sont-elles caractéristiques, oui ou non? S'il
répond qu'elles sont caractéristiques, il va contre la vérité, car
il donne au Messie deux personnes ou figures; dis-lui alors:
Grégoire a dit que des natures caractérisées ne peuvent s'unir
ensemble, comment dis-tu qu'il n'y a pas de nature sans per-
sonne. — Dis-moi, ô saint père, la divinité et l'humanité ne
(«OUVRKS DE JKA.V MAIiuX. -^21
forment-elles qu'une nature, oui ou non? S'il répond oui, Haiui
CijriUe d' Alexandrie le blâme dans le discours qu'il écrivit
à l'empereur Théodose; il dit, en effet : La «iivinilé et l'huma-
nité ne forment pas une seule nature; Grét/o/j-c de \ysse et
Grégoire de AY/:./^^>/;t' disent aussi que, mémo dans l'union inef-
fable et inexplicable, deux ne font qu'un, mais pas dans une
nature. — Dis-nous, opère, cette nature qui résulte de deux, est-
elle la nature unique du Père et du Fils ou bien une autre ?
S'il dit que c'est la nature du Père et du Fils, il se trompe, car
celle du Père ne résulte pas de deux ; s'il dit que c'en est une autre,
qu'il nous indique laquelle; Cyrille lui dit alors : « Les natu-
res sont demeurées distinctes dans l'union » ; et Paul dit : « Il
créa les deux en personne et il ajusta les deux en un corps avec
Dieu, et il fit les deux un » ; cela montre qu'il y a une personne
formée de deux natures. — Dis-moi, ô père, le Messie, après
l'union, peut-il être connu et dans la divinité et dans l'hu-
manité, oui ou non? S'il dit non, il se trompe, car il rend vaines
l'humanité et la divinité de Noire-Seigneur Jésus-Christ; s'il
dit oui, on voit dès lors avec évidence que (le Messie i se ma-
nifesta en deux natures. S'il t'interpelle avec mauvaise vo-
lonté et dit qu'il n'y a pas de nature sans personne (I),
réponds-lui : Si la chair ne subsiste pas par elle-même, elle
n'est pas une personne; mais si tu confesses qu'elle subsiste par
elle-même, alors il l'a revêtue et voilà que nous avons une per-
sonne dans une autre personne, comme l'a dit \eslorius, et l'on
aura vu l'homme qui revêt Dieu, comme un prophète, et non
Dieu qui revêt l'homme, ainsi que le dirent Paul de Samosate et
Artémon. Mais si le Verbe de Dieu n'a qu'une personne, et si
le vêtement des membres a été composé dans la personne du
Verbe et n'a pas été constitué en dehors d'elle, on voit très
bien qu'il n'y a qu'une personne ayant l'union, pendant l'union
et après l'union de l'incarnation, et la chair forme une na-
ture, sans être un mot vain et trompeur, comme l'a dit Manès,
et elle n'est pas confondue avec la nature du Verbe, comme
l'a dit Apollinaire, et elle ne possède pas une âme sans intel-
ligence, comme l'a dit Eutijchès (28) l'insensé ; mais elle a une
âme intelligente. Et je ne place pas cette chair en dehors du
(1) Telle était au fond la conviction des Jacobites. Aussi pour eux les catholiques
étaient des Nestoriens.
ORIEM CHRÉTIEN. 16
222 REVUE DE l'orient CHRETIEN.
Verbe, ni avant l'union, ni après ; car dès que la chair exista,
elle fut aussitôt la chair de Dieu le Verbe, elle fut aussitôt
trouvée la chair de Dieu qui voulut s'incarner. Si la chair a été
formée par le Saint-Esprit dans la personne du Verbe, qui
osera dire follement que la chair est en dehors d'elle? Ceux-ci
cherchent à n'avoir qu'une personne, en disant que la chair
qui est en dehors de la personne n'est pas subsistante, car
si c'est une personne en dehors d'une personne subsistante,
ils doivent reconnaître deux personnes. Il ne leur suffit
pas de l'exemple de l'àme qui ne précède pas le corps dans
le sein, et si personne ne sait où l'àme et le corps s'unis-
sent, à plus forte raison ni les hommes, ni les anges, ni les
chérubins, ni les séraphins ne sauront où a lieu cette union du
Fils, si ce n'est le Fils lui-même. Mais vous, ô contempteurs,
pour qui la nature et la personne ne font qu'un, il faut
donc, partout où les Saints Pères parlent de trois personnes
dans la Trinité sainte d'une seule essence et nature, que vous
y reconnaissiez trois natures, comme les Ariens et les Euno-
méens, et partout où ils parlent d'une nature, vous devez
comprendre une personne comme Sabellius; et quand vous
dites que deux natures forment une personne pour le Messie,
vous entendez donc qu'elles forment une nature (composée) de
la chair et de la divinité comme Apollinaire.
Nous écrivons encore quelques mots contre les Nestoriens.
L'apôtre saint Pauld.àX\ : « Dieu s'est réconcilié avec nous par
la mort de son Fils » ; et encore : « Il n'a pas épargné son Fils,
mais l'a livré pour nous tous »; et encore : « Il a parlé avec
nous par son Fils ». Si donc tu reconnais deux personnes, quelle
sera cette personne (dont parle l'apôtre)? sera-t-elle divine ou
humaine? Et si tu places dans le Messie deux natures ou per-
sonnes, crois-tu, oui ou non, que l'enseignement de la Sainte
Église reconnaît trois personnes? Si tu reconnais trois person-
nes, places-tu en dehors de l'adoration l'une de ces trois per-
sonnes que tu reconnais dans le Messie, ou le Père, ou le Fils,
ou le Saint-Esprit? Et si tu enlèves à l'adoration l'une de ces
personnes que tu places dans le Messie, comment es-tu chré-
ŒUVRES DK .fKAX MAUON. 2'23
tien, toi qui ne révères pas celui qui est né, a souffert, (29) a
été crucifié, ef (enfin) est mort pour nous. Et si tu ne confesst'S
pas trois personnes, comment peux-tu ne pas te faire païen,
lorsque tu adores une quadruplicité, c'est-à-dire une créature.
Celui qui adore quatre personnes, est-il chrétien, oui ou non?
— S'il répond non, demande-lui : Dis-moi, frère, le Messie est-il
Dieu ou homme? et s'il te répond qu'il est homme, il confesse
ainsi quatre personnes, car l'homme ne peut pas exister sans
personne. — Demande-lui encore : Qu'est donc ce Messie? est-
il Dieu ou homme? S'il répond qu'il est Dieu, dis : Alors le Père
est aussi Messie. — Demande-lui encore : Ce Messie lui-même,
qu'est-il? Si tu dis : c'est Dieu incarné et fait homme, tu indiques
une chair animée d'une âme rationnelle et capable de connais-
sance, car Paul a dit : « Par là est apparu le Messie dans la
chair, il est le Dieu de l'univers. » Ce qu'on ciierchait est dé-
montré, Jean VÉvangéliste a dit : « Au commencement était
le Verbe et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu. » Ce
Verbe qui au commencement était en Dieu, est-il celui qui a
apparu aux Juifs dans la chair, et le Dieu de l'univers, ou bien
ce Messie incarné est-il un autre Dieu ? Or le prophète Isaïe a
dit : « Un fds nous est né, et un enfant nous est donné, et son
nom est appelé Admirable, Conseiller, Dieu puissant des siècles » ;
or ce fds qui nous a été donné et qui est appelé Admirable,
Conseiller, Dieu puissant des siècles, est-il Dieu le \'erbe qui
était au commencement auprès de Dieu, comme il est écrit, ou
bien est-il un autre Dieu ? S'il est le même, nous voyons évi-
demment que Dieu le Verbe, qui naquit dans la chair, est le
même que le Messie qui apparut aux Juifs dans la chair, lequel
est le Dieu de l'univers pour ceux qui le connaissent et le con-
fessent, et il fut appelé Admirable et Dieu vrai. Si, au contraire.
Dieu le Verbe qui était au commencement auprès de Dieu,
est différent du fds qui naquit pour nous et fut nommé Dieu
puissant des siècles, voilà que tu introduis un nouveau Dieu et
tu deviens répréhensible, parce que tu en fais deux, et Jean
l'Évangéliste a dit : « Le Dieu unique, qui est dans le sein de
son Père, celui-là nous l'a raconté. » — Dis-nous, ô saint frère,
au sujet de ce fds unique de Dieu, est-il le Fils de Dieu qui naquit
de la race de David, ou bien un autre ? S'il est celui-là, voici
que le Fils de Dieu est né dans la chair; si tu dis que le Fils
224 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
unique de Dieu dans le sein de son Père est différent du Fils (30)
de Dieu né de la race de David, voilà que tu donnes deux fils à
Dieu le Père, et tu ne peux plus dire qu'il est unique.
Jean l'Évangéliste a écrit : « Notre-Seigneur dit à ses disci-
ples (1) : Croyez en Dieu et croyez en moi. » Ce Jésus qui dit à
ses disciples de croire en lui, est-il Dieu le Verbe ou bien un
homme? S'il est un homme, ses disciples, en croyant en lui,
crurent en un homme, et s'ils ne crurent pas en lui, ils n^iépri-
sèrent le Verbe qui leur dit de croire. Celui qui croit comme
les Apôtres confessera que le Messie est vrai Dieu ; cela paraît
sortir de la bouche sainte des apôtres en la personne de Thomas
qui s'écrie : « Mon Seigneur et mon Dieu » ; et dans un autre
endroit : « Car le Père a désigné celui-ci comme Dieu ». Paul a
dit (2) : « Il fit dans sa personne une place pour nos péchés et il
sacrifia les péchés de beaucoup » ; et encore (3) : « S'ils l'avaient
connu, ils n'auraient pas sacrifié le Seigneur de gloire ». Et
David B, dit (4) : « Ton siège, ô Dieu, est dans les siècles des
siècles, » Et le prophète Jérémie a dit (5) : « C'est notre Dieu,
et n'en imaginons pas un autre avec lui; il a trouvé la voie
de la sagesse et de la justice et l'a donnée à Israël son serviteur
et à Jacob son ami. » Et plus loin il dit (6) : « On l'a vu sur
la terre et il a demeuré avec les hommes. » Et David dit en-
core : « Le maître des dieux paraîtra à Sion ». Ce Dieu dont
parle Jérémie, qui est notre Dieu, et nous ne devons pas en ima-
giner un autre avec lui, est-il Dieu le Verbe ou bien en est-il
un autre comme tu le penses ? S'il en est un autre, comme tu
l'enseignes, voilà que tu introduis inintelligemment un nouveau
Dieu. Et si c'est le même en vérité, et qu'il n'y ait pas de Dieu
en dehors de lui, comme parlent les prophètes, et nous croyons
tous en lui, si le Dieu unique est celui qui apparut sur la terre
par une chair animée et douée d'intelligence, puis demeura et
conversa avec nous, c'est alors ce qu'il fallait démontrer. Où et
comment as-tu vu, ô frère sage et docteur illustre, qu'une
(1) Jean, xiv, 1.
(2) Hébr., i, 3.
(3) I Cor., II, 8.
(4) Ps. XLiv, 7.
(5) Baruch, m, 36-37.
(6) Ibid., 38.
ŒUVRES DE JEAN MAROV. 225
femme, en enfantant, ait donné deux personnes à un seul fils?
iMédite les paroles des témoigna^'-es véritables de l'Évangile et
de l*aul dans le discours que fit le saint évoque Marlyrius con-
tre Nestorius votre père. Écoute donc, toi qui aimes à séparer
les fils et les personnes et médite ces paroles divines qiii nous
enseignent nommément les notions d'une personne et d'une
(31) substance dans le Messie (1). Et d'abord le prophète, en la
personne du père, dit de lui (2) : « Voici que j'envoie mon ange
devant ta face pour préparer la voie devant toi. » Il dit la [are
pour un seul et non pour plusieurs. Et le prophète Zacharie,
père de Jean, prophétise et dit à son fils (3) : « Et toi, enfant, tu
seras appelé prophète du Très-Haut, car tu iras devant la face
du Seigneur pour préparer sa voie. » Il dit aussi sa face et non
ses faces, comme tu l'enseignes. Et Notre-Seigneur dit de lui-
même (4) : « Comme le Père a la vie en lui-même, il a aussi
donné au Fils d'avoir la vie en lui-même. » Il dit e)i lui-même
et non en eux-mêmes comme tu l'enseignes. Et l'évangéliste
Luc a dit (.j) : « Quand les jours de son ascension furent accom-
plis, il prépara sa face à aller <à Jérusalem et il envoya des
messagers devant sa face; ils allèrent, entrèrent chez les Sama-
ritains et ne le trouvèrent pas, parce que sa face était tournée
pour aller à Jérusalem. » — Il dit encore (6) : « Son visage brilla
comme le soleil. » — Et l'apôtre Paul dit (7) : « Tour éclairer
la science de la gloire de Dieu, à la face de Notre-Seigneur
Jésus-Christ. » — Et encore (8) : « Moi, ce que j'ai donné, (je
parle) de ce que j'ai donné à cause de vous, je l'ai donné à la
personne de Jésus-Christ. » — Le même apôtre dit encore dans
(1) Cette argumentation, plus forte clans le texte que dans la trailuction, repose
sur ce que les mots ^^oojlû et l^oj'^s, -< personne » et •< substance », se trouvent dans
tous les textes cités, appliqués au sinj,^ulier au Messie. Donc, conclut l'auteur, le
Messie n'avait qu'une personne et une substance. Jean Maron semble prendre ses
citations chez Martyrius, patriarche de Jérusalem, qui mourut on 185.
(2) Luc, vu, il.
(3) Luc, I, 76.
(4) Jean, v, 26.
(5) Luc, IX, 51-53. Textuel dans la Peschito. hors ic^v^ii. pour i^^i. et ^)l-ie^ pour
(G) Matth., XVII, 2.
(7) II Cor., IV, G. Textuel, mais ^ et vPo m:in(|ueu(.
(8) II Cor., II, 10. ii^û-=Lji» ,^ mauqu(\
(9) II Thessal., i, 0. Textuel, mais en place de ;io^ la Peschito a M-^.
226 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
un autre lieu (9) : « Ceux-ci seront punis d'une perdition éter-
nelle devant la personne de Notre-Seigneur et devant la gloire
de sa puissance. » — Et encore (1) : « Avec les deux en sa per-
sonne il créera un homme nouveau. » — Il dit dans un autre
endroit (2) : « En abandonnant sa chair, il dépouilla les princi-
pautés et les puissances et les fit rougir ouvertement en sa per-
sonne. » — Et il dit dans (la lettre) aux Hébreux (3) : « Il fit
dans sa personne une place pour nos péchés, et dans sa personne
il immola les péchés (4) de beaucoup. »
(1) Eph., 11, 15. Textuel.
(2) Col., II, 15. Textuel, mais au lieu de 0)V^ on a o)Voû-=.
(3) I, 3, au lieu de vs»)^? on a |ovô— ; et la seconde partie de la phrase n'est pas
ici. En somme, ces citations montrent que Jean Maron (ou plutôt Martyrius) cite
de mémoire (ce qui est peu probable, car il ne pouvait savoir par cœur tous les
passages qui renferment le mot ■personne), ou traduit sur un texte grec (c'est le
plus probable), ou cite un texte sj-riaque différent de la Peschito.
(4) Il faut lire ]'o^'-^ — =; comme ci-dessus.
F. Nau.
{A suivre.)
RÈGLEMENTS GÉNÉRAUX
DE L'ÉGLISE ORTHODOXE EN TLIUjl IK
V. — LE CONSEIL MLXTE.
L'ingérence des laïques dans les choses du sanctuaire se
manifeste à chaque page de l'histoire byzantine. Plus fréquente
encore s'il se peut, et non moins funeste, elle se retrouve sous la
domination turque; cette immixtion était devenue, depuis 1403,
comme une nécessité sociale, àcause même de l'autonomie civile
accordée par les vainqueurs à l'Église orthodoxe. Sans doute au
Patriarche seul était dévolue la double autorité civile et reli-
gieuse; mais cette autorité, il ne pouvait l'exercer seul et sans
contrôle. L'histoire et l'organisation intérieure du Saint-Synode
nous en ont déjà fourni une première preuve ; la constitution du
Conseil Mixte n'est pas moins instructive.
A l'époque byzantine, le patriarche avait autour de lui tout
un cortège de hauts dignitaires laïques, dont les fonctions res-
pectives, encore mal définies, survécurent pour la plupart à la
chute de l'empire, mais en s'amoindrissant et se sécularisant
chaque jour davantage. C'est de cette oligarchie de fonction-
naires que devait sortir, à l'âge suivant, l'aristocratie douteuse
et mélangée des Phanariotes, hommes ingénieux et polis, par-
venus à force de bassesses à une sorte d'indépendance et de pou-
voir, dédaignant leur patrie, mais la servant par leur prospé-
rité (1). A côté du Phanariote, riche et influent, se pressait
V archonte ou notable, simple bourgeois, enrichi par le petit
commerce, et généralement plus attaché aux traditions de la
race. Tandis que le premier servait son pays dans des emplois
(]) Yillemain. Lascaris (Paris, 1837), p. ICo-dl.
228 REVUE DE l'orient CHRETIEN.
publics et n'exerçait sur l'Église qu'une sorte de protectorat
intermittent et capricieux, le second, plus étroitement mis en
contact avec le haut clergé, prit graduellement sur les affaires
une part très active, qui ne tarda pas à devenir prépondérante.
Le patriarche Samuel I" (1763-68) confia à quatre notables, pris
mi-partie parmi les fonctionnaires et les négociants, l'admi-
nistration des revenus de la nation (1). Ils portaient, en cette
qualité, le nom à'épitropes. Cette institution, comme toutes
celles de Samuel, ne semble pas avoir donné de bien grands
résultats : les métropolitains du Synode avaient encore trop
d'influence pour admettre dans la gestion des deniers publics
le contrôle importun des épitropes.
Un nouvel essai fut tenté, en 1847, par le gouvernement turc
lui-même. La Porte voulait adjoindre au S. -Synode trois mem-
bres laïques, qui seraient chargés d'administrer les affaires
purement temporelles; elle avait désigné, pour remplir ce ivMe,
le grand logothète Aristarchi-Bey, l'ex-prince de Samos Vogo-
ridès, et un riche négociant de Chiaos, Jean Psichri, plus connu
sous le sobriquet de Misé lanni (2). Les Synodiques opposèrent
à cette mesure une telle résistance qu'il fallut, cette fois encore,
en différer l'exécution.
Tout autre fut l'issue de la lutte engagée, dès 1856, entre
les deux corps : le triomphe des laïques fut complet, et, le
27 janvier (8 février) 1862, la Porte donnait son approbation
au règlement organique du Conseil Mixte, qui assurait aux
laïques la plus large part dans la gestion des affaires.
RÈGLEMENT ORGANIQUE DU CONSEIL MIXTE (3).
I I. — COMPOSITION DU CONSEIL NATIONAL MIXTE PERMANENT (4j.
Art. P^ — Le Conseil National Mixte Permanent se compose
de douze membres, quatre Métropolitains et huit laïques. La
(1) N. Matha, KaTâ),OYo; laTopixo; tûv llarpiap/àiv (Allièucs, 1884), p. 155.
(2)EiCHMANx, Die Reformen des osmanischen Beic/ios (Berlin, 1858), p. 21.
(3) Réédité clans Tevixot Kavovtaixot, etc, p. 37-45.
(4) C'est la désignation officielle, à laquelle le devoir de traducteur m'interdit
de rien changer.
RKGLEMENTS GÉNÉRAUX DK l'ÉCUSH nl'.TIlOlXtXi; KN TlIlQIJIi;. 220
présidence est attribuée, par rescrit patriarcal, à Tim desniétro-
politains, le premier des quatre dans la hiérarciiie. Toutes les
fois que des affaires importantes rendent nécessaire la présence
du patriarche dans le Conseil, c'est lui qui préside, qu'il vienne
de lui-même au Conseil, ou qu'il y soit appelé. Le Conseil aura
deux secrétaires, le premier et le second, capables de traduire
dans les quatre langues, grecque, turque, bulgare et française.
Art. 2. La durée des fonctions des membres du Conseil Natio-
nal Mixte Permanent est fixée à deux ans, mais, chaque année,
l'assemblée est renouvelable par moitié.
Art. 3. Les quatre membres ecclésiastiques du dit Conseil
sont pris parmi les membres du Saint-Synode; leur choix appar-
tient au Patriarche et aux membres du Synode.
Art. 4. — L'élection des membres laïques du Conseil a lit'U
de la manière suivante. Au jour fixé, le Patriarche informe les
habitants des paroisses de Constantinople et du Bosphore qu'ils
peuvent procéder, d'après le rôle suivant, à la nomination de
délégués dans chaque paroisse. Voici comment. Les paroisses du
Phanar et de Djoubali nomment deux délégués; — les paroisses
de Palinos, des Taxiarques et de Xyloporta, deux; — les
paroisses de Mouchliou et de Photira, un; — les paroisses
d'Edirné-Kapou , Salmatobroukiou, Sarmasikiou, Egri-Kapou,
Top-Kapou et Tekfour-Séraï, deux; — la paroisse de Mermer-
Koiîlé, un; — toutes les paroisses de Psamathiaet de Belgrade
réunies, deux; — les paroisses de Ste-Kyriaki et de Ste-Espé-
rance, un; — la paroisse de Haskeuï, un; — les paroisses de
Tatavla, deux; — les paroisses de Péra, deux; — la paroisse de
Vlangua, un ; — les paroisses de Galata, deux ; — la paroisse d'Or-
takeuï, un; — la paroisse de Béchik-Tach, un; — les paroisses
de Kouroutchesmé, Arnaoutkeuï et Bébèk, deux; — la paroisse
de Boyadjikeui, un; — les paroisses de Sténia et de Yéni Keuï,
deux (1). Tous ces délégués, choisis sans distinction de race,
(1) Soit, au total, vingt-six délégués pour quarante-deux paroisses. La nomina-
tion de ces représentants de quartiers est elle-même soumise à un règlement
fort minutieux, qui l'orme le 3"'« chapitre du llè'jlemcnl électoral des Paroisses de
Varchevêchè de Constantinople ('Ex).oyixô; KavovKjjxô: ~û>y Ivoptwv -rij; :\p7it-t(7xoîrfi;
Ku)V(jTavTivouT:6),£wç). Ce règlement a ét(^ plusieurs fois modifié, notamment en
1887 et en 1897; c'est une des nombreuses questions sur lesquelles on revient
sans cesse dans les délibérations des deux coriis administratifs de l'Église ortho-
doxe. Nous y reviendrons nous-mêmes ailleurs.
230 REVUE DE l'orient CHRETIEN.
doivent être des hommes probes et droits, jouir dans la nation
de l'estime de tous et relever ab antiquo du gouvernement impé-
rial. Au jour déterminé, ils se rendent au Patriarcal, où, réunis
ensemble, ils constituent avec le S. -Synode et les membres du
Conseil Mixte l'assemblée électorale. En premier lieu, celle-ci
désigne d'un commun accord les candidats éligibles. Tous les
membres de l'assemblée électorale ont le droit de proposer
comme candidats ceux qu'ils estiment avoir les qualités re-
quises pour cela. On inscrit leurs noms sur un registre spécial ,
et c'est parmi ces candidats que l'on choisit, au scrutin secret et
à la majorité des voix, les membres du Conseil Mixte. Toutes
les opérations relatives à ce sujet sont régulièrement consignées
au protocole.
Art. 5. — Dès que l'élection est terminée, le Patriarche fait
connaître à la Sublime Porte les noms des membres ecclésiasti-
ques et laïques, afin qu'ils soient approuvés et confirmés (1).
Art. 6. — La disposition indiquée plus haut qui fixe à deux
ans, pour tous les membres, la durée de leurs fonctions, ne
s'applique pas aux membres ecclésiastiques; en conséquence,
ceux-ci devront être renouvelés et remplacés par d'autres, dès
que leurs fonctions de membres du Saint-Synode auront pris
fin.
Art. 7. — Aucun des membres susdits ne pourra, à l'expi-
ration des deux ans, se porter de nouveau comme candidat,
avant deux autres années révolues.
Art. 8. — Les membres du Conseil Mixte doivent être choi-
sis parmi ceux qui ont à Constantinople leur domicile fixe,
appartiennent ab antiquo à l'empire ottoman, ont plus de trente
ans, possèdent l'expérience des affaires, jouissent enfin de l'es-
time générale et de la confiance du gouvernement comme
de la nation.
Art. 9. — Une fois qu'un membre, acceptant sa nomination,
sera entré en fonction, il ne pourra se retirer avant l'expira-
tion des deux années, à moins d'une raison très justifiée.
(1) Pour la première élection de février 1862, la moitié des membres du futur
Conseil Mixte devait être prise parmi les membres de l'Assemblée nationale provi-
soire qui représentaient déjà les paroisses de la capitale; les quatre autres, au
contraire, devaient être choisis en dehors de cette assemblée. Cette mesure essen-
tiellement provisoire est rappelée dans une remarque sm présent article 5, dont il
est superflu de donner une traduction littérale.
RÈGLEMENTS riKNÉllAUX DE l/ÉdMSE OIlTIKiDoXE EN TLIUjI IK. -231
Art. 10. — Si, dans Texercice <le son mandat, un nieinliro
démissionne pour un motif plausible, ou s'il vient à mourii-, le
Patriarche, de concert avec le S. -Synode et les autres membres
de Conseil Mixte, pourvoit à son remplacement, pour le temps
qui reste à courir, et en informe la Sublime Porte. Celui qui est
ainsi nommé peut se porter candidat pour la période suivante.
Art. U. — Aucun membre n'est autorisé à s'absenter du-
rant plus de deux mois; s'il prolonge son absence au delà de
ce terme, on doit le remplacer par un autre membre, de la ma-
nière indiquée à l'article précédent; cette nomination est por-
tée à la connaissance de la Sublime Porte pour être confirmée.
Art. 12. — 11 est interdit aux membres de s'absenter pen-
dant les séances ordinaires. Si quelqu'un ne peut, durant plus
d'un mois, y prendre part, il en informera le président du Con-
seil. Celui qui s'absenterait au delà de ce terme sans en donner
avis, devrait envoyer sa démission ou être remplacé par un
autre, conformément à l'article 10.
Art. 13. — Un membre du Conseil est-il accusé de s'être
laissé corrompre par des présents, on applique, si c'est un des
métropolitains, l'article S du règlement des Évèques (1); si
c'est un laïque, on informe du fait la Sublime Porte, afin qu'elle
juge et prononce la sentence, selon le code pénal ottoman.
Art. 14. — Le Conseil National Mixte possédera, au palais
patriarcal, un bureau pour y tenir ses séances ordinaires;
celui-ci sera dirigé par le premier secrétaire, d'après les ins-
tructions du Conseil.
Art. 15. — Les membres laïques du Conseil ne reçoivent
pas de traitement; l'exercice de leurs fonctions est gratuit.
§ 2. — DEVOIRS DES MEMBRES DU CONSEIL MIXTE.
Art. 1". — Le Conseil National Mixte permanent tient or-
dinairement deux séances par semaine.
Art. 2. — Les actes écrits soumis au Conseil doivent porter,
avec un numéro d'ordre, la date de leur arrivée; c'est dans cet
(1) Ce règlement sera donné plus loin dans son intégralité.
232 REVUE DE L ORIENT CHRÉTIEN.
ordre qu'on les examinera, à moins d'une affaire urgente, qu'il
faille mettre avant toute autre.
Art. 3. — Le Conseil doit veiller de près à la bonne admi-
nistration des écoles et des hôpitaux de la nation et des autres
établissements d'utilité publique; il contrôle leurs recettes et
dépenses non moins que celles des églises de la capitale, connaît
de toutes les contestations relatives aux revenus des monastères
relevant du siège œcuménique, aux testaments (1), aux actes
de fondation (2), à la dot et aux présents de noces (3) ; c'est à lui
qu'appartient l'examen de toutes les affaires non spirituelles
renvoyées au patriarcat par la Sublime Porte. Pour les ques-
tions relatives aux vakoufs , aux terres publiques et aux règle-
ments généraux du gouvernement, elles ressortiront naturel-
lement, comme dans le passé, des tribunaux et des conseils
établis par le gouvernement.
Art. 4. — Quand il s'agit d'une action introduite par les
fidèles d'un diocèse contre leur évêque, si la matière du débat
est d'ordre temporel, le Conseil prend les mesures convenables,
suivant l'article 8 du règlement sur les élections épiscopales.
Art. 5. — L'administration des écoles et des autres établis-
sements d'utilité publique est confiée par le Conseil à des épi-
tropes et à des éphores nommés par lui, de l'avis et du consen-
(1) Voir la jurisprudence relative à cette question dans le récent ouvrage de
Milt. G. M. Karavolvyro, le Droit successoral en Turquie ab intestat et par testa-
ment, codifié d'après le Chéri et le droit byzantin, in-S'de 214 p. (Constantinople,
1898), p.' 13G-137. L'auteur rapporte trois arrêts delà cour de cassation qui confu--
ment cette attri"bution du Conseil Mixte.
■ (2) Autrement dits Vakfiyés, titres d'un vakouf. Les biens vakoufs sont ceux
qui ont ét('' soustraits au droit de nue-propriété de l'État par une donation faite
par un particulier, dans un but de bienfaisance ou de piété, au profit d'une per-
sonne morale, comme une mosquée, un hôpital, une asile, un couvent, une école
et même une église. Ce sont le plus souvent des immeubles; après une redevance
accompagnant l'acte de fondation ou de consécration, le possesseur garde les
biens ainsi affectés, comme tenancier, moyennant une redevance annuelle. Les
vakoufs ne peuvent être vendus pour cause de dettes, et ne passent par héritage
qu'au fils du possesseur. Ils sont d'ailleurs soumis aux dispositions spéciales prises
par le fondateur, dans l'acte dédicatoire, et c'est aux actes de ce genre que le rè-
glement fait ici allusion. Voir sur cette institution propre à la Turquie et aux
pays où le Chéri est en vigueur, Nie. de Tornauw, le Droit musulman exposé
cVaprès les sources, trad. Eschbach, Paris, 1860, pp. 193-198; — Milt. Karavokyro,
KXetç Tî); cvjvr;6ou;ô9tû[Aavix^; vo[Ao8£(TÎa;, Constantinople, 1882, p. 55-57.
(3) On fait une distinction entre les présents accessoires (Tpi-/w[ia) et la dot
proprement dite (upoï;).
RÈGLEMKXTS- GKNKRAUX DK l'kgiJSM (iHTIIODoXrO KN TUR'^UIK. 23:5
tement du Patriarche; il ne doit désigner que des IjoninK-s
probes et capables, appartenante! la religion orthodoxe, suj'-ls
de l'empire.
Art. g. — Tous les ans, il examinera et contrôlera la comp-
tabilité de ces épitropes ; il fera enregistrer sommairement,
par son premier secrétaire, dans un grand cahier spécial, les
bilans des recettes et dépenses de l'année.
Art. 7. — A la fin de chaque année, la comptabilité <hj
trésor sera contrôlée par les nouveaux titulaires en présence de
l'assemblée électorale; le trésorier produira pour chaque dépense
les décisions écrites du Conseil; ces dernières seront réunies
en un dossier qu'on déposera, après l'avoir scellé, dans les ai--
chives du Conseil.
Art. 8. — Le Conseil fixera le tarif des droits à percevoir par
le trésor national, et le soumettra à l'approbation de la Sublime
Porte. Tous les deux ans, il nommera, pour percevoir ces droits,
un caissier digne de confiance et sous caution; celui-ci ne
pourra rien dépenser, pas même une obole, sans l'autorisation
écrite du Conseil. Les devoirs du caissier, comme ceux du se-
crétaire et des autres employés, seront déterminés par le Con-
seil.
Art. 9. — Une séance a le quorum suffisant, quand les
deux tiers des membres sont présents. Dans les délibérations,
on se sert, au besoin, du suffrage : c'est alors la solution de la
majorité qui prévaut; si les votes sont égaux, on s'en tient à la
partie qui a pour elle l'avis du président.
Art. 10. — Dès que le Conseil National Mixte entrera en
fonctions, il fera usage d'un sceau à trois pièces; la première de
ces pièces sera gardée par les quatre membres ecclésiastiques,
les deux autres par les huit membres laïques, et la clef par le
président. On marquera de ce sceau les actes de fondations
pieuses, les testaments, les obligations des églises et des au-
tres dettes de la nation, et autres actes semblables. Les sentences
judiciaires du Conseil, après avoir été signées par tous les mem-
bres, seront également marquées de ce sceau. Tous les actes
dont il vient d'être question devront recevoir la sanction du
patriarche. Toute pièce élaborée dans le Conseil et expédiée par
lui, sera écrite sur papier timbré et inscrite préalablement au
Registre.
234 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN. ' •
Art. 11. — Le Conseil examinera les contestations relatives
aux héritages s'élevant entre chrétiens lorsque, à la demande
des deux parties, l'affaire sera portée au Patriarcat.
Art. 12. — Tout testament d'un chrétien orthodoxe, s'il est
conforme aux lois et aux décrets du gouvernement impérial et
ne s'écarte pas du règlement sur la succession des chrétiens
promulgué naguère par Ordonnance Impériale (1), doit être re-
connu authentique et valable par toutes les autorités locales ; en
conséquence, le Conseil Mixte veillera à la pleine exécution des
dispositions contenues dans ces testaments.
Art. 13. — Tout acte émanant des évêques, et relatif aux
revenus et dépenses de l'école et de l'hôpital national, et des au-
tres établissements d'utilité publique, des églises et des monas-
tères de la capitale, ou encore aux testaments, aux actes de fon-
dations pieuses, aux dots et aux présents de noces, doit être
sanctionné par le Conseil Mixte.
Art. 14. — Les demandeurs dans un procès amené par l'un
des objets spécifiés à l'article 3 (2), sont tenus, avant l'ouver-
ture de la procédure, de fournir une caution pour les frais à ré-
sulter pendant la durée des débats.
Art. 15. — Les membres du Conseil devront veiller à ce
que le patriarche apporte tout son zèle et ses soins à la bonne
administration des établissements religieux situés dans l'empire
et appartenant aux orthodoxes, à la bonne gestion de leur re-
venus suivant l'esprit des chrysobulles, des testaments, des pri-
vilèges et des actes de fondations ; si une dette se produit, le
patriarche se concertera avec les chefs spirituels de ces établis-
sements.
Art. 1G. — Tout membre du Conseil, comme tout fidèle or-
thodoxe, a le devoir, quand il lui arrive de surprendre dans le
clergé des écarts de conduite, d'en informer le Patriarche et le
Saint-Synode, pour qu'on prenne les mesures nécessaires.
Le règlement général qu'on vient de lire fut complété, la
(1) La constitution vizirielle, ici mentionnée, est de 1861 (7 safer 1278); voir le
texte dans Nikolaïdès, '08w[j.avtxot KwSixs;, tome 11 (Constantinople, 1890), p. 1141-
44.
(2) Par exemple, une dot, un testament, etc.
RÈGLEMENTS GÉXÉRArX DE l/ÉOLISE ORTHODOXE EN TIIUjIIE. 2^)d
môme année, par un autre rèf,donient, d'un caractère moins
officiel, destiné à régir la police intérieure de rassembhJo. Ce
second document, n'ayant pas été soumis à l'approbation de la
Porte, ne se trouve ni dans le recueil officiel publié en 11S88 par
le Patriarcat, ni dans la Législation Ottomane de Nicolaïdès.
Toutefois, comme on y renvoie souvent dans les publications
orthodoxes, je crois utile d'en donner ici la traduction. Je la fais
sur le texte contenu dans une rarissime brocliurc, qui ne porte
pas de date, mais les signatures qui la terminent indiquent assez
l'époque de sa rédaction. Parmi les trente-un articles qui compo-
sent cette pièce, plusieurs ne sont qu'une réédition des articles
du règlement général; je n'ai pas cru pour cela devoir les
négliger : tels qu'ils sont présentés, ils forment comme un résumé
substantiel des dispositions données ci-dessus. A ce titre seule-
ment, le lecteur sera sans doute heureux de les retrouver.
I 3. — STATUT ORGANIQUE DU FONCTIONNEMENT DU CONSEIL NATIONAL
MIXTE PERMANENT (1).
Art. 1. Juridiction) — Suivant le règlement approuvé pour
son institution, le Conseil national mixte permanent doit : 1"
Surveiller et contrôler la bonne administration des écoles nati">
nales, des hôpitaux et autres établissements d'utilité publique,
leurs recettes et dépenses et celles des églises de la capitale
(art. 3 du règlement sur les devoirs du C. N. M.) : — 2" Nommer,
de concert avec le Patriarche, les épitropes et les éphores chargés
de diriger les écoles nationales et autres établissements d'utilité
publique (art. .j); — 3° Examiner et vérifier tous les ans la
comptabilité de ces épitropes, et enregistrer, dans un cahier
spécial, le bilan des recettes et dépenses de l'année (art. 6); —
4° Connaître de toutes les contestations relatives aux revenus
des monastères relevant du siège œcuménique, ou aux testa-
ments, titres de fondations, présents de noces et dots (art. 3).
II en est de même des différends s'élevant entre chrétiens au
sujet d'un héritage (art. 11); — 5° Veiller cà l'exécution des dis-
positions contenues dans les testaments des chrétiens orthodoxes
(art. 12); — 6" Prendre les mesures convenables, suivant l'ar-
(1) AiopYavt(T[jLÔ; TYj: uTTEpriTia; xovi Atapxo-j; 'EQvixoù MixtoO S-j|jLooy),{o'j (CoilStUiUi-
iiople, 18G"2), brocli. 8" de M p.
236 REVUE DE l'orient CHRETIEN.
ticle 6 du règlement sur l'élection des évêques, toutes les fois
que les fidèles d'un diocèse intentent une action contre leur
évêque, et que l'objet du débat est d'ordre temporel (art. 4); —
T Connaître en général de toutes les affaires non spirituelles
que la Sublime Porte renvoie au Patriarcat (art. 3).
Art. 2. Composition. — Le Conseil mixte, composé de douze
membres, quatre métropolitains et huit laïques, est présidé
par le métropolitain le plus élevé dans la hiérarchie, suivant
l'article 1" du règlement sur la composition du Conseil Mixte,
ainsi conçu : « Le Conseil N. M. se compose de douze mem-
bres, quatre évêques et huit laïques; la présidence est donnée
par rescrit patriarcal à l'un des évêques, le premier des quatre
dans la hiérarchie. » Quand des affaires importantes rendent
nécessaire la présence du patriarche, c'est lui qui préside,
qu'il vienne de lui-même au Conseil ou qu'il y soit appelé. A
défaut du président ordinaire, absent ou empêché, il est rem-
placé par celui qui vient immédiatement après lui dans la hié-
rarchie épiscopale.
Art. 3. — Le Conseil a trois employés proprement dits : deux
secrétaires, le premier et le second, et un caissier. Ils sont nom-
més et révoqués par décision du Conseil présidé par Sa Toute
Sainteté.
Art. 4. Séances. — Le Conseil tient séance au Patriarcat le
mardi et le vendredi de chaque semaine, à Oh. 1/2 du matin.
Si le jour de séance tombe un jour de fête, la séance est renvoyée
au mardi ou au vendredi suivant. Les fêtes de ce genre qui ont
lieu dans le courant de l'année sont : V toutes les fêtes de
Notre-Seigneur et de la Sainte Vierge; 2° le lundi et le mardi
de la première semaine de carême; 3° les trois derniers jours
de la semaine sainte; 4° toute la semaine de Pâques; 5° dans le
mois de janvier : le 1" (saint Basile), le 7 (saint Jean), ïe 30
(les trois Hiérarques); en avril : le 23 (saint Georges); en mai :
le 21 (saints Constantin et Hélène); en juin : le 24 (nativité de
saint Jean), le 28 (saints Pierre et Paul) ; en juillet : le 20 (saint
Elle, le prophète) ; en août : le 29 (décollation de saint Jean) ;
en septembre : le 14 (exaltation de la sainte Croix); en octobre :
le 26 (saint Démétrius); en décembre : le 6 (saint Nicolas).
Art. 5. — Pour qu'une séance ait le quorum voulu, il faut
que les deux tiers des membres soient présents.
RÈGLEMENTS GÉNÉRAUX DE l'ÉG[,|S;E OUTIK.Dr.XE EN TtlKjCIi;. 237
Art. 0. — 1«) Sniiwes (j&nrralcs. — Les séances du Conseil
se divisent en èéSincca jm/icùiircs, dans lesquelles il n'a simple-
ment qu'à résoudre les questions particulières, et en séances 7^'-
nérales, dans lesquelles il examine et juge les aiïaires relatives
aux questions qui intéressent toute la nation. Dans une seule
et même séance, le Conseil peut se constituer on séance judi-
ciaire, après avoir tenu une séance générale, et inversement.
Art. 7. —Au début de toute séance générale, on lit le pro-
cès-verbal delà séance précédente. Si personne parmi les mem-
bres n'a d'observation à faire sur ce procès- verbal, on l'adopte
tel qu'il est; dans le cas contraire, chacun pré.sente les obser-
vations qu'il estime nécessaires, et, après examen, on les ins-
crit au procès-verbal. Celui-ci est ensuite signé par le prési-
dent et les membres. Personne ne peut prendre la parole avant
la lecture du procès- verbal, ni revenir sur un point de ce der-
nier, une fois qu'on l'aura adopté.
Art. 8. — L'admission aux séances générales du Conseil
est interdite, à moins qu'on ne soit convoqué par le Conseil lui-
même.
Art. 9. — Une fois le procès-verbal lu, rectifié et adopté, le
Conseil passe à l'examen et à la solution des questions pro-
posées en suivant le programme fixé d'avance dans l'ordre du
jour.
Art. 10. — Lorsqu'un membre désire soumettre une propo-
sition à l'examen et à la décision du Conseil, il doit la faire con-
naître à ce dernier une séance à l'avance.
Art. 11. — Quelqu'un propose-t-il d'examiner une question
avant le tour assigné à cette question dans le programme de
Tordre du jour, le Conseil décide s'il y a lieu de le faire.
Art. 12. — Le Conseil dans ses délibérations procède géné-
ralement par scrutin ouvert, et c'est l'avis de la majorité qui
tranche la question. Le président n'a qu'une seule voix; toute-
fois, en cas d'égalité dans les suffrages, c'est la partie à laquelle
il a donné sa voix qui l'emporte. — Le Conseil se sert du scru-
tin secret toutes les fois qu'à la demande d'un membre il en
prend la décision. Dans ce cas, si les suffrages sont égaux, on
procède à un second tour de scrutin ; si le résultat est encore le
même, le président, sans regarder dans l'urne, en retire un
bulletin.
ORIENT CHRETIEN.
238 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
Art. 13. — 2°) Séances judiciaires. — Quand le Conseil
tient séance judiciaire pour des démêlés particuliers, il a le droit
de confier l'enquête et l'éclaircissement de ces démêlés à des
commissions choisies par lui dans son sein, ou au dehors. Ces
commissions soumettront leur rapport au conseil, lequel garde
toujours la liberté de prendre la décision qui lui paraîtra la
plus juste.
Ârt. 14. — Comme autorité judiciaire, le Conseil doit se
conformer aux lois en vigueur dans le Patriarcat, et aux cou-
tumes locales existantes.
Art. 15. — La procédure se conformera, dans sa marche,
aux dispositions qui seront promulguées à ce sujet.
Art. 15 bis. — Quand les séances du Conseil sont judi-
ciaires, les personnes intéressées pourront être autorisées à
comparaître avec des conseillers, à moins que ces derniers ne
soient exclus du Conseil par le président.
Art. 16. — Les sentences judiciaires du Conseil sont défi-
nitives, pourvu qu'elles revêtent, dans leur promulgation, les
formes exigées par le règlement (art. 10).
Art. 17. Forme des jugements et des décrets. — Les décrets
généraux du Conseil, de même que ses sentences judiciaires,
sont rédigés par le secrétaire à l'aide des procès-verbaux. A
la séance qui suit immédiatement, ces actes sont soumis au
Conseil avant toute autre chose. Une fois qu'ils sont adoptés
dans leur première teneur ou moyennant les rectifications né-
cessaires, on les transcrit sur le registre des jugements, où ils
sont signés par les membres qui ont assisté à la délibération ou
au verdict. On dresse de ces actes une copie absolument sem-
blable, marquée du sceau du Conseil, signée par le président
et le secrétaire et contenant la transcription des autres signa-
tures du registre, puis on l'envoie au Patriarche pour qu'il
donne suite à l'exécution de la sentence.
Art. 18. Du président. — Le président du Conseil annonce
l'ouverture et la clôture des séances ; il donne la parole à qui
la demande, dirige les débats, met les questions aux voix,
signe les procès-verbaux avec les autres membres. Quand il
se présente quelque affaire grave et urgente, il convoque le
Conseil, avec l'assentiment du Patriarche, en séance extraor-
dinaire.
RKflLEMENTS GÉNÉRAUX DK l/ÉGLISK MllTIIODOXI': EN TLI{<jrii:. 230
Art. 10. Des membres. — Tout membre du Conseil doit
assister régulièrement aux séances. S'il lui arrive d'en êti-c
empcclié, il doit en donner avis d'avance, et faire connaître le
motif de son absence. On mentionne cette particularité dans
le procès-verbal du jour. Si l'absence d'un membre se pro-
longe au delà d'un mois, on applique les dispositions indiquées
dans l'article 12 du règlement sur la composition du Conseil
National Mixte.
Art. 20. — En entrant au Conseil, les membres inscrivent
leur nom, de leur propre main, sur un registre ouvert à cet
effet.
Art. 21. — La démission donnée par un membre est soumise
au Conseil, qui décide s'il y a lieu, d'après les motifs allégués,
de la recevoir ou non, suivant les dispositions des articles 0 et
10 du règlement sur la composition du Conseil. Dans les deux
cas, la décision du Conseil est transmise sans retard et par
écrit à S. S. le Patriarche et au membre démissionnaire.
Art. 22. — Les demandes de permission pour partir en
voyage sont également soumises au Conseil ; celui-ci prend une
décision, suivant l'article 11 de son règlement, et la transmet
sans retard au Patriarche et à celui qui désire partir.
Art. 23. Du secrétaire. — Le premier secrétaire a la
direction du bureau. Quand le Conseil tient une séance géné-
rale, c'est lui qui est chargé du procès-verbal, dont il donne
lecture au début de la séance suivante. Il le signe après le prési-
dent et les autres membres. En outre, il rédige l'ordre du jour
qu'il présente au président, veille à la confection des actes et
autres documents indiqués par le procès-verbal et à leur signi-
fication aux personnes intéressées. Il est chargé du proto-
cole et de sa rédaction, suivant l'article 2 du règlement sur
les devoirs des membres, et entretient dans les archives du
Conseil l'ordre nécessaire. Il note sur toutes les pièces, péti-
tions, rapports, adressés au Conseil, la date de leur réception,
et les communique au président. Celui-ci les ouvre et, après
en avoir pris connaissance, les retourne au secrétaire, qui
rédige un rapport à ce sujet et le soumet au Conseil, en y
joignant une ébauche des choses essentielles à répondre. Enfin,
il gère la subvention, votée par le Conseil, pour couvrir les
frais du bureau.
240 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
Quand le Conseil tient une séance judiciaire, le secrétaire
remplit toutes les fonctions, exerce tous les droits que lui
confie et octroie la constitution sur la procédure en vigueur
au sein du Conseil National Mixte Permanent.
Art. 24. — Outre les fonctions qui précèdent, le secrétaire
exerce encore celles de notaire. En cette qualité, il rédige, dans
les formes usitées, tous les actes auxquels les contractants
doivent ou veulent donner la valeur d'un document officiel.
Avec l'assentiment du Conseil et l'autorisation écrite du prési-
dent, il délivre des copies des originaux dont il a la garde. Il
légalise les signatures et constate la date des actes sous seing
privé, suivant le règlement qui sera publié à ce sujet.
Art. 25. — Le bureau sera constitué de telle sorte qu'on y
puisse traduire les actes nécessaires en turc, en français et en
bulgare.
Art. 26. — Un règlement spécial fixera ultérieurement les
formalités relatives aux testaments, et la taxe des droits d'écri-
ture à percevoir au profit du Trésor national (1).
Art. 27. — Le bureau devra avoir, pour tous ces actes ,
un répertoire notarial, où ils seront enregistrés chaque jour
sous un numéro d'ordre; on notera en même temps sur l'ori-
ginal les actes de toute espèce se référant au ressort notarial
du bureau.
Art. 28. — Tous les livres, tous les registres du bureau
doivent être numérotés, et porter, à la première et à la dernière
page, le sceau du Conseil et la signature du président.
Art. 29. — Les employés du Conseil , de même que ses
membres, doivent observer la discrétion nécessaire sur toutes
les délibérations et décisions de l'Assemblée.
Art. 30. Du caissier. — Le caissier a pour fonction de
tenir en ordre les comptes du Conseil Mixte, et d'en dresser
tous les ans le budget avec l'exposé des motifs. Il enregistre et
contresigne les mandats de paiement délivrés par le secrétaire,
à la suite des décisions du Conseil ; en un mot, il s'occupe de
tout ce qui a rapport à la comptabilité du Conseil, conformé-
ment à ses instructions sur chaque matière.
Art. 31. — Le Conseil correspond directement avec le Pa-
triarche et le S. -Synode par son président ordinaire ou l'un de
ses membres. [Suivent les signatures.)
RÈGLEMENT.^ OKNKRALX DK l/KliLISK m|;t||( »|)0\K EN TL'IUjI. IK. 211
Los divers règlements qu'on vient de lire indiquent trop clai-
rement les attributions du Conseil Mixte, pour qu'il soit néces-
saire d'insister davange sur ce point. Parmi ces attributions, il
est vrai, il en est plusieurs qui ont été modifiées par la circulaire
vizirielle du 22 janvier 1891, sur laquelle nous aurons à revenir
plus tard, à cause de son extrême importanre. C'est cette pièce
qui mit fin à la grosse question, longtemps pendante, des
privilèges civils du Patriarcat; en donnant satisfaction à ce
dernier sur différents points, la Sublime l'orte a du même coup
confirmé les pouvoirs du Conseil Mixte, et c'est désormais
entre les mains de cette assemblée que reposent tous les grands
intérêts de la nation, les meilleures garanties de son avenir.
Le S. -Synode, qui avait, durant plusieurs siècles, détenu le
pouvoir, ne possède plus maintenant qu'une autorité très
amoindrie, et n'intervient que dans les questions purement
religieuses; il utilise souvent ses loisirs forcés à organiser de
petites coteries dont l'infaillible résultat est un changement de
Patriarche.
VI. — LES MÉTROPOLITAINS.
Les deux assemblées dont nous avons parlé jusqu'ici, !<■
S. -Synode et le Conseil Mixte, s'appellent, d'un nom collectif,
les Deux Corps, -y. \Jo ^-coy-a^a; à elles seules, elles forment
toute l'Église dirigeante, réunissant le triple pouvoir législatif,
judiciaire et exécutif. C'est d'elles que relèvent tous les titulaires
de l'Église orthodoxe, à tous les degrés de la hiérarchie, depuis
le Patriarche jusqu'au dernier higoumène du plus pauvre
monastère. Les métropolitains, en dépit des apparences, sont
entièrement à la discrétion de l'une ou l'autre de ces assem-
blées; elles ont si bien absorbé les prérogatives et les droits
réels attribués par les anciens canons à cette dignité, que le
nom de métropolitain n'est le plus souvent qu'un titre d'hon-
neur, tout comme celui d'exarque. A cet égard, rien n'est
instructif comme l'examen du règlement qui régit les hautes
prélatures orthodoxes. Le voici dans toute sa teneur.
242 REVUE DE l'orient CHRETIEN.
RÈGLEMENT SUR LES CONDITIONS REQUISES POUR ÊTRE ÉLIGIBLE A
L'ÉPISCOPAT, et sur le MODE D'ÉLECTION DES ÉVÈQUES (1).
j^^-Y^ l^\ — Tout candidat à l'épiscopat doit : P être, par
sa naissance, sujet de l'empire et avoir toujours eu une con-
duite irréprochable envers le gouvernement comme envers la
nation; 2° présenter des certificats de bonne conduite, émanant
des personnes au milieu desquelles il a vécu avant d'avoir été
attaché au patriarcat ou à quelque évêché; 3° avoir l'intégrité
corporelle et l'âge requis par les canons de l'Église; 4° s'être
fait connaître de l'Église par les fonctions qu'il aura fidèlement
remplies pendant cinq ans parmi les ecclésiastiques attachés
au patriarcat ou à quelque évêché, pour y acquérir une con-
naissance suffisante des affaires ecclésiastiques et l'expérience
qu'exige l'administration d'un diocèse ; 5° savoir, en dehors du
grec, le turc ou le slave, suivant le diocèse pour lequel il sera
désigné.
Art. 2. — Seront désormais éligibles à un évêché tous ceux
qui auront un diplôme constatant qu'ils ont achevé leurs études
de théologie- orthodoxe , ou encore ceux qui, sans avoir un
diplôme de ce genre, n'en sont pas moins honnêtes et vertueux
et possèdent une connaissance complète de la religion. Ceux
de ces candidats qui ont fait leurs études à l'étranger doivent,
à leur retour, avoir une conférence avec les professeurs de
l'École théologique de la capitale et en obtenir un certificat
d'aptitude. Quant aux autres qui n'ont pas de diplôme, ils subi-
ront un examen à l'École théologique pour obtenir, en bonne
règle, cette pièce; s'ils réussissent à l'avoir, ils pourront compter
parmi les candidats, mais non dans le cas contraire.
Art. 3. — On regarde aussi comme éligible, même sans
qu'il soit resté pendant cinq ans attaché au patriarcat ou à quel-
que évêché, tout sujet connu de l'Église qui jouit de la consi-
dération publique pour sa vertu et sa science; mais il devra
d'abord subir les examens, suivant l'article précédent.
(1) On fera connaître ces diverses taxes dans une étude ultérieure sur les linances
de l'Église orthodoxe.
(2) Cf. Fevtxol xavovt(T[xoî, p. 11-18. — Nicolaïdès, 'OÔwjjLavixot Kcôotxcç, tome 3,
Constantinople, 1890), p. 2758 2763.
RÈGLEMENTS (lÉXÉRAUX DE l/ÉdLISE OliTIKU.oXE EX Tl IJQUIE. 243
Art. 4. — Le choix et la nomination d'un évoque à un siège
vacant résultent du vote ctde la reconnaissance du Saint-Synude,
suivant l'usage en vigueur dans l'Église ab anlliiao. Dans ce
but le Saint-Synode, sous l'impulsion et avec l'autorisation du
Patriarche, dresse une liste de tous ceux qui ont les qualités
requises. Quand un siège devient vacant, il choisit, parmi ces
aspirants, trois candidats, en ayant soin de toujours préférer,
entre des sujets doués d'égales qualités, ceux qui ont exercé
plus longtemps et plus fidèlement leurs fonctions ecclésiasti-
ques; après quoi il se rend à l'église où, après avoir célébré la
fonction sacrée, il nomme définitivement, encore au scrutin se-
cret, l'un des trois candidats. Si les suffrages sont égaux, c'est
la voix du Patriarche qui l'emporte.
Art. 5. — Quand un évêque vient à mourir, le Synode ne
doit pas procéder à la nomination de son successeur avant d'a-
voir reçu la notification officielle du décès, signée par le clergé
et les laïques du lieu.
Art. 6. — Suivant les prescriptions des saints canons de
l'Église, tout évêque, comme le Patriarche lui-même, occupe
son siège pour la vie, à moins qu'il ne commette des actes exi-
geant sa déposition, d'après les lois de l'empire, par exemple,
la trahison envers l'État, l'injustice et l'oppression à l'égard des
habitants, et autres crimes semblables. En conséquence, les
translations d'un siège à un autre sont désormais interdites,
à moins d'une raison légitime. Voici, par exemple, un diocèse
dont la population ou la position réclame le choix d'un évêque
déjà éprouvé et très expérimenté : en ce cas, suivant une cou-
tume assez rare dans l'Église, mais usitée pourtant dès l'ori-
gine, le Saint-Synode, de concert avec le Patriarche, recherche
parmi les évoques déjà en exercice trois candidats convenables;
puis, se rendant à l'église, il procède à l'opération d'usage (le
vote) et nomme, à la majorité, l'un des trois candidats. On de-
mande à l'élu s'il accepte son changement : refuse-t-il d'aban-
donner le siège qu'il occupe, le Synode s'adresse à l'un des
deux autres candidats. Il n'y a qu'une seule translation de per-
mise; encore ne l'est-elle, nous l'avons dit. que pour île très
graves raisons (1).
(1) En fait, cet article n'est pas appliqué; il y a autant de translations qu'il
plaît au Synode d'en accorder ; on reviendra ailleurs sur cette intéressante question.
244 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
Art. 7. — Tous les évêques en général ont le devoir, confor-
mément aux canons de FÉglise, de résider dans leur diocèse, de
le visiter à des époques fixes, suivant la coutume établie, et de
veiller aux intérêts spirituels de leurs ouailles sans leur être à
charge. Ils n'ont pas le droit de prendre à leur service des évê-
ques titulaires et de les charger d'expédier leurs propres
affaires, hormis le cas d'extrême vieillesse ou de maladie incu-
rable, ou quand un autre motif plausible, d'ordre religieux ou
politique, oblige de les mander eux-mêmes à Constantinople.
Art. 8. — D'après la teneur de l'article 6, tous les évêques
en exercice sont nommés à vie à leur siège. S'il arrive que les
fidèles d'un diocèse intentent une action contre leur évêque, le
Saint-Synode emploie d'abord, pendant un temps convenable,
toutes les mesures de conciliation; il a recours aux évêques voi-
sins pour ouvrir une enquête et rétablir la paix. Mais si les péti-
tionnaires persistent à réclamer le procès, l'évêque accusé est
mandé à Constantinople. Les griefs allégués sont-ils d'ordre
religieux, la cause ressort seulement du Saint-Synode, suivant
les canons de l'Église; ont-ils au contraire pour objet des ma-
tières d'ordre temporel, le Patriarche, de concert avec le Synode,
nomme une commission, composée des quatre métropolitains
et de quatre laïques du Conseil Mixte. Ceux-ci examinent en-
semble les dépositions des deux parties, formulent leur avis et
adressent par écrit (dans un mazbataj leurs conclusions au Pa-
triarche. Alors on stipule les peines nécessaires, conformément
aux lois de l'empire, et on en réfère à la Sublime Porte. Si le
délit commis par le métropolitain ou l'évêque est un délit
énorme, le Patriarcat commence par dépouiller tout à fait le
coupable du titre spirituel qu'il porte, et on le châtie d'après
les dispositions du code pénal.
Art. 9. — Suivant la loi promulguée par le gouvernement
impérial au sujet des conseils provinciaux, les évêques des pro-
vinces sont tenus d'assister au Conseil du chef-lieu de leur vi-
layet, et d'y remplir ce qu'exige leur fonction. S'ils sont malades
ou absents, ils y délégueront un ecclésiastique; ils désigneront
aussi des ecclésiastiques pour les représenter au conseil des ca-
zas.
Art. 10. — Les évêques ne peuvent pas disposer par testa-
ment de leur fortune personnelle. Quand l'un d'eux vient à
RÈGLEMENTS GENÉRArX DK i/kgMSK OICIIIuDOXK KN TflKjlIi;. 2 I.")
mourir, on commence par pnJlover sur Tlioii-ic de quoi couvrir
les frais des funérailles, des services funèbres et des aumônes.
Le reste de sa fortune mobilière ou innnobilière est divisé en
trois parts égales. La première sert à doter la métropole ou
l'évêché; on l'affecte à l'achat d'immeubles à augmenter succes-
sivement de leurs propres revenus, jusqu'à ce que le produit de
ces derniers soit égal au montant du traitement de Tévèque. Ce
résultat obtenu, les revenus à recueillir de ce premier tiers des
biens épiscopaux seront consacrés, d'une façon analogue, au
profit des établissements publics du diocèse. Le second tiers
appartient aux héritiers du défunt. Quant au dernier tiers, on
en affectera la moitié aux établissements nationaux de bienfai-
sance de Constantinople; l'autre moitié sera employée en acliats
d'immeubles, à titre de dotation en faveur du siège œcuménique,
jusqu'àceque les revenus produits par ces immeubles égalent !<■
montant delà liste civile du Patriarche. Ce qu'on recueillera en-
suite de ce chef servira à acheter des immeubles, dont les reve-
nus seront affectés à l'entretien des établissements de bienfai-
sance que la nation possède dans la capitale. Si. parmi les biens
du défunt, il en est qui proviennent de ses parents par suite d'un
bien établi, le testament qu'il fera de ces biens aura force héritage
et valeur ; mais si ce testament n'existe pas, les biens en question
seront, comme les autres, divisés en trois parts, ainsi <iu'il a
été dit. Les dispositions qui précèdent s'appliquent à la fortune
des prélats de toute classe, depuis le Patriarche jusqu'aux sim-
ples évoques; mais pour leur mise en vigueur, on devra se con-
former aux décrets relatifs aux terres publiques ainsi qu'aux
lois des vakoufs.
Art. 11. — Quand le défunt est un patriarche ou un métro-
politain en disponibilité ou un évêque titulaire, on prélèvera
d'abord sur la fortune laissée par lui la somme nécessaire pour
les funérailles, les aumônes et autres dépenses indispensables:
on la divisera ensuite en trois parts égales, dont Tune sera
abandonnée à ses héritiers légaux, l'autre servira à acheter des
immeubles, pour la dotation, en parties égales, du siège œcumé-
nique et des établissements nationaux de la capitale, la troi-
sième sera attribuée aux établissements publics du pays natal
du défunt.
Art. 12. — La fortune d'un Patriarche décédé sur le siège
246 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
œcuménique sera de même partagée en trois portions égales :
Tune, restant au siège œcuménique, est consacrée à acquérir
des immeubles ; la seconde est laissée aux héritiers légaux ; quant
à la troisième, on en garde encore la moitié pour la dotation du
siège œcuménique; l'autre moitié est affectée aux établisse-
ments publics de la capitale.
Art. 13. — A la mort d'un ecclésiastique en activité de ser-
vice, quatre des plus notables orthodoxes du voisinage et quatre
ecclésiastiques ont soin de dresser un inventaire de sa fortune
et d'}^ apposer les scellés. Ils préviennent ensuite le Patriarche
œcuménique, qui envoie les instructions nécessaires sur les
mesures à prendre. Ces mêmes notables se chargent des obsè-
ques et des services funèbres.
Art. 14. — On dressera dès maintenant un tableau où seront
inscrits tous les clercs éligibles à l'épiscopat, même ceux des
provinces de l'empire, c'est-à-dire tous ceux qui auront les qua-
lités requises pour cela et qui seront mandés par lettres pa-
triarcales. Ensuite, à mesure que d'autres candidats se présen-
teront, on les inscrira sous une date déterminée, suivant l'ar-
rivée des lettres de recommandation. On n'oubliera pas de
mentionner dans ces lettres les qualités personnelles du candi-
dat. Celui-ci devra passer, à l'Ecole théologique, un examen
préalable, suivant l'article ci-dessus formulé au sujet des exa-
mens en théologie.
A l'instar de Constantinople, chaque éparchie possède un Con-
seil Mixte, dont les attributions sont analogues à celles du Con-
seil de la capitale. Toutefois, il n'existe pas pour ces assemblées
provinciales dérèglement uniforme; chaque métropole doit se
conformer aux traditions locales. Il est actuellement question
d'élaborer un règlement applicable à tous les évêchés du Pa-
triarcat; on ne manquera pas, quand ce document aura vu le
jour, d'en donner connaissance au lecteur.
Constantinople.
L. Petit,
des Augustins de l'Assomplion.
LE
SYNODE DE MAR JÉSl VAH
Au mois de décembre 1S07, nous avons eu l'agréable oblig-a-
tion de nous rendre à Rome pour présenter nos hommages et
nos remerciements à Sa Sainteté le pape Léon XIII. Pendant le
trop court séjour que nous avons pu faire dans la \'ille EtiT-
nelle, nous avons cependant eu la satisfaction de travailler
quelque temps au Musée Borgia. Nous avons profité de cette
occasion pour prendre copie du synode tenu par Mar Jésuyab,
patriarche nestorien en Tannée 8 d'Hormizd, c'est-à-dire l'an
588 de notre ère (1). Ce texte contenu dans le manuscrit qui
porte la cote K. VI, 4, avait déjà été signalé par le savant
M. Guidi et décrit sommairement par M. Cersoy dans la
Zeitschrift fur Assyriologie, octobre 1894.
Ce synode nous a paru particulièrement intéressant parce
qu'il donne une idée de l'état de l'Église nestorienne. un siècle
environ avant que la domination musulmane ne vint changer
les conditions de son existence, et nous croyons que pour cette
même raison il intéressera les lecteurs de la Revue de /'Oi-ient
chrétien.
Notre désir eût été de publier le texte avec des caractères
syriaques orientaux, mais la Revue n'a pas encore à sa dispo-
sition cette sorte de caractères et pous avons dû nous servir de
ceux que nous avons fait graver pour la publication de la Pa-
trologie syriaque.
H. Graffin.
(1) Voyez Le Quien, Oriens ChristUtnus, t. II. col. 119. Paris, 1740.
SYNODE DE MAR JESUYAB CATIIOLIGOS
PATRIARCHE d'oRIENT,
ET DES AMIS DE DIEU LES MÉTROPOLITAINS, CHEFS DES PROVINCES,
ET DES VERTUEUX ÉVÉQUES,
CHEFS DES CIRCONSCRIPTIONS DES PROVINCES.
Le commencement de nos présents écrits ecclésiastiques et
synodaux, légaux et canoniques, doit être une action de grâces
continue, pour nous et pour tous, offerte dûment de notre part,
comme de la part des serviteurs de tous, à Dieu, Maître de tout,
qui est le dispensateur de nos biens et le gouverneur de notre
vie, le créateur et le maître de tout ce qui a été et de tout ce
qui se fait, l'organisateur et l'ordonnateur des deux mondes,
c'est-à-dire : de ce monde mortel qui a commencé par la créa-
tion et qui finira puisqu'il n'a qu'un temps; et de cet autre
monde immortel qui est au-dessus de la mesure des temps,
celui qui a eu un commencement créé, mais qui n'étant pas
périssable n'aura pas de fin, et durera indéfiniment, selon la
volonté de Celui qui ordonne tout, de Celui qui a pourvu aux
mœurs par la lumière de la raison, qui l'a soutenue, fortifiée
et embellie, par l'établissement de lois et d'ordonnances di-
gnes d'elle.
C'est encore lui qui par la puissance de son commandement
nous a amenés, nous, adorateurs de Sa Seigneurie, et les chefs
de ses troupeaux, à nous réunir en ce siècle en son nom pour
les mettre en ordre et organiser les parties de son troupeau.
Nous affermirons ainsi les premiers principes institués divine-
ment par les maîtres de vérité, nous ajouterons les desiderata
nécessairement utiles aux disciples de vérité, nous examine-
rons les défauts, de sorte que le tout forme un sacrifice de ré-
conciliation à l'égard de Dieu et un remède bienfaisant pour
ses serviteurs. Il a plu à sa sollicitude de se retourner vers
nous avec miséricorde en visitant la terre dans nos jours et
dans notre temps plein d'angoisse, car, pour la paix de l'uni-
vers entier et pour la joie de ses habitants et par ses mains et
SVNODK KK MAIi JKSCVAI! . 210
par ses ordres puissants et excellents et sages, il a montré la
richesse de sa clémence incommensurable, en suscitant do
la famille célèbre du royaume glorieux un excellent maître,
héros et vainqueur, ami de la paix, ami des hommes, sei-
gneur perpétuel, Ilormizd, le roi des rois. Et ce Seigneur
excellent et victorieux, le roi des rois, par une pensée méié-e
de l'amour de Dieu et de l'amour des hommes et riche «l'une
étonnante sagesse, a orné son royaume et fait dos terres de
son gouvernement une demeure nuptiale procurant la joie du
cœur à ses habitants, et il en a arraché les vices comme autant
d'épines nuisibles et d'amères ivraies. Il y a planté des bien-
faits comme des arbres fruitiers, et comme un grain excellent
en peu de temps il a ressuscité le territoire de son royaume de
la mortalité des mauvaises actions et l'a rempli de la richesse
durable des bonnes actions. De plus, il a montré l'élan de sa
miséricorde et l'abondance de sa charité envers notre peuple
chrétien, serviteurs et soumis à Sa Seigneurie, et nous tous
dans une pensée sincère et exempte de perfidie et de fraude et
comme serviteurs et obligés de Sa Seigneurie, nous prions pour
Sa Seigneurie la nuit et 'le jour, afin que sa puissance subsiste
éternellement et que celui qui habite les cieux, le Maître des
rois, soit avec lui en toute chose éternellement, et que les habi-
tants de la terre et que ceux qui résident dans l'univers soient
soumis à Sa Seigneurie pour toujours, selon qu'il plaira à Dieu.
Cette réunion synodale a eu lieu en l'an 8 du règne du
Maître excellent, vainqueur et pacifique et ami des hommes.
Hormizd, le roi des rois (1). Puisse-t-il être conservé comme il l'a
été par la protection céleste dans la joie du cœur et la santé du
corps et l'accomplissement de ses volontés selon la volonté du
Seigneur.
Nous fûmes convoqués canoniquement de la part du chef des
Pères, chefs des administrations de saintes Églises, Mar Jé-
suyab, le catholicos. Patriarche de l'Orient; et nous nous réu-
nîmes et nous nous donnâmes rendez-vous canoniquement,
nous les métropolitains, chefs des provinces, et nous évêques,
chefs des circonscriptions des provinces par l'administration
(1) Cette année correspond à l'année 588 de notre ère. Voyez Assemam. Biblk-
theca OrienlaUs, t. 111, p. 111. Rome, 17-'5.
250 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
céleste selon la tradition respectée clans les Églises depuis un
temps immémorial.
Quant à nous qui par la désignation céleste et par ordre
royal tenons et gouvernons les sièges patriarcaux et apostoli-
ques de nos pères dans ce royaume glorieux, Maître des rois,
nous sommes venus chez le saint chef et père universel Mon-
seigneur le Patriarche, en la quatrième année de sa princi-
pauté, et nous sommes arrivés [devant le siège paternel et
patriarcal constitué catholiquement et affermi paternellement
par Tautorité du Christ, suivant Tordre apostolique dans la
résidence de campagne de Mahoza (1) la capitale du royaume ; et
rassemblés par Tordre céleste, nous avons fermement confiance
qu'est avec nous et nous préside avec une royale autorité, Jésus
notre vivificateur, selon sa promesse envers nous : « Où deux
ou trois sont réunis en mon nom, je suis parmi eux. » Et aus-
sitôt réunis, nous nous sommes disposés immédiatement à être
régénérés les uns par les autres et à être réformés mutuellement
dans un esprit humble, car si Texemple de ces réformes se
répand de chez nous comme de la part des chefs des troupeaux,
nous pourrons faire progresser avec sûreté et honneur les en-
seignements, les lois et les règlements, dans les parties de nos
troupeaux ; de sorte que depuis le sommet de la hiérarchie les
réformes se propageront sans obstacle et atteindront toutes les
parties des parterres du jardin de TÉglise, paradis divin fécondé
par les eaux de la grâce où s'épanouissent les fruits de la récon-
ciliation qui augmentent la justice et couvrent le péché. C'est
dans cette confiance et ce doux espoir qui ne sera pas déçu, que
nous nous sommes réunis , moi le Patriarche et nous les mé-
tropolitains archevêques dont les noms sont inscrits à côté de
nos sceaux et dans nos signatures, par lesquelles se conclut le
présent livre. De réels avantages jailliront de ce livre qui rejette
tout faux préjugé et qui est plein d'intérêt et de soulagement
pour les disciples du Christ, que nous prions d'adopter notre
enseignement et auxquels nous ordonnons, en vertu de la
parole de Notre-Seigneur, d'adhérer avec réflexion et sans
négligence, avec exactitude et sans hésitation, par discipline
et saïis révolte envers Tordre, de repousser loin d'eux les
(1) Voyez sur cette ville Assemam, Bibliotheca Orientalis, t. lY, p. dcclxi.
SYMiDrO ])K MAU .IKSrVAIi. 251
souillures et les taches qui offensent et qui rendent coupables,
de garder le sacrement du bain de leur sanctification d'une
manière convenable et inimacui('e jusqu'au dernier soupir,
jusqu'au jour du Christ; car c'est par de tels sacrifices que
l'homme plait à Dieu, selon qu'il est écrit. Il nous faut, en
effet, affermir deux choses entre nous, à savoir la détermina-
tion de la vraie Foi et les définitions des lois qui conduisent
à la vertu, suivant l'évangélisation faite par l'intermédiaire
des Apôtres et suivant cette doctrine enseignée par les Pères,
qui , après avoir commencé à Jérusalem , en vertu de la pro-
messe de Notre-Seigneur, en peu de temps se répandit comme
avec les aileà de l'esprit, remplit la terre jusqu'aux confins
de l'univers, prit racine de manière à résister à toute extirpa-
tion et étendit ses rameaux par un miracle continu dans les
nombreuses^ parties du monde pour le témoignage de toutes
les nations, selon qu'il est écrit.
CANON PREMIER (I)
Il convient donc de placer et d'établir en tête de ces canons
la Foi véritable : car elle est, pour ainsi dire, le principe de
tous les degrés de la crainte de Dieu, l'ornement et l'éclat de
toutes les formes des beautés de la justice; c'est elle que Notre-
Seigneur a prêchée d'abord et transmise par les douze dis-
ciples à tous ceux qui furent évangélisés et devinrent les dis-
ciples de son Évangile ; c'est elle que prêchèrent et enseignèrent
complètement et sans amoindrissement les premiers Pères
dans leurs monastères; c'est elle que dans des expressions
parfaites, dans des réponses condensées, ont exprimée, ensei-
gnée et écrite ou envoyée aux Églises de toutes les contrées
les trois cent dix-huit saints Pères réunis à Xicée et les cent
cinquante réunis à Byrance sur la résurrection des morts et
sur la vie nouvelle dans le monde futur.
Et après avoir ainsi prêché la vérité avec magnificence et
intégrité, ils sont repartis de ce même point pour anathéma-
(1) Le texte syriaque donne ici Le mot chapitre, au lieu du mot canon que Ton
trouve sous tous les numéros suivants : ce doit être une erreur du copiste, à
moins cependant qu'il n'y ait quelque chose d'omis dans la copie du Musée
Borgia.
252 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
liser Arius et les enfants de son erreur, à savoir ceux qui disent
qu'il y eut un moment où II n'était pas, qu'avant de naître II
n'était pas, ou qu'il est né de rien, ou qui disent qu'il est d'une
autre personne et d'une autre essence, ou qui pensent que
Lui, le Hls de Dieu, est changeant et variable : ceux-là, l'Église
catholique-et apostolique les excommunie.
Puis des hérétiques, dans leur entêtement, ont osé attribuer
à la nature et à la personne Divine et humaine et à l'essence du
Verbe les propriétés et les souffrances de la nature de l'huma-
nité du Christ; propriétés qui parfois, à cause de la parfaite unité
entre l'humanité du Christ et sa Divinité, ont été attribuées à
Dieu providentiellement et non naturellement. Telle est la Foi
des Pères par laquelle sont réduits au silence le paganisme, le
judaïsme et l'hérésie, de laquelle se glorifie et s'honore le
christianisme : et quiconque ne se conforme pas à ces dogmes,
se fait du tort à lui-même et méconnaît la vérité.
CANON II
Apologie des écrits et de la doctrine de saint Théodore et
réfutation des hérésiarques qui ont répandu une fausse nou-
velle.
Après la vérité de la Foi, il convient à présent de parler,
des docteurs et des prédicateurs de la vérité. Nous nous éten-
drons donc nécessairement maintenant sur l'un d'eux, dé-
terminés par les circonstances ; c'est-à-dire sur saint Théodore
exégète, qui était dans le pays de Cilicie, évêque de la ville de
Mopsueste; lui qui vécut une vie honnête et pénible, s'illustra
pendant quarante-cinq ans dans la dignité épiscopale, et avec
une judicieuse intelhgence soutenue par la protection de la
grâce, commenta les livres saints et combattit les doctrines
étrangères des cultes de vanités, remplit les archives ecclé-
siastiques d'un brillant trésor de doctrines et de commentaires
spirituels pour le soulagement et l'édification des lecteurs et
jdes auditeurs, et au moyen du sabre spirituel qu'est la parole
de Dieu combattit contre les trompeurs qui comme des chefs
de l'erreur ont répandu des doctrines contre la vérité : son
enseignement est confirmé par les beautés de sa vertu, et sa
vertu est scellée par son attachement à la vérité. Notre-Sei-
SVNUDH I)H MAH .IKSI VAIi. 2r>3
gneur a témoigné en sa faveur par les miracles et les secours
qui provinrent de son intercession. Pendant sa vie, en elïet,
il brillait parmi les docteurs de vérité, et après sa mort, son
nom fut aimé et sa mémoire se répandit dans toutes les Églises
de Dieu. Les écrits et les commentaires du Saint sont recher-
chés et vénérés par tous ceux dont la foi est droite et qui
n'ont point fait d'avances à Terreur. Car ses commentaires et
ses enseignements ont conservé la vérité de la Foi apostolique
selon l'indication faite par les prophètes et selon la prédi-
cation faite par les apôtres (1).
Ainsi le bienheureux Jean Chrysostome lui-même, tandis
qu'il était injustement conduit en exil et que déjà il était près
de partir vers Notre-Seigneur qui allait couronner ses com-
bats , rappela ce commentateur comme un docteur de vérité et
lui écrivit une lettre dans un moment d'angoisse en lui disant :
« Nous nous souvenons certes de ton amour ardent, correct
et sans tache, et nous nous réjouissons de ce que tu es un tré-
sor de l'Église établi dans le pays de Cilicie. »
Mais Satan, cet ennemi de la vérité, voyant ces choses, en
fut irrité (2) et fit répandre contre lui, par des hérétiques, de
faux bruits de mensonge; il en trompa beaucoup et les disposa
par son fiel à rejeter les enseignements divins de ce Do<-teur de
l'Église. De plus, même maintenant, devant le concile des
Pères il a été dit qu'en ce temps-ci, certes, il s'est trouvé des
hommes qui portent le nom d'orthodoxes et qui ne sont par
leur effronterie que des perturljateurs de l'orthodoxie , des doc-
trines et de la tradition de l'Église. Ils combattent par une
opposition acharnée, mais impuissante, l'énergie puissante de
la doctrine de la vérité, celle qui est amassée et exposée sous
la protection de la grâce dans les écrits et les traditions de
l'exégète, et avec d'autres choses que, dans leur divagation,
ils ajoutent contre lui.
Ils attaquent aussi la traduction que l'Exégète a faite sous
l'inspiration de l'Esprit du livre du bienheureux Job, en di-
sant que ce livre est écrit avec sophisme et arrogance, par
quelqu'un des sophistes qui n'ont point cure de la vérité.
(1) Le texte sjriaque donne ici le mot j^rophèle, mais c"cst évidemment une
erreur du copiste.
2. Leg. >*.^h;.
ORIENT CIIRÉTIF.N. 18
254 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
mais qui s'efforcent de répandre des histoires en des inno-
vations pétries de rêveries étrangères au droit même ; par une
lecture attentive, il deviendrait vrai et évident à tous ceux qui
comprennent bien que, à part une petite partie, ce livre est
rempli de mots vides qui aboutissent au blasphème et au men-
songe; ils ont osé même dire que le livre du bienheureux Jol)
n'a pas été écrit par Moïse et ont accepté avec complaisance
cette divagation, afin qu'il y eût lieu pour eux d'insulter tous
les maîtres. L'homme qui a été certes dans sa vie et même
après sa mort l'inspirateur de sagesse aux enfants de la grâce
est maintenant livré à la discussion des muets et des effron-
tés, qui sont autant de sangsues et de grillons dans les en-
coignures et les trous de la démence, comme les Juifs contre
Notre-Seigneur.
Or nous déclarons, suivant la parole toute-puissante de Dieu
et qui renferme toute hauteur et profondeur, que nul dans la
hiérarchie ecclésiastique n'est autorisé secrètement ou ouverte-
ment à insulter ce Docteur ecclésiastique, ni à attaquer ses
saints écrits, ni à accepter cette autre interprétation étrangère
à la vérité, à savoir qu'il a traduit, disent-ils, en homme ai-
mant le mensonge, qui préfère l'ornement de mots étrangers
à la vérité, comme les courtisanes qui aiment la vile parure.
Et celui qui osera, secrètement ou ouvertement, s'opposer à
ce que nous venons de dire ci-dessus et d'écrire, sera excom-
munié et étranger à toutes les réunions ecclésiastiques jus-
qu'au moment où, revenant à sa raison, il redeviendra le
disciple sincère des maîtres contre lesquels s'exerçait la sot-
tise de ses paroles.
{La suite au pivchain numéro.)
SYNODE DK MAR .II'SUVAF!. 255
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256 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
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260 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
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.^I^i^ a^^ûi; Jo Mp'i vî^^î ^-^-/ ybo^s^ ^^b.
Of.^ ^^ )oo( s:xJ>V-co |^9aL_m.3JJ <^ r> / > v ^ jooi '^^tïoo
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262 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
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(1) Leg. .^v»-v
{1m suite au prochain numéro. )
FRAGMENT
D'UNE VERSION G01>TE
DE L'APOCALYPSE DE SAINT JEAN.
Le manuscrit que nous publions ici fait partie des collections
du Musée du Louvre, où il est catalogué sous le numéro 1: il
avait appartenu à Dévéria, qui l'a laissé au Musée avec d'autres
fragments de manuscrits coptes relatifs à la vie des saints.
Ce fragment, écrit en copte thébain, peut appartenir au
iv' siècle après, Jésus-Christ; c'est un des rares monuments
coptes que nous possédions de cette époque : cette date en fait
son principal intérêt. Le texte, écrit en une écriture de très
beau type, est très bien conservé. Quelques caractères seuls
manquent, mais ils se rétablissent sans aucune difficulté; nous
avons mis ces lettres entre crochets.
Le texte commence au chapitre III, verset i, correspondant
à la page 289 du manuscrit, et se termine au chapitre \l, ver-
set 5, page 296 du manuscrit. Les changements de paragra-
phes sont indiqués par une lettre onciale dans laquelle quel-
quefois se trouve à l'intérieur une deuxième lettre; l'ensemble
du groupe est lui-même accompagné du signe "S ; enfin un tiret
précède chaque verset.
Il nous suffit de donner le texte de ce manuscrit avec la
traduction, et nous laissons à d'autres plus autorisés que nous
le soin d'en faire le commentaire.
Jean Clédat.
264 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
CHAPITRE III
Les versets I, 2, 3 manquent , le texte ne commence qu'au
verset 4.
4. • — .Mais tu as une poignée d'hommes dans Sardes qui
n'ont point souillé leurs vêtements. Et ils marcheront avec
moi dans des vêtements blancs, parce qu'ils sont dignes.
5. — Celui qui sera victorieux sera vêtu semblablement de
vêtements blancs, et je ne ferai point détruire son nom du livre
de la vie , et je confesserai son nom devant mon Père et devant
ses anges.
6. — Celui qui a une oreille, qu'il entende, à savoir : les
choses que dit l'Esprit aux Eglises.
7. — Écris à l'ange de l'Église de Philadelphie, à savoir : ces
choses, les choses que le Saint a dites : « Le véritable, celui qui
a la clef de David, s'il ouvre, personne ne peut fermer, et s'il
ferme, personne ne peut ouvrir. »
8. — Je connais tes œuvres. J'ai placé (donné) devant toi une
porte ouverte que personne ne peut fermer, parce que ta force
est petite , et tu as gardé mes paroles , sans que tu renonces à
mon nom.
9. — J'ai placé (donné) quelques-uns hors la Synagogue de
Satan, de ceux qui disent, à savoir : Nous sommes des Juifs,
que des (Juifs): ils ne le sont point, mais ils mentent. Voici
que je les ferai aller, en sorte qu'ils adorent à tes pieds, et tu
connais que je t'aime.
10. — Parce que tu as gardé la parole de ma patience, et moi
aussi je te conserverai hors de l'heure de la tentation qui vient
d'en haut sur la terre entière pour éprouver ceux qui habitent
sur la terre.
11. — Je viens vite. Garde ce que tu as dans la main , en sorte
que personne ne prenne ta couronne.
12. — Celui qui aura vaincu, je ferai de lui une colonne dans
le temple de mon Dieu, en sorte qu'il n'en sorte pas encore; et
j'écrirai au-dessus de lui le nom de mon Dieu , et le nom de la
FRA(;.Mi:\T D UNE VKIISIOX COF'TK DrO |/aI'(»(AI,M'SF:. 2^]7)
ville de mon Dieu, la Jérusalem nouvelle qui vient «lu ciel
d'auprès de mon Dieu, et mon nom nouveau.
13. — Celui qui a une oreille là, entende ce que TKsprit dit,
à savoir : aux Eglises.
11. — Écris à range de l'Eglise qui est dans Laodicée, à sa-
voir : ces choses, les (choses) qu'il a dites, à savoir : Amen, le
témoin fidèle , véritable , le commencement de la création de
Dieu,
15. — Je connais tes œuvres, à savoir : tu n'es point froid,
tu n'es point chaud ; il est bon (préférable) que tu aies froid ou
que tu aies chaud.
16. — Parce que tu es une eau tiède, tu n'es point froid, tu
n'es point chaud ; je te vomirai hors de ma bouche.
17. — Parce que tu dis, à savoir : « Je suis riche, et je puis
faire riche, et je n'ai besoin de rien, » tu ne connais pas. à sa-
voir : que tu es malheureux, misérable et pauvre et aveugle, lu
es nu.
18. — Je te conseille d'acheter de l'or de ma main, purifié
dans le feu, en sorte que tu sois riche; et des vêtemeats blancs,
à savoir : tu les revêtiras, afin que ne se manifeste pas au dehors
la honte de ta nudité, et un collyre pour tes yeux, afin que tu
me voies.
19. — Ceux que j'aime, je les éprouve, afin de les instruire;
aie du zèle encore et que tu fasses pénitence.
20. — Me voici devant la porte, et je frappe. Si quelqu'un en-
tend ma voix, il ouvre la porte. J'entrerai vers lui, afin de
manger avec lui, et lui avec moi.
21. — Celui qui sera vainqueur, je ferai en sorte qu"il soit
assis près de moi sur mon trône; comme moi-même j'ai été
vainqueur, et je suis assis près de mon Père sur son trône.
22. — Que celui quia une oreille là, qu'il entende, à savoir :
les choses que dit l'Esprit aux Églises.
CHAPITRE IV
1. — Après cela, j'ai vu une porte qui ouvre dans le ciel_; et la
première voix que j'ai entendue était comme une trompette qui
266 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
parle, disant, à savoir : « Viens en ce lieu, afin que je t'apprenne
ce qui arrivera après ces choses. »
2. — Je fus en l'ICsprit, et voici qu'un trône fût placé dans
le ciel, quelqu'un était assis sur le trône.
3. — Et celui qui est assis est semblable à la vision d'une
pierre de jaspe et de sardoine; une lumière environnait le
trône, qui est semblable à une émeraude.
4. — Et autour du trône, il y avait vingt-quatre trônes;
vingt-quatre prêtres sont assis sur les trônes. Ils sont revêtus
de vêtements blancs; des couronnes d'or sont sur leurs têtes.
5. — Et sortaient des trônes des éclairs et des voix et des
tonnerres. Il y avait sept lampes ardentes brûlant devant le
trône, lesquelles sont les p]sprits de Dieu.
G. — Et devant le trône je vois une mer de verre qui est
semblable à un cristal, et au milieu du trône et autour je vois
quatre animaux pleins d'yeux devant et derrière.
7. — Le premier animal est semblable à un lion; le deuxième
animal est semblable à un veau; le troisième animal a la
figure humaine; le quatrième animal est semblable à un aigle
qui vole.
8. — Et les quatre animaux avaient chacun six ailes depuis
leurs griffes; autour d'eux, à leur intérieur (ils étaient) pleins
d'yeux, et ils ne cessaient point de dire le jour et la nuit : « Est
Saint, est Saint, est Saint le Seigneur Dieu, le Tout-Puissant
qui est, et qui était, et qui viendra. »
9. — Et quand les animaux donnaient la gloire, et l'hon-
neur, et la reconnaissance à celui qui est assis sur le trône, qui
vit jusqu'aux siècles des siècles,
10. — Les vingt-quatre prêtres se prosternaient en face de
celui qui est assis sur le trône, en sorte qu'ils adoraient celui
qui vit jusqu'aux siècles des siècles, et en sorte qu'ils jetaient
leurs couronnes en face du trône, en disant, à savoir :
11. — « Tu es digne, Seigneur Dieu, de recevoir la gloire et
l'honneur, et la puissance, car tu as créé toutes choses, et elles
sont, et elles étaient à cause de ta volonté. »
FRAGMENT d'uXE VERSION ropTK KK i/aI>OCALYI'SE. 207
CHAPITRE V
1. — Et j'ai vu un livre clans la main dniite de celui qui est
assis sur le trône, étant écrit devant et derrière, étant scellé de
sept sceaux.
2. — Et j'ai vu un ange puissant, criant avec une' grande
voix, à savoir : « Qui est digne d'ouvrir le livre et de le délier
de ses sceaux? n
3. — Et personne ne fut capable ni dans le ciel, ni sur la
terre, ni sous la terre, d'ouvrir le livre, ou bien de regarder
vers lui.
4. — Et je me lamentai beaucoup, parce qu'il ne s'était
trouvé personne qui fût digne d'ouvrir le livre ou de regarder
vers lui.
5. — Un des vieillards me dit, à savoir : « Ne te lamente
pas. Voici celui qui a vaincu le lion de la tribu de Juda, la ra-
cine de David, en sorte qu'il ouvre le livre et ses sept sceaux. »
(3. — Et j'ai vu au milieu du trône et des quatre animaux,
et au milieu des prêtres, un agneau deliout comme s'il avait été
immolé (comme qui a été immolé), ayant sept cornes, et sept
yeux qui sont les sept Esprits de Dieu, qui sont envoyés eux-
mêmes sur la terre tout entière.
7. — Et il vint, il prit le livre de la main droite de celui
qui est assis sur le trône.
8. — Et lorsqu'il l'eut pris, les quatre animaux se prosternè-
rent, et les vingt-quatre prêtres en face de l'Agneau, une cithare
auprès de chacun, et des coupes en or pleines d'arômes qui
sont les prières des saints.
9. — Et ils chantaient (m. à. m. ils disaient) un cantique
nouveau en disant, à savoir : « Tu es digne de recevoir le livre
et d'ouvrir les sceaux, parce que tu as été immolé et tu nous as
achetés pour notre Dieu, par ton sang, de toute tribu, et lan-
gue et peuple et nation.
10. — Et tu as fait de nous une royauté pour notre Dieu, et
des prêtres, et ils régneront sur la terre. »
11. — Je voyais et j'entendais comme la voix d'anges nom-
268 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
breux autour du trône, et des prêtres, et des animaux, leur
nombre faisant des myriades de myriades et des mille de mille.
12. — Ils disaient d'une voix forte, à savoir : « Il est digne,
l'ao-neau qui a été immolé, de recevoir la force, la richesse, et
la sagesse, et la puissance, et Thonneur, et la gloire, et la
bénédiction. »
13. — Et toutes créatures qui sont dans le ciel, et sur la terre,
et sous la terre, et dans la mer, et toutes celles qui sont dans
eux, je les ai entendues disant, à savoir : « Bénédiction à celui
qui est assis sur le trône et à lagneau, et l'honneur, et la
gloire, et la force jusqu'aux siècles des siècles. » Et les quatre
animaux disaient, à savoir : « Amen. » Et les prêtres se pro-
sternèrent, ils adorèrent.
CHAPITRE VI
1. — Et je vis, lorsque l'agneau ouvrit l'un des sceaux. J'en-
tendis l'un des quatre animaux comme une voix de tonnerre
dans le ciel, disant, à savoir : « Viens. » Je regardai.
2. — Et voici un cheval blanc. Dans la main de celui qui
le montait était un arc, et ils lui donnaient une couronne; il
sortit victorieux et vainqueur, de sorte qu'il vaincra.
3. — Lorsqu'il ouvrit le second sceau, j'entendis le deuxième
animal disant, à savoir : « Viens. » *
1. — Et il arriva un cheval rouge, et ils donnaient à celui
qui est assis sur lui de dérober la paix de dessus terre, afin qu'ils
s'entre-tuassent; et ils lui donnaient un grand glaive.
5. — Lorsqu'il ouvrit le troisième sceau, j'entendis le troi-
sième (animal).
MANUSCRIT (:01>TE N' 4
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REVUE DE L ORIENT CHRETIEN.
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IIIH;Ï î'jour II
LA GRANDE DOXOLOGIE
ÉTUDE CRITIQUE
§ I
Un des plus anciens textes liturgiques, commun à tous les
rites, est le magnifique cantique que les Grecs nomment Grande
Doxologie — MîYaA-/; lz\zi.z-{\-j. — et que les Latins désignent
simplement par ses premiers mots : Gloria in excelsis.
La première mention que nous ayons de cette pièce litur-
gique est donnée par l'ancien Liber Pontificalis de l'Église ro-
maine; d'après la notice qui y est consacrée au pape saint Téles-
phore, celui-ci en aurait introduit l'usage à Rome, pour la fête
de Noël, à la messe. A cette époque, vers l'an 135, la langue li-
turgique de Rome était encore le grec.
Si nous en croyons d'anciens auteurs ecclésiastiques, l'état
actuel du Gloria serait dû à saint Hilaire de Poitiers (f367), qui
l'aurait composé (ou plus vraisemblablement complété), au re-
tour de son exil en Orient.
Entre ces deux versions, rien d'historique ne se rattache à ce
cantique. Qu'était-il à l'époque de saint Télesphore? qu'est-il
devenu jusqu'à saint Hilaire? Autrement dit, quel était son état
primitif? comment le texte reçu s'est-il formé?
Le texte dont usent, avec de légères variantes, les liturgies
romaine et byzantine nous est donné pour la première fois par
le célèbre Codex Alexandrin, à la suite de la version grecque des
Écritures.
Parallèlement à ce texte, figure celui du livre VII des Consti-
tutions Apostoliques, modifié dans un sens arien (Migne., Pair.
grœc.,l, 1055).
Enfin, un troisième texte plus simple que les précédents,
LA (illANDK DOXOI.OOin.
281
mais se rapprochant de celui des Const. Apost., a été longtemps
en usage dans la liturgie ambrosienne de Mil;m; il a dôi;'i
quelque peu été interpolé à la fin du iV siècle ou au début du V :
nous le verrons par la suite (1).
Rapprocher ces textes, en faire ressortir ce qu'ils ont de rorn-
mun, rechercher, s'il y a lieu, leurs règles de composition litté-
raire, en donner, s'il est possible, une version critique, tel est
le sujet de cette étude.
I
ConslUulions Apostoliques
xal £711 y?j; £Îpr;vvT
EV avopwTCot; suooxia.
Alvoù[i£v as, y[j.voù[JL£v ce,
eO).oYO'j[j.£v Ce, 5o|o).oyoy[i.£v
Ci,
7Cpoa>cuvoij(X£v os,
ôià Tou [lEYotXou àpxiÉpew;,
de TÔv ôvTa ôcôv, àyévvriTov
£va, à[Aitpô(7tTov [idvov,
Sià T/jv [ji£YâXriv ctoù ô6?av.
Kupiï pactXeij, ÈTioypâviî
Beà HaTYip TiavTOvtpâTwp.
^ II. — LK TKXTE.
II
Texlus receptus.
Byz. A6?a iv[Toli;] y4»tTToi;
(■)£W.
Rom. Gloria in oxcolsis
Deo. 1
xal kizi ynz slpYivr)
Et in terra pax
Èv àvôpwitotç £05oy.ia[;] .
hominibtis lïonn' volun-
tatis. 1
"V[AVO'JfA£V (Tî,
Laiulamus te. |
£0).O'^OÙ(X£V «£• TTpOaX'JVO'JfJLîV
(ï£,
Benedicimus te. | Adora-
mus te. I
5o?o).0Y0Ù[i£v <7£" rjy_apt-
(ÎTOÙjlEV doi,
Gloi-ificamus to. j Gratias
agimus tibi,
£ià TYiv (isY*^''!"' <^°"-' Sô^av. ]
propter magnam gloriani
tuam. I
Kûpi£ pauiAEÙ. £:ToypâviE
Donune Deiis, rex cœlestis,
0££, natrip itavToxpdtTwp"
m
Lilurgie ambrosienne.
(iloria in oxcelsis Deo.
<'t in terra pax
iioniinibiis bon;i' volnnta-
tis. i
Laudanuis te, hyniniiui di-
cinius tibi ;
Benedicimus te. glorilica-
nuis [te],
adoramus te: gratias tibi
açinius,
propter magnam gloriani
tuam. I
Domine [Deus] Rex cœle.s-
tis:
(1) Cf. llcvue du Chant Gréf/orien, Grenoble; février et avril 1897, articles du
R""» P. Dom Pothier; décembre 180S. art. de Dom Janssen; Chanls ambrosiens et
grégoriens, édités par le R. P. Mocquereau, Solesmes.
282
REVUE DE L ORIENT CHRETIEN.
Kûpis ô 0£Ô;, ô natrip xoO
XptaTOÙ,
Toû àpiwfJLOU a[Xvoù, oç aipsi
■/.a9»)(j.£voi; cTtl twv yîpoviêetjj,,
"Oti tù cT fAÔvo; "Afio;, crJ
si 1J.ÔV0; K'jpto;
XpKJiô;
lïjaoui;
xoù 0EOÙ 7ràar,ç
ItMCi Yifxwv. Al' OÙ TOt ôo^a,
Ti}i.ïl xat aÉêac [si; toù;
aiwvdcç. 'Aji.i^v.]
Deiis Patei" omnipotons. |
KOpt£ YIÈ [lovoyevè;, 'IviCTOù
Domine Fili unigonite,
Jesii
Xpiaxè, xat "A."ftov Hveùpia. ]
Christe [cum sancto spi-
ritii].
K-jpi£ ô 0ÎÔ;, ô à[Avoç toO
0£OÛ,
[loiiiine Dons, agnus Doi,
ô 'uIô;toù IlaTpo;' ô a'tpwv
Filius Patris. | Qui tollis
Trjv àjAapTÎav toù x6(T(/.ov
poccata mundi.
iïvfiTov ^f-â;, ô a'iptov
miserere nobis. | Qui tollis
xà; àjxapTià; toù xô^jj-ou. |
peecata mundi,
Ilpô<JO£|at Tr)v ôe'riCTtv ïijjlwv,
suscipe deprecationem no-
strani.
ô y.aÔYiiJLcvo; iv Ss^ià xoù
Qui sedes ad dexteram
Ilaxpôi;, xal l/.sYiaov Tjiià;.
Patris, miserere nobis.
"Oxi n\) £1 (j.6voç "Ayio:, où
quoniamtu solus sanctus.|
tl |j.6vo; KOptoç, [cù £1
Tu solus Dominus. | Tu
[xôvoî "r^'icrxo;], 'Iricroù;
solus altissimus, Jesu
Xpt(jx6; [iv 'AYÎto nv£Oti.axt]
Christe. | Cum sancto Spi-
ritu,
£tç ôô|av 0£oîj ïlaxpô;.
in gloria Dei Patris. |
'.4[JIY1V.
Amen.
Deus Pater omnipotens.
Jesu
Christe ; Sancte Spiritus ;
Domine Deus, lilius Pa-
tris. [
Agnus Dei, qui tollis
peecata nuindi,
suscipe deprecationem no-
stram. 1
(Jui sedes ad de.xteram
Patris, miserere nobis;
miserere nobis, subveni
nobis,
dirige nos, conserva nos,
mundanos, pacifica nos. |
Libéra nos ab inimicis, a
tentationibus, ab h;i3reti-
cis, ab arianis, a schisma-
ticis, a barbaris. |
quia tu solus sanctus; tu
solus Dominus, tu solus
Altissimus, Jesu
Cliriste,
in gloria Dei Patris. |
Cum Sancto Spiritu, in
swcula sa^culorum. Amen.
De prime abord, le nM, en dehors des interpolations qui le
LA (iRAXDE DOXOLOdIi;. 283
distinguent des autres, paraît avoir été retouciié par une main
arienne.
Il suffit défaire ressortir la phrase Kjp'.t i (-)e;:. : \\y.-.r,p t;j
XpwTij, qui enlève nominativement au Christ la qualité divine;
le y.aOr,;Asvc; ïrd -rwv y.zpz-jcv.[j.. adressé au Père, au lieu du
Mais, ces passages mis à part, ce texte, rapproché de celui de
Milan, témoigne évidemment d'un usage antérieur à celui du
textus receptus : d'un côté, avec la version arienne; de l'autre,
avec la version catholique. Nous ignorons, il est vrai, si celles
des ariens a été faite sur l'autre, ou si l'ambrosienne est une
correction de celle-là; ce qui est remarquable, c'est que ni dans
l'une, ni dans l'autre, ne se retrouvent les passages caractéris-
tiques des textes actuellement en usage.
Si nous rapprochons ces faits de l'affirmation qui attribue à
saint Hilaire une part prépondérante dans la formation de ce
cantique, nous devons reconnaître et admettre provisoirement :
que le texte de Milan a de fortes chances pour être (à peu de
chose de près) le texte occidental ancien;
Que, dans la seconde moitié du \\° siècle, saint Hilaire au-
rait importé les additions déjà usitées en Orient ;
Que ces additions, dans les textes grecs, ont pu être faites
pour répondre à celle des ariens;
Que le texte primitif d'Orient aurait donc été plus simple, se
rapprochant à la fois de celui de Milan et de celui des Const.
Apost.
Ces deux derniers donnent, dans le même ordre, les formules
de louanges AIvsjij.sv 7t,Lai(cIami(s te, et ce qui suit; tandis que
les autres textes les donnent dans un ordre différent des deux
premiers ainsi qu'entre eux (1). De plus, dans l'une ou l'autre
version du textus receptus, ïxl^cu^^.tv gz, oul'jy.vîjy.sv zi a disparu,
tandis, fait curieux, que le n" I offre une lacunft à ir/ac'.^TCjy.Ev
Momentanément, on pourrait donc admettre que les anciens
textes offraient des formules plus brèves, différemment com-
plétées ici et là. Les points primitifs et principaux auraient été
•calqués sur la vieille formule de glorification :
(1) Cf. Christ., Anlliologia rjrxca, j). oS et .>9, lîoto.
284 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
2Ici r.pir.tt. Qchz:^ —îi Trpizîi u[-;.vsç, azl ob^^x r.pir^ti (1)
AîvoÙlJ.sv Ce. û[j.vcy[XcV es, oc;oacyou[j.£v gz
Plus tard, les autres intercalations seraient apparues rappor-
tant à l'action de grâces le cà tv-* [j.z-(xK-qv go-j côçav, que le n° I
rattache à la glorification, à travers la longue interpolation, oioc
Tcj [j.î-'âXou.
Dans ce qui suit, les invocations au Père sont différemment
ponctuées. C'est peut-être, dans le texte romain, l'intercalation
du mot Deics entre Domine et Rex (elle figure également en
certains mss. milanais) qui a nécessité la modification de la
ponctuation : Domine Deus, Bexcœlestis, Deus Pater omnipo-
tens, au lieu de : Domine rex, cœlestis Deus, Pater omnipo-
tens; nous verrons plus loin quelle est la forme préférable.
L'invocation au Fils ne paraît avoir commencé primitivement
qu'avec le Kùpiz ô Heoç qui précède la mention de l'agneau di-
vin. Les mss. ambrosiens ne donnent en effet que Jesu Christe,
Sancte Spiritus; cette dernière invocation ne figure même que
dans une partie des mss. grecs ou latins, et les deux sont entiè-
rement omises dans les Const. Apost.
L'invocation à l'Esprit-Saint dérange manifestement le sens
de la phrase et la coupe littéraire. Que signifie en effet, dans
le texte III, Jesu Christe; Sancte Spiritus, Domine Deus, Fi-
lius Patris? Et dans le rite byzantin cette mention de l'Esprit-
Saint ne se présente-t-elle pas encore plus mal? Kjpf.s Ylà
;j.cvsYsvèç, 'I-/;aou Xpic7-à, y.ai "Ayicv \\vvj\xy. : Jésus-Christ n'est
cependant pas le Fils unique avec le Saint-Esprit ou le Fils
unique et le Saint-Esprit? Les versions romaines, plus fidèles
au sens du contexte , ont généralement rejeté à la glorification
finale cette mention où elle a parfaitement sa place.
"Oti(7Ù zl [j.ovoç "Ayiîç, etc., correspond, en effet, à une formule
hébraïque bien connue ; et peut être tourné ainsi : A toi seul la
sainteté, à toi seul la domination, ô Jésus-Christ, — avec le
Saint-Esprit, — dans la gloire du Père. De cette façon, les trois
personnes de la Trinité sont commémorées, et certains mss. font
preuve de cette coutume dans le rit byzantin, d'où elle a depuis
disparu.
(1) Const. Apost., "Yu.'joç, éffTTÉptvo;, et pour le texte latin, Te decel hius, la règle
de saint Benoît et les bréviaires monastiques; pour le chant : Liber Responsoria-
lis, p. 42; Libei- Antiplionarius, p. 1023 {Aller Tonus). Édition de Solesraes.
LA <;itA\IM'; iM»\n|,()(,||;. 28.J
Les textes I et III sont unanimes à rejeter l'invocation è/.îr.T:/.
et la répétition de 5 yXpurj, f/iti lof //s.
Dans les Const. Apost. le ! \pb7iz:/y.'. parait se rattacher k ce qui
précède, les mss. latins sont unanimes sur le môme point, tandis
que les grecs le rapportent à ce qui suit, r.pb'jlt'z^'. -.r,y lir,zv, -'çj.wt,
z y.yjyqixzvz: ; nous verrous plus loin que telie paraît être la forme
ancienne.
Les longues invocations que contient ensuite le texte ambro-
sien lui sont absolument particulières, on ne les a point jusqu'ici
rencontrées autre part. iMais elles sont très précieuses en ce ^cns
qu'elles datent approximativement la date de l'interpolation.
Libéra nos ab arianis,... a barbaris, ne peut s'étendre plus
bas que le milieu du v^ siècle et peut remonter très haut dans
le iv° : peut-être dès lors ces supplications seraient-elles dues
à saint Ambroise.
On peut les rapprocher des formules litaniques : -(07:v. ïiA^zzi
Le cantique sacré est terminé par une invocation faite sur un
texte bien connu et qu'il suffit de prendre tel qu'il est :
"Oti (7j zi ;xivcç 'Ayisç, au ti [j.ivoç K'js',;ç. '\r^-zz\iz Xp'.sTbç, sir sirav
(-)scj Wy-plz.
C'est le texte romain qui paraît avoir ajouté le lu soins Alfis-
simus, que l'ambrosien a également adopté et qui figure dans
quelques manuscrits grecs, 7j si ;j.iv:ç "Y'l'.:;-o:.
Le texte ancien de la Grande Doxologie, tel qu'il résulte de
ces rapprochements, serait donc notablement plus court que
celui qui, à la longue, est demeuré seul en usage. Il ne paraît
pas avoir contenu la mention du Saint-Esprit.
Cette mention dans le n° III est rejetée tout à fait à la fin, et
est suivie de Y ùi sa'cula sœculorum, formule absolument isolée
au milieu des autres versions. Toutefois, le texte I otTrait peut-
être une conclusion analogue : aol c;:a. t'.;xy; v.xl Giiy; appelle
directement l';-.; tcjç alwva; qui figure du restée un peu plus
loin à la suite de Vs-jyr, ï-' àp'.jTw (Pair, g/-., I, 1038).
Le chœur, dans ce cas, aurait parfaitement pu terminer le
cantique par la formule s'.; s:;:cv Wssu IlaTpbr, tandis que le prési-
dent aurait continué : ctjv X^U,) nv£j;j.3!T'., -U ':^; a'.wviç twv
a'.wv(.)v. Ch. 'Airr.v, OU tout autre ckpliouèse analogue.
Ce ne serait qu'après cette exclamation qu'auraient été
ORIENT CHRÉTIEN. 20
286 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
chantés les versets tirés des Psaumes qui suivent la Grande
Doxologie partout où elle est usitée dans la liturgie matutinale ;
mais ceci est plutôt du ressort d'une étude liturgique qui sort
du cadre de la présente, où nous nous en tenons à la correction
du texte ecclésiastique, laissant de côté les textes scripturaires
qui le complètent.
§ III, — LA FORME.
Supposons donc momentanément que nous possédions ce texte
primitif de la Grande Doxologie, cherchons-en la forme, les di-
visions, en nous servant, puisqu'il s'agit d'un texte grec, de la
ponctuation qui lui est donnée dans les livres byzantins.
Ao^a £v û'iijToiç t)£0), v.ai 27:1 y/jç elpr^vTi, èv àvfJpoWciç z'joc/.ix' yl-
vcj[j.îv c-£, 6[J.vcU;j.zv gs, ooçoXc\'C\)[j.zv et. oiy. ir^v [j.cyaX'^v crcu Scrav. Kuptô
HactAsu, kr.o'jpâvit Bsè, IlaT'J^p TravTCV.pa-rwp' v.ùpie c ©sic, à àV,vcç
Toû 6î2u, ô Yloç Toli lla-pbç, c aipojv T-rjV â.iJ.y.p'iy.v tcîj 7,6i7[j.ou. YlpoGCZ^y.'.
ty;v 0£"/]aiv r,[uov^ 6 7.a6-(^;j.£voç àv ot'zix tcj IlaTpbç, y.aî èAcr^usv -/jij.àç.
"Oti gj îi [j-svcç; "Avtoç, cù zi [j.ivoç K'jpicç, 'T/jcojç XpiGTOç, s'.ç o6;av
6£;u lIîiTpiç.
Il est facile de se rendre compte que ce cantique est formé de
petites incises quasi égales groupées par trois ou par quatre.
Bien plus, si nous tenons compte de l'usage byzantin qui le par-
tage en sorte de strophes, nous reconnaîtrons que chacune de
ces grandes phrases ou strophes renferme une grande incise
formées de trois petites et une de quatre, dans l'ordre ci-après.
Aô^a Iv G'];((JTOi; ôeôi* xai im Y^iî etpy^vr/ Èv àv6pwTT0i; euooxia.
Alvoïï[i.£V av uavou[ji£v ce* 8o^o)kOYOÛ[/.£v av
Atà Tïiv [i.£YâXy,v cou ooçav.
Kupi£ paaiXsÏÏ- £7T0llpàvi£ 0££* riaTTip TraVTOXpOCTOjp*
Kupi£ ô 0£o;* ô auvo; xoîi 0£ou- ô Vlôç toÙ Ilaipoi;'
0 aiptijv TTiV àp-apTiav tou xo'fffxou.
I.A (iUAMiK iJOXoLOdIK. 287
III
ripoiTûî^ai T71V S£r,(Ttv Yi(xo)V ô xaO-r'fxevoç Iv û£;ta too rTarpô;- y.at eXeV.tov r/xï;.
Oti eu c£ po'voç "Ayto;* ffù Et fxovo<; Kupio;' 'Iricoù; XpiCTo;-
Et; Sd^av 0£ou ria-rpoi;.
Qu'est-ce à dire? Sinon que cette suggestive disposition de
la doxologie ne s'est point laite au hasard. Elle ne peut guère
être que le résultat d'une recherche parfaitement voulue, et la
forme régulière qui en résulte va nous mettre tout à l'heure sur
la voie d'une petite découverte des plus curieuses, là où peut-
être on ne l'aurait point été chercher.
Quant à connaître l'exécution primitive de ce cantique, il
faut chercher ce que l'usage liturgique des diverses églises en
a pu conserver.
Le rit byzantin le fait chanter en grandes strophes alternées
par les deux chœurs; le rit romain ignore ces grandes subdivi-
sions et les deux chœurs alternent tantôt les petites incises,
tantôt les grandes, suivant le sens; le rit ambrosien paraît
réunir les deux usages, les chœurs élevant tour à tour la voix
sur les grandes incises, et se réunissant pour dire celles qui
closent les différentes parties de ce cantique.
Il est possible que cette façon de chanter ait été la ijonne.
Kùpit BacTÙsj, etc., aurait été comme une strophe dite par un
chœur; Kùpiz z 0cbç, l'antistrophe dite par l'autre chœur; et O
a.lpo)v une sorte d'i'fûy.viov réunissant les deux chœurs.
Deux textes empruntés ailleurs ouvrent et ferment le chant
de la Grande Doxologie. En réunissant dans un même diagramme
les cadences finales des autres phrases, immédiatement nous
nous trouvons en présence d'un rythme tonique répété réguliè-
rement à la fin et souvent au milieu de chaque phrase (1 1 :
12 3 4 5
ace. ace.
Ao- Ço- Xo- yOÛ- [JL£V (7£
f/eyi- Xrjv adù 86- çav.
(1) Rythmé d'après les règles données par lo R. P. Boiivy -.Poêles et Mélodies.
288
REVUE DE
L ORIENT
CHRETIEN
£7toupa-
vie(l)
©£-
ï.
naT>,p
TTav-
TO-
xpa-
xojp.
ïto;
TOti
Ila-
Tpot;.
àptapTi-
av
TOÎJ
XOff-
[AOU.
5^V(2)
GtV
•^r
[XtOV.
ÔE^ta
TOÎJ
n«-
TpOÇ.
èU-n- (2)
GOV
■h-
[^aç.
Et quelle est cette cadence rythmique qui se répète 9 fois
sur 14 dans ce texte ecclésiastique? Pas une autre que la cadence
connue seulement jusqu'ici dans les textes latins, et désignée
sous le nom de cursus, modifiée, bien entendu, d'après les
règles de l'accentuation grecque (2).
Non seulement le cantique qui nous occupe est le premier té-
moin de l'emploi du cursus dans la littérature liturgique grecque,
mais encore il est un texte précurseur de la prose syntonique.
Si les différentes parties dont il est formé n'ont point entre
elles les rapports étroits qui règlent les automèles eWe^proso-
moia, elles ont cependant une certaine équivalence, presque une
mesure, résultant en premier lieu de l'emploi des cadences cur-
sives.
Les pièces latines analogues n'ont pas un rythme plus étroit.
« cantus accurati, cantus bene procurati, quos metricos dicere
possumus ; jocene suntmensurabiles; sa^pe ita canimus ut quasi
versus pedibus scandere videamur. » (Aribon, dans Gerbert,
Scriptores.)
Et lorsque saint Hilaire puisa dans la liturgie grecque les
additions au texte ancien, ces additions avaient été réglées à
peu près delà même façon que les incises primitives. La repro-
duction du textus receptus corrigé sur la version donnée plus
haut, sera plus claire que toute explication.
Aô^a £v u'I/t'axoiç 0£to' xat £7:1 Y'^lî £?p>ivr,* £v àvOpwTTOti; Euooxîst.
Aîvo'!jij.£v cv uavouy.£v cz' oo^oÀoyoûiJLEv ff£*
(1) lotacisme.
(2) Nous traitons en ce moment de la même (luestion flans ses rapports avec
le cliant, dans la Tribune de Saint-Gervais (Paris).
LA fIRANDH DOXOLOGU;.
289
(Interpol.) EOXoyoutisv as- Trpotrxuvoîjjjiev r;v cù/ypiiTotii/cv <jol
Aià T71V [jL£YV.Àr,v <TOÛ oo;otv.
Kûpie flaaiXeu- îTroupâvie 0c£' flaTT^p iravToy.paTojp.
(Interpol.) KOpis YU* (jLOvoYSvà;- 'Irjoroj XpiaT£"
Kupie ô 0£Ô;* 6 à'fxvoç tou 0£ou* ô Ytoç toÎÎ IlaTpcç'
0 aiptov Tï]v àjxapTtav toù xdffixou.
iir
(Interpol.) 'EXsïiuov r,[ji,5{;' ô aipwv xà; àixapTiàç tou xôuaou (?).
Ilpodâê^at TYjv 0£Y)(Tiv yiu.(ov ô y.a6-/iy.£voç Iv 0£;i5t toÎj HaToô;- x.
i£Xîr,(ïOv v;;jLÎ;'
Oti cjÙ eî [xovo; '^Ayio;* cù £t t^ovoç Kôpio;' 'Iy)(TOÛ; Xpiffxoç*
Eîç ooçav 0£ou riarpôi;.
Excpov/îdiç. Dot oo';a, Tiu.y) xal «jÉSaç, cùv 'Ay^V nveuaa-ci, £Î; Toù; atoivà;
Ttov aiwvwv. Xopoç. 'Au.v)v.
Il est à remarquer qu'en s'inspirant de la ponctuation byzan-
tine pour les trois premiers y.(oXà, et de la romaine pour les sui-
vants, on peut obtenir aussi une certaine équivalence des par-
ties, conservant trois par trois les grandes incises, mais qui a
le tort de déranger l'arrangement primitif, et d'aller contre
plusieurs traditions; elle donnera cependant la clef de plusieurs
des additions que la Grande Doxologie a subies; voici le texte
ainsi modifié.
\. Aô;a £v 6'|t'(JT0t<; ©eôi' xal etci Y'^iî sîpvivy]' sv àvOpwTtoK; EÙooxia*
2. AtVOUUEV ff£, £ÙX0Y0UtJL£V (T£* UlJt.VO!JIJLev ff£, TTpOa/.'JVOÎjlJI.ÇV QV £Ù/apiiJTO'!!tJl£ V «TOI*
3. Ata Ty;v [kffâXr^^ doû oo;av.
1.
2.
[ou)
3.
Kupt£ ô 0£O(;- BafftX£ÎÎ £TTOupavt£- IlaTr'o TravTOxpaTojp"
Kupte VU* [j(.ovoY£V£Ç' 'lr;(Joïï Xpiarâ'
KupiE YΣ [xovoyEvâ;* 'lïjaoîi Xpiffrr xat '"'.Ayiov IIvEUfxa'
KupiE Ô 0£C);* ô aiAvoç tou 0£OÎÎ- ô Yiôç xou Wol-oo^.
290 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
III
1. '0 aipojv T/|V àixaptiav tou xoajxou* IXÉ-ziacv '^u.aç*
2. '0 atpwv ràç ày-aptià; xoû xoafxou' ripo'ffOîçat r/iv 0£7|(jiv ^[xwv.
3. '0 xaOTqi/evo; ev û£^ta TOÎi Tlarpoç" IXériaov r,(xaç.
IV
1. "Oti cÙ £Î ÎJ.ÔVO; "Ayioi;* au eî uovoi; Kupioç*
2. Su el u.ovo;*r']>iffTo;' 'Iviffoû; Xpiffioç*
3. — ùv 'Ay'w IIvEtjfxaTr si; oô^av 0eou ITarpoç.
A tjLr,v .
Inutile de dire que si les vM\y. d'une même grande strophe
ont entre eux une certaine équivalence, il ne faut point la cher-
cher avec ceux des autres strophes, non plus que le poids et le
nombre rythmiques résultant de l'emploi régulier du cursus.
Ainsi, l'observation des cadences rythmiques, l'équivalence
des incises dans les deux premiers arrangements donnés plus
haut et particuliers à la forme byzantine, nous donnent toute
raison de croire à l'origine grecque de la pièce, origine à la-
quelle on a pu conclure par d'autres raisonnements. (Duchesne,
Origines du culte chrétien.)
La prose nombreuse et équivalente, avec cadences cursives
dans laquelle elle est écrite, continuera désormais d'être employée
par les auteurs ecclésiastiques dans les liturgies latines. Nous
verrons par la suite les Grecs, la transformant, remplacer par
leurs hirmi et leurs tropaires les textes scripturaires, enthou-
siasmés de la régularité rythmique des nouvelles compositions,
dans lesquelles ils garderont cependant jusqu'à l'époque des
mélodes de la ville sainte l'usage du cursus latin, si fortement
empreint dans les cadences littéraires de la Grande Doxologie.
Amédée Gastoué,
Professeur à l'École de chant liturgique de Paris
(Scliola Cautorum).
BIBLIOGRAPHIE
Bibliothèque de l'enseignement de l'Histoire ecclésiastique. An
ciennes littératures chrétiennes. — II. L<i littérature syrid.ipu-. par
Rubens Duvai.. Paris, LecolïVe, 1S9'.I. In-12, pp. .\v-4'2().
En contribuant, dans une large mesure, à remplir le programme de la
Bibliothèque de l'enseignement de l'Histoire ecclésiastique, le livre de M. Ru-
bens Duval atteint en même temps un autre but, et s'ofïre aux syriacisants
comme le guide sûr, le manuel indispensable, qui, toujours consulté, rend
aux travailleurs cette perpétuité de services qui constitue 1' « ouvrage de
bibliothèque ». Telle est l'impression qui se dégage de la lecture de cette
étude de la Littérature syriaque.
La période littéraire du syriaque embrasse onze siècles; et des œuvres
que les circonstances religieuses ou politiques produisirent au cours d'une
aussi longue époque, celles qui ont survécu aux ravages du temps se trou-
vent en grande partie dans nos bibliothèques d'Europe. Bien que « les textes
édités jusqu'à ce jour forment une collection de plus de deux cents vo-
lumes, dont la majeure partie a paru pendant ce siècle » (p. xi), de nom-
breux manuscrits, connus par les catalogues des bibliothèques, attendent
leurs éditeurs.
Pour nous initier à cette littérature, nous n'avions comme manuel pra-
tique que le travail de W. Wright (1). Il importait de posséder un livre de
caractère moins exclusivement pédagogique, en même temps que plus
complet. Personne mieux que le docte professeur du Collège de France ne
pouvait mettre plus de compétence à remplir cette lacune.
Il convenait en premier lieu, grâce aux éléments d'information dont on
dispose aujourd'hui, d'écarter une cause d'erreur qu'amena jadis la confu-
sion des deux termes à'araméen et de chaldéen. Loin de devoir être ratta-
chée à l'ancienne littérature chaldéenne, la littérature syriaque est étroite-
ment liée à l'évangélisation de la Mésopotamie et d'Édesse. sa capitale,
tenant d'une part à la littérature sacrée juive et chrétienne, de l'autre à la
culture grecque. Cette multiplicité d'origine fut l'une des causes qui empê-
chèrent les lettres araméennes d'offrir, dans leurs plus anciens monuments.
un caractère original. Et cependant, les chroniques .syriaques, ecclêsias-
(î) Syriac Literature. Encyclopiedia Britannica, vol. XXU, 1887, p. 8-24-83G, réimprimé
sous le titre de A short history of Syriac Literature, Londres, 1894.
292 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
tiques et profanes, les Actes des Saints et des Martyrs fournissent sur les
chrétientés de Mésopotamie et de Perse^ sur les hérésies et même sur les
anciens cultes païens, des données historiques de premier ordre; les ver-
sions bibliques et leurs commentaires apportent une utile contribution à
l'étude du texte hébreu autant que des versions grecques de l'Écriture; les
traités dogmatiques, les traductions des canons ecclésiastiques grecs,
mêlés de lois civiles, éclairent l'histoire du dogme et de la discipline reli-
gieuse orientale; les traductions syriaques des œuvres des saints Pères ou
des traités de sciences profanes font revivre nombre d'ouvrages dont les
originaux ont péri. Disciples des Grecs, les Syriens devinrent, en matière
de philosophie et de sciences , les maîtres des Arabes, et leur transmirent,
par la voie de ces traductions syriaques, les œuvres des Grecs. Avec la
pliilosophie aristotélicienne, les Syriens cultivèrent la philosophie gnomi-
que, et accordèrent une grande faveur à des collections où l'on voit figurer,
à la suite des Maximes de Platon, de Pythagore, de Ménandre, les sentences
de saint Sixte. Ils ne négligèrent ni la rhétorique, ni la "grammaire, non
plus- que la chimie, la médecijie, l'astronomie, les mathématiques, ne lais-
sant guère à leurs maîtres, semble-t-il, que les traités musicaux. Cette
branche des sciences grecques n'est représentée en syriaque que par des
traités de métrique, et les ouvrages par lesquels les Arabes auraient connu
la théorie musicale grecque ne nous sont point parvenus.
Sur toutes ces parties de littérature et de sciences, il est bon de voir de
quelle manière les Syriens se sont approprié la culture grecque, pour en
rendre tributaires, à leur tour, les Arabes; et l'intermédiaire des traduc-
tions syriaques ne doit pas être perdu de vue lorsqu'on étudie l'aristoté-
lisme ou les mathématiques dans les philosophes musulmans. Aussi le plus
grand intérêt s'attache-t-il aux publications de cet ordre.
Relativement à la poésie syriaque, M. Rubens Duval mentionne les
hypothèses émises sur l'origine de cette forme littéraire, de tout temps
cultivée parmi les Syriens. Sans que l'on puisse accepter la théorie d'une
provenance hébraïque directe du moule poétique syrien, ni renouer le
lien qui rattacherait l'hymnographie syriaque à l'hymnographie byzantine,
on doit d'ores et déjà constater que « l'intérêt qu'offre la poésie syriaque
dépasse le cercle des orientalistes * (p. 18), en attendant, peut-être, des
travaux à venir, conciliant ce que renferment de vrai ces deux hypothèses,
qui donneraient à la poésie syriaque les mêmes sources qu'à la littérature
elle-même.
Au défaut d'une histoire complète de la littérature syriaque, que le petit
nombre relatif des publications en cette langue ne permet pas de donner
encore, M. Rubens Duval consacre la seconde partie du livre à de substan-
tielles notices sur les écrivains syriaques, classés chronologiquement.
Saint Ephrem ouvre la série, les auteurs antérieurs, dont on ne possède,
à 1 exception d'Aphraate, que des œuvres incomplètes ou incertaines, ayant
été étudiés dans la première partie. La notice consacrée à saint Éphrem
redresse certaines légendes concernant cet auteur et manifeste la discor-
dance entre la grâce littéraire de ses œuvres poétiques et la réalité plus
que sévère de son aspect physique. Après lui. une pléiade peu éclatante de
i!ii:i-io<iRAi'iiii;. 293
disciples forme la transition iiifiiant à la hi'iilantc période des \", vi" et
vii° siècles, qui comprend Ignace d'Antiociie, Raljbuies, Jacques de Sarug,
qu'il faut compter parmi les monopiiysites (p. 353). Durant l'invasion
musulmane, la littérature syriaque continufï ses dévelopj)ements, et les
concpiérants ne dédaignèrent pas de. l'apiirendre, jusqu'à ce que l'aralje,
devenant à son tour une langue littéraire, parvint à suj)j)lanter le syriaque.
Dans cette période, la littérature suit chez les Orientaux et les Occidentaux
(Nestoriens et Jacobifcs) des phases diverses, parfois opposées, que cou-
ronnent d'un côté Ebedjésu, de l'autre Barhébréus.
Les nombreux problèmes histori<pics et littéi-aires tenant à l'histoire des
lettres syriaques sont rappelés dans ce livre, et les lecteurs suivront facile-
ment l'auteur dans ces développements. D'ailleurs « une carte géographique
jointe au volume donne un aperçu du domaine littéraire des Syriens et
aidera le lecteur à s'orienter » (p. xv) ; et de copieuses notes, où peu d'omis-
sions se laissent constater, fournissent les documents complémentaires au
texte, les références des catalogues de bibliothèque et les éditions ou les
traductions des auteurs syriaques. Ceux qui auront à faire de ce livre un
instrument habituel de travail seront dirigés dans leurs recherches par un
Index des auteurs et des ouvrar/es anonymes, plus étendu que la partie cor-
respondante du volume de W. Wright. On pourrait peut-être désirer une
seconde nomenclature détaillant les matières traitées incidemment, les
ouvrages grecs et autres traduits en syriaque et les sujets particuliers de
certaines œuvres complexes, que l'on trouve moins pronq)tement au moyen
de la seule table finale des matières. Mais les recherches ne sont ni bien
longues ni fastidieuses dans un ouvrage aussi méthodiquement rédigé, que
la sobriété et la précision, mises au service d'une haute compétence scien-
tifique, rendent facilement accessible au public de la Biblùilhi-que de ren-
seignement de V Histoire ecclésiastique , et les nombreux lecteurs de cette
histoire de la littérature syriaque se laisseront guider avec une sécurité
d'autant plus entière que l'auteur se montre impartial et soucieux de
rendre justice à tous.
Liiiueé.
D. J. Pakisot.
G. WOBBERMIN. — Altchristliche liturgische Stûcke aus der Kir-
che Aegyptens, nebsteinem dogmatischen Brief des Bischofs Sera-
pion von Thmuis. Lcii)zig, llinrichs, 1899.
La plus ancienne liturgie alexandrine connue jusqu'ici était celle qui
porte le nom de saint Marc et "qui remonte au iv" siècle; rapprochée
de la liturgie copte*de saint Cyrille et delà liturgie abyssinienne des Douze
Apôtres, elle pourrait donner le moyen de reconstituer l'ancien rite
alexandrin. Voici qu'on nous révèle un nouvel élément de première im-
portance pour ce travail ; c'est une liturgie grectiue d'Alexandrie anté-
rieure au schisme de Dioscore et datant du iV siècle. M. Wobbennin a
294 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
eu le bonheur de la découvrir dans un manuscrit grec du xi« siècle, au
monastère de Lavra du Mont Athos. C'est une série de trente pièces se
rapportant à la messe, à l'administration des sacrements, à la sépulture
et à la synaxe dominicale ; elles sont suivies d'u'ne épître « sur le Père et
le Fils », qui a été écrite avant le synode d'Alexandrie de 362. Mais cette
sorte de rituel ou d'eucologe ne renferme pas tout l'usage liturgique de
l'Église k laquelle il était destiné ; rien dans ces prières n'interdit de les
attribuera l'époque indiquée, cà l'Egypte et même àSérapion deThmuis, du
moins celles qui portent son nom. La partie principale est celle qui con-
cerne la messe et qui, comparée au type syrien, parait se rapporter à une
unité de modèle plus grande qu'on ne l'avait cru. La synaxe s'ouvre par
une double prière, l'une précédant, l'autre suivant les lectures de l'Ancien
et du Nouveau Testament ainsi que l'homélie. Après la prière sur les ca-
téchumènes, ceux-ci sont congédiés, et les saints mystères commencent.
Il n'est pas question des pénitents. Viennent alors des oraisons pour les
malades, pour les fruits de la terre, pour l'Église locale, pour les divers
ordres qui la composent : évêque, prêtres, diacres, sous-diacres, lecteurs,
interprètes, moines, vierges et enfin les familles. L'assemblée se met à
genoux, le célébrant récite de nouveau cinq autres prières pour elle, pour
tout le peuple fidèle, les catéchumènes et les malades. Mention spéciale
est faite que cela avait lieu avant la prière de l'oblation. Celle-ci porte le
nom de Sérapion et se trouve en tète du recueil. Le Tersanctus est placé
après l'invocation solennelle du commencement; l'anamnèse suit immédia-
tement avec une invocation cà Dieu pour l'Église catholique, qui est à re-
marquer parce qu'elle se trouve dans la Didachè. Puis vient l'épiclèse, et
l'officiant continue en priant pour les morts, et pour ceux qui ont fourni
les oblations. II n'est pas question du Pater, qui se plaçait probablement à
cet endroit. La fraction du pain est mentionnée avec une prière spéciale,
et ensuite a lieu la distribution des saintes espèces aux clercs, et après une
prière accompagnant l'imposition des mains sur le peuple, la communion
des fidèles; et la messe se termine par une formule d'action de grâces.
Les prières baptismales n'ont pas de caractère spécial. Celles de la col-
lation du diaconat, de la prêtrise et de l'épiscopat mentionnent l'imposition
des mains et l'ordre conféré.
Les deux premières prières des onctions se rapportent encore à la litur-
gie du baptême ; la troisième est celle de l'extrême-onction et mérite d'être
signalée à ceux qui s'occupent de l'histoire de ce sacrement. La prière pour
les morts est très belle; elle présente plus d'une analogie avec celle que
donnent les Constitutions Apostoliques .
La découverte de M. Wobbermin ouvre donc un nouveau champ aux
érudits qui s'occupent des monuments des anciennes liturgies ou de l'his-
toire de l'Église d'Alexandrie. Ces anciens morceaux liturgiques chrétiens
de V Église d'Egypte, comme les appelle le savant Alleirftind, comblent ime
lacune pour la période, qui embrasse une partie de la vie de saint Atha-
nase. Il y aurait lieu de les comparer avec les autres liturgies orientales,
soit celles d'Alexandrie, en désignant sous ce nom la grecque dite de saint
Marc, les trois coptes et les abyssiniennes, soit celles des autres rites, et
lUIîMOGIiAI'HIK. 295
avec la liturgie (les Constitutions A])()st(jli(iucs ctde l;i I)i(l;icliè. Ce travail dr-
comparaison est indispcnsiibU; si l'on veut se rendre un compte exact de la
découverte que nous devons à M. Wobbermin; pour ces morceaux, comme
pour les autres liturgies, entendues au sens complet, c'est-à-dire en ce qui
concerne l'administration des sacrements aussi bien (jue le sacrifice, on
pourrait l'étendre à nos liturgies occidentales les plus anciennes (Ij. Cettf
révélation d'un document de cette importance est une véritable bonne
fortune et diminue la pénurie (jue l'on avait à regretter pour la liturgie
égyptienne de cette époque. Découvrira-t-on jamais les textes coptes de
celle qui était en usage aux mêmes siècles dans les endroits où le grec
était incompris? cette découv(>rte est-elle même ])ossibIe? L'avenir le dira
sans doute.
Dom Paul Uenai din.
Bénéiliclin.
Liturgies eastern and -western being the texts original or trans-
lated of the principal liturgies of the church, edited witb intro-
ductions and appendices by F. E. Brruitman, M. A. Pusey librarian, on
the basis of the former work by C. E. Hammond, M. A. vol. I. Eastern
Liturgies. Oxford, Clarendon Press, ISQC). In-<S, civ-GOS ji.
Si les chrétiens des diverses Églises orientales voulaient enfin se montrer
justes envers leurs frères de l'Occident, au lieu de leur reprocher sans
cesse de n'avoir pas de plus grand désir que de les latiniser, tout au
contraire, ils leur montreraient une vive reconnaissance pour l'ardeur
avec laquelle ils s'efforcent d'étudier, de faire connaître et de conserver
leurs rites particuliers. Les efforts que nous autres Latins nous n'avons
cessé de faire pour encourager et maintenir ces rites dans tout leur éclat
et dans toute leur pureté, un volume ne suffirait pas pour les mettre
pleinement en lumière, tandis que, de notre côté, nous pourrions à juste
titre nous plaindre du mépris qu'en Grèce, en Syrie, etc., on affecte pour
nos rites occidentaux, rites qu'il n'est jamais venu à l'esprit d'un savant
de ces régions d'examiner même superficiellement, encore moins, par
conséquent, de faire l'objet de recherches érudites. Où donc, sinon en
Occident, les œuvres multiples des littératures profane et religieuse de
l'Orient ont-elles été étudiées et publiées avec le plus de soin? Ne sont-ce
pas des Occidentaux qui déploient un zèle incessant et dépensent des
sommes considérables pour découvrir et acquérir ces précieux manuscrits
grecs, arabes, syriaques, etc., auxquels les Orientaux des temps modernes
n'ont commencé à attacher quelque importance que lorsqu'ils ont fini par
constater combien ils étaient précieux pour nous.
Pour ne pas entrer dans de plus grands détails, ne sont-ce pas des
Français, des Italiens, des Anglais et des Allemands qui ont publié les
meilleures éditions d'une foule de livres d'église en usage en Orient et, en
296 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
particulier, des liturgies proprement dites ou messes orientales? Et, tandis
que les chrétiens grecs^ arméniens, coptes, etc., séparés les uns des
autres par des rivalités et des antipathies invétérées, quoique vivant
souvent dans les mêmes villes et villages, se 'gardent bien de faire le
moindre effort pour connaître, ou même affectent d'ignorer les coutumes
et pratiques religieuses de leurs frères de rites différents, tout au con-
traire, de nombreux auteurs appartena'ht à l'Europe occidentale se sont
imposé la tâche d'étudier tous ces rites avec soin, de rechercher leurs
origines, de faire ressortir leurs beautés, de les comparer entre eux et de
montrer leur unité sous les variétés qui les différencient (1).
Innombrables sont les livres contenant des prières et des rubriques
propres aux Églises orientales, qui ont vu le jour en dehors des contrées
occupées par ces Eglises, et, parmi eux, il faut distinguer les ouvrages
dans lesquels leurs auteurs se sont plu à réunir ensemble les textes de
toutes les messes orientales. 11 suffira de citer celui qui a rendu célèbre
le nom de Renaudot et ceux qui ont été publiés depuis, en Angleterre,
par M. Hammond en 1878, par M. Swainson en 1884 et enfin, en 1896, par
M. Brightman.
Ce dernier auteur, profitant des travaux de ses devanciers et les com-
plétant avec un zèle et une science des plus remarquables , nous a donné
un livre qui désormais fera autorité pour ce qui concerne les liturgies
orientales. Dans un volume de 700 pages environ et d'un format commode
il a réuni les textes de ces liturgies, qu'il divise en quatre types : le type
syrien, le type égyptien, le type persan et le type byzantin. Une longue et
savante introduction contient une énumération détaillée, avec examen cri-
tique, des manuscrits et des livres imprimés qui renferment ces textes (2).
A la suite du corps de l'ouvrage de nombreux appendices mettent sous les
yeux du lecteur quelques autres textes pouvant faire comprendre par
quelles modifications successives ont passé les liturgies de l'Orient avant
d'arriver à leur état actuel. Des tables fort complètes et un glossaire de
termes liturgiques terminent le volume.
La partie la plus parfaite de l'œuvre de M. B. est évidemment celle qui
contient les liturgies ou messes grecques, parce que ces dernières nous
sont données dans leur langue originale. Toutes les autres liturgies sont
simplement traduites, non pas en latin, comme dans les recueils simi-
laires, mais en anglais. Tout d'abord ce choix de l'anglais nous paraît na-
turellement quelque peu regrettable, à nous catholiques habitués à consi-
dérer le latin comme une langue plus ecclésiastique que les idiomes parlés
actuellement. En second lieu, quelle que soit la langue adoptée pour sup-
pléer aux textes originaux des liturgies, arménienne, copte, etc., et quelle
(1) Bien entendu il faut ranger au nombre de ces auteurs des hommes tels qu'Assémani,
Allatius, ïuki, etc., lesquels, quoique nés en Orient, n'ont pu rendre de si grands services,
en donnant de remarquables éditions de textes liturgiques orientaux, que parce que
leur zèle et leurs talents étaient nés et s'étaient développés dans des milieux latins.
(2) Quelques erreurs se sont glissées dans les références bibliographiques. Par exemple
pourquoi le nom bien connu de M. Legrand, auteur de la Bibliographie hellénique, est-il
écrit Legrande, toutes les fois qu'il est cité?
BlIiLIOGRAI'Illi;. 297
que soit la valeur de la traduction — elle est très grande dans le livre de
M. B. — il est certain que le lecteur érudit n'est pas pleinement satisfait :
il voudrait avoir ces textes eux-mêmes sous les yeux. Sera-t-il possible de
les donner un jour dans une; nouvelle et drliriitive édition, nialgrt- les frais
considérables que cela entraînerait? évidemment oui. Souliaitons que la
munificence de la Clarendon Presx, à laquelle la .science doit tant déjà,
permette d'entreprendre une œuvre qui serait le couronnement des tra-
vaux de Renaudot et de ses successeurs, et ajoutons que s'il est un savant
([ui puisse la mener à bien, c'est sans contredit M. lirightman (1). .
Et même, étendant notre souliait plus loin encore, nous voudrions que
dans un deuxième volume on réunit les textes slavon, roumain, arabe, etc.
des messes orientales qui, bien que n'appartenant pas à des rites diffé-
rents, ont été traduites, avec l'approbation de l'Eglise, dans ces différentes
langues, devenues ainsi des langues liturgiques autorisées. Peu de livres
nous donneraient alors une idée plus claire de cette richesse de formes et
de cette variété de rites qui, chez les catholiques, rehausse lamagnilicence
du plus sublime des actes d'un culte absolument un dans le fond, du sa-
crifice eucharistique.
Léon Clugnet.
Note sur plusieurs ouvrages offerts par l'Université d'Upsal.
Die Inschrift des Kunigs Mesa von Moab, von K. G. Amandus Nordlander.
Leipzig, 1896. — Thèse de doctorat présentée à la faculté de philoso-
phie d'Upsal. C'est une étude linguistique et historique, précise et com-
plète, de la fameuse stèle dont la découverte est due principalement à
notre compatriote, M. Clermont-Ganneau, et qui est la pierre angulaire
de l'épigraphie sémitique. Dans cette inscription , Mesa, roi de Moab,
contemporain d'Achab et de ses successeurs, célèbre ses victoires contre
Israël et se glorifie des villes qu'il a fondées. A la fin de la brochure,
un dessin montre l'inscription dans Tétat où elle est aujourd'luii au
Louvre.
Die Sprache der Contracte Nabù-Nâ'ids (555-538 v. Chr.) mit beriirkgic/ili-
gung der contracte Nebukadrezars und Cyrus, von K. L. TalhivLst, Hel-
singfors, 1890. — Très nombreux sont les contrats du temps de Nebu-
kadrezar, de Nabù-UcVid et de Cyrus : quittances, contrats de louage,
contrats de vente d'esclaves, de terres et d'autres choses, lettres de
(1) M. Brightman est protestant, mais nous devons reconnaître (|u'il a montre la plus
scrupuleuse impartialité. On en a la preuve dès la première page de son livre, dans la dé-
dicace qui s'adresse à l'archevêque orthodoxe du Jourdain, à l'i-vèque anglican de Lincoln
et au prieur du monastère bénédictin du Mont-Cassin.
(-2) C'est une étude comparative de ce genre qui a fourni des aperçus si inléressanls à
notre distingué confrère, le R. P. Dom Cagin, dans son remarquable tra\ail surl'Auli-
phonaire ambrosien. [Paléographie musicale 'les Béncdiclins de Solesmes, t. V, Intro-
duction.)
298 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
donation, contrats de mariage, décisions juridiques, contrats de société,
comptes et inventaires, etc. La langue de ces contrats est étudiée de la
façon la plus minutieuse et la plus méthodique, dans ses rapports
avec l'hébreu, l'arabe et l'araméen.
Studia in oracula silnjllina, par Emil Fehr, Upsal, 1893. — Thèse pré-
sentée à la faculté de philosophie d'Upsal. — L'on sait par quelques vers
fameux de Virgile et par un passage connu de Celse en quelle estime
ont été tenus à Rome les livres sibyllins. Quels sont l'origine de ces
oracles, le temps où ils ont été composés, la doctrine qu'ils renferment?
Ce sont les questions que l'auteur met toute sa science et toute son ingé-
niosité à résoudre. Quoique répandus parmi les païens, et comparables
par beaucoup de côtés aux livres orphiques , les livres sibyllins n'ont
pas été principalement écrits sous des influences païennes. Les in
fluences juives y sont plus sensibles, et les influences chrétiennes sont,
en quelques-uns, tout à fait dominantes. Les oracles sibyllins ont une
cosmogonie très voisine de la cosmogonie biblique et une eschatologie
messianique. Dans les détails se manifeste un syncrétisme très large,
dont l'étude présente un grand intérêt. Ces livres auraient, en somme,
été composés depuis la moitié du ii^ siècle avant le Christ, jusqu'au m'' siè-
cle après. — L'auteur parle du « genre apocalyptique » et du « pseudo-
Daniel » avec une liberté qui doit exciter quelque défiance chez les es-
prits soucieux de garder le respect des livres saints.
Syntax der zahhvôrter im alten testament, par Sven Herner, Lund, 1893. —
Thèse présentée à la faculté de philosophie de Lund. Les règles de la
syntaxe des noms de nombre dans les langues sémitiques sont compli-
quées et étranges. M. Sven Herner e.st digne de louanges pour avoir
consacré à l'examen de cette question grammaticale, relativement aux
textes de l'Ancien Testament, les ressources d'une science philologique
patiente et étendue.
Prcemium et spécimen lexici synonymici arahici Attha'âlibn; edidit,
vertit, notis instruxit Joseph Seligmann. — L'auteur donne le texte
de quelques pages du fiqh el-logat de Ta 'alibi, avec une traduction,
une introduction et des notes en latin. Cette publication paraît un peu
ancienne. At-Ta 'alibi, l'un des érudits les plus féconds de l'Islam, flo-
ris.sait au iv<^ siècle de l'hégire (961 à 1037 du Ch.) Son dictionnaire
des synonymes intitulé ^qh el-logat, science complète du langage, a eu
plusieurs éditions dont la plus remarquable est celle du P. L. Cheïkho,
de l'Université catholique de Beyrouth.
De Chovarezmia expiignata, ex annalibus syriacis nbulpharagii locus, par
C. G. Gellerstedt, 1848. — Thèse présentée à la faculté de philosophie
d'Upsal. C'est un extrait de la très célèbre chronique de Bar Hebrœus;
l'auteur avait à sa disposition des copies faites à la bibliothèque Yaticane
par Tullberg et l'édition de Brunsius et Krischius. — Dans ce récit,
fort intéressant, de la conquête du Kharezm par les Mongols, au
luiiLioiiRAi'iiir;. 290
Mii« siècle , on relève ce fait : (|if une princesse chrétienne , mari(?e
selon la mode mongole au conquérant Iloulagou, fut, pendant tout le
règne de ce prince, un grand appui pour les chrétiens.
Gregorii Bar Ilchrael in Jcmiam Scholia, edidit 0. F. Tuiiberg, L'psai,
1842. — Edition syria(|uc accom])a,i:n(''(' de notes, non <le traduction. On
relèverait dans les notes nombre d'indications iinguisfiiiues curieuses :
L'hébreu mîn, genre, est identifié par I5ar Hebraeus avec le grec iii^vr^,
« mois ». — Le persan c/iamc/i/r, « a scimitar, un cimeterre », est ])assé
dans le grec aarj-Avipa. — Le syriaque aalra, hébreu aschrâ, la planète
Vénus, est de la même origine que le persan stûra, sanscrit védique
stâra, grec (Jaiyjp, français « astre ». Il serait facile de pousser lacom-
paraisonjusqu'à Ischtar et Astarté.
Gregorii Bar Hebraei in jisalmos acholiorum spécimen, edidit 0. F. Tull-
berg, Upsal, 1842. Quelques pages de texte syriaque de ce commentaire
des Psaumes, avec une traduction latine et des notes. Il est intéressant
de remarquer combien la méthode de Bar Ilebrccus est savante. Il
invoque les opinions d'un grand nombre d'auteurs : saint Athanase, saint
Hippolyte, saint Basile , saint Épiphane, Origène, Aipiila, Symmaque,
Jacques d'Edesse, Daniel Salcliensis. — et il se reporte aux versions des
Psaumes grecque, arménienne et copte.
Etudes sur l'Hexaméron de Jacques d'Edesse, par Arthur Hjelt, Helsingfors.
1892. — L'auteur de cette thèse présentée à la faculté des lettres de Hel-
singfors est un élève de M^'- Graffin , professeur à l'Institut catholique
de Paris, et l'ouvrage qui en est l'objet avait déjà été étuilié par M. l'abbé
Martin, professeur au même Institut. L'hexaméron de Jacques d'Edesse
est un livre curieux, comme il s'en écrivit beaucoup, par la suite, durant
le moyen âge. C'est une encyclopédie où, à propos des premiers ver.sets
de la Genèse, sont passées en revue toutes les sciences humaines. Jac-
ques d'Edesse avait pour modèle en ce genre Thexaméron de Jean
Philoponus. M. Hjelt s'est attaché surtout à la partie géographique du
livre; elle est intéressante, bien que très étroitement dépendante des
enseignements de Ptolémèe. C'est avec raison que M. Hjelt a dissipé
certaines illusions que M. l'abbé Martin s'était faites sur les mérites de
Jacques d'Edesse comme géographe ; il est clair que l'auteur syriaque
n'a point exploré l'Hindoustan ni l'Afrique centrale, ni deviné l'Amé-
rique. Malgré cela cet écrivain, d'une époque ancienne, à peine posté-
rieure à l'âge de Mahomet, est l'un des érudits les plus féconds, des
philologues et des exégètes les plus distingués de la littérature syriaque.
Les fragments de son texte que publie M. Hjelt sont autographiés et
traduits en latin. La transcription en syriaque des noms géographiques
grecs donne lieu à des remarques linguistiques curieuses.
Bibliothecae rpsaliensis historia, auctore Olavo 0. Celsio, Upsal. 1745. —
' Tous les érudits savent quel est l'intérêt des histoires de bibliotliè(iues.
Celle-ci, écrite il y a 150 ans, porte les traces du mouvement intollec-
300 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
tuel en Suède sous les grands règnes de Gustave-Adolphe et de Chris-
tine , et jusqu'au milieu du xviii'^ siècle. Gustave-Adolphe est le
fondateur de la bibliothèque de l'académie d'Upsal ; il restaura cette
ancienne université, sous l'inspiration de Skitt et d'Oxenstiern. A la
suite de son nom, on rencontre dans ce récit les noms fameux de Huet,
de Gerhardt et Isaac Voss, de Heinsius, de Pierre des Ursins, de Rud-
beck et de Linné. C'est à Isaac Voss que la bibliothèque doit le manu-
scrit du commentaire d'Origène à l'Evangile de saint Matthieu. Laurent
Odhelius y déposa des manuscrits rabbiniques. Sparwenfeld, qui avait
visité presque toute TEurope et une partie de l'Afrique, l'enrichit d'une
collection de livres imprimés et manuscrits^ slaves, russes, bohémiens,
hongrois, polonais, moldaves, illyriens. Ce savant commença une ver-
sion suédoise de l'ouvrage de Saavedra intitulé « la Couronne gothique »,
et prépara un lexique latin-slave-russe-germain. La bibliothèque absorba
en outre diverses bibliothèques particulières : la Bergiana, qui contenait
beaucoup de livres slavons, Ik Buskagriana, qui en contenait de rabbini-
ques, ÏEnnemannia, qui en renfermait d'arabes. Elle acquit, par l'in-
termédiaire d'Henricus Benzelius, un lot de manuscrits arabes, turcs,
coptes, éthiopiens, rabbiniques, que ce savant acheta à Constantinople
et au Caire, au prix de L800 thalers. Petrus Schoenstrom, revenant
d'une longue captivité en Sibérie, lui fit don de précieux documents
slavons et tartares. L'un de ces documents est une généalogie des nobles
moscowites , ouvrage dont le Czar Fedor Alexiowitz acheta plusieurs
exemplaires qu'il fit ensuite brûler ; un autre est l'histoire généalogique
des Tartares par « Abulgasi Bagadur, fils d'Arab Muchmet Khan ».
Schoenstrom traduisit ce livre en allemand. Une traduction française
fut faite sur cette version allemande et publiée en Belgique, à l'insu du
donateur suédois et sans qu'il y fût nommé. (Cette traduction est celle
de Leyde, 1726; une édition anglaise de ce célèbre ouvrage fut donnée
en 1730; le texte fut édité avec tradviction française, à Saint-Pétersbourg,
de 1871 à 1874 : Histoire des Mogols et des Tatares, par Aboul-Ghazi
Behadour-Khan publiée, traduite et annotée par le B"" Desmaisons,
2 vol.) Enfin un magnifique don fait à la bibliothèque d'Upsal est celui
de Gabriel de La Gardie, qui comprend le fameux manuscrit d'argent,
Codex argenteus, c'est-à-dire la traduction des Évangiles en haut gothique
par Ulfilas. — L'on voit que les fastes de la bibliothèque d'Upsal ne
sont pas dépourvus de gloire.
Catalogus centuriae librorum rarassimorum manuscript. et partim impres-
sorum arabicorum , persicorum , tui'cicorum, graecorum, latinorwn, etc.
Qua anno 1705 bibliothecam ptiblicam academiae upsalensis auxit et
exornavit vir illnstris et generosissimus Joan. Gabr. Sparvenfeldius.
Upsal, 1706. — C'est l'inventaire du don fait par Sparwenfeld à la bi-
bliothèque d'Upsal, publié en témoignage de reconnaissance, aux frais
de cette même bibliothèque.
Codices Arabici , Persici et Turcici bibliothecae regiae universitatis iipsa-
liensis, par Tornberg, Lundae, 1840. Sans répondre à toutes les exigences
niFîLionuApmi.;, 301
de l'érudition actuelle, notainiiient en ce qui concerne les dates des
manuscrits et les indications sur les auteurs, ce catalogue est encore
très estimable et doit être consulté par les orientalistes, il comprend
512 numéros, ce qui constitue une collection considérable. Indiquons,
comme pouvant plus particulièrement intéresser nos lecteurs, les
numéros suivants : 4S<.>, Réponse à une lettre du pajje de Home qu'il
envoya par son disciple Baptiste au patriai'che Joacliim, à Damas, com-
posée par le disciple [de ce patriarche] Kir Ana^stase el-Marmeniti,
métropolite de Tripoli, Tyr, Sidon, Beyrouth et des contrées adjacantes;
— 492, Sur la différence qui existe entre les Eglises grecque et romaine
toucliant la procession du Saint-Esprit (c'est peut-être Tœuvre d"un
missionnaire), — et surtout 480, Long traité d'Abou'I-Berakat, vulgaire-
ment appelé Ibn-Keber, prêtre égyptien, sur la théologie, l'histoire
sacrée et la liturgie des Coptes.
B"" Carra de Vaux.
Besse (Dom), de l'Ordre de S. Benoît. — Le Moine 'hntf'diclin. Paris, Ûu-
din, 10, rue de Mézières, 1898. In-8®, 264 p. avec plusieurs grav.
Excellente monographie qui atteint parfaitement le but que l'auteur
s'est proposé, c'est-à-dire de faire connaître au lecteur « ce qu'est la vie mo-
nastique d'après la règle de Saint-Benoit et quelles sont les occupations
journalières du moine, l'esprit qui l'anime, le milieu dans lequel il passe
sa vie, les secours qu'il y trouve et les services qu'il est à même de rendre
aux hommes ses frères ».
Mélanges de Uttévature et dliistoire religieuses publies à Voccasion du ju-
Irilè épiscopal de i/er de Caôrières, évêque de Mont/)ellier, liS74-l899.
Tome premier. Paris, Picard, 1899. \n-i'^, v-575 p.
Ce recueil, qui est formé sous l'habile direction de M. l'abbé Douais,
vicaire général de Montpellier, contiendra un grand nombre d'articles ou
mémoires, absolument inédits, sur les sujets les plus divers se rapportant
à l'histoire générale, à la patristique, à la liturgie, à l'archéologie, à la si-
gillographie, etc. Leurs auteurs, religieux, prêtres du clergé séculier et
laïques, sonttous connus dans le monde littéraire et scientifique. Il suffira
de citer M. l'abbé Duchesne, le R. P. Denifle et M. Gaston Boissier.
Le 1^'' volume qui vient de paraître est composé de 23 articles présen-
tant tous un grand intérêt, parmi lesquels les suivants doivent être signa-
lés de préférence aux lecteurs de la Revue de VOrient Chrétien :
Les origines de VÉpiscopat, par M. l'abbé Douais ; Les sentences de Jésus
découvertes à Behnesa, par M. l'abbé Jacquier; Inscription chrétienne
OHIKNT CHltÉTlKN. Il
302 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
inédite, Tps.r le P. Germer-Durand; Saint Adrien de Calabre. Le monas-
tère basilien et le collège des Albanais, par M. Jules Gay.
Bellet (Charles-Félix). — La prose rythmée et lacritique hagiographique.
Nouvelle réponse aux Bollandistes, suivie du texte de l'ancienne Vie de
saint Martial. Paris, Picard, 1899. ln-8°, 50 p.
SOMMAIRE DES RECUEILS PERIODIQUES
Échos d'Orient.
Avril-mai 1899. — G. Jacquemier : Vextrème-onction chez les Grecs. —
L. Petit : Le canoniste Agapios Léonardos. — J. F^argoire : Etienne de
Byzance et le cap Acritas. — R. Souarn : Un texte de saint Épiphane. —
S. Vailhé : L'ancien patriarcat dWntioche. — E. Lamerand : La légende
de Z"'A$t6v lattv. — A. Hergès : Le monastère des Agaures. — M. Théar-
vie : Le patriarcat œcuménique dans les Iles, en Bulgarie et en Bosnie.
Bessarione.
Janvier- février 1899. — La S. Sede et la Nazione armena. — Les mo-
nastères de Bithynie. — / viaggi in Terrasnnta del P. Lorenzo di
S. Lorenzo, dipoi cardinal Lorenzo Cozza, narrati da lui medesimo.
— Un documerito veneto sul Cardinale Bessarione a Spalato. — Velle-
nismo neW istruzione. — Un tentativo d'unione délie chiese orientali dissi-
dente nel spcolo XVH. — Corrisjiondenze dalV Oriente.
Analecta Bollandiana.
Vol. XVIII, fasc. 1. — Vauteur et les sources de la Passion des saints
Gorgone et Dorothée. — La vie de saint Firmanus, abbé au diocèse de
Fermo, par Thierry d'Amorbach. — Les vies primitives de saisit Pierre Cé-
lestin. Nouvelles observations. — Quelques pages supprimées dans le tome
cinquième du spicilège de Dom Luc d'Achery. — Max Bonnet : Note sur les
Actes d'Appollonios. — Bulletin des publications hagiologiques. — Traité
des miracles de saint François d'Assise, par le B . Thomas de Celano. — Tria
folia sequentia Catalogi codicum hagiographicorum graecorum bibliothe-
cae vaticanae.
151151, lOCRAIMIIi:. 303
Revue bénédictine.
Mai 1899. — D. Ursmcr Baillière : Doin Anselme /irrlhod, hoUnndinte. —
D. Germain Morin : Notes sur divers mannsciils. — D. Hugues Gaïsser :
Le système musical de V Église grecque, II.
Jxiin 1899. — D, Germain Morin : Un nouveau recueil inédit d'hoinélies de
saint Césaire d'Arles. — D. Ur.smor Haillèrc : Lettres de Jean Des lin
ches à Dom Berthod. — D. Ursmer Baillèro : Guillaume de Hijchcl, ahhi'
de Saint-Trond et les reliques des saints de Cologne.
Le Directeur-Gérant
F. Charmetant.
TYPOGRAPHIE FIRMIÎS-DIDOT ET c". — MESML (ELRE).
Librairie ALPHONSE PICARD et fils, 82, rue Bonaparte
Barbet de Jouy (M.). Les mosaïques chrétiennes des
basiliques et des éf^lises de Uonie, décrites et expliquées.
P., 1857, 1 vol. in-8 br., xxx-Ki2 pages. . I fr. iiO
Verneilh (F. de). L'architecture Byzantine en F^rance. P.,
1852, 1 vol. in-4, br. (12 pL), 316 p 15 fr.
— Des influences Byzantines 1855, in-4 (4 pL; . . 5 fr.
— Le premier des monuments Gothiques (liasilique de
Saint-Denys, collégiale de Poissy), in-4, br. . . 2 fr.
Pierre Dubois. De recuperatione Terre Sancte, traité de
politique générale du commencement du xiv^ siècle, publ.
par Gh.-V. Langlois (fasc. 9), in-8 br., xxiv-144 p. 4 fr.
Duchesne (L'abbé L.). Les premiers temps de l'état pon-
tifical (75^1-1073.). P., 1898, in-8, 224 pages . . 4 fr.
Mélanges de littérature et d'histoire religieuses,
publiés à l'occasion du jubilé épiscopal de Mgr Cabrièro,
évêque de Montpellier, 1874 1899, in-8 br., v-571 p. 10 fr.
Contenant des articles de MM. l'abbé Douais, abbé .lacquier, Boissier,
abbé Battifol, Dom Morin, abbé Duchesne, baron Desazars, L. Roche, Doni
Cagin. Père Doussot, Père Denifle, abbé Poujol, etc., etc.
Bibliothèque de la Compagnie de Jésus. Première
partie : Bibliographie par les PP. de Backer; seconde
partie : Histoire, parle P. Garayon. Nouvelle édition, par
Garlos Sommervogel, S. .1. Strasbourgeois, publié par la
province de Belgique, 1890-1898. Tomes I-VIII; A.-Z et
supplément Aage-Casaletti, 8 vol, in-4 à 2 col. . 320 fr.
Pisani (L'abbé P.). La Dalmatie de 1797-1815, épisode
des conquêtes Napoléoniennes. 1892, 1 vol, in-8 (xxxvi-
490 p.), héliog., 10 cartes en coul 10 fr.
Belin (A.). Histoire de la latinité de Constantinople, 2' édit.
préparée par l'auteur, revue, augmentée et continuée
jusqu'à notre temps par le R.P. Arsène de Ghatel, ex-pro-
vincial des Gapucins de Paris, ex-préfet apostolique de la
mission de Gonstantinople, avec deux plans et des gra-
vures. 1894, 1 vol. in-8 (547 p.), pi. et gr. . . . 10 fr.
DOCUMENTS RELATIFS AUX ÉGLISES DE L'ORIENT
ET A LEURS RAPPORTS AVEC ROME
Par A. D'AVRIL
3" édition, in-8» de 62 pages. — Paris, CIIALLAMEI.. — Prix : 2 fr. 50
LE m:^iiom:eitis]\j:e
LE GÉNIE SÉMITIQUE ET LE GÉNIE ARIAN DANS L'ISLAM
Par CARRA DE VAUX
In-12 de 232 pages. — Paris, CHAMPION, 1898. — Prix : 3 fr. 50
BIBLIOGRAPHIE
DU
CULTE LOCAL DE LA VIERGE MARIE
Par Léon CLUGNET
i"'' Fascicule (Province ecclésiastique d'Aix)
In-8\ — Paris, Picard, 1899.
Prix : G fr.
HYMNOGRAPHIE POITEVINE
Par Dom J. PARISOT
MOINE BÉNÉDICTIN
In-8" de 30 pages. — LIGUGÉ, aux bureaux du " Pays Poitevin ", 1898.
LA
LITTÉRATURE CHRÉTIENNE
DE L'EGYPTE
Par Dom Paul RENAUDIN
.MOINE BÉNÉDICTIN
In-B" de 3U pages. — Lyon, VITTE, 1899.
Typographie Firmiu-Didot et C'«. — Paris.
REVUE
DE
L'ORIENT CHRÉTIEN
RECUEIL TRIMESTRIEL
4« ANNÉE. — N° 3. — 1899
PARIS
LIBRAIRIE ALPHONSE PICARD ET FILS
82, RUE BONAPARTE, 82
1899
SOMMAIRE
, , Pages.
I. - RÈGLEMENTS GÉNÉRAUX DES ARMENIENS CATHO-
LIQUES, par le R. P. Petit, des Augustins de
l'Assomption 305
II. - OPUSCULES MARONITES {suite), par M. l'abbé F.
Mau 318
III. — LA BÉNÉDICTION LITURGIQUE DES RAISINS, par le
B. P. »om Parîsot, O. it. B 354
IV. - NEUF CHAPITRES DU « SONGE DU VIEL PELERIN »
DE PHILIPPE DE MÉZIÈRES, RELATIFS A L'ORIENT,
par II. Ed. Blocliet . 364
V. — LA VIE DU MOINE RABBAN YOUSSEF BOUSNAYA,
{suite), par M, l'abbé a,-B. Chabot 380
VI. — L'ORDINAL COPTE {suite), par le R. P. V. Ermoni,
des Prêtres de la Mission 416
VII. — PROTESTANTISME ET CATHOLICISME CHEZ LE PEU-
PLE NESTORIEN. UNE REVUE NÉO-SYRIAQUE A
OURMIAH, par M. «ï. Babaklian, d'Ourmiah^
officier d'Académie 428
VIII. - LES ÉVÊQUES JACOBITES DU VHP an XIIP SIÈCLE
^ D'APRÈS LA CHRONIQUE DE MICHEL LE SYRIEN,
par M. l'atolJé J.-B. Chabot 444
IX. — MÉLANGES. — Le culte de S. Julien du Mans dans
l'Église Russe, par le R. P. Dom Benaudîn,
©. S. B 453
X. — BIBLIOGRAPHIE - 455
La Revue de l'Orient chrétien (recueil trimestriel) paraît par fascicules
formant chaque année un volume de plus de 500 pages in-8o, avec des textes
en langues grecque, slaves, syriaque, arabe, arménienne, copte, etc., et
des planches.
ON S'ABONNE A PARIS :
A la LIBRAIRIE Alplioase RICARD,
RUE BONAPARTE, 82.
Prix de l'abonnement :
France S fr.
Étranger lO »
Prix de la livraison 2 fr. SO
On peut se procurer les volumes qui ne sont pas épuisés à raison de 10 fr. le vol.
Les communicaUons relatives à Li rcdaclion doivent être envoyées au Secrétariat de
la Revue de rOrient Chrétien, rue du Regard, 20, à Paris.
Il sera rendu compte de tout ouvrage relatif à l'Orient, dont un exemplaire aura
été adressé .i la Revue de rOrlent Chrétien, chez MM. A. PICARD et Fils, libraires,
rue Bonaparte, 8-2, à Paris.
RÈGLEMENTS GÉNÉRAUX
DES ARMÉNIENS CATHOLIQUES
La récente élévation an siège patriarcal de Cilicie de S. B.
M^'' Paul Pierre XI Emmanuélian a attiré sur la communauté
arménienne catholique l'attention de tout le monde chrétien.
Notre Revue ne saurait mieux intéresser ses lecteurs à ce grand
événement qu'en leur mettant sous les yeux les règlements
qui régissent cette communauté. Ces règlements, j'ai hâte de
le dire, n'ont pas encore force de loi. Le Saint-Siège, pour des
raisons qu'il ne nous appartient pas de juger, leur a refusé
jusqu'ici sa haute approbation. Ils n'en constituent pas moins,
dans leur état actuel, le seul code en vigueur chez les Armé-
niens catholiques, et viendraient-ils à être remplacés par d'au-
tres qu'ils garderaient encore la valeur d'un document histo-
rique.
La traduction qu'on va lire a été faite à notre intention par
un fonctionnaire arménien d'une rare compétence. Je la publie
en n'y apportant que de légères modifications. Certains points
réclameraient peut-être un commentaire étendu; je m'en suis
abstenu à cause du caractère provisoire de la pièce. C'est déjà
beaucoup que de pouvoir en donner le texte, dont toutes les
autorités religieuses veulent empêcher la divulgation. Pour
louable que soit cette réserve, je n'ai pas cru devoir m'y arrê-
ter. La vérité n'a rien à perdre à sortir du puits. Je reviendrai
d'ailleurs, dans un autre article, sur les origines historiques
de ce document, que le défaut de place ne me permet pas de
faire connaître aujourd'hui.
L. Petit,
des Augustius de l'Assomption.
Constantinople.
ORIENT CHRÉTIEN. 22
PROJET DE REGLEMENT
DE LA COMMUNAUTÉ ARMÉNIENNE CATHOLIQUE
CHAPITRE I"
DISPOSITIONS GENERALES.
Art. l*^"". — Les Arméniens catholiques sujets de l'Empire Ottoman ont,
en tant que communauté, une administration particulière qui est fondée
sur les firmans impériaux et sur les principes et dispositions renfermées
dans le bévat patriarcal.
Art. 2. — La fonction du patriarche consiste à veiller aux besoins spi-
rituels et temporels de la communauté arménienne catholique suivant la
doctrine catholique et conformément aux droits, privilèges et rites anciens
de l'Église arménienne catholique, dans les limites des droits du gouver-
nement impérial ainsi que des privilèges accordés par lui ab anliquo.
Art. 3. — Les propriétés nationales s'administrent suivant les lois du
gouvernement ottoman.
Art. 4. — Toutes les propriétés, de quelque nature qu'elles soient, ac-
quises au moyen de souscriptions publiques ou provenant de dons faits à
la communauté ou au patriarcat par des bienfaiteurs nationaux, sont pro-
priétés de la communauté, bien que leur administration soit confiée à
une personne privée.
Art. 5. — Il est interdit d'agir contrairement aux intentions, buts et
conditions posées par les donateurs, relativement aux édifices construits
par eux, ou aux dons, legs et testaments de toute nature par eux consti-
tués.
Art. 6. — Sont soumis au contrôle de la communauté, en ce qui concerne
les intérêts de cette dernière, tous dons, églises, cimetières, hôpitaux,
écoles de tout rang, édifiés de ses propres deniers par un individu appar-
tenant à une classe quelconque de la communauté, ou au moyen de sous-
criptions publiques, sous condition de constituer des propriétés de la
communauté, et en général tous biens appartenant aux intérêts généraux
de la communauté. Celle-ci exerce ce contrôle suivant les moyens indi-
qués par ce règlement dans les limites des dispositions renfermées dans
l'article précédent.
RÈGLEMENTS (lÉNÉRAUX DES ARMÉNIENS CATHOLIQUES. 307
CHAPITRE II
DU CATIIOLICnS-I'ATRlAHCIIE.
Art. 7. — Le Catholicos-Patriarclic do Cilicio, dont !a résidonco est fixée
à Constantinople, est le chef de la communauté et de l'administration
arménienne catholique, par firman impérial; il détient le pouvoir exécutif
et représente la communauté auprès du gouvernement; il est l'intermé-
diaire officiel entre l'État et la communauté pour tous les ordres, toutes
les recommandations du gouvernement à la communauté.
Art. 8. — Le C.-P. préside de droit tous les conseils, toutes les assem-
blées de la nation et il possède un droit de veto dont il fait usage dans les
limites de l'article 35.
Art. 9. — Le C.-P. régit les affaires spirituelles avec le concours du
Synode et des Assemblées ecclésiastiques, et les affaires temporelles avec
le concours du Conseil administratif ou des assemblées générales.
Art, 10. — Tous les documents officiels émanant du C.-P. seront enre-
gistrés et conservés, suivant la nature du sujet, par les soins du Conseil
administratif ou du Conseil ecclésiastique, sous la surveillance et la res-
ponsabilité de chacun de ces conseils.
Art. il — Le C.-P. est élu. d'après les dispositions suivantes, parmi les
ecclésiastiques arméniens catholiques, sujets de l'empire Ottoman, qui
relèvent du siège patriarcal :
Lorsque le siège patriarcal devient vacant, le Vicaire, remplissant les
fonctions de locum tenens, en informe la Sublime Porte et convoque immé-
diatement le Synode. Dès que celui-ci est régulièrement constitué dans
son intégrité, le locum teneîis con-voqiie également les deux Conseils ecclé-
siastique et général. Ces deux Conseils, réunis sous sa présidence, élisent
dans leur session de ce jour, parmi les évoques relevant du siège patriar-
cal, cinq évêques (1) propres à remplir les fonctions de C.-P. et ils pré-
sentent au Synode la liste de leurs noms par ordre hiérarchique.
Art. 12. — Pour former la liste des candidats, il faut que les 2/3 de la
totalité des membres des deux Conseils ecclésiastique et général soient pré-
sents et qu'une majorité des 2 3 des votes des membres présents soit
obtenue.
Art. 13. — Ne peut être élu C.-P. un ecclésiastique qui a subi une con-
damnation pour délits civils ou ecclésiastiques ou qui se trouve en juge-
ment.
Art. 14. — Le Synode, dans une seule et même session, élit, parmi
(i) De simples prêtres peuvent aussi se trouver parmi les cinq candidats au trône
patriarcal. Celte question est soumise à la décision du Synode qui doit se réunir ultérieu-
rement.
308 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
les cinq candidats qui lui sont présentés, le C.-P., à la majorité des 2/3 de
la totalité de ses membres.
Toute pression sur le Synode est strictement interdite.
Art. 15. En même temps, le Synode et les deux Conseils ecclésias-
tique et général rédigent une pétition à la Sublime Porte dans laquelle ils
sollicitent pour le candidat élu le bérat patriarcal.
Art. 16. — Le Synode et le patriarche nouvellement élu présentent en
même temps au Saint-Siège de Rome le mode et le résultat de l'élection et
sollicitent pour l'élu la confirmation spirituelle ainsi que l'honneur du
pallium.
Art. 17. — Le patriarche élu (suivant les dispositions précédentes) prend
immédiatement possession du trône patriarcal, et l'intronisation accom-
plie, il jouit de tous les droits et privilèges qui appartiennent ab antiquo
au siège patriarcal, comme siège patriarcal d'Orient, et dont le patriarche
est le gardien par le fait de ses fonctions, qui lui donnent le pouvoir
d'en user dans leur plénitude.
Mais tant qu'il n'a pas reçu le bérat de la Sublime Porte, il ne peut
procéder à des actes officiels comme chef de communauté.
CHAPITRE III
DU VICAIRE PATRIARCAL.
Art. 18. — L'élection du Vicaire patriarcal a lieu de la façon suivante :
Sur l'invitation du C.-P., les Conseils ecclésiastique et général forment
un Conseil mixte qui présente au C.-P. une liste de trois ecclésiastiques
au service du Siège patriarcal. Le C.-P. choisit l'un des membres portés
sur cette liste, à la majorité des suffrages du Synode; il lui remet de sa
propre autorité la bulle épiscopale et le consacre.
Art. 19. — Les conditions indiquées dans la l""® partie de l'article 11 et
dans l'article 14, en ce qui concerne l'élection du patriarche, sont exigibles
pour l'élection du Vicaire patriarcal.
Art. 20. — La mission du Vicaire patriarcal consiste à gérer le vica-
riat du C.-P., conformément aux ordres et recommandations de celui-ci; à
présider par délégation les Conseils religieux et administratif, et au be-
soin le Conseil général ; à remplir en cas de vacance du Siège patriarcal
les fonctions de locum tenens jusqu'à l'élection du nouveau patriarche.
Le Vicaire patriarcal peut toujour assister aux séances des Conseils ad-
ministratif et général, mais sans voter.
Art. 21. — S'il se produit une plainte ou un différend au sujet des actes
RÈGLEMENTS GÉNÉRAUX DES ARMÉNIENS CATHOLIQUES. 309
officiels du Vicaire patriarcal, on a recours au patriarche. Celui-ci, d'ac-
cord avec un de ses Conseils, ordonne le nécessaire suivant les besoins
de la cause.
CHAPITRE IV
DES PASTEURS PROVINCIAUX EVEQUES OU PRETRES.
Art. 22. — Les pasteurs provinciaux, (|u"ils soient évoques ou prêtres
sont élus de la façon suivante :
Tous les électeurs laïques et ecclésiastiques du diocèse devenu vacant
se réunissent en assemblée sur l'invitation du patriarche et sous la prési-
dence du locwn tenons diocésain ou du délégué envoyé spécialement à cet
effet par le patriarche. Cette assemblée élit trois ecclésiastiques choisis
parmi le clergé au service du trône patriarcal.
Le dépouillement du scrutin a lieu immédiatement par les soins des
scrutateurs élus par la même assemblée et la liste des trois ecclésiastiques
ayant obtenu la majorité des voix est envoyée au patriarche, accompagnée
du procès-verbal signé par les scrutateurs et légalisé par le locwn tenens
ou le délégué.
Le Patriarche examine en Conseil administratif la régularité de la liste
des candidats, et, s'il s"agit de choisir un évêque, il nomme l'un des
trois candidats à la majorité des suffrages du Synode; il le confirme ie sa
propre autorité, et sollicite de la Sublime Porte le bi'rat relatif cà la nomi-
nation des évèques. S'il s'agit au contraire de la nomination d'un simple
prêtre, le patriarche nomme lui-même l'un des trois candidats après avoir
consulté le Conseil ecclésiastique et sollicité de la Sublime Porte le béritt
convenable.
Ne peut être choisi pour pasteur tout ecclésiastique qui n'est pas sujet
de l'empire Ottoman, ou qui a subi une condamnation, ou qui se trouve
en jugement pour délits civils ou ecclésiastiques.
Art. 2.3. — Les pasteurs provinciaux remplissent leurs fonctions, en ce
qui concerne le temporel, avec le concours de l'assemblée locale et ils
ont vis-à-vis de l'administration locale la même mission particulière et le
même pouvoir que le patriarche vis-à-vis de l'administration centrale;
pour les questions importantes, ils s'adressent au patriarche.
Art. 24. — S'il arrive qu'un pasteur agisse contrairement aux lois de
l'Etat, ou qu'il ait manqué en matière grave aux prescriptions de ce
règlement, ou que, pour tout autre motif, il y ait lieu de le relever de ses
fonctions de pasteur, on a recours au patriarche. Celui-ci examine la
question avec le concours d'un de ses conseils et ordonne le nécessaire
suivant la nature du sujet.
310 REVUE DE L ORIENT CHRETIEN
CHAPITRE V
DU SYNODE NATIONAL.
Art. 25. — Le Synode national, présidé par le patriarche, est le su-
prême Conseil de l'Église arménienne catholique; il est le dépositaire et
le protecteur de la doctrine, des rites, des cérémonies, des droits et des
privilèges de l'Église catholique arménienne et dans les questions relatives
à ces objets il constitue le tribunal de la communauté arménienne catho-
lique.
Art. 26. — Le patriarche convoque le Synode d'office ou dans le cas
prévu par le paragraphe 3 de l'article 28.
Art. 27. — En dehors du président, le Synode est formé par tous les
évèques relevant du trône patriarcal. Peuvent y prendre part les archi-
prêtres que le patriarche appelle en consultation dans des circonstances
particulières.
Art. 28. — Le Synode se réunit : 1° pour l'élection du patriarche et des
évêques; 2" pour des questions graves en matière ecclésiastique ou reli-
gieuse; 3" dans le cas oîi des agissements propres à porter atteinte aux
dispositions générales de ce règlement ou aux principes relatifs à l'élec-
tion, aux droits et aux devoirs du patriarche ou des évêques viendraient à
se produire.
Dans ce dernier cas, recours est d'abord adressé au patriarche afin
qu'il apporte le remède nécessaire. Si cette démarche n'amène pas de
résultat, le Synode se réunit de la façon suivante. Le Conseil administratif,
sur la proposition ou avec l'agrément du Conseil général, sollicite du
patriarche la convocation du Synode, après avoir pris l'avis du Conseil
ecclésiastique. Il se conforme à l'arrêt du Synode touchant la substance
et les caractères de la question, et il exécute, s'il y a lieu, les prescriptions
nécessaires pour la mise en vigueur de ces dispositions.
CHAPITRE VI
DU CONSEIL ECCLÉSIASTIQUE.
Art. 29. — Le Conseil ecclésiastique comprend, en dehors du Vicaire
patriarcal : l^dix prêtres choisis et nommés directement par le patriarche ;
2° deux prêtres également nommés par le patriarche qui les choisit parmi
les membres ecclésiastiques du Conseil général.
RÈGLEMENTS GÉNÉRAUX DES ARMÉNIENS CATHOLIQUES. 311
Art. 30. — La mission du Conseil ecclésiastique est d'être le conseiller et
le collaborateur du jiatriarcliedans les questions ecclésiastiques. C'est à ce
Conseil qu'il appartient de .statuer sur les différends entre ecclésiastiques.
CHAPITRE VII
DU CONSEIL CENTRAL d'aDMINISTRATION.
Art. 31. —Le Conseil central d'administration se compose, sous la prési-
dence du patriarche, de douze membres, deux ecclésiastiques et dix laïques,
que l'Assemblée générale choisit exclusivement parmi ses membres et
dont les noms sont présentés à la Sublime Porte par le C.-P.
Art. 32. — Le Conseil d'administration est le centre de direction de
toutes les affaires temporelles de la communauté. C'est sous sa surveil-
lance et sous sa direction que toutes les branches de l'administration na-
tionale remplissent leurs fonctions.
Art 33. — L'exécution de toutes les décisions du Conseil d'administra-
tion est dévolue au patriarche.
Art. 34. — Pour être valables, les décisions du Conseil d'administration
doivent être prises à la majorité des voix en présence du président, et de
sept membres au moins des douze qui composent l'Assemblée.
Art. 35. — Le patriarche a droit de veto, et il en fait usage dans toutes
les questions qui pourraient porter atteinte aux règles ecclésiastiques et
aux lois de l'Etat. Quant aux questions se rattachant aux intérêts de la
Communauté, il a le droit, si la décision prise est jugée par lui contraire
aux dispositions de ce règlement, d'en ajourner l'exécution, jusqu'au
vote de l'Assemblée générale.
Art. 3fi. — Le patriarche, d'accord avec le Conseil d'administration,
nomme un vice-président choisi parmi les membres laïques. 11 nomme
également, d'accord avec le Conseil, les présidents et membres laïques
des différejits Conseils qui composent l'Administration, ainsi que le secré-
taire du Conseil et les autres fonctionnaires laïques du patriarcat. Quant
aux membres ecclésiastiques de ces mêmes Conseils et au prêtre-chance-
lier du patriarcat, il les nomme après avoir simplement consulté le Con-
seil d'administration.
En cas d'absence du patriarche et du Vicaire patriarcal, le Conseil d'ad-
ministration peut se réunir aux jours fixés, sous la présidence du vice-
président.
Art 37. — Les membres du Conseil d'administration restent en fonctions
durant trois ans, mais ils sont- toujours rééligibles. En cas de démission
ou de décès, les postes vacants dans le Conseil d'administration sont at-
tribués aux personnes qui ont eu la majorité des voix dans le scrutin
d'élection, en attendant la prochaine réunion de l'Assemblée générale.
312 REVUE DE l'orient CHRETIEN.
Art. 38. — Le Conseil d'administration a pour mission de surveiller
toutes les branches de l'administration, d'exiger d'elles des rapports et des
bilans annuels, et de présenter à l'Assemblée générale un rapport sur l'en-
semble de l'administration ainsi que les bilans spéciaux des recettes et
d épenses de l'année écoulée avec le budget des recettes et dépenses de
l'année à venir.
Art 39. — Le Conseil d'admini.stration ne peut, sans le consentement
de l'Assemblée générale, mettre à exécution une disposition propre à mo-
difier l'état légal des biens et des propriétés de la communauté, ou à en
augmenter les charges pécuniaires. Toutefois, dans certaines circonstances
impérieuses et extraordinaires, le Conseil d'administration peut se procu-
rer les ressources financières devenues nécessaires, à condition qu'elles
ne dépassent pas la moitié du total des revenus du patriarcat et de la sous-
cription publique annuelle.
Art. 40. — Toutes les communications relatives aux diverses parties de
l'administration sont présentées, à Constantinople, directement au Catho-
licos-Patriarche et dans les provinces aux pasteurs.
CHAPITRE VIII
DES CONSEILS ADMINISTRATIFS.
1) Conseil des écoles.
Art. 41. — Le Conseil des écoles se compose, en dehors du président,
de deux membres, dont l'un est ecclésiastique.
Ce Conseil veille directement aux besoins et au bon ordre des écoles qui
appartiennent à la communauté, et il apporte son concours au développe-
ment des écoles fondées par des particuliers, dont la situation nécessite-
rait des secours.
Le Conseil des écoles doit surtout veiller à l'établissement d'une école
pour les garçons et pour les filles sur tous les points déjà occupés par une
église ou une chapelle arménienne catholique.
Il appartient au patriarche à Constantinople et aux pasteurs dans les
provinces de surveiller toutes les écoles en ce qui concerne la religion,
la morale, les lois de l'État.
Dans les écoles dirigées directement par l'administration ou recevant
des subsides de celle-ci, la doctrine catholique est enseignée aux enfants
catholiques par les soins d'un ecclésiastique que le patriarche nomme à
Constantinople, d'accord avec le Conseil des écoles et l'éphorie de l'école.
En province, cet ecclésiastique est désigné par les pasteurs d'accord avec
le Conseil de l'administration locale et l'éphorie de l'école.
RÈGLEMENTS GÉNÉRAUX DES ARMÉNIENS CATHOLIQUES. 313
2) Conseil judiciaire.
Art 42. —Le Conseil judiciaire se compose, outre le président, de quatre
membres, dont un doit être ecclésiastique.
Le Chancelier patriarcal préside de droit ce Conseil.
Pour que les décisions de ce Conseil soient valables, il faut qu'en dehors
du président, deux membres au moins soient présents.
Ces décisions sont sujettes à revision de la part du Conseil administra-
tif sous la présidence du C.-P.
Art. 43. —La commission des testaments relève du Conseil judiciaire.
Tous les testaments dressés par des particuliers appartenant à la commu-
nauté, soit sous seing privé, soit par les soins du patriarcat, doivent, pour
être valables, se conformer aux lois de l'État. Quant aux circonstances
dans lesquelles ils doivent être dressés et remis au patriarcat, elles seront
l'objet d'instructions ultérieures.
3) Conseil de Vhôpital national.
Art. 44. — Le Conseil de l'hôpital national comprend, avec le président,
le prêtre éphore de l'hôpital, le médecin et deux membres laïques. L'ad-
ministration de l'hôpital, de l'asile d'aliénés, de l'école des pauvres et de
la chapelle qui s'y trouvent appartient au Conseil de l'hôpital.
L'administration intérieure de l'hôpital sera régie par des instructions
spéciales qui paraîtront ultérieurement.
4) Conseil des cimetières.
Art. 45. — Le Conseil des cimetières a l'administration générale des
cimetières de la capitale affectés à la communauté. La gestion du cimetière
national de Fera lui est spécialement confiée. Les cimetières sont admi-
nistrés suivant le règlement spécial établi par la Sublime Porte.
Outre le président, ce Conseil se compose de quatre membres, dont un
doit être ecclésiastique.
5) Conseil des recettes et dépenses du patriarcat.
Art. 46. — Le Conseil des recettes et dépenses du patriarcat se compose,
outre le président, de quatre membres, dont un ecclésiastique. Ce Conseil
a pour fonction de recueillir les fonds provenant de la souscription natio-
nale générale et d'autres sources, d'arrêter et de solder les dépenses néces-
saires.
Art. 47. — Tous les Conseils dont il vient d'être question agissent con-
formément aux instructions générales du Conseil administratif. Chaque
année, ils ferment leurs comptes à la fin de septembre et les présentent à
ce Conseil avant le 15 octobre, avec le budget des recettes et dépenses pré-
vues pour l'année suivante.
314 REVUE DE L ORIENT CHRETIEN.
Art. 48. Tous les membres des Conseils susdits restent en fonctions
pendant trois ans, et sont toujours rééligibles.
Art. 49. —Les contrôles nécessaires des diverses parties de l'administra-
tion peuvent, en cas de besoin, s'exercer au moyen de commissions spé-
ciales nommées par le pouvoir exécutif d'accord avec le Conseil d'admi-
nistration .
Art. 50. — Les questions soulevées par l'exécution de ce règlement
seront tranchées définitivement au Conseil administratif sous la présidence
du C.-P. Il en sera de même pour les différends qui s'élèveront entre deux
conseils, deux fonctionnaires, ou entre des particuliers et l'administration
au sujet des affaires admini.stratives. Dans ce cas, le C.-P. -peut, s'il le juge
convenable, appeler quatre autres membres choisis au sein du Conseil
ecclésiastique, pour aider à la solution des questions proposées.
CHAPITRE IX
DES CONSEILS PAROISSIAUX ET DES CURÉS.
Art. 5L — A Constantinople ou dans les provinces, partout où il existe
une église paroissiale ou une chapelle publique, les électeurs de la loca-
lité se réunissent sous la présidence du curé, et élisent un Conseil parois-
sial à la majorité proportionnelle des voix. Le dépouillement des votes a
lieu dans la même séance par les soins de scrutateurs élus à cet effet.
Art. 52. — Les membres des conseils paroissiaux restent en fonctions
pendant trois années, mais ils sont toujours rééligibles.
Art. 53. — Les Conseils paroissiaux comprennent quatre laïques dans
les localités qui comptent cent foyers ou davantage ; dans celles où il en
existe moins, ils se composent seulement de deux laïques. Le curé préside
de droit le Conseil paroissial.
Art. 54. — Le Conseil paroissial a pour mission de veiller à l'adminis-
tration et au bon entretien de l'église paroissiale ou de la chapelle, si celle-ci
compte parmi les biens nationaux, c'est-à-dire appartient à la commu-
nauté; de diriger l'école et le cimetière de la paroisse, de préparer les listes
des électeurs et des candidats éligibles dans la paroisse, de tenir réguliè-
rement les registres de l'état civil, de fournir les certificats nécessaires, de
recueillir la souscription paroissiale, et de conserver le sceau du syndic
(moukhtar).
Art. 55. — En cas de vacance dans le Conseil paroissial par suite de
démission ou de décès, celui qui a obtenu le plus de voix dans le scrutin
d'élection occupe la place laissée vacante, en qualité de membre du Conseil,
jusqu'à l'élection suivante.
Art. 56. — Dans les villes de province où réside un pasteur, chaque
paroisse aura son Conseil paroissial. Dans les villes qui comptent plusieurs
RÈGLEMENTS GÉNÉRAUX DES ARMÉNIENS CATIIOLIQUKS. 315
paroisses, unConsoil (l'administration snra établi auprès du pasteur; mais,
dans les localités (jui no renferment (ju'une })aroisse, le Conseil paroissial
remplira en même temps les fonctions de Conseil d'administration.
Los Conseils provinciaux d'administration rempliront les fonctions du
Conseil central d'administration, chacun dans les limites de son diocèse.
Le mode d'organisation de ces Conseils sera fixé par un règlement spé-
cial que le premier Conseil central d'administration rédigera et soumettra à
la confirmation de l'Assemblée générale.
Art. 57. — Les curés sont nommés à Constantinople par le patriarche,
et, dans les provinces, par l'évêque, d'accord avec le Conseil paroissial,
si l'église compte parmi les biens nationaux.
Art. 57. — En cas de dissentiment entre le pasteur et le Conseil parois-
sial, recours est adressé au patriarche qui décide le nécessaire, d'accord
avec un de ses Conseils, suivant la nature des circonstances.
CHAPITRE X
DE L ASSEMBLEE GENERALE.
Art. 59. — L'Assemblée générale représente la communauté arménienne
catholique; elle choisit les membres du Conseil d'administration , exige
de celui-ci, aux termes de l'article 3<S, les comptes des diverses branches
de l'administration, fixe les dépenses de l'administration générale et vote
la souscription nationale.
Art. 60. — L'Assemblée générale comprend : 1° quarante-deux mem-
bres de Constantinople, dont huit ecclésiastiques; 2° des membres laïques
des provinces en nombre variable, suivant le nombre même des diocèses
gouvernés par des évêques.
Art. 61. — L'Assemblée générale se réunit sous la présidence du C.-P.
et choisit parmi ses membres les secrétaires et le chef du secrétariat.
Art. 62. — Les membres de l'Assemblée générale restent en fonctions
pendant cinq ans ; en cas de vacances par suite de démission ou de décès,
ceux qui ont eu la majorité des voix au scrutin d'élection, remplacent les
membres sortants jusqu'à la prochaine élection.
Art. 63. — Le mode d'élection de l'Assemblée générale sera régi par
un règlement spécial.
Art. 64. — L'.^ssemblée générale commence sa session ordinaire le
15 novembre de chaque année; la durée de ces sessions ordinaires est de
deux mois au plus.
Art. 65. — L'Assemblée est convoquée en session extraordinaire pour
l'élection du C.-P. et du Vicaire patriarcal, dans tous les cas où le C.-P.
le juge nécessaire, et enfin quand les 2/3 au moins des membres de
l'Assemblée générale rexie:ent.
316 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
j^RT, 6G. — Pour que les sessions de l'Assemblée générale soient vala-
bles il faut qu'en dehors du président, la moitié plus un des membres de
l'Assemblée générale soient présents. Si la première séance ne réunit pas
ce nombre, l'Assemblée tient une nouvelle séance huit jours après, et les
décisions prises à cette séance par l'Assemblée, à la majorité des voix, se-
ront tenues pour valables.
CHAPITRE XI
CONDITIONS GENERALES D ELECTION.
Art. 67. — Tout Arménien catholique sujet de l'empire Ottoman, qui a
vingt-cinq ans révolus, jouit du droit d'électeur.
Art. 08. — Sont privés de ce droit : 1° ceux qui ont subi une peine
infamante, et, pour les ecclésiastiques, ceux qui ont été condamnés pour
fautes en matière ecclésiastique; 2'^ les aliénés; .3° ceux qui n'auront pas
contribué, comme c'est leur devoir, à la souscription générale et qui n'au-
ront pas complètement acquitté leur dette envers la souscription générale,
ni versé la taxe du patriarcat; 4'' ceux qui ne savent ni lire ni écrire.
Art. 69. — Les règles concernant les électeurs sont également appli-
cables aux candidats aux élections, avec cette différence que pour être
éligible, il faut avoir trente ans révolus.
CHAPITRE XII
DE LA SOUSCRIPTION,
Art. 70. — Hormis les indigents reconnus pour tels, tout Arménien ca-
tholique, âgé de vingt-cinq ans révolus, doit participer aux dépenses de la
communauté.
Art. 71. — La souscription est annuelle et le montant à souscrire est
déterminé en proportion des ressources personnelles de chaque individu.
Art. 72. — H y a deux souscriptions. L'une, générale, a pour objet les
frais de l'administration générale, et l'autre, paroissiale, est attribuée aux
frais de la paroisse.
Art. 73. — Les dispositions concernant la répartition et l'encaissement
de la souscription seront établies par le Conseil central d'administration
et confirmées par la première Assemblée générale qui se réunira.
U1':(ILEI\IENTS GÉNÉRAUX DES ARxMÉNIENS CATHOLIQUES. 317
CHAPITRE XII
RÉVISION DU HÈGLEMENT.
Art. 74. — Les dispositions générales de ce règlement, non moins que
celles relatives à l'élection, aux droits et aux devoirs du C.-P. et des évo-
ques, celles qui concernent le Synode national, le Conseil ecclésiastique,
les fonctions ecclésiastiques et les affaires religieuses , seront observées
dans leur intégrité. Quant aux autres parties, l'Assemblée générale pourra
y apporter des modifications, à la majorité des 2/3 des voix. Toutefois
aucun changement ne pourra être proposé avant trois années révolues, à
dater de la mise en vigueur de ce règlement. Toute modification introduite
conformément à cette règle, devra être ratifiée par la Sublime Porte.
OPUSCULES MARONITES
[Suite) (1)
FRAGMENTS D'UNE CHRONIQUE SYRIAQUE MARONITE
Fol. 1. — Sur Adam, Seth, etc., jusqu'au déluge.
Fol. 2. — Les soixante-douze vieillards, pris six dans chaque
tribu d'Israël, se mirent deux à deux pour traduire l'écriture.
Ils firent ainsi trente-six traductions concordantes. (Viennent
alors les noms des 72.) (2)
Fol. 2'. — Dans la vingt-quatrième année dePtolémée (Phila-
delphe) (3), Antiochus qui fut appelé Dieu régna sur la Syrie et
Y Asie durant quinze ans<-. A la même époque les Romains vain-
quirent les Carthaginois sur mer (4) et prirent la ville M<i^ (5).
Vers la même époque, à Éliézer, grand prêtre des Juifs,
succéda Manassé son oncle.
Et l'année (...) de Ptolémée, les Parthes, qui senties Perses,
se révoltèrent contre la Macédoine, et se donnèrent un roi
nommé Arsace, d'où on les appela Arsacides (6).
La soixantième année du comput des Grecs, dans la (...)
indiction (7), Ptolémée Évergète régna en Egypte durant vingt-
six ans (8.)
(1) Voy. p. 175.
(2) Sur celte légende, cf. Vigouroux, Manuel Biblique, t. I, n" 105.
(3) En 261.
(4) A Myles en 260.
(5) Doit être Lilybée qui soutint alors un siège de huit ans (250-242) contre les
Romains. Ce fait devrait donc figurer plus bas.
(6) Justin [Hsit., XLl) place aussi l'avènement des Arsacides sous Philadeliihc.
l'an 250 (Petau, Rat. Temp., I, p. 169j.
(7) Il faut lire 64, le dolath a pu être supprimé devant le suivant, le nombre
des indictions a été gratté.
(8) 247-222.
OPUSCULES MARONITES. ol9
La même année, Sëleucits CaUinùjue régna en Syrie du-
rant vingt ans (l). Onias, fils de Simon, était grand prêtre, il
fut ennemi du roi d'Egypte parce qu'il ne voulut pas lui payer
tribut.
La quatrième année de Ptolémée, Déméiriiis régna en Macé-
doine durant dix ans (2) '
A cette époque fut bâtie Callinice par Séleucus Callinique.
La quinzième année de Ptolémée, dans la 137" olympiade et la
troisième indiction (3) ou la quatre-vingt-unième année des
Grecs, Simon fils d'Onias (4) fut grand prêtre des Juifs. C'est le
père de Jésus fils de Sirac/t et il fit à cette époque le livre
célèbre qui est appelé « Sagesse du fils de Sirach ». (33)
(Un certain nombre de lignes sont illisibles. Puis viennent
Ptolémée Philopator et Ptolémée Épiphane.
Fol. 3. — Histoire cVÉléazar appelé ^îo- (5) qui tue un éléphant
dans un combat, puis Judas envoie trois mille pièces d'argent
à Jérusalem pour faire prier pour les morts. Vient ensuite
Ptolémée Soter qui fut tué par deux de ses eunuques.)
A cette époque, après le meurtre du grand prêtre Ménélas,
le méchant Alcimus lui succéda (6), bien qu'il ne fût pas de la
nation juive; mais il fut nommé à cause de ses largesses; à
cette vue, Onias, fils d'Onias, s'enfuit en Egypte et y bâtit une
ville et un temple semblable à celui de Jérusalem; la justice de
Dieu atteignit Alcimus, il mourut et on mit à sa place Judas
Macchabée (7).
En l'année ( ) (8) mourut Judas. On mit à sa place Jona-
thas son frère, lequel durant dix-neuf ans fut chef du peuple et
(1) 247-2-27.
(2) 243-233.
(3) Pour notre auteur les indictions commencent donc presque avec l'ère des
Séleucides, et pas seulement h. Constantin.
(4) Ceci se passe en 232. 11 s'agit donc de Simon 1'^^' qui vivait sous Séleucus.
(5) lire ^jous =^ lauapàv, Macch., I, vi, 43.
(6) Cf. Macchabées, I, vu.
(7) Le I" livre des Macchabées semble faire mourir .Judas avant Alcime. Car
Judas meurt ch. ix, 18, et Alcime, ch. ix, 56.
(8) Daprès Petau {Rat. Temjj., I, p. 197), l'an 152 des Grecs ou 160 avant notre
ère.
320 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
grand prêtre. Il poursuivit (Bacchydes) général de Démétrius
et le vainquit.
Et l'année 160 qui est la vingt-neuvième de Ptolémée (Phi-
lométor), Alexandre (Bala), fils d'Antiochus Épiphane, régna
dix ans. Il tua d'abord Démétrius (Soter); puis alla en Egypte
et la subjugua. Le roi d'Egypte lui donna sa fille en mariage (1),
d'autres disent qu'elle était fille de Ptolémée É vergé te. C'est
par elle cependant, dit saint Hippolyte, que fut accomplie la
parole de Daniel : la fille du roi du sud fut donnée au roi du
nord. Mais Théodoret dit : Par celle que Ptolémée Épiphane
donna à Antiochus fut accomplie, etc.
L'an 165 d'Alexandre, Ptolémée Évergète commença son
règne de vingt-neuf ans; à cette même époque Jonathas, chef et
grand prêtre des Juifs , fit un traité d'alliance et d'amitié avec
les Spartiates, c'est-à-dire les Romains.
L'an 167 qui est la troisième de Ptolémée, Démétrius fils
de Démétrius tua... (2).
(Fol. 3" et 4. — Histoire depuis la mort de Jonathas l'Asmo-
néen jusqu'à Pompée. Récit sur Antipatros et sa famille. — Puis
vient une lacune. — Le folio 5 commence à la dix-huitième
année d'Auguste, renferme le récit de la Nativité, et se ter-
mine à l'exécution de la veuve et des enfants d'Hérode. —
Nouvelle lacune. — Le folio 6', presque illisible, présente
une histoire de Zénobie) (3).
Fol. 6\ — Histoire de Manès (la première colonne est rognée
et difficile à lire).
il se nommait le Messie et l'Esprit saint. Il se choisit
douze disciples (34) et leur souffla l'esprit, comme l'avait fait
le vrai Messie, puis ils allèrent tromper le monde.
Manès disait dans son enseignement qu'il y a deux principes
(pL/), Dieu et la matière : l'un est bon et occupe les régions de
l'orient, du nord, de l'occident et toute la partie élevée ; l'autre est
la matière qu'il proclama mauvaise. Elle occupe les régions du
sud. Et cette matière se mettant en mouvement, ses fils : les
démons, le feu, l'eau et les idoles, s'élevèrent l'un contre l'autre
et se poursuivirent entre eux. Ils arrivèrent ainsi dans le ciel,
(1) Cléopàtre, fille de Philométor. Cf. Petau, loco cilato, p. 198.
(2) Sans doute Alexandre Bala qui le fut cette année.
(3) Ces sept lignes nous furent communiquées par M. Brooks.
OPUSCULES MARONITES. 321
région de la lumière, et cherchèrent à mélanger leurs ténèbres
au bien et à la lumière. Quand Dieu s'en aperçut, il les en-
chaîna et prit un peu de lumière qu'il jeta dans les ténèbres (1).
(Viennent ensuite aux folios 7 et 8 les noms des divers empe-
reurs romains et la mention des persécutions.)
Fol. 9. — ... Mais le peuple ne le supporta pas, il chassa Phi-
lippe (2) et rappela Libère sur son siège. A cette même époque
on chassa Macédonius de Constantinople après qu'il y eut été
cinq ans et on mit à sa place Eudoxius, qui avait été kAntioche
durant trois ans (3). Après Eudoxius, Mélèce du pays de Sé-
baste (4) fut patriarche d'Antioche. Il avait été évêque à Alep,
d'où les Ariens le firent venir à Constantinople. Mais bientôt,
quand il monta pour prêcher, il leur montra trois doigts en
leur criant : « Nous prêchons trois personnes, mais nous par-
lons comme s'il n'y en avait qu'une. » Quand les Ariens virent
qu'il n'était pas de leur secte, ils le rejetèrent après qu'il eut
gouverné l'Église (deux) ans (5), et mirent à sa ^Xd^cQEuzius qui
fut chassé d'Egypte avec Arius.
A cette occasion le peuple d'Antioche se divisa, le prêtre
Flavien dirigeait un parti et Euzius l'autre.
A Jérusalem Adrien (Arsenius?) fut évêque durant neuf ans
et eut pour successeur HèracUus.
Macédonius qui fut chassé de Constantinople disait : « L'es-
prit ne participe en aucune manière (35) à la nature du Père. »
Il prononçait aussi contre le fils les blasphèmes d'Arius. Quand
ce maudit fut chassé, il se retira au pays de l'Hellespont et Eu-
doxius lui succéda. Celui-ci donna à l'empereur un pré-
texte menteur et chassa aussitôt Eleusius (6) qui était évêque
de Cyzique et mit à sa place Eunomius (7) (gardien) de
l'aigle qui était de Cilicie. Ils eurent soin d'abord de ne révéler
leurs idées à personne et ils s'emparèrent des églises par force,
(1) Ceci ressemble un peu au système attribua- par IMoïse Bai'-Ci'pha a Bardc-
sane; cf. Bardesane l'astrologue, le Livre des Lois des pays, (; 60. Chez Leroux.
(2) Félix II.
(3) B. H. C. E. I., 98.
(4) B. H., ibid.
(5) Tout ceci est chez B. II. C. E. I., 88, 91.
(G) Eleusinus. Fleury, II, xni-la.
(7) Floiiry, II, xui-34.
ORIENT CHRÉTIEN. 23
322 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
mais les habitants de la ville tlattèrent Eiuiomius et il leur
révéla sa mauvaise volonté. Ils allèrent alors cabaler contre lui
à Constantinople. L'empereur, averti, fit surveiller Eudoxius
pour s'en venger
(Viennent ici deux colonnes illisibles.)
Fol. 10. — à cette époque se signalèrent les
Apollinaire. Apollinaire était d'Alexandrie. Et comme il était
habile dans les sciences profanes, il vint enseigner à Beyrouth,
puis il alla de là à Laodicée de Syrie, y prit une femme et en
eut un fils qui fut aussi nommé Apollinaire. Il fut fait prêtre et
son fils lecteur, au temps de févèque Théodote. Ils enseignaient
les sciences grecques, le père enseignait la grammaire et le fils
la rhétorique. Ils fréquentaient assidûment le sophiste païen
Épiphane. Théodote, qui s'en aperçut, leur défendit de le fré-
quenter encore de crainte qu'ils ne retournassent au paganisme,
et ils obéirent extérieurement à l'ordre de l'évêque (fol. 10').
Mais plus tard, quand Théodote mourut et que George lui suc-
céda, ils redevinrent assidus chez Épiphane même pendant
qu'il accomplissait les sacrifices païens. Quand l'évêque eut
essayé en vain de les séparer d'Épiphane, il les excommunia.
Le jeune Apollinaire regarda cela comme une injure et, grâce
à sa parole sophistique, il fonda une pernicieuse hérésie. Il alla
trouver certains évêques excommuniés qui le firejit évêque
d'une ville inconnue (1); puis, avec son père, il fonda une héré-
sie étonnante, (36) car il affirmait comme nous que la Trinité
n'avait qu'une seule nature, puis il établissait des degrés quand
il disait : que le Père est grand, le fils plus grand, et l'Esprit le
plus grand. Il dit aussi que le Verbe s'incarna et prit une àme,
mais une âme végétative et sensitive et non une àme ration-
nelle, car Dieu lui tenait lieu de celle-ci. Et dans un autre en-
droit
Fol. 12. — .... i/orti(;^V/^ le fit tuer. yl/« menaçait d'aller
de nouveau attaquer Moawiah, on le frappa à Hirta pendant sa
prière et on le tua. Moawiah descendit à Hirta, toutes les trou-
pes arabes qui y étaient se soumirent à lui, après quoi il re-
tourna à Damas.
(Ij B. II. C. E. I., 101, porte l^-^■>a:i. au lieu de |£^.>ai>..
OPUSCULES MARONITES. 323
L'année 070, qui est la dix-septième de Constant (1), un ven-
dredi du mois de Khaziran (juin), à la deuxième heure, il y eut
'en Palestine un violent tremblement de terre et beaucoup de
villages furent détruits.
CE MÊME MOIS LES ÉVÈQUES JACOBITES THÉODORE (2) ET SAROCIIT (3)
VINRENT A DAMAS, DEVANT MOAWIAU, ET DISPUTÈRENT AU SUJET DE
LA FOI AVEC LES MARONITES.
Les jacobites furent vaincus et Moawiah les condamna à
payer vingt mille dinars; puis il leur ordonna de se tenir tran-
quilles, et les évoques jacobites continuèrent à payer tous les
ans la même somme d'argent à Moawiah afin qu'il ne cessât de
les protéger et que les fils de l'Église ne les persécutassent pas.
Celui que les jacobites nomment patriarche décida quelle con-
tribution pour cette somme d'argent tous les couvents de moi-
nes et de religieuses devraient lui apporter chaque année ainsi
que tous les fidèles, puis il se chargeait de faire cadeau de cette
somme à .Aloawiah, afin que par crainte de celui-ci, tous les
jacobites lui obéissent.
Le neuf du mois où eut lieu la dispute avec les jacobites, un
dimanche (4), il y eut un tremblement de terre.
La même année l'empereur Constant fit tuer injustement son
frère Théodose, car il était innocent, comme beaucoup le racon-
tèrent (5). Ce meurtre causa (37) une grande émotion et on ra-
conte que les habitants de la ville (impériale) vociférèrent
contre l'empereur et l'appelèrent second Caïn et fratricide (6).
Il en fut très irrité, laissa l'empire à son fils Constantin, et par-
tit, avec l'impératrice et l'élite de l'armée, pour les pays du Nord
chez des peuples inconnus (7). (Fol. 12'.)
L'année 971, qui est la dix-huitième de Constant, les Arabes
(1) 658-659 de notre ère.
(2) C'est le patriarche d'Antioche (649-667). Cf. B. H. C. E. I., p. 282.
(3) Évèque de Kennesrin, B. H. C. E., p. 276. — On peut croire que les Maro-
nites se servirent alors des questions écrites par Jean Jlaron contre les jacobites
et que nous avons traduites plus haut.
(4) Le 9 de ce mois fut bien un dimanche. N.
(5) Théophane place aussi ce meurtre en 658-659. N.
(6) Cf. B. H. C. S., p. 106, 1. 17-27.
(7) Il se retira à Rome et à Sj-racuse.
324 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
se réunirent en grand nombre à Jérusalem, et y nommèrent
roi Moawiah. Celui-ci monta au Golgotha et y pria. Il alla aussi
à Gethsémani, descendit au tombeau de la bienheureuse Marie
et y pria. A ce moment, tandis que les Arabes étaient rassem-
blés autour de Moawiah, il y eut un violent tremblement de
terre qui renversa la plus grande partie (de Jéricho) avec toutes
ses églises. Et près du Jourdain l'église de Jean qui baptisa le
Sauveur fut détruite de fond en comble ainsi que tout le monas-
tère. Ce tremblement de terre renversa aussi le monastère de
Aba Eutliymius, avec beaucoup d'habitations de moines ou de
cénobites et beaucoup de villages.
Cette même année, au nàois de Thamouz (1), les émirs et beau-
coup d'Arabes se réunirent et prêtèrent serment à Moawiah, et
on ordonna que tous les villages et toutes les villes de son em-
pire eussent à le proclamer roi et à lui préparer un trône et des
ovations. Il frappa aussi des monnaies d'or et d'argent et on ne
les reçut pas, parce qu'il n'y avait pas de croix dessus. De plus
Moawiah ne prit pas un diadème comme les autres rois du
monde. Il plaça le siège {de son empire) à Damas, et ne voulut
pas aller à celui de Mahomet.
L'année suivante, il arriva de la glace le 13 de Nisan (2), de
sorte que les vignes vertes furent brûlées.
Quand Moawiah régna comme il le voulait et eut apaisé la
guerre qui existait chez les siens, il rompit la paix avec les Ro-
mains et ne fit plus aucun traité avec eux, mais il disait : « Si
les Romains veulent la paix, qu'ils me donnent leurs armes et
qu'ils me paient tribut »
{Ici deux pages manquent.)
Fol. 14. — Yesid, filsde ,l/ort7(;ïV//?, monta avec une troupe nom-
breuse, et pendant qu'ils campaient en Thrace (3), les Arabes
(1) Juin.
(2) Avril.
(3) 11 s'agit donc du siège de Constantiiiopie par les Arabes. Bar-Hebreus le
place vers G02, mais les autres historiens le"placent plus tard. N. — On remarquera
que cet épisode n'est pas daté, il a pu être transposé et on ne doit pas nécessai-
rement lui appliquer la date voisine.
OPUSCULES MARONITES. 325
se dispersèrent pour piller et leurs mercenaires et leurs servi-
teurs (se dispersèrent) ù la recherche (yv^,) du butin et pour
voler tout ce qui leur tomberait sous la main. Ceux qui étaient
sur le mur firent une sortie, les attaquèrent (38) et (tuèrent)
un grand nombre de serviteurs, de mercenaires et aussi dWra-
bes; ils prirent le butin et rentrèrent (dans la ville). Le jour sui-
vant, les serviteurs de la ville, avec une partie de ceux qui s'é-
taient réfugiés (dans cette ville) et avec quelques Romains, se
rassemblèrent et dirent : « Faisons une sortie. » Constantin (1)
leur dit : « Vous ne sortirez pas, car vous n'avez jamais fait la
guerre et vaincu, mais seulement volé. » — Et ceux-ci ne l'écou-
tèrent pas, mais un grand nombre sortirent en armes, avec
des drapeaux et des fanions selon la coutume des Romains. Dès
qu'ils furent sortis, on ferma toutes les portes et l'empereur
fit planter sa tente sur le mur où il se porta plein de joie. Les
Sarrasins se retirèrent en arrière et s'éloignèrent des murs afin
que les autres ne pussent pas être aussitôt sauvés par la fuite. Ils
se retirèrent donc, puis se placèrent en ordre, et quand les autres
approchèrent, ils se levèrent et se précipitèrent en criant dans
leur langue : « Dieu est grand ! » Et les autres se culbutèrent
(oio;;) aussitôt en arrière en pleine déroute et les Sarrasins les
poursuivirent et les massacrèrent ou les firent prisonniers,
jusqu'à ce qu'ils arrivèrent sous les balistres du mur. Constan-
tin fut irrité contre eux et ne voulait pas d'abord ouvrir les
portes, beaucoup furent tués et d'autres blessés par les traits.
Et l'an 975 (2), la vingt-deuxième de Constant Qi la septième
de Moawiah, Bar-Chalid (3), général des Arabes, quitta
E messe (^om^), capitale de la Phénicie, et conduisit son armée
sur le territoire des Romains. Il alla camper près du lac appelé
3:y.Av;piç(4), et quand 11 vit que beaucoup de monde y habitai t(;..jio),
il chercha à le prendre. Il fit donc des radeaux et des bateaux,
les remplit de troupes et les envoya sur (le lac). Et quand ceux
qui étaient à l'intérieur virent cela (fol. 14'), ils s'enfuirent et
(1) Fut le successeur de Constant.
(2) 663-664 de notre ère.
(3) C'est Abd-ar-Rahman ben-Chalid ben-Al-\Valid. Théophane place cette ex-
pédition à la même date. N.
(4) Ou Kapa>>;Ti; en Lycaonie.
326 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
se cachèrent à leurs yeux. Et quand les Arabes arrivèrent à
l'intérieur de la terre ferme {\j^^ (eurent débarqué), ils des-
cendirent, attachèrent leurs radeaux, et se préparèrent à monter
contre le peuple. Alors ceux qui étaient cachés se levèrent aussi-
tôt, coururent occuper les radeaux et les conduisirent en pleine
eau. Les Arabes se trouvèrent ainsi sur la terre au milieu du
lac, entourés d'une grande quantité d'eau et de plantes aquati-
ques. Les habitants se réunirent contre eux, les entourèrent de
tous côtés, les attaquèrent à coups de fronde et de pierres et les
tuèrent tous. Et leurs compagnons étaient en face, ils voyaient
tout, mais ne pouvaient les aider. (39) Et les Arabes ne combat-
tirent plus sur le lac jusqu'aujourd'hui.
Bar-Chalid leva le camp et traita avec la ville à'Amorium;
quand on lui en eut ouvert les portes, il y mit une garnison
arabe. Il leva le camp et alla assiéger le grand château fort de
Silas (1). Un grand constructeur qui était de Paphlagonie le
trompa, et lui dit : « Si tu me donnes ta parole pour moi et ma
famille, je te ferai une machine qui te soumettra ce château
fort. » Bar-Chalid accepta et fit apporter de longs chênes, et il
construisit une machine comme on n'en avait pas encore vu.
On la monta et on la fixa en face de la porte du château fort
et les maîtres du château fort, confiants dans sa force, les lais-
sèrent approcher. Alors les gens de Chalid s'appliquèrent à leur
machine et lancèrent une pierre qui vint frapper la porte du
château. Puis ils en lancèrent une autre qui alla moins loin et
une troisième qui alla encore moins loin que les deux autres.
Les assiégés leur criaient du haut (du mur) avec dérision : « Ap-
pliquez-vous (mieux), gens de Chalid, car vous le faites mal, »
puis du haut (du mur) ils lancèrent une grosse pierre contre la
machine. Cette pierre tomba dessus et la détruisit complètement;
ainsi la machine fut mise en pièces et tua beaucoup d'hommes.
Bar-Chalid partit et subjugua le château fort dA — ..r^.o. (2), puis
ceux de ^a^ et de ^n.^.'^^^ (3), ainsi que la ville de Smyrne.
Note. — Cette chronique est d'autant plus intéressante que
l'on connaît peu d'anciens historiens maronites. Bar-Hebreus
cite Théophile d'Edesse (Chron. syr., éd. Bedjan, p. 126-127.
(1) Sille, près d'Iconium.
(2) Pessiniis. N.
(3) Pergame (?J. N.
OPUSCULES MARONITES. 327
Hial. des Ihjnasties, p; 147-1 18) : « A cette époque (viii" siècle)
était célèbre Théophile fils de Thomas crEdesse, bon astronome,
qui partagea l'hérésie des Maronites. Il écrivit en syriaque un
remarquable ouvrage de chronologie, bien qu'il y calomnie
et y accuse les orthodoxes; il traduisait du grec en syriaque les
deux ouvrages d'Homère sur llion. Il servait le khalife Mahcli et
en fut aimé à cause de son habileté dans l'art de l'astrologie.
On raconte qu'un jour, le khalife voulut visiter l'une de ses villes
et sa famille avec lui, et la femme du khalife fit dire à Théophile :
« C'est toi qui as conseillé au khalife de voyager et qui nous impo-
« ses la fatigue et les souffrances d'un voyage dont nous n'avions
« pas besoin, aussije prie Dieu qu'il te fasse vite mourir et t'enlève
« de la terre afin que je sois tranquille, car tu nous tourmentes. »
Théophile répondit à la servante qui était venue lui faire cette
commission : « Va dire à ta maîtresse que je n'ai pas conseillé
« ce voyage au khalife, mais tu peux partir satisfaite au sujet de
« la malédiction que tu m'envoies pourque Dieu avance ma mort,
« car ce décret avait déjà été rendu et envoyé par Dieu et je
« vais mourir. Mais ne crois pas que je mourrai parce que ta
« prière a été exaucée; ce sera pour accomplir la volonté de mon
'< créateur. Et toi, ô reine, je te le dis, prépare-toi beaucoup de
« poussière, et quand tu apprendras que je suis mort, répands
« toute cette cendre sur ta tête. » En entendant cela, la reine fut
très effra3^ée,etse demandaceque pouvait signifier cette réponse-
Peu après Théophile mourut, et vingt jours après ce fut le tour du
khalife (785). Ainsi s'accomplit ce que Théophile avait fixé .»
Dans un autre endroit {Hist. Dyn., p. 63 de la traduction de
Pococke) Bar-Hebreus nous apprend -que Théophile d'Edesse
plaçait le commencement de l'ère des Séleucides l'an 5197
du monde. Le même auteur (Livre de l'ascension de Vesprit,
p. 199) nous dit encore : « De nos jours, les peuples qui nous
entourent se servent de six chronologies. L'une, dont se ser-
vent les Grecs, part d'Adam. Il y a diverses opinions à son su-
jet, la plus célèbre, à notre époque, reproduit celle de Théo-
phile d'Edesse. » La chronologie de Théophile, qui placé ainsi
la naissance de N.-S. l'an 5508 (^5197 -f- 311), est basée sur le
texte des Septante.
Maçoudi nous fait connaître un autre historien maronite :
« L'un de ses sectateurs (de Maroun) connu sous le nom de Kaïs
328 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
le Maronite est l'auteur d'un excellent livre sur la chronologie,
l'origine du monde, les prophètes, les livres, les cités, les na-
tions, les rois de Roum et autres, et leurs histoires. Il termine son
ouvrage au Khalifat de Mouktafi (901) ; je ne sache pas que les
Maronites aient composé un autre livre touchant ces mêmes
matières. » Livre de l'avertissement, trad. Carra de Vaux,
p. 212.
CONTROVERSE ENTRE UN SYRIEN ET UN GREC.
(40) Demandes et réponses au sujet des paroles : Dieu saint,
saint puissant, saint immortel, qui fut crucifié pour nous (1),
que nous disons en priant.
Question du Grec : Dis-moi, ô Syrien, pourquoi, après avoir
dit dans vos prières : Dieu saint, saint puissant, saint immortel,
ajoutez-vous : qui fut crucifié pour nous? Vous crucifiez tou-
jours ainsi la divinité. Dites-nous qui vous a enseigné cela et
pourquoi yous dites : qui fut crucifié pour nous? — Réponse
du Syrien : Sache, ô Grec, que tout chrétien qui prie et ne
met pas dans sa prière : qui fut crucifié pour nous, prie le dé-
mon, et non pas Dieu, et le démon lui enlève les prières de la
bouche et elles n'arrivent pas jusqu'à Dieu. — G. Explique-
moi, ô Syrien, comment celui qui ne dit pas : qui fut crucifié
pour nous, prie le démon. — S. Sache, ô Grec, que le démon est
l'ennemi de l'homme et cherche toujours sa perte. Il combat
avec lui jour et nuit, et lorsque l'homme se lève pour prier Dieu,
le démon maudit vient en face de lui, et quand l'homme dit dans
sa prière : Dieu saint, le démon répond : Et moi aussi je suis
saint et je suis Dieu de toutes les ténèbres de ce monde. Et
quand on ajoute : saint puissant, le démon répond : Et moi aussi
je suis puissant, j'opère des signes et des prodiges nombreux
dans ce monde. Et quand on dit : saint immortel, le démon
ajoute : Et moi aussi je suis immortel. Mais quand on dit : qui fut
crucifié pour nous, et quand on fait sur soi le signe de la croix,
on ferme la bouche du démon. Il reste confondu, et n'a rien à
répondre, car ce n'est pas lui qui fut crucifié pour notre salut.
(1) Sanctus Deus, sanctiis fortis, sanctus inniiortalis,... tu nie suspendisti in
patibulo crucis. Office du vendredi saint.
OPUSCULES MARONITES. 329
Et quand il voit que notre prière arrive à celui qui a été cru-
cifié pour nous, alors il fuit avec crainte et tremblement et s'('>
vanouit devant la force de la croix comme une fumée au souffle
du vent. Mais si l'on ne dit pas dans la prière : qui fut crucifié
pour nous, le démon maudit a réponse à toute parole et enlève
la prière de la bouche. 11 convient donc que nous disions dans
nos prières : qui fut crucifié pour nous, puisque ces paroles
chassent le démon et rendent vaine toute sa puissance. Sache
encore (41) que le démon maudit reçoit beaucoup de noms sem-
blables dans les livres saints, parce qu'il est en face de Dieu du
côté gauche ; on l'appelle Dieu du monde, père, fds, esprit, on
l'appelle aussi puissant et immortel. — On l'appelle Dieu du
monde, parce qu'il est le maître et le chef de tout le côté gau-
che, le créateur et l'artisan de tous les maux qui se font dans le
monde. On l'appelle père, parce qu'il engendre le mensonge
ainsi que le mal et les adversités qui sont chez les hommes; on
l'appelle fils, parce qu'il est le fils de perdition dont parlent les
Écritures, qui a perdu la vie de Dieu, et auquel est réservé le feu
de la géhenne. On l'appelle esprit, parce qu'il est l'esprit d'er-
reur qui souftle en secret dans les cœurs des hommes simples
pour les éloigner de la crainte de Dieu; on l'appelle puissant,
parce qu'il fait des prodiges nombreux et stupéfiants et les
opère dans le monde envers ceux qui lui obéissent, car il est
faible et débile envers ceux qui lui résistent. Il est immortel et
on l'appelle ainsi parce que c'est un esprit et que les esprits ne
meurent pas parce qu'ils ne sont pas revêtus de corps. Et quand
un homme répète dans sa prière tous les noms dont nous venons
de parler et ne dit pas : qui fut crucifié pour nous, ce démon
maudit s'assimile tous ces noms, il répond à eux tous quand on
les prononce dans la prière et ehlève ainsi la prière de la bou-
che. 11 n'y a rien qui le chasse et l'annihile comme ce qui fut
crucifié pour nous, il convient donc que nous prononcions ces
paroles et chassions ainsi le diable de chez nous — G. Quel
livre t'a enseigné, ô Syrien, que le démon maudit est appelé
Dieu, père, fils et esprit? Montre-nous où tu as trouvé que ce
démon maudit est appelé ainsi. — S. L'apôtre Paul dans la
seconde lettre aux Corinthiens appelle le démon Dieu de ce
monde; quand il maudit ceux qui ont perdu la foi parce qu'ils
furent trompés par les démons, il dit : « Si notre Évangile est
330 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
caché, il est caché pour ceux qui périssent, pour ceux dont le
Dieu de ce monde a aveuglé l'esprit pour les empêcher de croire,
afin que l'Évangile de la gloire du Messie, qui est l'image de
Dieu, ne brille pas pour eux (1). » (42) Et dans la lettre aux
Éphésiens, il l'appelle maître de l'air et du vent et celui qui
suggère aux enfants de ne pas obéir. Il l'appelle encore chef et
maître du monde lorsqu'il dit : « Votre combat n'est pas avec
la chair et le sang, mais avec les principes et les Dominateurs et
les maîtres de ce monde de ténèbres (et avec les esprits im-
purs) qui sont sous le ciel (2). » Et le Messie notre Sauveur l'ap-
pelle le père du mensonge lorsqu'il dit aux Juifs : « Vous avez
pour père le diable, et voulez accomplir les désirs de votre père
qui est un homicide depuis l'origine, et ne put rester dans la
vérité, parce qu'il est menteur et le père du mensonge (3). » Et
dans un autre endroit, il l'appelle fils lorsqu'il dit : « Et per-
sonne n'a péri si ce n'est le fils de perdition (4). » Il l'appelle
encore chef et gouverneur du monde quand il dit : « Maintenant
c'est le jugement de ce monde, maintenant le gouverneur du
monde sera jeté dehors (5). » Il dit encore : « Le prince de ce
monde est venu et il n'a rien sur moi (6). » Et sur sa chute du
ciel il dit : « J'ai vu Satan tomber du ciel comme un éclair (7). »
Dans d'autres endroits il l'appelle esprit, esprit de mensonge,
esprit méchant, esprit impur, et lui-même disait au Messie : « Le
pouvoir sur tout ce monde de ténèbres a été livré dans mes
mains (8). » Et le prophète Isaïe raconte qu'il disait en se glori-
fiant de sa grandeur et de son ténébreux pouvoir : « Je monte-
rai au ciel et placerai le siège de mon royaume au-dessus des
étoiles du ciel et je serai semblable à Dieu (9). » Ainsi je t'ai
montré dans l'Écriture que le diable est appelé de tous ces
(1) II Cor., IV, 3, 4. C'est le texte de la Peschito avec les fautes ©v^ pour vp«>v^
et laopour Itaio;.
(2) Eph., VI, 12.
(3) Jean, viii, 44. C'est le texte même de la Peschito avec une variante heu-
reuse : « Et père du mensonge » au lieu de « et son père ».
(4) Jean, xvii, 12.
(5) Jean, xii, 31.
(6) Jean, xiv, 30.
(7) Luc, X, 18.
(8) Luc, IV, 6.
(9) Isaïe, XIV, 13. Ce texte diffère de celui qui fut imprimé à Mossoul.
OPUSCULES MARONITES; 331
noms. — G. Et pourquoi rappelle-t-on diable puisqu'il porte de
tels noms dans les saints livres? — .S'. Quand il fut créé par
Dieu, il ne s'appelait pas diable, mais était un ange; à cause de
son orgueil il tomba de sa place et fut appelé Satan, parce qu'il
s'éloigna de Dieu. Il fut appelé diable parce qu'il fut dépouillé
de ses honneurs et fut l'adversaire de Dieu et des hommes,
comme le montre saint Basile dans son discours sur le com-
mencement des Proverbes de Saloinon où il dit : « Par le béné-
fice de son commandement, il était chef, sultan et maître du
monde et le lieu de sa principauté et de son empire était l'air;
mais il se révolta contre Dieu et devint l'adversaire de Dieu et
des hommes. » Tous ces témoignages nous montrent (43) que
dans les saints livres ce démon maudit est appelé Dieu et maître
des ténèbres du monde; il est donc juste que dans nos prières,
nous séparions, comme des gens sages, son nom trompeur du
nom véritable de Dieu. Nous faisons cette distinction si, lorsque
nous proclamons trois fois la sainteté du Verbe incarné qui fut
crucifié pour nous, nous disons trois fois : Dieu saint qui fut
crucifié pour nous; on reconnaît alors le Verbe de Dieu et on le
distingue du démon maudit que nous chassons alors de près de
nous. Mais si quelqu'un dit : Dieu saint, saint puissant, saint
immortel, et n'ajoute pas : qui fut crucifié pour nous, il ne
distingue pas le sens trompeur du sens vrai, et ce démon mau-
dit lui répond aussitôt et lui dit : Et moi aussi je suis Dieu, je
suis puissant et je suis immortel; toute cette sanctification me
convient. Et par ces paroles, il lui enlève la prière de la bouche
et ne la laisse pas monter jusqu'à Dieu. Il convient donc de dire
dans nos prières : qui fut crucifié pour nous, parce que ces pa-
roles rendent vaine toute la force du diable auprès de nous. —
G. Tu as entassé les paroles, ô Syrien, pour louer ce : qui fut
crucifié pour nous, et tu ne sais pas qu'en disant trois fois :
Dieu saint, tu honores la Trinité, et quand tu ajoutes : qui fut
crucifié pour nous, tu crucifies la Trinité. Montre-nous donc où
tu as trouvé écrit que la Trinité fut crucifiée et lequel des saints
Pères a enseigné cela. — S. Enseignes-tu que l'un de la Trinité
s'est incarné et fait homme, ou bien toute la Trinité? — G.
C'est l'un de la Trinité et non toute la Trinité. — .S'. Si l'un de
la Trinité s'est incarné et fait homme, et non toute la Trinité,
nous disons aussi qu'un de la Trinité a été crucifié et non les
332 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
trois, car celui qui ne s'est pas incarné, n'a pas pu être crucifié,
et nous autres, ô Grec, nous ne disons pas, comme tu le pré-
tends, que la Trinité a été crucifiée, mais nous confessons que
c'est l'un de la Trinité qui a été crucifié pour nous, la direction
de notre pensée, lorsque nous disons : Dieu saint et qui fut
crucifié pour nous, ne se porte pas sur toute la Trinité, mais
sur l'un de la Trinité qui est le seul Seigneur Jésus-Christ, fils
unique de Dieu, né de Dieu avant tous les siècles, qui est lu-
mière de lumière, Dieu vrai de Dieu vrai, qui, pour nous autres
hommes et pour notre salut, est descendu du ciel et a pris un
corps du Saint-Esprit et de la Vierge Marie et fut homme, et fut
crucifié pour nous au temps de Ponce-Pilate selon l'enseigne-
ment (44) des 318 saints Pères.
Et quand nous prions, nous disons dans nos prières : Dieu
saint, qui étais Dieu et t'es fait homme par amour, saint puis-
sant, qui supportes tout par ta force, et as paru faible dans
notre corps, saint immortel, qui étais immortel par nature et es
mort dans la chair par ta volonté pour notre salut, nous confes-
sons que tu fus crucifié pour nous et nous ne le nions pas, aie
pitié de nous. Voilà comment nous disons dans nos prières : gui
fut crucifié pour nous, et loin de nous la pensée de le crucifier,
mais nous confessons son crucifiement et ne le nions pas; com-
ment donc peux-tu nous reprocher de crucifier toute la Trinité?
Nicodème et Joseph témoignent qu'il en est ainsi : quand ils
allèrent descendre le corps de Notre-Seigneur de la croix, ils vi-
rent là les foules et les cohortes des anges qui disaient : « Dieu
saint, saint puissant, saint immortel, » et les anges n'ajoutèrent
pas : qui fut crucifié pou)- nous, car il ne l'avait pas été pour
eux, mais bien pour nous, comme il est écrit • « qui fut crucifié
pour nous autres hommes et pour notre salut ». A lui la gloire
de la bouche de nous tous, ainsi qu'à son Père et au Saint-Esprit,
maintenant, toujours et dans les siècles des siècles. Amen,
Amen et Amen.
EXTRAIT DE JEAN LE STYLITE
Avec l'aide du Tout-Puissant, nous écrivons une petite partie
du discours de Mar Jean, stylite de Saint-Mar-Zeouro à Saroug.
Seigneur, aide-moi dans tes miséricordes.
OPUSCULES MARONITES. 333
Première demande. — L'adversaire dit : Explique-moi,
chrétien, si tu nies ou si tu confesses que Dieu ne fut pas engen-
dré en tout de la Vierge. — Ils croient nous entraver des deux
côtés, mais nous appelons à notre secours le Messie notre Dieu,
dont il est question, lui qui dénoue les liens et révèle les se-
crets, selon la parole du prophète Daniel, qui vit le Messie
sous une forme humaine venant sur les nuées du ciel, puis nous
répondons : Les chrétiens confessent un seul Dieu qui est en
trois personnes. Père, Fils et Saint-Esprit, une essence, une
divinité, une puissance, une volonté (1), un magistère, une opé-
ration. Ils sont un en tout, sinon qu'ils sont séparés en personnes,
(45) et ils sont dans une nature; nous apprenons cela de Dieu
lui-même, car il est écrit dans la loi : « Venez, faisons l'homme
à notre image et à notre ressemblance, » et : « Donnons à Adam
un aide semblable à lui, » et : « Venez, descendons diviser les
langues, » et : « Le Seigneur fit descendre le feu devant le Sei-
gneur sur Sodome. » Et cette parole d'Isaïe qui entendit les
Séraphins dire : « Saint, saint, saint le Seigneur des armées. »
Ces trois « sanctifications » désignaient trois personnes, et le
" Seigneur des armées » nous enseigne qu'il n'y a pour les trois
personnes qu'un magistère et une essence. Et Notre-Seigneur
Jésus-Christ a dit à ses saints disciples : « Allez, baptisez tous
les peuples au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et qui-
conque croira et sera baptisé sera sauvé. »
L'adversaire dit : Si Dieu se fit homme et mourut, il changea
deux fois : delà divinité à l'humanité quand il se fit homme et de
la vie à la mort quand il mourut. — Réponse. Nous disons que
le Verbe de Dieu ne fut pas changé ni quand il s'incarna ni
quand il mourut, car que dit-on de l'àme de l'homme qui s'u-
nit avec le corps? Dit-on que l'âme de l'homme fut modifiée
quand elle s'unit au corps et qu'elle changea deux fois : l'une
quand elle s'unit au corps, dit-on qu'elle fut chair comme lui, et
l'autre quand le corps mourut, dit-on qu'elle mourut avec lui?
Et si nous confessons que l'àme ne changea pas quand elle s'u-
nit au corps, pourquoi serions-nous obligés de dire que si la di-
vinité s'unit au corps, elle changea deux fois? alors d'après la
parole de ces malheureux qui répondent eux-mêmes à leurs de-
(1) Voici, explicitement, le sens que nous avons donné, page 9, au texte de Sévé-
rianos.
334 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
mandes, Tàme serait plus puissante que la divinité, puisque
l'âme qui est unie au corps ne meurt pas avec lui, tandis que la
divinité unie au corps mourrait avec lui. Vous voyez combien
cette impiété est grande. — L'adversaire dit : Que le Messie meure
ou ne meure pas, il s'ensuit toujours une mauvaise conséquence
ou pour les Juifs ou pour les prophètes. Car s'il meurt, les Juifs
le renient et sont jetés dans la géhenne, et s'il ne meurt pas, les
prophètes ont menti et leurs prédictions sont vaines. — Ré-
po7ise. Que dites-vous à ceci : Les commandements de Dieu ont
de mauvaises conséquences, qu'on les observe ou qu'on ne les
observe pas; à savoir : si on les observe, pour ceux qui ne les ob-
servent pas, et si on ne les observe pas, pour ceux mêmes qui ne
les observent pas. Le Messie n'a été une cause de mal pour au-
cun homme ni par sa mort ni (46) par sa vie, car il ne fut pas une
cause de mal qui porta les Juifs à le tuer, mais ils furent une
cause de mal pour eux-mêmes. — Demande. Il savait qu'en ve-
nant au monde les Juifs lui nuiraient, puis le tueraient et péche-
raient ainsi à cause de lui; s'il était Dieu, il ne devait pas être
ainsi une cause de mal pour personne. — Réponse. Le Messie
savait que les Juifs pécheraient à son sujet, mais il savait aussi
que beaucoup de peuples croiraient en lui et qu'il les sauverait
de l'erreur et il n'était pas juste qu'il méprisât le salut du
grand nombre à cause du péché de quelques-uns. Ainsi la mort
du Messie ne fut pas une cause de mal pour les Juifs; de même
s'il n'était pas mort, les prophètes n'auraient pas menti, car s'il
n'était pas mort, ils n'auraient pas prophétisé qu'il mourrait.
— Demande de l'adversaire. Avant de créer les créatures. Dieu
savait qu'il viendrait dans le monde, et sa volonté était d'accord
avec sa connaissance, ainsi les Juifs qui ont accompli la connais-
sance et la volonté de Dieu ne sont pas blâmables. — Réponse.
La volonté de Dieu est-elle ou n'est-elle pas toujours d'accord
avec sa connaissance? Si sa volonté est d'accord avec sa con-
naissance, il n'y a pas moyen que ce qu'il connaît n'arrive pas,
et il n'est pas possible ni que la connaissance de Dieu soit vaine,
ni que sa volonté résiste à sa connaissance et l'annihile, alors la
volonté sera d'accord avec la connaissance; or la connaissance
de Dieu est éternelle et il connaît par avance tout ce qui doit ar-
river, il veut donc de toute éternité les péchés des hommes et
sa faute est plus grande que la leur, car ceux-ci ne commirent
OPUSCULES MARONITES. 335
pas de péclié avant leur création. — L'aàversaire dit : Dieu ne veut
pas tout ce qu'il sait devoir arriver? — Iléponse. Avant de créer
les créatures, notre Dieu savait de même que les Juifs le cruci-
fieraient, et cependant il ne voulait pas les faire pécher contre
lui. — Dfnnande : Quand le Messie suppliait que le calice do mort
lui fût épargné, suppliait-il son égal en puissance, (ou) un plus
puissant que lui? — Réponse. S'il vous paraît étonnant qu'il
puisse prier son égal en puissance et le supplier, nous vous éton-
nerons par un fait bien plus fort que celui-là : Nous voyons les
rois et les maîtres, dont le pouvoir est (47) dur et supérieur à
celui de leurs serviteurs, supplier ces serviteurs au sujet de di-
verses choses, bien plus, Dieu lui-même nous demande et nous
prie tous les jours de garder ses commandements et nous ne lui
obéissons pas, ainsi ce n'est pas comme un serviteur que le Messie
demande à son Père d'être exempté de ce calice, mais comme un
fils à son père. — Demande. Sa mort était un bien ou un mal ; si
c'était un bien, pourquoi le Messie demandait-il que ce bien
n'arrivât pas? — Réponse. Nous disons que le Messie n'est pas un
simple homme, mais Dieu incarné, ainsi la mort du Messie est
la vie de tous ceux qui croient en lui, et la vie est un bien, donc
la mort du Messie est un bien, parce que s'il n'était pas mort et
n'avait pas ressuscité, il n'y aurait pas espoir de résurrection. —
Demande. Comment Dieu peut-il mourir? — Réponse. Comment
l'âme peut-elle mourir? — L'adversaire dit : L'âme ne meurt
pas. — Le chrétien répond : Nous ne disons pas non plus que
la divinité meurt.
HISTOIRE DE DANIEL DE MARDIN.
R^bdLÏi Daniel &Q Mardin, moine philosophe (1), raconte ses
souffrances et dit :
L'an 1693 (1381-1382) des Grecs, au mois d'Adar (mars), le
troisième jour de la semaine et le vingt-cinquième jour du mois,
(1)11 est sans doute question de ce moine dans le colophon du ms. syriaque 226.
On y lit en effet que ce ms. du nomocanon de Bar-Hebreus a été copié en 1799
(1488) au couvent de Mar Abaï à Qelat, sur un manuscrit qui avait appartenu à
Raban Daniel de Mardin. Le récit actuel fut écrit par Daniel à la fin du Cours
d'astronomie (traité de l'ascension de l'esprit) de Bar-Hebreus. Ainsi Daniel au-
rait possédé un certain nombre d'ouvrages du célèbre primat jacobito.
336 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
le vizir du sultan de Mardin me fit jeter en prison, moi l'humble
Daniel, et voici la cause de cet emprisonnement :
L'année dont nous venons de parler, nous avions écrit un
livre en arabe sur les fondements de l'Église, et nous donnions
des démonstrations de raison et des témoignages écrits pour
confirmer la religion chrétienne autant que nous le pouvions.
Et pour confirmer la nôtre nous ajoutions une réfutation des
fondements des autres, à savoir (des religions) des mages, des
Arabes et des musulmans. En vertu des jugements cachés de
Dieu et de sa providence qui opère tout, ce livre tomba entre les
mains d'un jurisconsulte musulman (lowaa). Il lut et comprit
quelques démonstrations sur la vérité de notre religion. Il fut
saisi des souffrances de l'envie, fit du zèle au delà de toute me-
sure et porta le livre au juge, et cette affaire arriva peu à peu
jusqu'au chef des émirs et au sultan Melek Attaher (1). Il me fit
enfermer le troisième et le quatrième jour. Et le cinquième
jour de la semaine, (48) ils me tirèrent de prison et me condui-
sirent devant le sultan dans le prétoire où étaient assemblés les
juges, les jurisconsultes et les émirs. Je subis alors des épreu-
ves, soit à cause de mes péchés, soit pour éprouver ma foi. Ils
m'interrogèrent au sujet de mon livre et, après un assez long
temps, le vizir ordonna de me flageller, et ils me flagellèrent et
me frappèrent avec des bâtons sur les pieds et sur les jambes;
le Seigneur se tint près de moi, me fortifia, et je résistai. Le vizir
me dit deux fois : « Abandonne ta religion et fais-toi musul-
man, » et je lui répondis. « Je suis chrétien. » Ils me frappèrent
de 498 coups et je ne criai pas, de sorte que beaucoup admirè-
rent la bonté du Seigneur qui apparut en moi. Ensuite il me fit
percer les narines, on y passa une corde et ils me traînèrent
et me firent faire le tour de la ville. Je ne puis compter les cra-
chats et les insultes qu'ils me jetèrent, mais Dieu me délivra.
Puis ils m'enfermèrent de nouveau (en prison) durant vingt -
quatre jours et, dans une caverne de sang, durant trois jours,
après quoi ils me firent sortir et me vendirent 12000 zouzé que
les fidèles payèrent.
(1) Noé, patriarche jacobite, qui écrivait en 149G, nous raconte que Blelek Atta-
her, maître de Mardin, et son vizir Phiad furent tués près d'Amida, entre 14(KJ et
1406. Cf. Asscmani, Bibl. Orientale, t. II, p. 469 et 471. Il s'agit probablement du sul-
tan qui jugeait Daniel une vingtaine d'années auparavant.
OPUSCULES MARONITES. 337
HISTOIRE d'uX IUKNIIEUREUX (1) QUI DEMEURAIT SUR UX ARRRE A
ir'enlx (2).
Dans le gouvernement de la métropole Apamée, il y a un
village nommé Ifenin. Dans ce village se trouvait un grand
cyprès (3) sur lequel habitait un homme de Dieu. Le démon, qui
hait toujours les bonnes actions, ne cessait de combattre contre
lui en secret ou à découvert et souvent il le précipitait à bas de
cet arbre (4). Entin (le saint) pourvut à cela en se procurant une
chaîne de fer pour s'attacher le pied à l'arbre, et lorsque son
ennemi Satan le précipitait (à terre), il restait suspendu à l'arbre
par cette chaîne, et les habitants du village venaient et le re-
montaient à sa place. A la fin il dit : « Que Dieu, pour le nom
duquel je suis ici, m'accorde de n'avoir plus besoin de la main
des hommes, mais, s'il lui plaît que je demeure en ce lieu, qu'il
m'envoie sa force divine et me remette à ma place. » Et cela
eut lieu : lorsque l'adversaire (5) le précipitait, un ange de Dieu
descendait du ciel et le remettait à sa place.
Il reçut de Dieu le don de guérir toute douleur et toute mala-
die, et sa renommée, comme une étoile éclatante, brilla dans
beaucoup de pays. De partout on accourait près de lui, pour
recevoir les secours de l'âme et la guérison des corps, et tou-
jours, à son occasion, on louait le nom du Messie.
Quand il vit que beaucoup de gens venaient et le distrayaient
de la prière et de la conversation avec Dieu, il eut l'idée de des-
cendre de son arbre et d'aller au désert extérieur, car, pensait-
il, il me sera avantageux d'aller en un endroit où je serai tran-
quille et à l'abri de la vaine gloire des hommes. — Une nuit,
à l'insu de tout le monde, il descendit de son arbre et s'en alla.
Pendant plus de trois milles, comme il me le raconta (6), il
(1) Cetie histoire inédite, où il est question du monastère de Jlai- Maron, près
d'Apamée, est traduite sur le ms. syriaque n" i'.]\ de la Bibliothèque Nationale
(fol. 440M43^).
("2) ,xi_v^ , v.-»-'^''^ ^^ rH^"-
(3) puo^i
(4) Cet accident lui arrivait très probablement chaque l'ois qu'il avait un som-
meil un peu agité.
(5) iM^io
(G) Il est regrettable que l'on ne connaisse pas cet auteur. En attendant mieux,
ORIENT CIIRETIEM. 24
338 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
entendit les démons qui dansaient et battaient des mains.
Il alla à Jérusalem et pria aux saints lieux où Notre-Sei-
gneur, notre Dieu et notre Sauveur Jésus-Christ souffrit volon-
tairement. Puis il eut la pensée d'entrer dans le grand désert
qui est non loin de Jérusalem (1) ; il arriva à un monastère qui
est à la lisière de ce désert, où les moines le reçurent avec grande
joie et lui demandèrent : « Où vas-tu? » Il leur répondit : « Je veux
entrer dans ce désert. » Ils cherchèrent à l'en détourner parce
que ce désert était terrible et redoutable et contenait des ani-
maux sauvages; beaucoup avaient voulu y pénétrer, l'avaient
fait et n'en étaient pas revenus. Mais, confiant dans le secours
que lui accordait la bonté divine, il traversa sans danger tout
ce désert et arriva au pays des Barbares. Or il y avait dans ce
pays un homme originaire (ÏÉ)nèse qui lui demanda : « D'où
es-tu? » Il répondit: « Je suis d'Émèse, » parce que Apamée est
soumise à Émèse, et l'autre, plein de joie, lui dit : « Moi aussi je
suis &' Émèse, mes péchés m'ont amené dans ce pays où l'on
m'a fait juge (2); ce peuple est méchant, barbare et cruel; mais
demeure près de moi, tu me tiendras lieu de père et de famille. »
Il fut ainsi reçu avec grand honneur et demeura là pendant six
mois, après quoi il dit au juge : « Je te demande de retourner
dans mon pays. » Et celui-ci répondit : « Que te manque-t-il
près de moi ? et en vérité je te considère comme ma famille et
mes proches et je prends courage près de toi. » Mais il dit encore :
« Je veux retourner dans mon pays. »
Il retourna dans le désert et, comme il le racontait, il y trouva
les cadavres de beaucoup d'hommes dévorés par les bêtes; il
se nourrissait des racines qu'il trouvait dans ce désert et buvait
l'eau qu'il rencontrait. Quand il revint à Jérusalem et y eut
prié, il eut l'idée de descendre sur le rivage de la mer et entra
à Tripoli (3). Il y eut commerce avec une femme qui vendait
des légumes et, par l'opération de Satan, il pécha et tomba avec
elle, et abandonna ainsi la conduite qu'il avait eue jusque-là. —
on peut croire que c'est un moine du monastère de Mar Blaron, puisque c'est là
que le bienheureux termina ses jours.
(1) Le texte porte : vaXiîo/ ^ o^K-;». Le mot Jérusalem acte restitué (à tort
sans doute) postérieurement.
(2) pu;
(3) oaivilvi.
OPUSCULKS MARONITES. 339
Il partit, vint dans sa ville et alla dans l'un des bains publics (1).
Des hommes qui l'avaient connu quand il était sur l'arbre lui
demandèrent : « N'es-tu pas le bienheureux qui demeurait sur
un cyprès dans le village de Ir'enin? » Mais lui, plein de honte,
répondait : « Je ne le suis pas. » Enfin il se repentit, des larmes
amères coulèrent de ses yeux sur ses prévarications et il ne sa-
vait que devenir.
Il monta sur la montagne qui est à l'occident du monastère
du bienheureux Mar Maron (2), (arriva) près d'un périodeute (3)
d'heureuse mémoire et lui raconta tout ce qui s'était passé : son
ancienne gloire et sa chute dernière ; il lui demanda ce qu'il
devait faire. Après l'avoir entendu, le périodeute lui dit : « Je
te conseille de descendre (4) à ce monastère de saint Mar
Maron le bienheureux, d'y demeurer et d'y pleurer tes pé-
chés. Car on trouve là une vie monastique qui fait faire com-
plètement pénitence des péchés commis; pour tout dire en un
mot : on y trouve la pratique excellente de la perfection. »
Il partit aussitôt, arriva à ce monastère au milieu de la nuit
et trouva la porte fermée. Il pria en versant des larmes amères
et dit : « Seigneur propice et miséricordieux, patient et plein de
bonté et de justice, qui ne veux pas la mort d'un misérable
pécheur comme moi, mais bien qu'il se convertisse et vive, ne
détourne pas ta face du péché qui t'a fâché, mais si tu veux que
je vive, que cette porte s'ouvre d'elle-même devant moi. »
Il mit la main sur la porte, mais il en sortit comme une
force qui le repoussa en arrière. Il pria de nouveau et versa
des larmes amères, puis avança de nouveau la main ; il fut encore
repoussé et tomba. Il se releva une troisième fois, pria en ver-
sant beaucoup de larmes, puis approcha la main de la porte qui
s'ouvrit devant lui. Il entra en priant et arriva à la porte de
l'hôtellerie (5) qui était là. Il regarda avec soin tout ce que le
périodeute lui avait annoncé (par avance) et ses yeux ne ces-
saient de verser des larmes quand le moine chargé de recevoir
(1) ^u\^.
(2) Voir lo texte ci-après. Le ms. poj'te ^ôpo.
(3) ^^ii\^.
(4) Icv-J...
(•6) y,.-\...i;QXQ3f = lEvoSoyetov.
340 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
les étrangers (1) vintet lui demanda: « D'où es-tu? Qu'as-tu fait?
Pourquoi verses-tu tant de larmes et d'où vient ta grande dou-
leur? »
Il lui raconta son histoire : « Je suis celui dont vous avez en-
tendu parler. Je demeurais sur un arbre dans le village de Ir'enin,
mais Satan m'a fait pécher et j'ai fait une lourde chute. » A ces
paroles le bienheureux fut plein d'étonnement et alla conter le
tout au supérieur du monastère. Celui-ci ordonna de le rece-
voir chez les frères (2), et il pratiqua dans ce monastère les
bonnes actions et le naziréat, le jeûne et la prière. Il entrait le
premier à l'office et en sortait le dernier. Il suppliait Dieu jour
et nuit, avec des larmes sans fin, de lui remettre ses péchés et de
ne pas le priver du fruit de ses anciennes bonnes actions. —
Il vécut trois ans dans le monastère et s'endormit dans le Mes-
sie, plein de bonnes actions. — Et Notre-Seigneur montra que
ses péchés lui étaient pardonnes et qu'il était revenu à son an-
cienne perfection, car au moment où les frères du monastère
passaient et lui donnaient la paix (3), un frère qui souffrait d'un
œil, après lui avoir donné la paix, vit cet œil s'ouvrir et devenir
comme l'autre. Tous les témoins louèrent Dieu qui reçoit les
pénitents et ceux qui crient à sa porte, et tous comprirent que
ce bienheureux était mort dans le même état de perfection
qu'il avait eu auparavant.
Que Notre-Seigneur nous donne aussi les œuvres de la crainte
de Dieu afin que, grâce à sa bonté, nous allions, malgré nos
fautes, le voir face à face et que nous trouvions grâce devant lui.
A lui la gloire, l'honneur et la bénédiction, ainsi qu'à son Père
béni, et à l'Esprit vivant et saint, maintenant, toujours et dans
les siècles des siècles. Amen.
Fin de l'histoire d'un bienheureux qui demeurait sur un
arbre (4).
(1) . rr>no>jQ.cD ^= ^ivoooyo^.
(2) Pi/ i^.
(3) PiûijL.
(4) Cette histoire semble avoir été imitée et rendue plus édifiante encore dans
le ms. 235, fol 8(^-82.
L'auteur )-encontre un saint qui demeurait sur un arbre et avait constamment
devant lui une tète de mort qu'il interpellait souvent. Il lui demande ce que cela
signifie. Le saint répond qu'il est le fils unique d'un roi. Il quitta la cour à l'âge
de 25 ans et se retira dans un monastère. Son père mit toutes ses troupes en
OPUSCULES MARONITES. 341
|^,.Do^ )a* .^— )..-w^Q^;;)._3 lob. .vOV^ ^V-^ l-J^-^^?
I * N^ w.oia2L^:ïeu9 oi^ )ooi vpn ■.o>^o .)K.^v^/ |K^a2Lioo
V^c^ ^-iol K^l .^*o(^-- ^^i. ).«û.ilo ^_^1 )ooilo |~Lsa^
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^o-ûoo Jv-po jbw^f^ s-^'Jo JIql^^ ^jo ooio ♦ oi»K m >i\
.«N . i»(^rr^'\l» OOI \.-^ji ^%kJS. oK.*0 . oi^^O ^^iwO v^Kâl/
>.«\ .j •> )ooi )L-_û„^K_io )K«»î )ia^^j^_^iu»o .^iol; ^oi
campagne pour le retrouver, arriva au monastère, le reconnut et linit par se dé-
cider, lui aussi, à y terminer ses jours. Après sa mort, son fils monta sur cet arbre
et n'en descendit plus. Il prit la tète de son père avec lui. — Cette histoire ainsi am-
plifiée n'a plus aucun caractère d'authenticité et peut être la rédaction d'une lec-
ture spirituelle improvisée par un supérieur quelconque d'un couvent quelconque.
342 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN,
Olio^ Ot^ oK-i ^^1 )oO| K^/9 ^9 vfiDQ.£f_Ja..£DO . loOf
QJL^OO .y, i\ \a-flO O I VIO .y^j^/ ^^9 .oî^ )oO| "^jjL^OO
{Fin du texte concernant le monastère de St-Maron.)
HISTOIRE DE MAR SEVERE
PATRIARCHE d'aNTIOCIIE (r)12-518) (1).
Cette histoire fut écrite par Zarlutrie le Scolastique (2), qui étudia avec lui,
d'abord à Alexandrie, puis, plus tard, pour l'étude des lois, à Beyrouth.
CHAPITRE PREMIER
OCCASION ET RUT DE CETTE HISTOIRE.
1. D'où viens-tu aujourd'hui, ô ami et camarade (3)? — Je
viens du portique impérial, pour te demander de me renseigner
au sujet de quelques questions que je veux te poser. J'ai été
(U On trouvera surtout ici, comme on pourra le constater, une autobiographie
de Zacharie, écrite en grec, à Constantinople, entre 512 et 518. Il est à regretter
qu'elle présente quelquefois des longueurs et un excès d'épithètes et de phrases
incidentes. Le texte ne donne aucune division et représente bien, croyons-nous,
« le-langage diffus, propre à ramplification grecque», que Zacharie aurait encore
employé dans son histoire adressée à Eupraxius (Land, Anecd., III, p. 200, 1. 1-2;
trad. Krliger-Ahrens, p. 99). Nous avons divisé l'ouvrage en chapitres et paragra-
phes pour en rendre la lecture plus facile. Les chiffres gras renvoient au texte de
Spanuth.
Ajoutons enlin que cette biographie nous donne de nombreux détails racontés
par un témoin oculaire que l'on sait d'ailleurs intelligent et instruit, sur des
personnages historiques du iv<= et du V siècle, sur leur vie, leurs sentiments, leurs
luttes; sa lecture s'impose donc à tous les historiens qui s'occupent de Zacharie et
de Sévère d'Antioche ou des luttes entre païens et chrétiens, puis entre monophy-
sites et orthodoxes, en Egypte et en Palestine, aux iv^et y" siècle.
(2) Il nous reste de cet auteur une histoire dont la traduction syriaque est ana-
lysée par Assemani, B. 0., t. Il, publiée et traduite par ftlaï, Scrlptorum velerum
nova collectio, t. X, publiée d'une manière plus complète par M. Land, Anecdola
Syriaca, t. III. La traduction de Mai est reproduite chez IMigne, P. G., t. LXXXV,
où l'on trouve en plus un dialogue De mundi opificio de Zacharie le Scolastique,
lequel est appelé, en cet endroit, évèque de Jlitylène (île de Lesbos). Enfin une
traduction anglaise de l'histoire de Zacharie, par MM. Brooks et Ilamilton, parait
actuellement, et une traduction allemande par MM. Kriiger et Ahrens vient de
paraître à Leipzig (Die sogenannte kirchengeschich/e des Zacharias Jihetor. collec-
tion Teubner, 8- de xlv, 42 et 417 pages).
(3) Il est à remarquer que Zacharie a déjà donné la forme du dialogue à son
ouvrage De mundi opificio.
344 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
troublé par un libelle qui paraît être d'un homme qui a la foi
des chrétiens, mais semble plutôt soucieux de vilipender ce qui
les touche. — Raconte comment cela (est arrivé) et de quelle
manière tu es tombé sur ce libelle. — Je parcourais les livres
des scribes qui sont sous le portique impérial, comme tu sais
que j'aime à le faire, alors l'un de ceux qui vendent des livres
me donna, pour le parcourir, le libelle dont je viens de parler ;
il renferme des opprobres, des calomnies, des injures et des
moqueries contre un philosophe que tu connais depuis long-
temps, qui brille dans l'épiscopat, qui s'est distingué jusqu'ici
par une conduite et un enseignement pleins de crainte de Dieu
et de vérité ; je parle de Sévère, qui est en grande estime chez
tous ceux qui savent rendre hommage au bien en dehors de
toute acception de personne. Depuis lors j'ai l'esprit très in-
quiet. — Si tu as une si bonne opinion de cet homme (Sévère),
ô mon camarade, pourquoi t'occupes-tu de ce détracteur et
de ce calomniateur, quel qu'il soit? Il semble, d'après ce que
tu en dis, qu'il n'adhère aux chrétiens qu'en apparence et
avec hypocrisie, mais a surtout souci de louer les choses des
païens; il ne cherche qu'à leur donner des éloges pour mé-
priser par là ceux qui sont confirmés dans la perfection et
auxquels il est déjà arrivé à cette époque d'être consacrés à
Dieu, grâce à toute la philosophie (chrétienne) qu'ils ont dé-
ployée. — Je ne suis pas venu pour te raconter ce qui a été
écrit si méchamment, et je n'y adhère pas, mais mon âme
souffre, comme je l'ai dit, de crainte que des hommes, lisant
cela en toute simplicité, n'en arrivent à prendre une telle opi-
nion de l'évêque. Si donc tu as souci de la vérité, et tu en as
souci, raconte sa conduite depuis sa jeunesse, pour la gloire du
Dieu grand et de notre sauveur Jésus-Christ, près duquel se
trouvent ceux qui ont pratiqué le sacerdoce et la philosophie,
(je parle de) la vraie philosophie. Tu ajouteras de quelle ville il
est, de quel peuple, de quelle famille, si tu connais tout cela à
son sujet. Mais avant tout (tu nous diras) comment il s'est con-
duit, et comment, dès son enfance, il s'occupa de Dieu, car le
détracteur le calomnia, non seulement au sujet de sa vie et de
ses actes, mais parce qu'il servait d'abord les mauvais démons
et les idoles; il dit qu'il prit part aux sacrifices païens en Phé-
nicie, lorsqu'il y étudiait les belles-lettres et les lois. — Il faut
OPUSCULES MAHONITRS, 345
seulement nous préoccuper de la vérité, et non du mépris qu'un
homme, ramassant des imputations mensongères, veut jeter
sur les actions d'autrui, car ces imputations contre ceux qui
vivent dans la perfection sont habituelles au démon, aux mau-
vais diables et à leurs amis, et il ne faut pas nous étonner que
Satan donna son nom aux serviteurs du Messie, Dieu de l'univers,
puisque, au temps où la cause créatrice et effective de l'univers
vint près de vous, il persuada aux juifs de blasphémer en di-
sant : « C'est par Béelzébuth, prince des démons, qu'il chasse
les démons (1) ^ ; cependant, puisque tu crains que des hommes
simples ne soient scandalisés par ce libelle, je raconterai ce qui
le concerne, par respect pour la vérité et pour ton amitié, puis-
que je me trouvai avec lui depuis son enfance (2) à Alexan-
drie et en Phénicie, j'y entendis les mêmes maîtres et parta-
geai la même habitation. Et ceux qui étudiaient avec nous et
vivent encore, et ils sont nombreux, peuvent témoigner de la vé-
rité de ce que nous allons raconter.
(1) Math., XII, 24.
CHAPITRE DEUXIEME
SÉVÈRE ET ZACHARIE A ALEXANDRIE.
2. Origine de Sévère. — 3. Il rencontre Zacharie à Alexandrie. — 4. His-
toire de Pralius d'Aphrodisias, commencement de sa conversion. — 5,
Supercherie d'un certain Scléfidotus qui prétend avoir obtenu un
enfant d'Isis. — 6. Pralius va consulter Isis, sa conversion. — 7. Cause
de la destruction du temple d'Isis à Manoutin. — 8. Destruction de ce
temple et des idoles. — 9. Découverte de la supercherie de Scléfidotus.
— 10. Baptême de Pralius. — 11. Lettre qu'il écrit à ses frères. — 12.
Sa mort. — 13. Sévère ne fut jamais du parti des païens.
2. Cet illustre Sévère était, par sa famille, de Pisidie; sa
ville était Sozopolis, celle du moins qui lui échut après la
première, d'où nous avons tous été expulsés après la préva-
rication d'Adam, et vers laquelle Tapôtre divin nous appelle
de nouveau quand il dit : « Nous n'avons pas ici de ville per-
manente, mais nous tendons vers celle qui doit venir, dont
Dieu a été l'architecte et le fondateur (I). » Il fut élevé par des
parents illustres, comme l'ont dit ceux qui les ont connus; ils
descendaient (2) de Sévère, qui fut évêque de cette ville au
temps du premier concile réuni à Ephèse contre l'impie Nes-
tor ius (3). Après la mort de son père qui faisait partie, avec la
mère devenue veuve, du sénat de leur ville, il fut envoyé à
Alexandrie, avec ses deux frères, plus âgés que lui, pour y ap-
prendre la grammaire et le rhétorique, en grec et en latin. La
coutume du pays était, comme certains me l'ont dit, de ne
(1) Hébreux, xiii, 14; xi, 10.
(2) ,ç,i.A.I!ooj .
(3) En 431. L'évoque était son grand-père. (Cf. Revue de l'Or, chr., 1897, p. 466,
et Land, Anecd. sy7\, I, p. 113.) — Ces auteurs ne nous apprennent pas si le grand-
père de Sévère (on trouve à tort dans Land : le père) ne fut évêque qu'après la
mort de sa femme ou s'il la quitta. Peut-être la loi ecclésiastique du célibat
n'existait-elle pas dans cette région et s'en tenait-on encore au texte de saint
Paul : Oporlet ergo eplscopum irreprehensibilem esse, unius uxoris virum, sobrium,
prudenlem... « Il faut donc que l'évêque soit irrépréhensible, mari d'une épouse,
sobre, prudent... » I Timoth., m, 2.
OPUSCULES MARONITES. 347
s'approcher du saint baptême, à moins de nécessité pressante,
({ua l'âge mûr (1); aussi lui et ses frères étaient encore caté-
chumènes (2) quand ils vinrent à Alexandrie pour la cause
susdite, au temps où j'y étais pour le même motif, et y avais
pris demeure.
3. Les trois frères allèrent d'abord près de Jean le Sophiste,
nommé Samgraphos (3), puis auprès de Sopater (4), renommé
pour l'art de la rhétorique, et auquel tout le monde rendait
grand témoignage. Il arriva qu'à cette époque je vins aussi près
de lui ainsi que Mennas {u\^); celui-ci était un homme digne de
mémoire, qui aimait le Messie, et chacun rendait témoignage de
son orthodoxie, de sa modestie, de sa pureté éminente, de son
humanité et de ses bienfaits envers les nécessiteux. Il était de
ceux qui sont assidus dans la sainte Église et que les habitants
ù' Alexandrie, selon la coutume du pays, ont l'habitude d'ap-
peler 'iHKOT.z^oi (5). Quand nous fûmes rendus ainsi à cette de-
meure et à cet enseignement, nous admirâmes l'acuité de la
nature de l'admirable Sévère et son application à l'étude. Il
apprit en peu de temps à bien parler, occupé constamment
qu'il était à relire les enseignements des anciens rhéteurs pour
y puiser leur belle diction et leur science ; son esprit ne s'occu-
pait de rien autre, jamais de ce qui séduit la jeunesse, mais
seulement de la science, et, par zèle pour celle-ci, il s'éloignait
de tout spectacle blâmable.
Nous regrettions alors qu'une telle intelligence n'eût pas été
favorisée du divin baptême, du moins lui conseillâmes-nous
d'opposer aux discours de Libanius le Sophiste, qu'il admirait
parmi les anciens rhéteurs, les réfutations des illustres évêques
Basile et Grégoire, et d'arriver, â l'aide de la rhétorique qu'il
aimait, à la gloire et à la philosophie de ceux-ci (6). Ces paroles
lui plurent, et il en arriva à partager complètement les idées
de ceux-ci; il loua bientôt les lettres && Basile à Libanius (7),
(1) Cet usage subsistait donc encore après le milieu du v- siècle.
(2) Mot à mot : écoutants, y^aScLx. C'était la première classe des catéchumènes.
(3) .joaay^Nnm (IrifiEioYpâipo;?)..
(5) La suite l'Iiistoire montrera l'importance de cette ligue de zélateurs. Elle
contribua surtout à la destruction du temple de Manoutin.
(6) On remarquera cette propagande discrète entre étudiants.
(7) CL Migne, F. G., t. XXXU.
348 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
après lesquelles Libanius avoua qu'il était vaincu par Basile
et attribua la victoire à ces lettres (1). Pendant qu'il était ainsi
plongé dans les livres et méditations de l'illustre Basile, Mennas,
mon ami, dont tout le monde louait l'amour de Dieu, et qui
recherchait les belles actions, me dit en prophétie, comme l'évé-
nement le montra : « Celui-ci brillera parmi les évêques,
comme saint Jean auquel a été confié le gouvernail de l'Église
de Constantinople. » Cela était dit de Sévère encore enfant ;
Dieu , qui seul connaît l'avenir, le révélait à une àme qui
l'aimait.
4. Peu après arrivèrent les affaires de Pralius (u»a^;^) et du
grammairien Horapolon (^oi.a3joo,) (2); elles montrèrent qu'il
(Sévère) était innocent de l'accusation portée contre lui au
mépris des lois divines, par ce détracteur et ce calomniateur.
Je vais raconter l'origine de ces affaires :
Ce Pralius était cVAphrodisias (3) qui est la métropole du
peuple de Carie; il avait trois frères, mais deux partageaient
l'erreur des païens, et se rendaient propices les mauvais démons
par des invocations, des sacrifices, des incantations et par des
opérations magiques. Le dernier, je parle cVAthanase, homme
de Dieu, choisit la vie monacale à Alexandrie, (au monastère)
appelé Enaton (3), avec l'admirable Etienne. Après la première
éducation, et après avoir étudié les lois civiles en Phénicie, il
vint pour certaine affaire à Alexandrie et y rencontra Etienne,
dont je viens de parler, qui, depuis son enfance, était fervent
dans la crainte de Dieu, et préparait alors le grade de sophiste,
c'est-à-dire de docteur. Il leur plut en même temps d'aban-
donner les vaines espérances de la charge de Ar/.xvix-ô (1)> et,
comme par une inspiration de Dieu, tous deux reçurent le joug
de la vraie philosophie du grand Salomon, lequel, à cette épo-
que, dirigeait ceux qui faisaient la philosophie dans ce monas-
(1) Migne,P. G., t. XXXII, lettre 338.
(2) On suppose que ce mot est composé de deux noms de dieux : Ilorus et
Apollon. Voir ci-dessous, g 8, un jeu de mot à son sujet.
(3) A neuf milles d'Alexandrie ('Eva-rov).
(4) On lit en marge du Ms. : <■ On appelle tZi/iam'/ce la charge de scolastique (avo-
cat). .. Sur le sens du mot scolastique, cf. Migne, P. G., t. LXXXV, col. 1014, note C.
On verra que le mot axolot.Gziv.ôi, après avoir signifié, d'après son étymologie, oisif,
désœuvré, a désigné les avocats. Le mot propre en grec pour signifier avocat est
Aixavô;, d'où vient l'adjectif dtxavtxô; transcrit ci-dessus dans le syriaque.
OPUSCULES MARONITKS. 349
tèrc; c'était un homme à l'esprit sain, qui brillait dans les per-
fections du monachisme.
Praliiis, après avoir été élevé chez lui par ses autres frères
à la manière des païens, vint à Alexandrie pour y apprendre
la grammaire. On lui avait bien recommandé de n'échanger
pas môme une parole avec Athanase, dont je viens de parler.
Il alla donc près du grammairien Ilorapolon, homme qui pos-
sédait bien son art et l'enseignait brillamment, mais apparte-
nait à la religion païenne et était captivé par les démons et la
magie. Pralius ensuite adhéra encore davantage à la religion
païenne; il adonnait son esprit aux sacrifices païens à la suite
de son maître. Enfin, vaincu par la nature, il désira voir un
instant son frère Athanase; il alla donc au monastère de Sa-
lomon, et fut captivé par le couple sacerdotal : Etienne et
Athanase. Il leur posa beaucoup d'objections et de questions,
mais ils les résolurent facilement avec la force de l'esprit di-
vin, car Etienne était très instruit, il connaissait très bien les
sciences divines et suffisamment les sciences profanes. Et
comme il connaissait les nombreux ouvrages où les docteurs de
l'Église combattent les païens, il reçut de Dieu la grâce de
vaincre nécessairement ceux-ci par la parole ; et son zèle pour
la gloire de Dieu le faisait ressembler à Élie. Après qu'il eut
résolu les objections sophistiques des païens contre les chrétiens,
il attaqua à son tour, reprochant les ignominies des païens, les
turpitudes de leurs dieux, les oracles trompeurs de leurs divi-
nités multiples, leurs réponses obscures et entortillées pour la
connaissance de l'avenir et les autres tromperies de ces mêmes
démons. Et il conseilla (à Pralius) de porter ces explications
à ceux de chez Horapolon, Hériscus (^q^i^ïi.;o,), Scléfidotus
(.r«^f^o,.a\r.^)), Amonius (.m^a^oo/) (1), Isidore et leurs autres phi-
losophes, puis de prononcer un juste jugement sur ce qu'on
aurait dit des deux côtés. Quand Pralius se fut adonné pendant
plusieurs jours à ces conversations, il trouva que celles des
païens étaient faibles et sans consistance; il arriva du reste en
plus un fait qui mérite d'être raconté et écrit :
(1) Dans le dialogue /)eil/u?idï opicifio,Mign(^,P.G., t. LXXXV, col. 1101, Zacliarie
controverse à Beyrouth avec un disciple du phiIosoph(^ alexandrin Ammonius. 11
avait déjà controversé à Alexandrie avec Ammonius lui-même (col. 1015); c'est
probahlement celui dont il est question ici.
350 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
5. Scléfidotus d'Alexandrie , qui s'adonnait aux prestiges
et à la magie, et invoquait les démons, était admiré des païens
à cause de sa philosophie. Il demanda à Baalschemé (1),
qui à cette époque se glorifiait fort des honneurs et du
pouvoir que le roi lui avait donnés, et qui apportait les
tributs (prémices) du sénat cVAphrodisias, de lui donner sa
fille pour femme. Il passa beaucoup de temps en Carie avec
cette femme et désirait avoir des enfants, mais son désir ne
fut pas accompli. Dieu lui donna ainsi une femme stérile et
pas d'enfants, pour le punir de son zèle à prendre part aux
mauvaises actions de la magie; et comme son beau -père
souffrait d'être privé d'enfants, il consulta un oracle, ou plutôt
il fut trompé par le démon qui est figuré dans Isis, qui lui
promit progéniture s'il allait avec sa femme à son temple de
Manoutin (^taj^y»). C'est un village à quatorze milles à'A-
lexandrie près du village nommé Canopus {s^o^y:^) (2). Il per-
suada à son beau-père de lui laisser emmener sa femme; (4)
il irait avec elle dans ce temple, et il promit de revenir avec
elle et avec le fils qu'elle aurait.
Scléfidotus, après avoir trompé Baalschemé, vint à Alexan
drie, et, après être demeuré un certain temps à Manoutin
et y avoir offert beaucoup de sacrifices aux démons, il trouva
que cela ne servait à rien, car, même en cet endroit, sa
femme demeurait stérile. Il crut alors voir en songe Isis, qui
venait près de lui, et il apprit de ceux qui interprétaient les son-
ges et servaient ce démon figuré par Isis qu'il lui fallait avoir
commerce {^o^y^) avec l'idole de celle-ci, et ensuite de la même
manière se trouver avec sa femme, ainsi il lui naîtrait un fils.
Ce philosophe crut à une*telle tromperie, et, comme le prêtre
qui le conseillait depuis le commencement le raconta à la fin,
il eut commerce avec une pierre qui avait la forme d'Isis,
puis avec sa femme, et celle-ci demeura stérile. Enfin ce
prêtre lui conseilla d'aller avec sa femme seule au village d'yls-
tou (q^^/), d'y demeurer quelque temps et d'adopter pour fils
celui qu'avait eu depuis peu la prêtresse de sa race; il lui lit
(1) ©-.iflLii "^va:^, mot à mot : « le maître de son nom, liomonyme ».
(2) Aujourd'hui Aboukir.La forme syriaque Manoutin au lieu de l'égyptien Ma-
nouti ne peut guère s'expliquer que par une ti-anscription d'un accusatif grec :
MavouTÎv.
OPUSCULES MARONITES. 351
croire que telle était la volonté des dieux et celle des destins.
Celui-ci crut encore à ce conseil; il partit avec sa femme,
personne ne les accompagnant; il trouva la mère du nour-
risson, lui donna une certaine somme d'argent, et prit son
lils. Il revint à Alexandrie après quelque temps, et raconta
qu'une femme stérile depuis si longtemps venait d'engendrer,
de sorte que tous ceux qui adhéraient à l'erreur des païens se
glorifiaient beaucoup de cette fable, et louaient, comme pour
un fait authentique, et Isis et son jjourg Maiioulin, où un
homme bien inspiré cacha le temple à' Isis sous le sable, aussi
Ton n'en voit plus de trace.
Pralius crut que cette fable menteuse était vraie, et vint la
raconter, comme une chose importante, à son frère et à ceux
qui étaient avec lui, cette démonstration par des actes étant
plus forte, disait-il, que tous les arguments de raison, et il
prônait ce fait comme un prodige païen et évident. Quand le
divin Etienne entendit raconter cette fable, il dit à Pralius :
« Si une femme stérile a enfanté, ô mon cher, il a dû lui venir
du lait, et il convient qu'ils se renseignent à ce sujet à l'aide
d'une femme honnête, pure, de famille connue à Alexandrie,
qui verra venir le lait et leur annoncera ce prodige, afin que
Ton ne croie pas que la fille d'un homme important de Carie
et la femme d'un philosophe s'est moquée (d'eux). » Cette idée
plut à Pralius, qui transmit aux philosophes païens la de-
mande des moines, mais ceux-ci, de crainte de détruire la
fable, dirent à Pralius : « Tu demandes l'impossible, tu veux
persuader des hommes qui adhèrent fermement et n'ont pas
les doutes que tu leur prêtes... (1) »
6. 11 arriva encore un autre fait : quand Pralius était à
Manoutin, il vit en songe /.s/s, c'est-à-dire le démon adoré sous
cette forme, qui lui dit: « Défie-toi d'un tel, c'est un magicien » ;
or celui-ci était venu aussi pour apprendre la grammaire et
l'étudiait près du même maître; il alla également à Manoutin et
le démon lui dit la même chose au sujet de Pralius. Aussi lors-
que tous deux contaient ces visions à leurs camarades dans
l'école de Horapolon et que chacun entendait ce que l'autre
disait de lui, chacun affirmait qu'il disait la vérité et que
(1) Nous omettons ici quelques lignes qui étaient illisibles dans le manuscrit.
352 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
l'autre mentait, de sorte que Pralius se rappela l'enseigne-
ment du bienheureux Etienne et la tromperie des mauvais
démons, au sujet de laquelle Etienne et Athanase lui avaient
beaucoup parlé, et qu'ils avaient coutume de porter les hommes
les uns contre les autres parce qu'ils se plaisent toujours dans
les guerres et les disputes et sont ennemis de la paix. — Il
voulut en savoir la vérité (il croyait encore aux fables (1), et
aux erreurs du démon de cet endroit, et tenait que son com-
pagnon mentait). (5) Il alla donc à Manoutin, et après avoir
offert les sacrifices habituels à ce démon, le supplia de lui révéler
si c'était lui ou bien son adversaire qui était un sorcier et s'il était
vrai que l'on avait rendu un tel oracle à son égard. Mais le
démon, comme s'il ne pouvait supporter une réprimande hos-
tile au sujet de ses divinations et du mal qu'elles contiennent,
ne le gratifia d'aucune réponse, de sorte que Pralius le sup-
plia pendant de nombreux jours de ne pas le laisser sans ré-
ponse, parce qu'il ne cherchait pas à s'éloigner de son service
ou de son amitié ni de celle des autres dieux, pourvu qu'il lui
donnât un témoignage à ce sujet; mais comme ce démon con-
tinua à garder le silence et à ne plus lui montrer, selon la
coutume, l'hallucination de son arrivée (2), il fut irrité après
cette longue attente et ces nombreux sacrifices et ne douta plus
de la mauvaise doctrine des démons ; il louait ceux du parti
du grand Etienne qui lui avaient dit la vérité à ce sujet et priait,
comme ils le lui avaient conseillé, le Créateur de l'univers; il
ajoutait, comme le lui avait dit le grand Etienne : « Révèle-moi
ta vérité et ne me laisse pas tromper par ce démon, ami de la
discorde, qui arme les hommes les uns contre les autres, et
les conduit aux rixes, ni par les autres mauvais démons sem-
blables à lui. » On lui avait conseillé de prier le Créateur de
l'univers lorsqu'on avait voulu l'éloigner promptement des
dieux des païens et des démons, comme Satiœne, Jupiter, Isis
et d'autres analogues, et l'accoutumer peu à peu à la vraie
doctrine. Et (on lui avait dit) de ne pas reconnaître d'autre
Créateur de l'univers que Notre-Seigneur Jésus-Christ par le
moyen duquel le Père fit le monde, les Principes, les Domina-
(l)L'irePjj. Co passage est douteux.
(2) 0)t^t^io> I .rnfcsiq.
OPUSCrLES MAROXITi:S. 35'>
tions et les maîtres, comme il est ôcrit. Tout était en lui, dit
l'orateur divin, et rien n'a été fait sans lui (1).
7. Après cette prière, Pra/ius retourna à Alexandrie, disant
beaucoup de paroles contre les Dieux des païens, et répétant
avec David : « Tous les Dieux des nations sont des démons,
le Seigneur a fait le ciel (2). » Il reprochait à ceux de chez ho-
rapolon, à Sclé/ldotus et à Hériscus, à Amonius (a»a.uLjoo/) ,
à Isidore, qui devint plus tard magicien avoué et perturbateur,
et aux autres païens, ce qui se passait à Manoulin, les dé-
bauches de tout genre et la prostitution de la prêtresse d'/s/s,
qui se prostituait à quiconque le voulait et ne différait ainsi
en rien d'une femme publique qui s'offre à tout venant. Les
élèves de Horapolon, qui professaient les erreurs païennes, ne
purent supporter les moqueries et les reproches de Pralius,
ils tombèrent sur lui dans l'école même où ils étudiaient, au
moment où peu de chrétiens étaient dans les environs et après
le départ de Horapolon. C'était le sixième jour de la semaine,
appelé vendredi (i^^ov^.), auquel chacun des autres maîtres avait
coutume d'enseigner et d'expliquer chez lui. Après qu'ils lui
eurent donné un grand nombre de coups, et causé des contu-
sions sur la tête et des blessures, pour ainsi dire, par tout le
corps, il put enfin, bien qu'avec peine, car il était robuste,
échapper en partie à leurs mains ; il appela alors les chrétiens
à son aide, tandis qu'un grand nombre de païens l'entouraient
et le frappaient.
F. Nau.
{A suivre.)
(1) Jean, i, 3.
(2) Ps. xcv, 5.
ORIENT CHRETIEN.
LA
BÉNÉDICTION LITURGIQUE DES RAISINS
Dans Tancienne discipline chrétienne, les fidèles offraient à
l'église « les prémices du pressoir, de l'aire et des troupeaux »,
Toiç Upsjcriv {Constitutions apostoliques, \u, 29) (l). Cette pres-
cription avait été posée dans les mêmes termes par l'auteur de
la Didaché (2), mais les destinataires de cette offrande étaient,
avant l'établissement de la hiérarchie fixe, les « prophètes », ou,
à leur défaut, les pauvres. On voit de plus, dans la Didaché,
l'offrande des prémices rattachée à la loi mosaïque. (Cf. Exod.,
XXII, 29; XXIII, 19; Num., xviii, 12.) C'est pourquoi une certaine
latitude était laissée au donateur, là où la loi ancienne n'avait
rien fixé. On détermina postérieurement que les offrandes en
nature, du blé, de l'huile, du vin, des fruits et de la laine, se-
raient employées à l'entretien des ministres de l'Église (3). Enfin,
il était d'usage d'apporter ces dons à l'autel, et la liturgie eut,
dès le commencement, des formules particulières de bénédic-
tion pour ces prémices. Le texte des Constitutions apostoliques (A)
(1) PiTRA, Juris ecclesiastici Grxcorum historia et monumenta. Romo, 1864, t. I,
p. 364.
(2) nàcrav c/lv àTvapxYjv Y£vvrj[J.âTa)v )tjVOù xai à/,tovoç, powv te xal Tipoêâiwv ôwasi; xyjv
à7tap7r;V toi; TipoçriTaii;* aO-ot vâp eIgiv-oI àpyjspeî; ûjj-odv. éàv Se (jir) lytzs. upoçriTriv, ôote
Toïç TiTwyoï;. Didaché, XIII, 3, 4. — Jacqlikh, La Doctrine des Douzes Apoù'es.
Paris, 1891, p. 137, 138.
(3) Constitutions apostoliques, II, 34. Pitra, p. 179.
(4) 'EtcI Ô£ xaî; Ttpo(TÇ£po[j.Évaiç à7:ap/_aT; oûtojç £Ù-/apt(7T£Ï 6 ètticxottoç" Eù-^apiaxoCi-
[J.ÉV (TOI, y.ijptc uavToy.paTop, or|]j.toupyà twv ôXwv xal 7ipovov-,Tà 3ià toù [i.ovoy£voiJi; (tou Ttat-
o6; ^\t\rso\i Xokjtoù toù xupioy TjJJLwv, ÈTti xat; TtpoaEve-^Ôïtaat; aol aTrap/aïi;, oOj( ôaov ôbeî-
LA BKNKDICTION LITURGIQUE DES RAISINS. 3.J.J
est une bénédiction g(''nérale de tous les fruits de la terre, où le
blé est, à la vérité, mentionné avec une intention spéciale, mais
sans Texclusion des autres sortes de fruits. Cependant, la légis-
lation ecclésiastique restreignit de bonne heure Toblation litur-
gique des prémices aux épis et aux raisins nouveaux, qui,
outre leur symbolisme eucharistique, représentent les prémices
des aliments usuels. On y ajoutait l'huile pour le luminaire, et
l'encens pour la thurification. Mais les autres espèces de fruits
devaient être portés à la maison de l'évèque et des prêtres, non
à l'église (1), tandis que les prémices des épis et du raisin
étaient reçus à l'autel et sanctifiés par une bénédiction solen-
nelle prononcée au cours de la célébration de la liturgie. Cet
usage subsista en Orient comme en Occident, mais il semble,
par un texte de Nicéphore, patriarche de Constantinople, qu'au
XI' siècle, les fidèles qui offraient à l'autel ces mêmes éléments
pour y être bénis, les gardaient pour leur propre usage, ou les
consommaient sur place, à titre d'eulogie (2). Nous compare-
rons ci-après cette pratique à celle de certaines Églises d'Oc-
cident.
La discipline était la même parmi les chrétiens d'Afrique. Un
décret conciliaire du v" siècle reproduit presque textuellement
les expressions du Canon apostolique cité précédemment : Nec
amplius in prwiitiis offeratur quam de uvis et frumentis (3).
Ailleurs, en Italie, du moins, on avait substitué aux raisins
).0!JL£V, àX).' offov 5uvà(jL£Ga. Tt; y''? àvOpwTtwv £7ta?îwç £"j-/api<7Tyi(ia! aoi oûvatai inzio (Lv
Sïowxa; aÙTOî; îl; |JL£TàXr|'^tv; ô Heô; '\êpaà|j. xat 'laaàx xal 'laxwê xat TïâvTwv tûv
àvîwv ô uâvTa ■:î>,£<içiOpy;iTocç oià toù Xdyou gou xal x£/.E'ji7a; tri yr] uavrooaTToù; èx^-jcia.:
xapuoij; £l; £Ùq)poa\Jvr)v xal -rpo^riv rj(X£T£pav ô &où; toï; vtoÔECTÉpoi; xat l3).r,y_a)0£iTi yv^àv,
-/Xori^âyoi; y}.ô-/\M, xat toi? [xèv xps'a, xot; èà anip[Lo:i(x., Vi|J.tv oè (Tîtov iipô; Tpos/iv Tipoa-
çopov xat xaTà>,>,r;),ov xal £T£pa ôtâçopa, -zà [ji£v upô; -/p/jirtv, xà 8e upô; ûyEÎav, ià oï îrpo;
T£p<|/tv, eut TOÛTOi; ouv àTraitv {;7:£p-j[jLvr)To; ÛTràp-/£'ç Tii; £k Trâvraç £Ù£py£(jta? otà XptaToù,
ot' ou (7ol ôô^a, TtjA/) xal aléa; âv àyÎM 7iv£ij[xatt £t; iroù; atwva;. à|j.riv. Cunstil. aposL,
YIII, 40. Pitra, p. 410, 111.
(1) n>.Y)v v£wv X'Spwv •/) a'ca;fu),-?);T({)xatpw xw Siovxt, [Li] £|ov Eaxw îrpocâyEaOat ri £T£pov
Tipôç xè 6u(7ta(jTYiptov r) D.atcv £t; )vU-/viav xal 6u(jt;a[xa xw xaipû xv^; àyta; Ttpoaçopà;. f,
àXXvi Tràffa ÔTttôpa etç otxov àTrodXEXXÉGÔw, aTtapx^ xw STrtffxoirtp xal xot; 7rp£(7êy-£pot<,
à),Àà [AY] TTpèç x6 6y(7ta(7x-ôptov. Canones aposlolonim, 3 b (4), 4 (5). Pitra, p. 14.
{i) Xp-r) Trpo(7»£p£tv à-TZCLçyrci wtxouxal axa^uXT); èv xîi âxxXiQsia xat £ÙXoy£t(76ai, xat outw;
£ff6t£tv è? aOxûv. Xici'phoro, C'an. 84. Pitha, Juris ecclesiastici Grxcorum, t. Il,
]i. 335.
(3) Concilium Africaaum, can. 4. CoUeclio canuaum ecclesix africanx. Labbe,
Concil., t. II, p. KHiS.
356 RKVUE DE l'orient CHRETIEN.
dans cette bénédiction liturgique, les fèves, et cela non parce
que, antérieurement au christianisme, elles avaient été con-
sidérées comme un aliment sacré, mais plutôt parce qu'elles
constituaient la nourriture ordinaire des peuples de la Pénin-
sule.
Quoi qu'il en soit, c'est au pape Eutychien (275-283) que le
Liber Pontificalis rapporte la réglementation relative à cette
bénédiction (1). Par une restriction analogue à celle de la disci-
pline gréco-syriaque, exprimée dans le Canon des Apôtres cité
plus haut, l'Église de Rome n'admit plus à la bénédiction litur-
gique de la messe que les raisins et les fèves, à l'exclusion des
autres fruits. Ces prémices étaient présentées à des jours dis-
tincts : les premiers, à Rome comme à Byzance, le sixième jour
d'août, les autres, à Rome seulement, à l'échéance mobile de
l'Ascension.
Le sacramentaire grégorien contient, en effet, au 6 août, la
formule de bénédiction du raisin, appartenant en propre à la
messe de saint Sixte (258) (2).
[VIII. id. aug.] Natale sancti Syxti episcopi.
Benedictio [Prefatio] iivce. Benedic, domine, et hos fructus novos uv;e
quos tu, domine, per rorem cseli et inundantiam pluviarum, et temporum
serenitate et tranquillitate, ad maturitatem perducere dignatus es; et de-
disti ea adusiis nostros cum gratiarum actione percipere, in nomine domini
nostri ihesu cliristi, perquem haec [omnia], domine, semper bonacreas(3).
Le sacramentaire gélasien assigne en propre à la messe de
l'Ascension la benedictio fabœ; mais la formule est conçue,
sauf une variante, dans les mêmes termes que la précédente.
Orationes ex preces in Ascensa Domini.
(1) Ilic [EutycianusJ coastituit (ut) fruges super altaro tantum fabie ot uva-
benedici. Duchesxe, Liber Pontiftcalis. Paris, ISSG, t. I, p. 159.
(2) Dans les sacrameutaires qui présentont à ce jour une seconde messe spé-
ciale des martyi-s Félicissime et Agapit, la Prxfalio uvœ est assignée à la messe
de saint Sixte (Missel de Leofric. F. E. Wakren, The Leofric Mtssal, Oxford,
1883, p. 152. Missel de Robert de Jumièges, ibid., p. 278). Après l'institution de
la fête de la Transfiguration, qui effaça peu à peu la fête de saint Sixt(% cette
bénédiction passa à la messe de la Transfiguration (Missel de Salisbury. Warren,
op. cit., p. 152, 4). Cf. UkRTÈsE, De antiqiris ecdesix ritibus,i. 111, p. 58l).
(3) {CK0%M'e.Ti),Sacra7ncntarium ecdesix Nivernensis (sans date), p. 285. — \Var-
REN, The Leofric Missal, p. 152.
LA BKNÉDICTION LITURGIQUE DES RAISINS, 357
Indevero modiciim anlr crplcliinicanonem [axpleto canoitr] boiedicfs fru-
(jcK novds. ScqiiiliD'fjcnfdictio.
Henedic, domine, et lias fruges novas fabae qiias [et hos fructus novos
t'abce quos] tu, domine, rorc Ccelesti et inundantia pluviarum ad maturita-
tem perduccre dii;natus es, ad percipiendum nobis cinn gratiarum actione
in nomine douiini nostri iesu chiisti. Perquem hœc omni;i, domine, semper
bona, iisque erpleto canonc (1).
Enfin Tun et l'autre élément se trouvent réunis dans une
formule commune du même texte :
Benedictio uv;e vel fabae.
Benedic, domine, hos fructus novos uvae vel fabae quos tu, domine, per
rorem cœli et inundantiam pluviarum, et tempora serena atque tranquilla,
ad maturitatem perducere dignatus es, ad percipiendum nobis cum gratia-
rum actione, in nomine domini nostri ihesu christi, qui est benedictus (2).
Nous verrons, par la citation du document grec, que la for-
mule originale est bien la benedictio uvœ; les autres applica-
tions ont été faites postérieurement.
La finale Per quem omnia indique que les deux premières
bénédictions se rattachent au canon même de la messe. Pareille
particularité distingue la consécration, encore en usage, des
saintes huiles, au jeudi saint, et l'ancienne fornmle de béné-
diction du breuvage de miel, de lait et d'eau, destiné, le samedi
saint et la veille de la Pentecôte, aux nouveaux baptisés (3).
On trouve cette dernière au sacramentaire léonien (4).
(1) To.MMASi, Liber Sacramenlorum romanae ecclesix, t. VI, p. 89. — II. A.
WiLSON, The Gelasian Sacramcnlary. Oxford, 1894, p. KiT.
(2) ToMMASi, op. cit., p. 214. — Warren, The Leofric Missal, p. 221. — .Mar-
Tf:NE, p. 541.
(3) Voir aussi, pour la bénrdiction de FAgnoau pascal, Bona, Rerum Uturgl-
carum, t. III. Turin, 1753, p. 314.
(4) Benedictio fontis, lactis et mellis.
Benedic, domine, et lias creaturas fontis, lactis et mellis', et pota famulos tuos
de hoc fonte perenni, qui es ' spiritus veritatis, et enutrieosdohoc melle et lact(?;
tu enim, domine, promisisti patribus nostris abrahe, isaac, et iacob, dicens : In-
trcducam vosin * terram repromissionis, terram fluentem lac et mel*. coniunge,
domine, famulos tuos spiritui sancto, sicut coniunctum est hoc lac et mel * in
christo ihesu domino nostro, per quem * omnia, domine. Mlratohi, Liturgia ro-
mana velus, p. 318. — Warrex, The Leofric Missal, p. 224. Cf. Liber Sacramen-
lorum ecclesix romanx ySacramentarium leonianum). Migne, Pair, lat., t. L,
p. 40, 41 : fontis, mellis et lactis. — est. — lacté et melle, quemadmodum patribus
nostris abraham, isaac et iacob introducere te eos in. — fluentem lacté et melle
— mol et lac, quo cielestis terronaîque substantiœ significatur unitio in christo.
— h«c omnia. . .
358 REVUE DE L ORIENT CHRETIEN.
Si l'on écarte, comme n'appartenant pas à la catégorie des
fruges, la bénédiction des saintes huiles et celle du breuvage
symbolique des baptisés, on reconnaîtra que l'usage séculaire
de l'Église a respecté la législation du pape Eutychien et des
Canons des Apôtres. Seuls, en effet, les raisins et les épis, ou, à
Rome, les fèves, sont bénis à la messe : fruges super altare
tantum uvœ et fabœ benedici; tandis que les autres bénédic-
tions du rituel latin font voir, par la teneur de leur formule fi-
nale, qui est la conclusion commune des prières, qu'elles sont
détachées de la célébration du sacrifice eucharistique, en même
temps qu'elles ne sont pas spéciales à un jour de l'année .
Le moyen âge conserva ces coutumes et ces distinctions. Les
fèves, le moût, le pain étaient bénis au réfectoire (Martèxe,
l. IV, p. 574. Voir cependant p. 570), mais les raisins du jour
de la Transfiguration l'étaient à l'église. On les consommait au
réfectoire comme des eulogies. {Ibid.,p. 573.) Ailleurs on les
distribuait à l'église même, comme le pain bénit, entre le con-
vent présent au chœur et l'assistance laïque. (Boxa, Rerum li-
turgicarum, II, 14, t. III, p. 314.)
Les décrets apostoliques que nous avons cités sont une pre-
mière garantie d'antiquité de nos formules rituelles. Mais il y a
plus : la prière de la bénédiction des raisins, qui du sacramen-
taire grégorien passa aux Églises des Gaules, de Bretagne et
d'Allemagne, pour demeurer de nos jours en usage dans beau-
coup de nos diocèses au 6 août, est identique à la formule con-
servée à la même date dans l'Église grecque (1), et les traduc-
tions syriaques de la liturgie des Melkites de Syrie confirment
l'authenticité du texte grec original.
Nous donnons celle-ci d'après le texte le plus récent.
ECf/y) EÎç £5XoYiQ<T'v * cracpuXîiç, xr, ç' AuYOuffTOU.
EùXÔYTlffov, xôpis, tov xapTCOv toutov t^ç àfjnrîXou xov véov, 3v Sià Tvi; -zoZ às-
poç EÙxpaffia;, xaiTwv fftaYOVwv t^î Ppox.îi';, 5ta't fîi<; twv xaipwv yalr^wrfi, et? xaû-
Tr,v Tr,v ôjpijxioTcxr/iv cxiaiv IXOeîv r;ùooxr,(7aç *, l'va -fi Iv ^[xTv toi; I; auTOÛ toÎ!
YevvYÎtji.aTo; x^ç àjjiTrÉXou jxeTaXa[j.êavoufftv, eî; EU'iipociûvTiv, jcai toïç xpoaeve'Yxasi
êwpov, eîç e^iXaffjxôv à(xapTic!)v, Sià xou tepoti xat aYtou ciofxaxoî [jcal ai[AaxO(;]*
(I) 'Ispaxixov n£pi£-/ov xà; Oeta; xal îspà; Xstxoupyta;. Constantinoplc, 1895, p. l'il.
Le texte de l'Euchologe (Venise, 1851) fournil les variantes suivantes : u.£xà)T,'{;iv
£{iô6xYi(Ta;. om. xat aï(xaxoç. — Cf. Goar, Euchologe, p. 695.
LA HKNÉDICTIOX LITURfiKjLK DES RAISINS. 359
TTvsuaan, vuv xai àet xai stç tou; aîwvaç twv ato'ivojv. ày.r,v.
La bénédiction syriaque est, sauf l'amplification inséparable
des traductions orientales, la reproduction de la prière grec-
que :
w0.o/; (-ioV-^î )»)L-â \l^-^ )->oi );)l^ )oiSx j— »po yt— s
^ )ooMo Ji^aaJ-io^ «^..^oKii/o V^JC^v; ) Nn^ N JiioLAj
1 - ^y<^; ^.«^^JJ JOOIJO .^.^ybdOL^O; otV^^ •) — >^i— OO ) » 0»
) « nf>o ..\o jKa^o ^\ .ot i v> ^>i.\3/; > <.,\ »/ .01.^
^t-^! I » .>oNrt ..o yio ^\; jio^-^^No .y\ i» j v> «Kl ^ \o
I ^^ ^"^JiL^ ) iu»f^ ^^m09 ^^ Jv^^/o \ ... ^ot ^^o jl—d
(1) ♦^^^.io/ .^X^O^s^ ^O^s^^ ^^Jlso I-aoi ,\.JiL^ ^ ^\VKa
Prière sur les fruits du raisin nouveau.
« Bénis, Seigneur Dieu, ce fruit nouveau, [ce] fruit de la vi-
gne, qu'une convenable humidité de l'air, la pluie du ciel et la
tranquillité des saisons de l'année ont fait croître jusqu'à son
complet développement, de manière à devenir [notre] nourri-
ture. Qu'il nous serve, à nous qui en faisons une offrande, pour
la rémission de nos péchés, par le moyen du corps pur et saint,
le corps de ton Christ. Qu'il devienne, pour ceux qui en appro-
cheront et en mangeront, bénédiction, propitiation et félicité,
pour la joie de nos cœurs et la santé de nos corps et de nos âmes,
par la vertu de ton Fils Jésus-Christ Notre-Seigneur, avec lequel
à toi convient la louange et l'honneur, avec ton Saint-Esprit, en
(1) Bibliothèque nationale. Fonds syriaque, n" ICK», fol. 216 verso, '211 recto.
360 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
toutes sortes de biens, auteur de la vie, maintenant et en tout
temps, dans les siècles des siècles. Amen. »
Les rituels meikites nous donnent cette autre « Bénédiction de
la première grappe de raisin », dont nous ne possédons pas l'o-
riginal grec. Il convient de remarquer la signification très ca-
ractéristique de cette pièce évidemment composée parmi des po-
pulations dont la richesse consiste uniquement dans les produits
du sol.
> V> JL^uw.» )KioK^ ^K-v*i/o .Ott>0^....5 )Ka^w^9 Jl)» ^iO
Prière sur la première grappe.
« Par le sang du raisin de vie, les créatures ont été rache-
tées; par le suc sorti de lui, leur vêtement a été lavé de la souil-
lure du péché; la marque de la perdition a été abolie du corps
d'Adam coupable. Qu'il nous réjouisse parce don [qui vient] de
toi, et que nous recevions ce raisin que tu nous donnes, afin
qu'il soit la préservation de nos vignes, et que les grains se pres-
(I)Fol.-2M rcclo.ComwLd la plupart des textes syriaques de même source, ceux-ci
donnent lieu à quelques remarques lexicologiques. On peut relever en effet dans
le premier l'emploi de la forme af-el-^^l au sens neutre; dans le second l'affec-
tation de la terminaison féminine au lieu de l'emphatique masculin: )tœi^ pour
l-îx»^, procédé sur lequel on peut voir Journal asiatique, IX" série, t. XI, n" 'S
(1898), p. 441-4 1-2. — j-=-^ nous présente soit une voix paV, soit, à la voix pe'al,
au lieu de la forme active régulière en o, la foi'me neutre du futur, justifiée du
reste par la forme dialectale de l'impératif j-a- (Pay.ne-Smith, Thésaurus syriacus,
p. 1182). L'étude, sur un grand nombre de textes, de ces particularités gramma-
ticales, servirait à faire connaître l'origine des traductions syriaques de la litur-
gie grecque.
LA UKNÉDICTION LITURGIQUE DES RAISINS. 361
sent sur leurs ceps comme les jumeaux dans lesein cleRébecca;
et la louange montera vers le nom de celui qui [nous] donne
[ces biens] , dans les siècles des siècles. Amen. »
L'Église arménienne bénit aussi les raisins à la date fixe du
15 août, à la suite de la messe de l'Assomption (1). Enfin les
rites syriens possèdent des bénédictions pour le raisin, le vin,
les épis et les divers produits du sol, mais elles ne sont pas
nécessairement célébrées à l'église, ou, du moins, on ne les
rattache pas liturgiquement à des jours spéciaux, si ce n'est la
double fête de Notre-Dame des Semailles, au 15 février, et de
Notre-Dame des Épis, au 15 mai (2). Les anciennes formules,
tombées en désuétude parmi les Syriens unis, sont restées en
usage chez les Jacobites. Cependant le droit syrien a reproduit
la disposition du Canon des Apôtres interdisant la présentation
à l'autel d'autres fruits que les raisins et les épis (3). Le pa-
triarche Jean I (648) ou Jean de Telia (538) la renouvela, et
prescrivit la déposition du prêtre qui, à l'oblation de la messe,
aurait joint du moût, i^o-. (j-:^-), de la boisson fermentée ou
quoi que ce soit d'autre que du vin, des raisins et des épis (4).
L'Occident admit au contraire, en certains lieux, la pratique
d'employer, le jour de la bénédiction des raisins, du vin nouveau
à la messe, par allusion au texte évangélique « je ne boirai plus
de ce fruit de la vigne jusqu'à ce que je le boive nouveau avec
vous dans le royaume de mon Père (5) » ; ou encore d'exprimer
quelques gouttes du raisin bénit dans le calice consacré. Martène
atteste cet usage pour diverses églises, spécialement pour celle
de Poitiers (6). Certains propres diocésains maintiennent de
nos jours cette rubrique très spéciale. Or, il y a lieu de noter
que, sur ce point encore, l'Orient et l'Occident s'accordaient. Au
VII'' siècle le Concile in TriiJlo reconnaît que la coutume auto-
risait le mélange, avec les éléments eucharistiques consacrés,
(1) ce. NiLi.Ks, Kalendarium manuale. Inspruck, I8'.*7, t. II, p. 503.
(•2) Ibid., I, p. 249, 469 et 470. Cf., pour la l'èti^ corn^spondante du Calendrier
cliakléen, II, p. 683.
(3) Bvii-HÉBiuas, jVomocrtïio?), IV, i, a. Mai, Scriptorum velerum, t. X, p. 19.
(4) Ibid.
(5) IMatth., XXVI, "29. Voii- Durand de IMende, nalional des divins offices. VII. i??,
2. Paris, 1854, t. Y, p. 74.
(6) De antirjuis ecclesix ritibus, t. III, p. 580.
362 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
des raisins bénits à l'autel ; mais il enjoint de distinguer la béné-
diction et la distribution de ces prémices de la communion sacra-
mentelle.
« Ayant appris que, dans diverses églises, lorsque le raisin
est apporté à l'autel, suivant une coutume qui a prévalu, les
ministres le mêlent au sacrifice de l'oblation non sanglante , et
distribuent au peuple l'un et l'autre indistinctement, nous dé-
crétons que désormais nul des prêtres ne fasse ainsi, mais que
l'on distribue au peuple l'oblation [eucharistique] qui donne la
vie et remet les péchés, et que les offrandes de raisin soient
considérées comme les prémices et bénies à part par les prêtres,
pour être distribuées à ceux qui les demandent, en actions de
grâces pour celui qui donne les fruits par lesquels nos corps
sont fortifiés et nourris selon la disposition divine. Et si quelque
clerc agit contrairement à cette prescription, qu'il soit dé-
posé (1). »
Deux siècles avant le Concile in Trullo, les Églises d'Afrique
avaient séparé, par une distinction analogue, la bénédiction des
prémices, blé et raisin, celle du lait et du miel donnés aux
nouveaux baptisés, de la consécration sacramentelle. Le texte
que nous citons fixe la pratique africaine à la fin du iv^ siècle.
et in sacramentis corporis et sanguinis Domini nihil amplius ofïeratur
quam quod ipse Dominus tradidit, hoc est panis et vinum aqua mixtvim.
Primitige vero, seu mel et lac [et] quod iino die soUemnissimo in infantum
mysterio solet ofîerri, quamvis in altari offerantur, siiam tamen liabeant
propriam benedictionem, ut a sacramento dominici corporis et sanguinis
distinguantur : nec amplius in primitiis offeratur, quam de uvis et fru-
mentis.
pojj.£VYi;, xaxà Ti xpaTriaav l6o;, xoùç XsiToupYOÙ; taÛTriv t^ àvaipiàxTo) xy^; Trpou-
çopà; 6y(7Îa cuvàTCXovxai; oûxwc ajjia x(p Xaû Stav£[j.£iv àjjiçoxÉpa, auveioofxev ûtaxi \i.i\v.ii t
xoùxô xiva xwv UpwfjLÉvwv tioieîv, à/.X' si; X,(ùOtzo''.t\riv^ xal àjAapxuSv âcpeffiv xw Xaw xïj;
icpoffçopà; [AÔvn; (jLSxaSiSôvai' w; à7ïap-/riv ôk xrjv x^; (TxaçuXri; Xoyt^oaévouc Ttpodéve ïiv,
ISixw; xoù; tspeï; ïOXoYOÙvxaç xot; a'cxoùai xayTvi; [XExaotoôvai Ttpà? xiriv xoû Soxyjpoçxwv
xapTtwv £'j-/api(jxtav, 5i' wv xà owiiaxa yi[awv xaxà xôv 6£Ïov ôpov aù?£i x£ xat £xxp£cp£xat.
£Î xi; O'jv xXyipixô? Ttapà xà ôtax£xaY[ji.£va uoiiQiTOt xaÔaipEÎirOw. Conc. 'l'rull., can. 28.
PiTRA, Juris écoles. Grœcorum, t. II, p. 38. — Si l'on pouvait justifier, dans les
termes mêmes de la bénédiction grecque des raisins et de sa traduction syriaque,
une allusion à ce " mélange >-, on en retirerait une preuve de haute antiquité.
(25) Concilium africanum (c. A.).Collectio canonum ecclesix africanx, XXXVII.
Labbe, Conciles, t. 11, p. 1008.
LA HKNKDICTIOX LITURGIQUE DES RAISINS. 363
Bien que, suivant le principe formulé par saint Grégoire,
l'unité de la foi n'ait pas à souffrir de la diversité des usages (1),
il est constant qu'à côté des innovations liturgiques survenues
au cours des siècles, maintes pratiques subsistent, communes
à l'Orient et à l'Occident, et que l'on doit faire remonter, sinon
aux temps de l'unité liturgique primitive, du moins à l'époque
où la nature des relations ecclésiastiques permettait des em-
prunts réciproques. Ce n'est donc pas seulement par l'accord
sur les points essentiels du dogme et des formules sacramen-
telles que s'affirme l'unité chrétienne, mais souvent par la
conformité, maintenue en dépit des divisions dogmatiques et
politiques, de traditions accessoires, dont on vient de voir un
remarquable exemple. Seules, dans tout le monde chrétien, les
sectes schismatiques d'Europe se trouvent ici à l'écart. En abo-
lissant, pour marquer leur scission, les usages liturgiques que
l'Occident tout entier tenait de l'antique Église de Rome, les
Protestants et, à leur suite, les Vieux-Catholiques ont renoncé
à des rites séculaires de l'Église universelle, à des cérémonies
sanctionnées par les règlements des anciens conciles et retenues
par un usage invariable de toute la chrétienté. Aussi, lorsque
la propagande protestante s'efforce d'implanter au sein des
églises de Palestine et de Syrie ses erreurs et ses préjugés, les
chrétiens orientaux, qui tiennent à leurs rites autant qu'à leur
nationalité, sont en mesure, sans préjudice d'autres motifs plus
graves qui leur interdisent l'adhésion aux principes de la Ré-
forme, de démontrer, par la comparaison de leurs richesses li-
turgiques avec le contenu du froid prayerbook, que le protes-
tantisme est la négation des rites orientaux.
J. Parisot.
(1) In una fulo nil officit sancto ecclosiiB consuetudo divorsa. Epist. L 43 (41).
Édition bénédictine, t. II, p. 53-2. Patr. lat., t. LXXVII, p. 497.
NEUF CHAPITRES
DU ^ SONGE DU VIEL PELERIN
DE PHILIPPE DE MÉZIÈRES
RELATIFS A L'ORIENT
INTRODUCTION
L'ouvrage croù sont tirés les extraits que Ton trouvera dans
les pages suivantes porte le titre de « Songe du viel pèlerin
adreçant au blanc faucon pèlerin couronné, au bec et aux
piez dorez » et a pour auteur le célèbre Philippe de Mézières (1).
Avant de donner quelques détails sur cette œuvre qui est
restée jusqu'à présent complètement inédite, je ne crois pas
inutile de raconter très brièvement la vie agitée et étrange du
personnage qui l'a composée.
Comme Becquet l'a établi le premier, Philippe de Mézières (2)
(1) 11 se compose de deux énormes volumes in-folio de 37 sur 27 centimètres
comptant 346 et 294 feuillets; il est écrit sur parchemin et il a appartenu au duc
de Bourgogne, Philippe le Bon. A la fin de chacun des volumes on lit cette notice :
« Escript par moj', Guiot Daugerans, en la ville de Bruxelles, l'an 1465 ». Ces ma-
nuscrits qui proviennent de la bibliothèque des ducs de Bourgogne n'ont plus leur
reliure originale, et ils ont été reliés à nouveau sous le règne de l'Empereur Napo-
léon l«^ Ils faisaient anciennement partie du Supplément français où ils portaient
les numéros 3007, 5-6.
(2) Hisloria Celestinoi^um. Varia, 1710, iu-4", p. 11):.'. Ou écrit également Maiziè-
res. On pourra voir sur ce point, Auguste ilolinier, Description de deux manus-
crits contenant la Règle de la <• Militia Passionis Jlwsu Christi » de Philippe de Mé-
zières dans les Archives de VOrient Latin, 1881, tome 1, ji. 336, et Jorga, Philippe
de Mézières et la Croisade au XIV^ siècle, Paris, 1896, page 9, note 1. C'est à ce
dernier ouvrage que nous empruntons les éléments de cette courte biographie de
Philippe de Mézières.
NEUF CHAPITRES DU « SONfiH DU VIEL PEF.ERIX ». 3G.J
naquit à Amiens aux environs de l'année 1326, probablement,
d'une façon plus précise, en 11)27; il était le douzième enfant
d'une famille noble, mais qui avait perdu la plus f^rande partie
de ses biens, aussi sa jeunesse fut-elle assez pénible. Comme
ses frères, il fut envoyé à l'école des Chanoines de Notre-Dame,
où la lecture des chroniques de Terre Sainte et les récits des
misères que les pèlerins enduraient en f^alestine ne tardèrent
pas à le porter à un mysticisme ardent et au désir de devenir,
comme son illustre compatriote Pierre l'Ermite, l'apôtre d'une
nouvelle croisade, à la fois plus heureuse et plus glorieuse que
celles qui l'avaient précédée.
L'éducation toute théologique que le jeune Philippe de
Mézières avait reçue chez les chanoines de Notre-Dame d'A-
miens ne pouvait, au commencement du xw" siècle, suffire à
un homme qui avait l'ambition de conduire une nouvelle croi-
sade contre les infidèles. On se rappelait ce que l'inexpérience de
Pierre l'Ermite et des chefs de la première expédition avait coûté
aux innombrables chrétiens qui en 1096 avaient pris la Croix
pour aller délivrer le tombeau du Sauveur des mains des
Sarrasins. C'est pourquoi, dès 1345, Philippe de Mézières
passa en Lombardie, où il se mit à la solde de Lucchino Visconti ;
l'éducation qu'il y fit du métier de la guerre paraît lui avoir
laissé des souvenirs peu agréables et des remords qui ne cessèrent
de hanter son esprit jusqu'à ses derniers jours, alors que toute
une vie consacrée à la religion aurait dû lui faire regarder
les actes qui les avaient provoqués comme des erreurs de jeu-
nesse sans grande importance. Quoi qu'il en soit, Philippe,
à peine âgé de vingt ans, quitta en 1347 le château de Mézières
pour aller courir les aventures; s'il n'atteignit jamais le rêve
éclatant de sa jeunesse, c'est que les temps étaient bien changés
depuis le concile de Clermont, et que l'enthousiasme religieux
qui animait les premiers Croisés avait fait place aux passions
et aux calculs politiques.
Je n'ai point l'intention de raconter ici en détail la vie de
Philippe de Mézières; le lecteur qui voudra la connaître plus
complètement pourra se reporter au livre que M. Jorga a publié
sur ce sujet. Je me contenterai d'indiquer très brièvement les
principaux événements qui l'ont signalée.
Il se rendit à Chypre auprès du roi Hughes IV de Lusignan ,
366 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
qui le traita fort bien, mais qui ne se laissa point gagner par
ses idées de croisade. Le 24 novembre 1358, Hughes IV, affaibli
par Vkge et par les soucis du gouvernement, fit consacrer dans
la cathédrale de Sainte-Sophie de Nicosie, son fils Pierre comme
roi de Chypre, ne gardant pour lui-même que le titre de roi de
Jérusalem (1). Pierre I" de Lusignan connaissait depuis long-
temps Philippe de Mézières, et il avait été à même d'apprécier à
la cour de son père la solidité de son instruction et l'étendue de
ses connaissances qui dépassaient de beaucoup celles des plus
célèbres laïcs ou ecclésiastiques, ses contemporains; aussi,
très peu de temps après son avènement, il le choisit comme
chancelier de son royaume. Philippe de Mézières seconda de
toute son âme les efforts que Pierre P'' fit auprès des princes
du continent pour provoquer une nouvelle croisade; il le fit
avec une énergie d'autant plus grande que c'était probablement
lui-même qui avait inspiré ces idées à Pierre P^ alors qu'il
n'avait pas l'espérance d'arriver au trône. Il accompagna ce
prince pendant son voyage en Europe de 1362 à 1365, et il sut
gagner la confiance du pape Urbain V; il retourna à Chypre
avec Pierre et le suivit partout où sa fantaisie aventureuse le
poussa.
Pierre 1" de Lusignan traitait assez durement ses barons, et
la vie dissolue qu'il avait toujours menée ne lui avait pas fait
beaucoup d'amis dans son royaume; aussi, le 17 janvier 1369, il
fut assassiné par Philippe d'Ibelin, seigneur d'Arsour, Henri
deDjibala (Giblet)et JeandeGavrelli. Son fils mineur, Pierre II,
lui succéda, mais le conseil de régence ne continua pas à Phi-
lippe de Mézières la confiance qui lui avait été témoignée par
Pierre P"; cependant en 1371, il fut envoyé en Europe pour por-
ter au nouveau Pape, Grégoire XI, élu le 30 décembre 1370, les
félicitations de la cour de Chypre.
Il ne retourna plus en Orient, et voyant sans doute que sa
position était fortement compromise à Chypre, il passa au
service du roi de France, Charles V, qui lui fit don d'une maison
située non loin de l'hôtel Saint-Pol; Philippe de Mézières exerça
une assez grande influence sur la cour de France, mais à la mort
de Charles V, il se retira définitivement du monde pour entrer
(I) Hughes IV se retira au monastère de Strovili, où il mourut un an environ
après cette cérémonie, le 10 octobre 1359.
NKUF CHAPITRES DU « SOXfiE DU VIKL PELERIN ». 367
auxCélestins,oùil vécut jusqu'à sa mort (26 mai 1105), dans une
retraite qui n'était d'ailleurs point très rigoureuse, et dont il sor-
tit plus d'une fois pour remplir le rôle de conseiller auprès de
Charles VI et de son frère le duc d'Orléans. C'est aux Célestins
que, loin des agitations stériles de ce monde périssable, et à ja-
mais revenu de ses irréalisables projets de croisade, il composa
la plupart de ses ouvrages de morale.
Comme tout le monde, Philippe de Mézières avait été frappé
du peu de résultat des croisades, qui avaient été équipées à si
grands frais et qui avaient coûté la vie à tant de milliers d'hom-
mes; elles étaient surtout un prétexte que les souverains étaient
trop heureux de saisir, pour organiser des fêtes splendides et
des réjouissances coûteuses; quant à la cour de Rome, elle en
profitait pour faire d'incessants appels à la charité et à la piété
des fidèles et pour exiger ensuite comme un dû des choses qui
lui avaient été consenties de bonne volonté, et pour une seule
fois. Déplus, il avait été à même de voir, à la bataille deSmyrne,
combien l'organisation militaire de la Chrétienté était loin d'être
suffisante pour que l'on pût songer à attaquer les Musulmans
dans leur empire, et leur arracher les lieux qui furent témoins
de la Passion du Christ. Il est incontestable que, même au com-
mencement du xiv" siècle, bien qu'elles eussent réalisé d'énor-
mes progrès dans leur armement et dans leur tactique depuis
l'époque de la première croisade, les nations de l'Europe occiden-
tale étaient, à bien des points de vue, très inférieures à l'empire
égyptien, puissamment et savamment organisé sous la main
des Sultans Mamlouks du Caire. Ce qui manquait le plus, c'était
encore la discipline, et, même à l'époque de Philippe de Mézières,
les généraux chrétiens ne menaient guère contre les émirs turcs
qui commandaient sur le littoral de la Méditerranée que des
bandes sans aucune cohésion et toujours prêtes à se révolter.
Philippe comprit dès ce moment que, si l'on voulait songer
sérieusement à une nouvelle croisade, il fallait commencer par
créer une force militaire qui pût se mesurer avec celles que les
Musulmans étaient prêts à lui opposer; il n'y avait guère qu'un
moyen de le faire, c'était de créer un ordre de Chevalerie sur le
modèle de ceux du Temple et de l'Hôpital, mais en en faisant
disparaître les abus qui les avaient condamnés de bonne heure
à une inutilité presque complète. C'est à cet ordre futur qu'il
368 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
donna le nom de « Chevalerie de la Passion » ; il prétendit que
ses statuts lui avaient été communiqués dans l'église du Saint-
Sépulcre par Jésus-Christ lui-même (1), gravés sur deux tables
de pierre. Philippe de Mézières consacra en vain toute sa vie
à ce qui avait été le rêve de ses années de jeunesse; son ordre
de la Passion ne fut jamais qu'une belle chimère, et la Pales-
tine demeura sous le joug des Sultans Mamlouks, jusqu'au
jour où leur dynastie s'effondra devant les armes « toujours vic-
torieuses » de rOsmanli Sélim-Khan. La mode était d'ailleurs à
la création des ordres de Chevalerie : Pierre P"" de Lusignan créa,
sur les instances de Philippe de Mézières, son chancelier, l'ordre
de VÉpée; presque à la même époque, Louis de Bourbon créait
celui de VEscu cfOr, pendant qu'Amédée de Savoie fondait
l'ordre de YAnnonciade, l'un des plus grands Ordres européens
encore à la fin du xix^ siècle, et que le roi de France, .Jean, était
grand maître de l'ordre de V Étoile.
Le Songe du Viel Pèlerin est l'un des ouvrages moraux
que Philippe de Mézières composa dans sa retraite au couvent
des Célestins (2).
(c II est assavoir, dit Philippe de Mézières (3), que l'acteur de
cestui songe, c'est assavoir le Viel Pèlerin en cestui livre, parle
communalment par figures et par paraboles, par similitudes et
par considéracions ou ymaginacions aucuneffois prinses de la
Saincte Escripture et des livres et diz morals des Philozophes
faignans les noms des roys, des princes et des seigneurs, par-
lant moralmentàson avis selon leurs condicions, pais et régions,
comme a esté dit au prologue du pèlerinage du poure pèlerin.
Et aussi aux vertuz et aux vices il leur baille propres noms par
aventure, autrefois non usez selon leurs condicions. »
Le Songe du Viel Pèlerin est en effet une œuvre tout allégo-
rique, qui appartient au genre illustré par le Roman de la Rose,
\q Roman du Renard, quia duré jusqu'au xvii^ siècle, bien après
le Pantagruel de François Rabelais.
(1) " Unde, sic peregrinando, date sunt Philijnno a Domino cum IMoyso due
tabule lapidée, in quibus erant scripte, non solum X procepta, videlicet substancia
presentis régule miliciepassionisJhesu Christi » {Mililia, fol. 45\-°),dans Jorga,
Philippe de Mézières, p. 73.
(2) On trouvera la liste de ces ouvrages dans le livre de M. Jorga cité plus haut,
dans Vlntroduction bibliographique, p. vu et sq.
(3) Volume I", JIs. 9200, folio 14 v".
NEUF CHAPITRES DU « SOXGE DU VIEL PELERIN' ». 369
Il est raconté clans les deux premiers livres du Songe du Viel
Pèlerin (\), qu' « Ardant Désir accompaignié de sa seur Bonne
Espérance (2)prins en figure pour le Viel Pèlerin en personne de
tous ceux qui désirent que le monde, et par espicial, laCrestienté,
soient réformez à bien faire par le commandement de Provi-
dence Divine, entreprent son grand voyage pour trouver souve-
rains alkemistes et multiplier le besant de TÉvangile. C'est
assavoir pour trouver Vérité accompaignée de trois vertuz néces-
saires, Paix, Miséricorde et Justice, lesquelles grant temps à se
estoient parties de ce monde... Ardant Désir et sa seur Bonne
Espérance trouvèrent au désert d'Egypte le viel Arsène, grant
alkemiste qui bienetdoulcement les recueillist, et après leur en-
seigna la grant montaigne là où ils trouvèrent trois roynes et
trois dames souveraines maistresses de vraye alkemie... Ardant
Désir et sa seur Bonne Espérance repartirent du saint armite et
à très grant peine et à longues journées... ils vindrent à la noble
montaigne de la beauté du lieu, et ils y trouvèrent les trois dames
très honnorées ».
(1) Mss. 92(X), f. 25 r».
(2) Voici la clef des principaux personnages dont il est parlé dans le Songe du
Viel Pèlerin (ms. 9200, fol. 18 v).
" Ardant Désir et sa seur Bonne Espérance sont prins en figure pour le Viel
Pèlerin, acteur de cestui livre, appelle Songe ou Vision, représentans les person-
nes de tous ceulx qui désirent la reformacion de tout le monde et de toute la
Chrestienté et par espicial du royaume de Gaule.
La Sainte Alkemie est prinse en figure pour les euvres vertueuses et bon
gouvernement.
La faulce et apparant Alkemie est prinse en figure pour les fols alkemistes qui
cuident faire de vil métal or et argent, et pour les euvres vicieuses et mauvais
gouvernement.
Le besant de l'àme et de l'Évangile est prins en figure pour la Ijonne euvre
faicte par les cinq sens naturelz, jiar l'entendement et par franc arbitre de
l'omme.
Les forges des roynes et des dames sont prinsesen figure pour les bonnes eu-
vres faites en l'Église de Dieu et en la saincte Foy catholique.
Les bezans et la monnoye des dames sont prins en figure i)our l'effect des
vertus divines, natureles et morales.
La royne Riche Précieuse est prinse pour la vertu de vérité infalible.
Dame Alégresse est prinse en figure pour la vertu de la vraye paix désirée.
L'Amoureuse est prinse en figure pour la vertu de douice miséricorde.
Bonne Aventure est prinse en figure pour la vertu nécessaire de vraye justice.
Les chambrières de la Précieuse Vérité, la royne, sont prinses en figure, c'est
assavoir Droicture et Vraye Existance, Humilité et Constance.
La reine Riche Précieuse est la fille du Christ, qui est (puMtjuefois désigné sous
le nom du ■■ Grand Maître delà monnoye •>. (Idem, folio 71 verso.)
ORIENT CHRÉTIEN. 26
370 REVUE DE L ORIENT CHRETIEN.
Ces trois dames étaient « Alégresse, l'Amoreuse et Bonne
Aventure » ; elles prièrent la Reine Doulce Amour d'implorer
sa sœur cadette, Riche Précieuse, pour qu'elle consente à « re-
tourner au monde et les trois dames aussi pour forger les bons
besans et rapareiller Torloge du gouvernement du monde ». Il
arriva alors que la « Riche Précieuse, Vérité laroyne, et les trois
dames se trouvèrent au désert du monde, et qu'elles prindrent
Ardant Désir pour guide qui tousjours alloit devant. Elles vin-
drent premièrement au royaume de Nubie ». De Nubie, la Reine
Riche Précieuse et son cortège passèrent dans les différents pays
du monde, guidées par Ardant Désir, cherchant un endroit ou
elles puissent « lever leurs forges », pour commencer la fabri-
cation de leurs besants, c'est-à-dire d'une façon moins allégo-
rique pour répandre les vérités du Christianisme. Dans ce
but, la Reine se faisait apporter une pièce de monnaie de chaque
contrée ou elle arrivait et elle regardait si le signe du Tau y était
gravé; ce signe du Tau désigne évidemment la Croix, et cela
signifie que la Reine Riche Précieuse commençait par s'enquérir
dans chaque pays, s'il y avait des chances que la doctrine
qu'elle y voulait répandre fût écoutée des habitants. De Nu-
bie, elle passa dans 1' « Ynde la maiour » en Tartarie, en Syrie
et en Egypte, en Ethiopie, en Afrique, en Espagne, dans le
« Royaume de Layto », en Prusse, en Islande, au Groenland (Go-
delant) (1), en Hollande, en Allemagne, dans toutes les con-
trées du monde connues à cette époque, sans trouver d'endroit
propre à l'exécution de ses desseins. Revenue en France, la reine
trouva que les besants de ce royaume étaient de si bon aloi qu'elle
n'avait point besoin de « lever sa forge » .
Tel est, en résumé, le contenu de cet ouvrage étrange, dans
lequel le mysticisme n'exclut pas une observation profonde et
souvent très juste des hommes et des choses au xiv^ siècle. J'en
ai tiré le récit du voyage de la Reine Riche Précieuse et de ses
trois compagnes en Asie et en Afrique; il n'y faut naturelle-
ment point chercher des renseignements nouveaux et inédits sur
la civilisation des Musulmans et des Mongols qui venaient de
subjuguer la Chine; mais ces extraits n'en offrent pas moins
(1) Jlalgré ce nom, qui est ('■videnimeiit celui de l'iie de Gottland, il n'y a jjas
à douter que ce soit du Groenland que Philippe de Mézières veut parler dans ce
passage.
NEUF CIIAIMTRKS DU « SONdl': DU VIEI. PELERIN ». 371
quelque int(;rêt, car ils montrent assez bien sous quel jour
les gens instruits voyaient les civilisations orientales, un ou
deux siècles après les voyages de Guillaume de Kubrijck, du
frère Jean de Plan Carpin et de Marco Polo. On verra par plu-
sieurs passages des fragments publiés dans cette Revue, que
Philippe de Mézières, qui se désigne lui-même sous le nom du
Viel Pèlerin, prétend avoir eu des renseignements par des per-
sonnes qui avaient voyagé en Orient. Ce sont ces considérations
qui m'ont conduit à les publier, en les accompagnant de quelques
notes destinées à en faciliter l'intelligence.
LE LV CHAPITRE
Comment la Riche Précieuse Yériti!', la royne, et les trois dames se trouvèrent
au désert de ce monde et comment elles prirent Ardant Désir pour guide, qui
tousiours aloit devant. Et comment elles vindrent premièrement au royaume
de Nubie. Et de ce qu'elles y firent récitant la grant merveille du fluve du Nil
que le roy de Nubie iadiz tollist au Soudant de Babilone et des Nubiens Crestiens
qui par toute la terre du Soudan portent la croix publiquement.
Vérité la royne dist aux trois dames : « Mes belles seurs et
très amées filles, nous avons emprins ung grant voyaigeet alons
en ung pais auquel nous ne sommes pas bien amées ne con-
gneues quant à présent des gens. Et pour ce il fault aler sage-
ment afin que nostre venue ne face perturbacion ; et si nous fault
aviser ou nous irons premièrement pour veoir se nous pourrons
trouver lieu et place et gent bien disposée qui nous veuille re-
cueillir, affm que nous puissions drecier nostre forge de la
Saincte Alkemie pour multiplier les besans, et quant au prende
le chemin, (f. 64 r°) il a si grant temps que nous ne fusmes en
ceste valée de misère, se n'a été par aventure, ainsi comme en
songeant que parlant selon les faiz humains nous porriesmes
bien faillir au beau chemin auquel iadis nous soliesmes à grant
ioy echeminer. — Nostre très chiere maistresse, dirent les trois
dames, Paix, Miséricorde et Justice, vous dictes vérité. Et pour
ce seroit bon que aucune personne qui ait très grand ioye de
372 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
nostre venue soit en nostre compaignie et voise tousiours de-
vant vous. » Lors se meist avant Ardant Désir qui ne dormoit
mie et dist ainsi : « Mes très lionnorées dames, je suis tout prest
de non partir de vous et d'aler tousiours devant, car ie scay
tous les chemins, les pays et royaumes, et congnois tous les
princes, les barons et les peuples de ce faulx monde bestourné,
et à l'ayde de ma très chiere seur, ie seray vostre loyale guide et
vous méneray partout là où je penseray que vous soyés les bien
venues. » Dist la royne Vérité : « Alons, au nom de Dieu, car nous
avons bon guide. » Or est assavoir que ceste grande royne, la
Riche Précieuse, et les trois dames n'estoient pas issues toutes
seules de la belle montaigne de Paradis Terrestre, car chacune
d'elles avoit amené avec elle quatre chambrières très bonnes
ouvrières de la Saincte Alkemie. Vérité la royne avoit avec elle
Droiture et Vraye Existance, Humilité et Pacience. Madame Alé-
gresse avoit avec elle Concorde et Habondance, Seurté et Plai-
sance. Et l'Amoureuse avec elle Largesse et Compassion, Doulce
Pensée et Dilection. Mais Bonne Aventure estoit parée de Puis-
sance et de Magnificence, de Discrétion et (folio 64 v°) de
Adresse. Après ces quatre chambrières à chacune des dames,
en y avoit huit qui servoient chacune à par elle, et toutes en-
semble, c'est assavoir Prudence et Tempérance, Force et Révé-
rence, Loyaulté et Diligence, Stabilité et Persévérance. La Riche
Précieuse et toute sa belle compaignie ainsi vestue et parée,
comme dessus est devisé, se mit à la ioye et prist son chemin
es parties d'Orient par le conseil de Ardant Désir qui tousiours
aloit devant, en monstrant la droite voye, et passèrent parmi
Nubie dont le roy est noir comme une meure et si aoure le Cru-
cifis. Vérité la royne et tout sa compaignie passa parmy le
royaume de cité en cité et vint en la court du roy qui par sem-
blant bien les recueillist, voire comme on faist un pèlerin en
passant. Mais Prudence bien avisée pour ses dames trop bien
congneust que en la court dudit roy ne en son royaume la grant
forge ne clevoit pas drecier. Combien qu'ilz trouvèrent aucunes
petites forges vielles et derompues, où on forgeoit besans de
faulx aloy et qui ne pesoient pas 25 quaras ne 20 ne 15. Quant
les dames eurent bien examiné le royaume, et que elles virent
et congnourent que leur monnoye ne seroit pas bien agréable au
roy ne à ses gens, pour ce qu'il avoit si grant temps que nul vray
NEUF CIIAIMTliKS DU « SONGE DU VIEL ['EI-EKIX ». 373
alkemiste n'estoit venu au royaume de par le riche nionnoyer
qui porte en sa forge uno aigle à deux testes et de par le grant
prévost du Grant iMaistrc de la monnoye lequel prévost a la tête
cornue et porte les deux clefs en sa main de la souveraine forge,
et pource le roy noir de Nubie (1) seigneur d'Inde minor et de
Ethiopie (folio 05 recto) et tous ses subgetz avoient grand temps
avoit passé obliez la belle forge du besant si ne recongneurent
pas bien les belles dames, pensans que ce fussent fées ou visions
controuvées. Lors, la Riche Précieuse estant à la, court du roy
dist à ses compaignes : « Je recongnois assés, et me souvient
bien comment iad'iz en ce palais cy et partout le royaume ie
faisoye mes ours tumer et chacun me obéissoit. Ce fut du temps
que cestuy roi iadis par ma puissance et par vostre Saincte
Alkemie osta du fluve du Nil son cours d'aler parmy Egypte, et
fist par force prendre cours à la dicte rivière parmi les désers et
par autres pais. Dont il avint que le soudan de Babilone et tous
les Egypciens morant de soif pour recouvrer le dist fluve de-
vindrent tributaires au roy de Nubie. Et pour celle remembrance
encores aujourd'huy les Nubiens toutes les fois qu'il leur plaist
passent parmy Egipte et parmy le Caire en Babilone (2) portans
(1) La Nubie est ici le royaume d'Abyssinie qui était gouverné par des princes
chrétiens. 11 est assez curieux que tous les géograplies et les historiens du Moyen
Age font dépendre l'Inde, ou tout au moins une partie de l'Inde, à laquelle on don-
nait le nom de l\lineure, ih^ l'Ethiopie. 11 y a là entre ces doux pays une confu-
sion assez étrange qui ne s'explique que par ce fait que l'on connaissait très im-
parfaitement la mer Rouge et l'étendue réelle de l'océan Indien qui sépare la
côte orientale du continent africain de la côte oceidentali? de l'Inde. Les géogra-
phes orientaux eux-mêmes ont quelquefois confondu l'Ethiopie avec les Indes ; les
Persans appellent encore aujourd'hui les Éthiopiens, Syah Hindi, « Indou noii' ».
Cette confusion se retrouve à des époques bien postérieures; c'est ainsi quel'Arioste
raconte au chant XXXIII de VOrlando furioso, qu'Astolphe étant arrivé sur l'hip-
pogriffe, en Ethiopie, y trouva un roi nommé Sénapes, qui était connu en Euroi)e
sous le nom de Prêtre Jean. Ce prince avait perdu la vue et était condamné
à voir ses mets souillés par les Harpies dès qu'il se mettait à table. C'est en
pourchassant ces monstres qu'Astolphe fut amené à visiter TEnfer eMe Paradis que
l'Arioste place dans la Lune. Ce voyage miraculeux du prince anglais fait double
emploi avec l'admirable épisode de la descente de Bradamante dans la grotte où
repose l'enchanteur Jlerlin, victime de son amour pour la Dame du Lac (chant 111)
et on n'y trouve point de si heureuses réminiscences de l'antiquité classique.
(ii) Cette affirmation est naturellement une simple fantaisie qui ne repose sur au-
cun fait histoi'ique réel; il est bien évident que jamais personne n'est arrivé à
détourner le cours du Nil de façon à faire mourir de soif les habitants du Caire
et de toute l'Egypte. Cette légende était cependant assez courante au temps de
Philippe de Mézières, et on la retrouve dans VOrlantlo furioxo de l'Arioste :
374 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
en leurs mains une belle croix de fer bien taillée passans parmy
les Sarrazins et jusques en lehrusalem sans payer nul truaige
et ce que dit est de la croix le Viel Pèlerin a veu plusieurs foisr
« Or vees, mes belles seurs, dist la Vérité la royne, la vertu de
nostre Saincte Alkemie, car combien qu'ilz ayent de si grant
temps laissié nostre belle forge dont ils ont perdu la puissance
de mettre le frain au très courant fluvaire comme iadis le firent.
Touttefois par l'ancienne vertu de nostre riche Alquemie encores
portent ilz la croix parmy les infidels, ce que nulle autre nation
de Crucifis, ne catholique, ne autre ne fait. » Les trois dames
dirent : « Bien nous souvient (fol. 65 verso) que iadis en ce
royaume nous forgiesmes à devise, mais à présent nous ne po-
vons plus en ce royaume demeurer, quant il plaira au souverain
Prince de nostre science, une auttrefois ilz nous recevront et de
noz besans sainctement useront. » Ardant Désir et sa belle seur.
Bonne Espérance, n'avoient talent de rire et en lamentant ne
savoient que dire, reprirent cuer et dirent : « Mes très chieres
dames, souviengne vous de l'Évangile, puis qu'ilz ne vous
veuillent oir ne recevoir en une cité ou en ung royaume, aies à
l'autre. Je vous menrray en Ynde la Maior et passerez par saint
Thomas l'Apostre. »
si dice clie' 1 Soldan re dell' Egitto
Aquel re da iributo, e sta suggctto,
Perché in poter di lui dal cammin dritto,
Levare il Nilo e dargli altro rioetlo.
E per questo lasciar subito afllilto
Di famé il Cairo e tutto quel distretto.
Sous le règne des Fatimites, des Ayyoubites et des Sultans Mamlouks, les
Nubiens ne furent pas mieux traités en Egypte que les autres Chrétiens. La meil-
leure preuve en est les guerres que le Sultan Wamlouk bahrite Blelik Daher Bi-
bars fit aux Nubiens et la manière brutale dont ils furent traités; jamais ils
n'ont joui de privilèges spéciaux dont les autres Chrétiens auraient été privés;
quant à aller à Jérusalem sans payer tribut et en portant ostensiblement des croix,
c'est ce que personne n'a jamais eu et n'aura jamais la permission de faire sous
la domination des IMusulmans.
NEUF CIIAPITRKS DU « SONGE DU VIEL PELERIN' ». 375
LE X-- CHAPITRE
Comment la Riclio Procieusn et tout sa belle compaignie vint en Yn(l<' la Mayor
là où elle ne fut pas bien recueillie des successeurs du roy d'Ynde, Prestre
lehan, et comment elles alei-ent au royaume des Hraj^amains; des merveilles
qu'elles y trouvèrent et de la nobli' police et vie vertueuse et morale desdiz
Bragamains.
La Riche Précieuse et sa belle compaignie se partirent de
Nubie et entrèrent en Ynde la Maior, et trespasserent par mer
bien 4000 ysles grandes et en partie bien habitées (I), esquelles
le gingembre, canelle, poivre, noix muscades et le fin ambre
croissent, et en plusieurs lieux les pierres précieuses; et en
certaines ysles fait si chault que les hommes sont vêtus de
roys de soye et à chacun neu de la croix est attaichée une
riche pierre précieuse. Autres ysles y a (folio 66 recto) oîi il
y a tant d'or que les parois des palais de gens d'estat sont
toutes couvertes de grandes lames de fin or. Et sans alléguer
aucune escripture vraye ou apparant, au temps que le Viel
Pèlerin servoit ung grant roy d'Orient (2), il vint un Genevois
marchant qui avoit demeuré en Ynde la Maior, cinquante
ans, et fut approuvé devant le roy Testât et la bonne vie du
dit marchant, et que des merveilles d'Ynde, il en pouvait
mieulx parler et lui donnoit on plus grande foy que à plusieurs
autres qui s'estoient ventez qu'ils avoient estez en Ynde la
(1) Les îles dont il est question ici et qui sont représentées comme très riches
en épices et en or doivent être le groupe d'îles auxquelles appartiennent Java,
Sumatra, Bornéo et Célèbes plutôt que les Maldives et les Laquedives qui s'éten-
dent entre les côtes d'Afi'ique et celles de l'Inde. Ce passage est vraisembla-
blement inspiré par les géographes musulmans qui placent dans la mer de
l'Inde et dans la mer de Hcrkend un nombre extrêmement considérables d'îles
toutes plus riches les unes que les autres. La reine Riche Précieuse et son
escorte se rendant dans l'Inde majeure sont obligées de traverser la mer, c'est-à-
dire l'océan Indien; il n'y a que l'Inde mineure qui, dans les idées fort vagues et
erronées des géographes du moyen âge, soit voisine de l'Ethiopie et appar-
tienne à l'Afrique. Le tombeau de l'apôtre saint Thomas se trouve en réalité à
Édesse en Syrie, mais la légende veut qu'il ait souffert le martyre à Meliapoui",
sur la côte de Coromandel, après avoir voyagé jusqu'à Ceylan et à Sumatra.
(2) C'est-à-dire quand Philippe était au service des Lusignan de Chypre; par
un Genevois, il faut naturellement entendre un Génois. Les rapports commer-
ciaux de Gènes et de l'Orient étaient très fréquents à cette époque.
376 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
Maior, Par le dit duquel marchant le Viel Pèlerin fut informé
des grans merveilles d'Inde, des quelles il se passe d'escripre
pour ce qu'il ne fait pas à son propos et si seroit trop long
cestuy songe. Vérité la royne et ses dames navigans parmy
les ysles trouvèrent l'Eglise de Sainct Thomas l'Apostre, et
furent ases bien receues des moisnes qui gardent le corps du
benoist Apostre, et trouvèrent que depuis le temps iadis que
elles se partirent de là à la journée de l'Appostre, la mer qui se
souloit retraire et donnoit voye aux pèlerins ne se retraioit
pas ainsi comme elle souloit, et autres plusieurs miracles qui
se souloient monstrer à la pierre de l'Apostre estoient ainsi
comme cessez. Les dames passèrent oultre et vindrent jusques
à la maistresse cité appelée Gangis (1) et au palais là où le riche
roy souloit demourer qui estoit Crcstien et appelé Prestre lehan;
la Riche Précieuse manda tantost les quatre chambrières dili-
gence semonnant, c'est assavoir Droicture, Vraye Existance,
(folio 66 verso) Humilité et Pacience, et aussi firent les trois
dames, mandèrent leurs chambrières pour veoir partout es citez
et chasteaulx et au plat pais se elles trouveroient place là ou
elles peussent estrerecongneues et ou elles peussent drecier leur
forge. Mais elles ne trouvèrent que toute poureté, ignorance et
obstinacion. Et trouvèrent qu'il y avoit plus de 200 ans que
pour ce qu'ilz avoient habandonnéde forgier les bons besans, leur
puissant roi, Prestre lehan (2), avoit esté desconfi du grant
(1) II n'y a pas de cité de Gangis, et l'auteur du Songe du Viel Pèlerin donne
à la capitale du roi de l'Inde le nom du fleuve appelé en sanscrit Ganga, que
les Euroiiéens ont transcrit sous la forme Gange.
(2) JMalgré tout ce que l'on a dit et éci^t sur le Prêtre Jean, il n'est pas fa-
cile de savoir au juste quel personnage historique il représente. Ce passage du
Songe du Viel Pèlerin n'est point sans importance; en effet, d'après les termes
mêmes de Philippe de Mézières, le prêtre Jean fut battu par le souverain des
Tartares, c'est-à-dire des Mongols, et la nation qu'il gouvernait passa sous leur
joug. Or il n'y a qu'un événement historique que l'on puisse rapprocher de cette
assertion, c'est la défaite que Djingiz-Khan infligea en 1203 de notre ère à Ong-
Khan, souverain de la tribu mongole des Kéraites. On sait par Fadl-Allah-Ra-
schid-ed-Din et par d'autres annalistes de l'époque mongole, en particulier le vizir
Ala-ed-Din-Ata Melik-el-Djouveini, que cette tribu avait embrassé le Christianisme
à une date qu'il est impossible de déterminer d'une façon absolue, mais qui est
certainement fort reculée. Il résulte de ce passage, qui est décisif, que le Prêtre
Jean n'est autre que le chef des Kéraites, Ong-Khan ou Wang-Khan suivant la
prononciation chinoise. Marco Polo (édition Pauthier, p. 173) affirme que le Prêtre
Jean est le même que Ong-Khan ; la transformation de Ong en Jean n'a rien d'ex-
traordinaire; le mot de prêtre est plus difflcile à expliquer.
NEUF CIIAI'ITRES DU « SOXOE DU VIEL PKl.KItlN ». 377
Caan de Tartarie et toute la Clirétient('' d'Inde la Maiour mise
enservaige du dit grand Caan (1) de Tartarie et de autres terres;
et que il n'y avoit nul remède se par le commandement du
Grand Maistre de la monnoyo des parties de Romme il ne venoit
alkemistes qui y venissent forgier par l'ordenance de la Riche
Précieuse et de ses trois compaignes. Grant douleur ot Ardant
Désir et sa seur trop plus que escripre ne se porroit et dist à
la Riche Précieuse et à ses compaignes : « Mes très chieres
dames, je vous menray en ung pays assez prés de cy au quel
ie pense que vous y trouverez ce que vous aies querant. » Les
dames se myrent au chemin après Ardant Désir et en peu de
iournées vindrent en la terre des Bragamains(2). C'est ung pais
où les hommes sont d'une singulière condicion moult estrange
de tous les aultres de ce monde, car dés que le pais fut habité,
les hommes et les femmes tiennent k la lettre la loy de nature.
Hz vivent en commun et en tout le pais n'a ung seul poure. Hz
n'ont nulle vesture fors celle tant seulement qui (folio 67 recto)
leur est de nécessité. Leurs maisons sont en cavernes, et ne se
traveilleroient point pour édifier maisons ne de tous autres
labours, ilz ne labeurent point fors pour leur nécessité estroicte.
Hz prendrent femmes par règle et par ordenance tant seulement
pour faire des enffans et tantost que leurs femmes sont gros-
ses, ils n'abitent plus à elles tant qu'elles soient délivrées. Ne
iamais ung homme n'yroit à autre femme ne les femmes
jamais ne se meffont; ilz n'ont point de monnoye ne ilz
n'acontent riens à or ne argent, en cellui pais n'a nulz larrons
ne ilz ne se guettent point l'un l'autre, ils n'ont nulz procès ne
débatz et autres plusieurs condicions de merveilleuses vertus
lesquelles ie laisse pour cause de briefté. Hz ont ung roy non
(1) Ce mot esl la transformation du titre tartare Kaàn; pour son étymolo-
gie, voir Les Inscriptions turques de COrkIwn dans Revue archéologique, année
1898.
(2) Les Bragamains sont les Brahmanes qui n'ont jamais tormé un peuple de
l'Inde, mais qui ne sont que la première caste dans laquelle se recrute le
clergé; il est bien inutile de chercher à localiser le pays des Bragamains. Dans
cette partie du Songe du Viel Pèlerin, comme dans la plupart des autres, Philippe
de Mézières n'a qu'un souci très relatif de la géographie ; toutefois, si l'on
remarque que les Bragamains se trouvèrent, en contact avec Alexandre, on sera
porté à penser que Philippe les plaçait dans le nord de l'Hindoustan. En tout
cas, ce qu'il dit de leurs mœurs et de leurs coutumes est aussi inexact ([ue l'itiné-
raire de la reine et de ses compagnes est étrange.
378 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
pas pour faire iustice d'eulx, car le cas ne se offre point, mais ils
ont leur roy pour honneur et révérence et monstrer une honneste
obédience ne le roy ne fait chose qui leur déplaise, ne les
subgetz au roy et à briefment parler, ils vivent très honnes-
tement selon la loy de nature et fait l'un à l'autre à son pouvoir
tout ce qu'il vouldroit qu'on lui fit. Avarice, orgueil et luxeure
ilz ont en abomination, de la mort font peu de compte, et
aourent ung seul dieu tout puissant. Quant Alexandre conquist
les contrées d'Inde, il fut informé de cette gent si vertueuse
et puis y ala non pas l'espée au point, mais pour les visiter et
avoir leur amour et s'émerveilla moult de leur merveilleuse vie,
mais en la fin pour ce qu'ilz hayssoient honneur mondaine et
(folio 67 verso) richesses et n'avoient point de trésor, il ne fist
compte d'eulx ne les gens aussi ne firent compte de lui et en
rien ne le crenoient. Vérité la royne et toute sa belle compaignie
parvint en la terre des Bragamains en laquelle elle fut merveil-
leusement et gracieusement receue du roy et de ses Bragamains.
Les chambrières des dames tantost se mirent à leur office et
en peu d'eure eurent serchié et visitée toute la terre des Bra-
gamains, et puis retournèrent à leurs dames et leur dirent que
en tout le chemin n'avoient trouvé royaume ne pais si bien
disposé pour forgier le riche besant de l'ame et florins d'or de 24
caras. La royne Vérité examina diligemment et particulièrement
toutes les chambrières Tune après l'autre et trouva que toutes
s'accordoient l'une à l'autre, disans à une voix que vrayement
Madame Alégresse avoit trouvé son pais et l'Amoureuse aussi, et
Bonne Aventure aussi, et qu'elle avoit trouvé son ny où elle pouvoit
trop bien reposer sans grant soussy, car de son espée à deux
trenchans ne de sa verge d'or elle n'auroit gaires à faire; par
quoy elle se pourroit bien reposer sans grant soussy. Les trois
dames par la relation de leurs chambrières s'accordèrent disans :
« Mais qu'il plaise à nostre royne, nous pouvons bien si forgier
et faire nostre marchandise. » Vérité la royne getta lors un
grant sospir et dist ainsi : « J'ay grand pitié de cette bonne gent
qui est si vertueuse menant si belle vie de ce qu'ilz ne sont pas
informez de la Vraie Alkemie. » (folio 68 recto) Et lors elle
appella Bonne Aventure, disant : « Ma belle sœur, venez avant
et en personne pensez de faire une enqueste d'une chose de
laquelle par aventure il ne vous souvient pas. Prenez le besant
NEUF CHAIMTHKS T)\' « SONGE DU VIEI. PEEEHI.V ». 379
de cette gent et regardez bien se vous trouverez en l'emprainte le
signe de Thau, et si vous ly trouvez nous lèverons tantost
notre forge, mais se vous ne ly trouvez, tenez fermement qu'il
nous convient partir de cy, car au Viel Testament, mon père
commande à l'Angele que là où il trouveroit le signe de Thau, il
ne feist nul mal, et les autres qui ne l'avoient ne fussent point
espargnés. » Bonne Aventure fist son enqueste et audit besant
ne ailleurs ne trouva point le signe du Thau, elle fist sa relation
devant la royne et toutes les autres dames. Lors Vérité
la royne par manière de sentence dist ainsi : « Mes belles
seurs, mon très chier père, le Grant Maistre de la monnoye,
une fois pour toutes m'a commandé que ie ne doye arrester
voire pour longuement demorer en lieu où le signe de Thau ne
se trouve au besant. C'est le signe que Thomas et Bartholomeu
aporterent en ce royaume et puisque ie ne ly treuve ie n'y puis
arrester, ne vous aussi, combien qu'il me semble que votre
Alkemie soit agréable à ceste génération dont i'ai grant compas-
sion et pour leurs bonnes euvres apparans, i'ai prié à mon père
qu'il les veuille garder jusques autant que de la cité de Romme
ie leur manderay une bulle de grand confort et de bonne
absolution. » Toutes les dames s'accordèrent à la sentence de
Vérité (folio G8 verso) leur royne et confortèrent la gent de
Bragamanie. Et ainsi se partirent de celle contrée, Ardant Désir
lamentant et plorant de ce qu'il avoit failly à l'effect de son
entencion.
{A suivre.) Ed. Blochet.
VIE DU MOINE
RABBAN YOUSSEF BOUSNAYA
• {Suiti^ (1)
CHAPITRE VIII
De la manière dont Rabbax Youssef instruisait ceux qui lui
confiaient leurs ames; — comment, par la science, il prenait
SOIN d'eux, selon la DÉBILITÉ DE NOTRE ÉPOQUE DERNIÈRE QUI
s'avance et APPROCHE DE LA DESTRUCTION. — SeIGNEUR, AIDE-
NOUS DANS TES miséricordes! AmEN.
Celui qui ne dépend de rien, qui est au-dessus de tout, et qui
est en tout, est absolument un. Seul il possède la science essen-
tielle, indépendante du temps, qu'il a par sa propre nature sans
aucune étude. Quant au reste des créatures, il en est qui ont
leur science fixée en elles-mêmes, selon qu'il a plu à cette
science infinie, et il en est qui la reçoivent des autres par l'en-
seignement; afin que par Là, cette sagesse souveraine qui est
la science supérieure à toute chose, soit connue de tous.
Donc, Dieu notre Créateur est unique dans la Trinité de ses
personnes : sa science est éternelle et infinie comme lui, sans
accroissement ni diminution possible, s'étendant absolument à
tout; car Dieu est la science même; sa science est son essence et
son essence est sa science. C'est un sujet très élevé et le discours
peut difficilement atteindre l'intelligence suprême : de sorte que
nous ne comprenons pas comment sa science est en lui et lui
dans sa science; car Dieu est tout en tout; il échappe à la concep-
tion de tous les êtres créés.
(1) Voy. vol. II, p. 35' ; vol. III, p. 77, 168, 292, 458.
VIE DU MOINE RABBAX YOUSSEF lîOUSNAVA. 381
Les êtres cloués de sens, que Dieu a faits muets et sans parole,
ont leur science fixée dans leur pn^pro natun; par le Créateur sage.
Leur nature même suscite leur science dans leur être. Le chien
n'a certes pas besoin d'apprendre hors de lui-même l'aboiement
et la vigilance, choses pour lesquelles il est utile; sa nature elle-
même lui enseigne ce qui est en lui. De même, le coq n'apprend
point par quelque enseignement à chanter à certaines heures dé-
finies de la nuit et du jour : ce qu'il serait d'ailleurs très diffi-
cile aux hommes de lui enseigner. Et, pour ne pas allonger le
discours, l'animal de chaque espèce, sans parole ni raison, porte
sa science en lui-même : sa propre nature est son maître en
tout ce qu'il est.
Mais la sagesse suprême de notre Créateur adorable a établi en
deux ordres différents la créature raisonnable : d'une part, Tor-
dre invisible, indépendant du corps; d'autre part, l'ordre visible,
sous le joug d'un corps passible. — Aux créatures invisibles, il
a donné, avec l'être, la science parfaite, mais ce|3€ndant pas
complète: car elle reçoit un accroissement, et chaque jour elles
apprennent et connaissent quelque chose qu'elles ne savaient
pas : leur science se complète et se double ainsi, jusqu'à ce
qu'elles reçoivent la perfection totale dans l'éternité. — Comme
notre espèce humaine est la perfection de toute la création : des
êtres invisibles aussi bien que des êtres visibles, l'image et la
ressemblance de Dieu, et qu'elle dispose de son libre arbitre
comme son Créateur, notre science s'accroît par l'éducation dans
tout notre être; car, bien que la science de l'àme soit en réalité
placée dans sa nature même, cependant elle se développe, ainsi
que je l'ai dit, avec l'accroissement du corps, et nous avons be-
soin de l'enseignement et de l'éducation des autres, et aussi de
la science qui se trouve dans les natures des êtres créés.
Dieu n'a pas fait cela en vain ni fortuitement, mais dans sa sa-
gesse ineffable. Comment cela? Parce que, dans sa science. Dieu
a prévu avant que rien n'existât, tout ce qui doit arriver; [il a pré-
vu] comment se comporteraient les hommes dans toutes leurs dé-
marches, dans leurs différents desseins, dans toutes les pensées
droites ou sinistres (1) qui s'élèveraient en eux; que par la force
de ses inclinations, l'homme est mauvais dès sa jeunesse, comme
(l)Litt. : •> de droite ou de gauche », c'est-à-dire bonnes ou mauvaises.
382 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
il est écrit (1), et a incessamment besoin de tuteurs à cause de sa
faiblesse. Pour ces motifs et des motifs semblables, Dieu a fait
tous les hommes dépendants : celui-ci a besoin de celui-là pour
une chose, et celui-là a besoin de celui-ci pour une autre chose.
Il les a surtout faits de telle sorte qu'ils ont besoin de l'enseigne-
ment les uns des autres pour acquérir à grand'peine une science
quelconque, car il n'est rien en nous qui puisse nous l'apprendre
ou nous la faire connaître sans l'enseignement des autres. Et
cela pour que nous ne soyons pas enflés par l'orgueil dontle le-
vain demeure en nous, que nous ne nous élevions pas au-dessus
de ceux qui sont moindres que nous, peut-être même au-dessus
de Dieu, comme il est arrivé à beaucoup qui se sont enor-
gueillis dans leur esprit et se sont enflés dans leur orgueil au
point de se nommer dieux eux-mêmes, bien qu'ils eussent appris
et reçu des autres ce qu'ils savaient. — « Qu'as-tu, ô homme, que
tu n'aies reçu de la grâce? Et si tu l'as reçu de la grâce, pour-
quoi t'en glorifies-tu comme si tu ne l'avais pas reçu? » — Ainsi
blâme notre arrogance, la parole vivante et sainte (2).
Donc, Dieu qui veut le salut de tous les hommes a fait en sorte
qu'ils doivent recevoir les uns des autres la science et la doc-
trine, et qu'ils se communiquent ses dons les uns aux autres,
quoiqu'il soit le seul donateur des bienfaits et des sciences; afin
que par là nous possédions en nous la soumission devant Dieu et
à l'égard les uns des autres. — Dieu n'a pas voulu que nous
connaissions ni que nous apprenions sans intermédiaire ce
qui est nécessaire : bien qu'il soit lui-même le docteur de ces
intermédiaires et de toute chose, et qu'en ses mains repose
le soin de la vie de tous; et cela, comme je l'ai dit, pour que
nous ne nous élevions pas les uns au-dessus des autres et que
l'orgueil ne règne pas en nous.
Ainsi donc, Dieu a réglé notre création, à nous hommes,
de telle sorte qu'en grandissant nous acquérions la science et pro-
gressions dans la doctrine par l'enseignement des autres. Et
cela selon le double accroissement par lequel nous grandis-
sons et nous nous développons : je veux dire, celui du corps et
celui de l'àme. — Ainsi, nous grandissons dans notre corps,
nous parvenons de l'enfance à la jeunesse, de la jeunesse à
(l)Cfr. Gen., vin, 21.
(2) 1 Cor., IV, 7.
'VIM DU MOIXE RABBAX VOISSEF HOUSNAYA, 383
radolescenco, de celle-ci nous arrivons à la virilité, àràgemûr
et même à la vieillesse : et à chacune de ces époques nous rece-
vons la science et la doctrine qui lui conviennent. Or, il y a un
accroissement et un développement semblable dans les choses
divines de l'àme, et nous avons besoin d'économes et de major-
domes prudents qui nous instruisent, c'est-à-dire de directeurs
et de guides qui nous montrent le chemin que nous devons
suivre dans cette voie du monachisme, admirable même pour
les anges.
Si donc dans l'enseignement mondain et des choses du monde,
je veux parler des arts et des connaissances qui s'y rapportent
et de l'étude des sciences instables, nous avons besoin de maîtres
sages, d'artistes expérimentés dans leur art, pour apprendre
d'eux les choses qui nous sont nécessaires et nous y perfectionner :
à combien plus forte raison, dans cette science divine, dans cet
art spirituel du monachisme, avons-nous absolument besoin de
maîtres expérimentés pour apprendre et faire des progrès dans
cette sublime et admirable science? — Si ceux qui s'engagent
pour la première fois dans un chemin très difficile, soit sur terre,
soit à travers les mers, ont besoifi de guides ou de pilotes expé-
rimentés qui leur montrent les sentiers et les routes : à combien
plus forte raison ceux qui veulent marcher dans cette voie du
monachisme, dans cette mer du silence, ont-ils besoin de con-
ducteurs et de guides, qui en connaissent parfaitement tous les
sentiers, et qui leur en montrent les routes et les détours, les
entrées et les issues, afin qu'ils puissent y marcher et y avan-
cer directement, et ne pas s'égarer hors la route, par ignorance,
et devenir ainsi la proie des loups du soir et des bêtes fauv^es de
la nuit? — Si enfin ceux qui veulent apprendre l'art de la guerre
et prendre rang dans la milice destinée à combattre les ennemis
ont besoin de lutteurs habiles à la guerre, pour en apprendre la
manière de combattre, comment il faut s'avancer ou se retirer,
afin de ne pas succomber et périr par ignorance : combien plus ceux
qui se préparent à la lutte spirituelle avec les passions et les
démons, ont-ils besoin d'hommes expérimentés dans cette guerre
spirituelle, qui les guident et les dirigent dans la manière d'en-
gager et de cesser le combat, pour ne pas être, à Timproviste,
percés de traits au milieu des ténèbres insidieuses, et y pé-
rir?
384 REVUE DE L ORIENT CHRETIEN.
Il n'a pas plu à Dieu d'être lui-même, sans intermédiaire, le
guide de celui qui lui confie son âme : bien qu'il soit le directeur
universel et que de lui et par lui vienne la victoire et le triomphe
dans les combats; mais [il a voulu] que nous apprissions des
autres ce qui est requis, afin que ce soit pour nous un motif
d'humilité et de condescendance, une délivrance de l'orgueil et
de la superbe, comme je l'ai dit plus haut.
C'est pourquoi, en ces derniers temps, Dieu a établi Rabban
Youssef, dont nous racontons l'histoire, comme directeur etguide
de tous ceux qui marchent dans cette voie du mona^hisme.
Comme le Seigneur a coutume, dans son abondante providence,
de donner à celui qu'il établit en vue d'une chose, la sagesse
et la science nécessaires, et de lui communiquer la force et le
secours dont il a besoin pour diriger, selon sa volonté, le don
qui lui a été départi et l'intérêt qui lui a été confié, il a donné
à ce héros des divines sagesses, une prudence spéciale, une
science singulière, pour diriger ceux qui remettaient entre ses
mains la barque de leur âme, pour les secourir, pour les ins-
truire, selon les besoins de ce temps difficile, vide de la ferveur
divine et rempli, au contraire, de froideur et de tiédeur.
R. Youssef qui avait accepté cette charge par contrainte, ainsi
que je l'ai dit plus haut (1), dirigeait dans la science les frères
qui s'attachaient à lui et qui venaient le trouver de toute part.
Telle était sa manière de les instruire :
Noviciat du couvent. — Quand quelqu'un se présentait pour
entrer au couvent, il lui prescrivait ceci :
c( D'abord tu devras travailler l'espace de cinquante jours, se-
lon la règle imposée par les saints Pères. » Telle est, en effet,
la règle de ceux qui entrent nouvellement au couvent : avant de
recevoir la tonsure, le saint emblème du monachisme, ils doivent
s'éprouver eux-mêmes et s'exercer pendant cinquante jours
dans un labeur très pénible, difficile et dur. Ce premier temps
d'épreuve est le fondement de l'édifice dans cet admirable héri-
tage. — Il les avertissait et leur prescrivait de travailler en
toute soumission à l'égard des frères du couvent, de s'humilier
eux-mêmes, de s'arrêter à des pensées comme celle-ci : « Qui
(l)Cfr. ci-dessus, t. II [1807], p. 402.
VIE DU jMOINE rabban youssef bousnaya. 385
nous rendra clignes de cette sainte vie à laquelle nous aspi-
rons? » et aussi de manger à part, sans se mêler aux frères du
couvent, et de reposer la nuit dans un dortoir commun, afin
d'acquérir par là le mépris d'eux-mêmes, en voyant qu'ils n'é-
taient pas dignes de se mêler aux frères. — Il leur disait : « C'est
avec raison que vous devez vous humilier, ô mes enfants, car
■ vous avez résolu d'entreprendre une grande œuvre; quand Dieu
verra l'humiliation de vos âmes, il vous rendra dignes de ce que
vous espérez. » — Il enseignait ainsi l'humilité aux frères no-
vices qui n'avaient pas encore reçu la tonsure, afin que, par leur
humilité, ils devinssent dignes de ce saint emblème. La science
de celui qui commence nouvellement ne peut, en effet, rece-
voir un enseignement plus étendu.
De la tonsure. — Quand le frère avait accompli le labeur du
temps de noviciat, il lui prescrivait alors de recevoir la sainte
tonsure. Il lui disait ceci :
c( Tu dois, mon fils, offrir à Dieu, cette nuit, une veille et
une oblation (1). Depuis le soir jusqu'au matin, tu te tiendras
au milieu des rangs des frères, dans l'église, à ta place, en
silence, dans la glorification et la prière. Tu feras des péni-
tences et des génuflexions. Pendant l'office des saints mys-
tères, tu te tiendras surtout dans la crainte et la vigilance,
devant l'entrée du sanctuaire (2) : car c'est le moment où tu dois
recevoir le don de l'Esprit-Saintetlagràcede l'adoption filiale (3)
par laquelle ton nom sera inscrit parmi les saints, enfants de la
lumière ; car de même que dans le saint baptême nous recevons
la grâce de l'adoption des enfants de Dieu, de même aussi par
la sainte tonsure nous recevons la mise en œuvre de cette force que
nous avons reçue gratuitement dans le saint baptême, et les
noms de ceux qui revêtent ce saint habit sont inscrits dans le
catalogue (4) des saints. » — Cela est très remarquable; et
(1) Qourbana signifie une oblation en général, et spécialement le sacrifice eu-
charistique, la messe.
(2) Kaxi(jTpw[jia : la partie de l'église nestorienne qui répond, pour la place, à
l'iconostase des Grecs. Cf. Budge, The Book of Governors, t. I, ]i. liij ; t. 11, p. :J4-2,
431.
(3) Cfr. Rom., vni, 15.
(4) Littéralement : « le livre des noms des saints ». — L'autour t'ait ici un jeu
de mot entre souphara, « tonsure », et scphra, « livre -.
ORIENT CHRÉTIEN. 27
386 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
c'est même d'après une vision qu'avait eue ce saint vieillard,
qui était un voyant, qu'il dit : « J'ai vu la vertu qui descend
dans le saint baptême descendre aussi sur ceux qui reçoivent
ce saint habit du monachisme. »
De la vie commune après la tonsure. — Quand le frère avait
reçu l'emblème de la sainte tonsure, et entrait dans le couvent
pour y travailler, [R. Youssef] changeait la direction de ses en- •
tretiens avec lui. Il lui disait ceci :
« Vois, mon fils, voici que Dieu t'a rendu digne d'avoir une
part avec les saints. Comment, ù mon fils, la poussière pour-
rait-elle remercier le Christ, pour ce bienfait, sinon en s'of-
frant soi-même à Dieu en oblation et en hostie, à cause de
la grâce qu'il lui a conférée. 11 faut donc, mon fils, que ton
labeur s'accomplisse devant lui, dans une pleine ferveur,
exempte de tout relâchement. Considère en toi-même que tu n'es
pas digne du grand bienfait que tu as reçu; humilie-toi toi-
même, comme il convient, devant Dieu, en secret, pour qu'il te
rende digne de ce don sublime dont tu es indigne. Humilie-toi
aussi devant tes frères, en public, afin que la bénédiction du Sei-
gneur repose sur toi ; songe en toi-même qu'ils valent mieux
que toi aux yeux de Dieu ; fais-toi le plus petit, le plus vil, le der-
nier de tous, secrètement et publiquement. Prends garde à toi,
et sois vigilant afin de ne pas être capturé par le Mauvais; ne te
glorifie pas de ce que tu as reçu le même habit qu'eux; car
ce n'est pas l'habit extérieur qui assure la récompense, mais
bien celui qui se fabrique en secret, dans les demeures
de l'âme, et qui procure l'humilité et le mépris de soi-même à
ceux qui le possèdent humblement; et par là tu apprendras
aussi l'obéissance simple. Il n'y a point, en effet, d'obéissance
sans l'humilité, ni de vie vertueuse sans l'obéissance. Sois hum-
ble, mon fils, afin d'acquérir l'obéissance, qui te fera régner au-
dessus de tout ce qui est sur la terre. Vois, mon fils; ne méprise
rien de ce que jeté dis. L'humilité est la mère de l'obéissance,
elle est la première des vertus que l'homme doit pratiquer.
Nous avons là-dessus le témoignage véridique du bien-heu-
reux Apôtre qui, voulant montrer la grandeur de la vertu qu'a
fait paraître en ce monde le Christ Notre-Seigneur, laisse de
côté toutes les vertus de celui qui est l'ensemble même des
vertus, et s'empresse de parler de cette mère de l'obéissance, de
VIE DU MOINK IlAlUiAX VOUSSEF HOL'.SNAVA. 387
cette nourrice clc toutes les vertus, en disant (1) : « Il s'est humi-
« lié lui-même et a été obéissant jusqu'à la mort. » Il était, en ef-
fet, impossible qu'il fit paraître cette obéissance jusqu'à la mort,
en se donnant lui-même volontairement pour tous, sans une par-
faite humilité. Celui donc qui devait volontairement subir la
mort pour tous, s'est humilié lui-même, temple de la divinité,
avec une humilité admirable, il a obéi à son Père qui l'envoya
dans le monde, afm que le monde vive par lui, et il s'est livré lui-
même à une mort terrible. A quelle mort s'est-il livré lui-même,
dans son obéissance à son Père, ô bienheureux Apôtre? A la mort
de la croix ! Notre-Seigneur s'est livré lui-même pour tous à la
mort ignominieuse, au supplice honteux de la croix. Il s'est fait
malédiction pour nous (2). Et qu'a-t-il reçu de son Père en
échange de cette entière obéissance, ô prédicateur véridique? —
« A cause de cela Dieu a accru son exaltation; il lui a donné un
« nom qui est au-dessus de tous les noms; il l'a fait asseoir à sa
« droite dans la gloire; il l'a doté de la puissance de sa majesté;
« il l'a établi héritier des mondes; de sorte qu'au nom de Jésus
« tout genou fléchit et adore, au ciel parmi les invisibles et aussi
« ici-bas parmi les êtres raisonnables de Tordre inférieur ; et toute
« langue confesse que Jésus-Christ est le Seigneur dans la gloire
« de Dieu son Père (3). » — Vois, mon fils, jusqu'à quel hon-
neur élève et grandit l'obéissance qui vient de l'humilité. Hu-
milie-toi, mon fils, afin d'être élevé, selon la parole du Sau-
veur (4). Ne t'enorgueillis pas dans ton esprit, de peur que tu ne
tombes dans les lacets de Satan (5). Avec l'humilité et l'obéis-
sance, possède aussi la condescendance et la déférence pour
tous. Que ton langage soit soumis et modéré, jusqu'à être obéis-
sant envers celui avec lequel tu parleras. Habitue-toi à dire à
chaque instant, dans un esprit d'humilité : « Pardonne-moi. »
Les démons, en effet, redoutent beaucoup que cette parole ne soit
dite par quelqu'un à ses frères, selon le témoignage des saints
Pères. Ne conteste jamais, sur quelque chose que ce soit, alors
même que tu connaîtrais mieux la vérité : mais abandonne com-
(1) Philip., II, s.
(•2) Gai.. III, 13.
(3) Philip., II, 9-11.
(4)Matth., XXIII, 12; Luc, .w, 11.
(O) Cr. 1 Tim., III, 6, 7.
388 REVUE DE L ORIENT CHRETlExN.
plètement ce qui est tien pour faire ce que te dit ton frère, de
peur que, par une certaine coutume, tu ne prennes Tliabitude de
contredire ton frère et d'affirmer ton opinion sans conviction.
Comprends cequeje te dis, mon fils; ne persiste jamais dans ton
opinion, alors même qu'elle serait vraie, mais fais simplement
ce que te disent ton frère ou les dignitaires (1), sans contester :
par là tu acquerras la parfaite obéissance et la délivrance de la
contradiction, mère de toutes les disputes. — Dès que tu as reçu
un ordre, applique-toi entièrement à l'exécuter. Efforce-toi, si
c'est possible, de faire tout le travail de la communauté. Et
quand tu auras fait cela dans la mesure du possible, dis cette pa-
role deNotre-Seigneur (2) « : Je suis esclave et serviteur; j'ai fait
« ce que je devais faire. » — Honore le supérieur du couvent, les
dignitaires, les économes, comme tenant la place du Christ, et
obéis-leur. Quand ils te prescrivent quelque chose, accomplis-le
aussitôt avec soin et en toute application. Sache que Dieu te don-
nera le repos dans ta cellule en rapport avec l'obéissance que
tu auras fait paraître dans le couvent. »
<f Habitue-toi à ne manger qu'une fois le jour, et non pas des
mets variés, mais seulement du pain, ou un potage simple (3),
et celui-ci non pas tous les jours, mais une fois ou deux dans la
semaine. »
« Que la psalmodie ne cesse pas dans ta bouche : de sorte que
ton labeur soit double; car, tandis que ton corps s'adonnera aux
œuvres extérieures, ton àme s'appliquera intérieurement à l'œu-
vre de l'office et de la psalmodie. »
a Garde-toi bien de dormir les pieds étendus mollement et né-
gligemment; mais assieds-toi à terre, les reins appuyés contre le
mur, et prends le sommeil habituel ; et quand viendra le moment
de l'office commun, lève-toi avec empressement pour aller à
l'office avec tes frères. »
n ne permettait pas aux cénobites de manger des fruits pen-
dant l'été. Il leur interdisait les raisins, les figues et tous les
fruits d'été (4).
{\)Qaioumé, « constituti » [in aliquoofficio].
(2) Cf. Luc, XVIII, 10.
(3) C'est-à-dire composé uniquement de légumes, sans beurre ni huile.
(4) Le sens est vraisemblablement qu'ils ne devaient pas manger ces fruits frais
mais secs.
VIE DU MOINH RABCAN YOUSSEF BOUSNAVA. 389
Telsétaient le sentier et la route par lesquels il dirigeait les frè-
res du couvent, jusqu'à ce que vînt le moment où ils en sortaient
pour aller en cellule. — Il prescrivait à chacun de travailler de la
manière qu'il savait avantageuse pour lui et selon son dessein.
La règle du labeur en communauté était de trois ans. Il faisait
travailler plus longtemps l'un ou l'autre. A l'un il prescrivait de
travailler trois ans, à l'autre quatre, à un autre plus ou moins. Il
ne faisait pas cela fortuitement. Mais quand il voyait des signes
manifestes de la ferveur divine en quelqu'un qui désirait ha-
biter en cellule, et qui travaillait avec application dans le cou-
vent, après les trois années accomplies, il lui permettait de s'en
aller à sa cellule. Quand il en voyait un autre qui s'adonnait volon-
tiers aux autres travaux qui se pratiquent hors de la cellule, il
lui conseillait de rester davantage; afin que par là, la ferveur du
silence fût excitée en lui, et sinon, il lui disait de rester et de
travailler tant que sa ferveur n'était pas grande, de peur qu'a-
près sa sortie de la communauté il ne se laissât aller à l'oi-
siveté.
Quand un frère voulait sortir de la communauté, il lui ordon-
nait de faire une veille et d'offrir le sacrifice (1), et d'implorer la
prière de tous les bienheureux frères au moment de l'office
des saints mystères.
Au moment où le frère sortait du couvent, il lui tenait,
dans la charité divine, ce langage : <■< Sache, mon fils, qu'à la
vérité les bienheureux Pères ont fait connaître et ont montré
qu'il y a trois voies par lesquelles les moines s'avancent vers le
royaume des deux, qui sont celles-ci : ou bien le moine se tient
dans sa cellule dans un admirable silence, c'est-à-dire qu'il doit
habiter en silence à cause du don qu'il s'attend à recevoir de Dieu,
je veux dire la pureté de son corps et la splendeur de son àme, et
non pas en vue de la vaine gloire ou des avantages temporels;
c'est la plus belle de toutes. — Ou bien il travaille pour Dieu,
c'est-à-dire qu'il ne doit point remplir son office pour un mo-
tif mondain, mais pour Dieu seul. — Ou bien il souffre en
louant, c'est-à-dire que, ne pouvant travailler à cause des infir-
(1) Le sens du mot n'indique pas nécessairement que le frère fût prêtre et qu"il
offrît le sacrifice de la messe; mais il devait du moins y assister. Il est probable
que l'on célébrait spécialement ce jour-là la messe qui n'était pas célébrée tous
les jours.
390 REVUE DE l'ORIEXT CHRÉTIEN.
mités dont il est accablé, raction de grâces qu'il offrira pour son
affliction lui sera comptée devant Dieu comme une œuvre su-
blime. — Toutefois, comme nous vivons en ces derniers temps
où la ferveur pour le service de Dieu s'est refroidie, les voies
des moines à notre époque sont différentes. Je vais te les expo-
ser. Quant à toi, mon fils, tu choisiras celle qui te conviendra,
et je prierai pour toi. Ces voies sont aussi au nombre de trois :
ou la résidence dans la cellule, en silence; ou le soin de l'ins-
truction et l'assistance à l'église; ou le travail dans les vignes
et les champs. Vois, mon fils; choisis celle que tu voudras. »
Si le frère choisissait l'une de ces deux dernières : l'étude ou
les vignes, il prenait soin de lui comme d'un membre faible. A
celui qui désirait étudier, il prescrivait de s'appliquer diligem-
ment à l'office dans le temple. A celui qui s'appliquait au tra-
vail des vignes, des champs et des moissons, il conseillait de
nourrir les pèlerins et les pauvres des fruits de son travail. Quant
à celui qui, dans une pensée de religion, choisissait la voie su-
blime et ardue du silence, il le considérait comme son familier
et l'aimait beaucoup. Il le pressait vivement d'être surtout très
appliqué, pendant la première année, à l'office dans l'église la
nuit et le jour, afin d'acquérir par là la force et le secours pour
demeurer dans le silence.
A l'un il prescrivait d'observer cela pendant une année envi-
ron, à un autre pendant deux ans, ou même trois, selon ce qu'il
savait être utile pour le frère.
Vie des reclus. — Quand un frère avait accompli, d'après ses
prescriptions, le labeur de cet exercice dans l'église, alors il lui
permettait d'habiter en silence. Il lui ordonnait une veille et une
oblation pour la consécration de la cellule : il réunissait les
prêtres et les frères à la cellule, pour qu'ils la consacrassent, et
qu'ils priassent pour le frère. Quand le frère avait fermé la
porte de sa cellule, il plaçait lui-même une pierre sur le seuil,
en dehors. Les frères reclus ne font point cela sans motif; mais
c'est une figure de la pierre qui fut placée à la porte du tombeau
de Notre-Seigneur ; afin que par là chacun songe qu'il est déjà mort
au monde, et vit en Dieu, qu'il est enseveli dans le tombeau de sa
cellule, à la porte de laquelle une pierre a déjà été placée, et
qu'il doit nécessairement s'accuser lui-même s'il s'occupe
d'autre chose que de Dieu et de la vie en Dieu, s'il tourne ses re-
VIE DU MOINE UAHHAN YOUSSEF HOUSNAVA. 301
gards vers le monde ou ses pensées vers les choses du monde.
Alors Rabban Youssef réglait ainsi la vie du frère dans sa
cellule pendant la première année, et il l'avertissait en lui
disant :
« Vois, mon fils", à marcher directement dans tout ce que je te
prescrirai; ne complique pas un labeur par un autre, mais dis-
pose ainsi ta conduite : ^
Lecture du Nouveau Testament. — « Depuis le matin jus-
qu'à l'heure de Tierce, applique-toi à la lecture du Nouveau Tes-
tament. Tu en apprendras les actions de Notre-Seigneur in-
carné (1), l'amour de Dieu pour nous, les bienfaits inénarrables
qu'il arépandus sur nous à la fin des temps (2). — Commence par
faire d'abord en face de l'Évangile adorable dix pénitences de suite,
et empresse-toi de faire devant lui les génuflexions et les prières
convenables, pendant quelque temps, jusqu'à ce que tes pensées
soient recueillies de toute dissipation extérieure. Demande ins-
tamment à Dieu d'illuminer les yeux de ton intelligence et les
facultés de ton âme, afin que tu saisisses la vertu cachée
dans les paroles de Notre-Seigneur et des saints Apôtres,
que tu voies et que tu comprennes les mystères secrets qui
y sont enfermés et que les yeux de l'àme, polie et purifiée de
la souillure du péché, découvrent au milieu du corps matériel
de l'écriture. Tiens-toi ensuite debout; prends le saint Évangile
dans tes mains, baise-le, pose-le affectueusement sur tes yeux
et sur ton cœur, et, suppliant et plein de crainte, dis ceci :
« 0 Christ Notre-Seigneur, tout indigne que j'en sois, voici
« quejetetiens, par ton saint Évangile, entre mes mains impures.
« De grâce, dis-moi des paroles de vie et de consolation, par la
« bouche et la langue du calame de ton saint Évangile ; donne-
« moi. Seigneur, de les écouter avec des oreilles nouvelles, inté-
« rieures, et de chanter ta gloire avec la langue de l'esprit.
« Amen! » — Lis dans l'Évangile, ente tenant debout, trois cha-
pitres, dans les Actes, deux chapitres, et dans l'Apôtre, trois
chapitres. Tu feras au milieu de chaque lecture dix pénitences.'
Quand tu auras fini la lecture du Nouveau Testament, fais dix
pénitences rapides et ardentes, et fléchis le genou dans les
(1) Littér. : " dans un corps
(•2) Cf. 1 Potr., I, 5.
392 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
prières convenables qui doivent être une action de grâces de ce
que le Christ t'a jugé digne de lire et de méditer les mystères
cachés au monde. »
Heure de Tierce. — « Ensuite mets-toi à l'office de l'heure de
Tierce, qui est une action de grâces pour l'amour de Dieu à notre
égard, en ce qu'il nous a amenés du néant à l'existence. Comme
c'est à la troisième heure que Dieu a créé Adam, et à la troisième
heure aussi queNotre-Seigneuraparuen présence du juge, pour
renouveler toutes les créatures, à cause de ces bienfaits de notre
production à l'existence et de notre rénovation après que nous
fûmes pervertis, les Pères ont disposé l'office de Tierce dont l'ob-
jet principal est une action de grâces pour les bienfaits de Dieu à
notre égard dans ces deux actes providentiels : d'abord en nous
amenant du néant à l'existence, et ensuite en renouvelant toute
la nature usée et vieillie par le péché. Donc, nous devons sur-
tout pratiquer l'action de grâces pendant cet office de Tierce. »
« Commence par faire des oraisons et des pénitences (1). A
la fin de chaque marmita (2), prononce trois glorifications (3) et
fais trois pénitences. A la fin du houUala fais dix pénitences et
dix glorifications. Chante et prie; et commence le houllala sui-
vant. Quand tu auras fini les houllalé assignés pour cette heure,
fais trente pénitences en glorifiant (4) et termine cet office. Quand
tu as conclu l'oraison, offre dix pénitences en action de grâces de
ce que Dieu t'a jugé digne d'officier devant lui et de parler avec
lui par la prière. Tu disposeras ainsi tes pénitences, tes glo-
rifications et ton action de grâces dans tous les offices (5). »
(1) L'auteiu- explique lui-même i^lus bas (p. 396) comment on doit pratiquer ces
pénitences ou métouniyû ([AEtâvota).
(2) Le psautier chez les Nestoriens est partagé en 20 lioullalê (les cantiques de
Moïse en forment un vingt et unième); les houllala se divisent en marmite, qui
sont au nombre de 57 (6(» avec les cantiques).
(3) Shoubba/w, courtes doxologies.
(4) Litt. : « dans des shoubbahê ».
(5) Les renseignements que nous fournit l'auteur sur la manière dont l'oflice
divin était célébré à cette époque par les moines nestoriens, sont fort intéres-
sants. 11 faudrait les comparer avec la manière dont il est récité aujourd'hui, mais
cela nous entraînerait hors du cadre d'une simple note. Qu'il nous suffise de faire
remarquer qu'on célébrait encore toutes les heures canoniques, tandis qu'aujour-
d'hui les nestoriens, de même que les chaldéens-unis, n'ont plus que quatre par-
ties dans leur office : Vof/ice du soir (qui répond à nos Vêpres), Vofftce du soubba'a
(Compiles; voir ci-dessous, p. 394, note 5), Voffice.de la nuit (Matines) GtVoffice du
matin (Laudes). — Cf. Bickell, Conspectus rei Syrorum litterariœ, p. 87 et suiv. —
VIE pu MOINE RABBAN YOUSSEF BOUSNAYA. 393
« Après l'heure de Tierce tu n'auras point d'autre occupation
qu'une pieuse lecture des livres des bienheureux Pères. Choisis
une lecture qui convienne à ton état et à ton rang. »
Heure de Sexte, c.-à-d. de midi. — « Quand arrive l'heure
de midi, mets-toi à l'office. Dans celui-ci plus que dans tous les
autres tu dois faire paraître l'affliction, les gémissements et l'é-
panchement des larmes de douleur et de tristesse. Car c'est à
la sixième heure que le premier homme pécha, lorsqu'il étendit
la main vers le fruit défendu, se rendit coupable et rendit coupa-
ble toute sa race ; et c'est aussi à cette heure que Notre-Seigneur
étendit ses mains sur la croix d'ignominie, pour tous les péchés, et
qu'il justifia absolument toute sa race. Voilà pourquoi les Pères
ont disposé l'office de midi, c'est-à-dire de Sexte. C'est pourquoi
il convient qu'en cet office nous nous affligions et nous nous la-
mentions. Toute ton application dans les prières de cet office
doit tendre à confesser ta faiblesse, tes péchés, tes manquements,
afin que Dieu ait pitié de toi et qu'il te pardonne tes péchés et tes
fautes. Quand tu l'asterminé, retourne à la lecture jusqu'à l'heure
de None. — Sache, mon fils, que quand tu te tiens à l'office, tu
parles et converses avec Dieu, et quand tu lis l'Écriture, c'est Dieu
qui parle avec toi, qui t'instruit, et t'apprend par le moyen de
l'encre et du papier, les choses utiles pour la vie en Lui. Dans
les deux cas, soit que Dieu parle avec nous, soit que nous parlions
avec lui, nous avons besoin d'une grande vigilance. — Com-
prends ce que je te dis, mon fils, et sois vigilant. »
Heure de None. — « Quand arrivera la neuvième heure, mets-
toi à l'office et tiens-toi aussi dans une grande vigilance pendant
cet office. En effet, à la neuvième heure. Dieu chassa Adam du
Paradis, lieu de son héritage, et à cette même heure Notre-Sei-
gneur poussa un cri sur la croix et rendit l'esprit à cause de
celui qui avait été chassé de son héritage, pour l'y faire retourner
et l'y rétablir seigneur et roi. — Quelles larmes ne convient-
il donc pas à l'homme de laisser couler de ses yeux à cette heure,
en considérant, avec les yeux de son esprit, dans quelle confu-
sion devait se trouver le chef de notre race lorsqu'il fut chassé de
son héritage, et d'autre part, dans quelle humiliation était Notre-
Ces offices étaient d'ailleurs autrefois les seuls obligatoires pour les séculiers,
tandis que les moines devaient réciter les sept heures canoniques. Cf. Ebedjesus,
apud Mai, Script, vet. Nova Collect., X. p. 81-83.
394 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
Seigneur sur le sommet de la croix d'ignominie et de mépris,
pour les enfants de sa race : ce que d'ailleurs l'esprit ne peut
concevoir s'il n'est aidé de la vertu divine, car, en face de la vio-
lence de lapremière (1) et de la sublimité de la seconde (2), il se-
rait consumé et épuisé devant la gloire des mystères cachés dans
ces deux contemplations. — Gloire à ta bonté, ô Dieu ! Et bienheu-
reux ton saint nom! Combien sublimes tu as faites les marques
de ta Providence à notre égard ! En vérité, mes frères, je vous le
dis, si la vertu divine ne venait pas en aide à l'intelligence au mo-
ment où, purifiée, elle regarde, voit et comprend ces choses,
elle serait promptement consumée et épuisée, et elle périrait au
milieu des manifestations de ces mystères admirables et divins.
C'est pourquoi la vertu divine soutient l'esprit devant le déluge
des mystères de la contemplation de la divine Providence. »
« Quand tu as terminé cet office de None, si tu as quelque tra-
vail manuel à exécuter, ou si tu veux faire quelque potage pour
ton soulagement, fais-le en attendant le temps de l'office du soir. »
Office du soir (3). — « Quand le temps sera venu, en toute vi-
gilance et application, mets-toi à l'office de la psalmodie du soir.
Rappelle-toi, dans les prières de cet office, tous les bienfaits de
Dieu envers toi et envers toute la race d'Adam, faible et misé-
rable. Il a été établi et disposé par les saints Pères comme pour
remplacer l'oblation et le sacrifice, en vue d'apaiser Dieu.
De même que dans l'Ancien Testament, on offrait le soir des
hosties de propitiation et des sacrifices de louange, ainsi que
dit le bienheureux psalmiste, David, quand il chante au Sei-
gneur (4) : « Accueille, Seigneur, comme le sacrifice du soir, le
« sacrifice de mes mains » ; de même, dans le temps de la psalmo-
die du soir, nous devons nous aussi, mon fils, offrir les hosties et
les sacrifices raisonnables de la louange de nos lèvres et de nos
âmes, à Dieu, notre bienfaiteur, qui nous procure toutes les
choses utiles, a
Office de Complies{ô). — « Après l'office du soir, mets-toi à
(1) De la confusion d'Adam.
(2) De l'humiliation du Christ.
(3) C'est-à-dire de Vêpres.
(4) Ps. cxL, 2.
(o) Office du soubba'a. — Aujourd'hui, chez les Nestoriens,i'onice appelé ainsi ncse
célèbre plus que dans les vigiles, le Carême et les trois jours du jeune dit des
Ninivites. 11 répond à peu près à l'office latin des Compiles, et se célèbre après le
VIE DU MOINK RAlinAN YOUSSFF BOUSXAVA. 395
roffice de Complies, c'est-à-dire de l'action de grâces pour tous
les bienfaits de Dieu à notre égard pendant toute la journée. Il
nous a jugés dignes alors que nous ne l'étions pas de méditer
les saints mystères éternels; ces mystères qu'il n'avait point au-
paravant révélés au monde, il nous lésa maintenant manifestés
en esprit par Xotre-Seigneur Jésus-Christ, et par eux il nous a
donné de devenir les héritiers de son amour, les cohéritiers de
Jésus-Christ, et d'être affermis dans ses promesses et dans l'es-
pérance réservée à toute notre race mortelle. — Après Complies,
prépare-toi quelque chose à manger. Prends cette nourriture
pour conserver ta vie, et non par gloutonnerie ou pour la variété
des mets agréables. Prépare-toi un potage deux ou trois fois par
semaine, afin de ne pas être tourmenté par une sécheresse abomi-
nable; mais fais-le simplement et sans un trop grand soin. Si
Dieu t'a préparé quelque chose de particulier, prends-le avec re-
connaissance et rends grâces à celui qui te l'a accordé. »
Office de V action de grâces (1). — Après que tu auras mangé
ce que la bonté divine t'a préparé, accomplis l'office de l'action de
grâces, autant qu'il est en toi (2). Ton but en cela doit être d'adres-
ser à Dieu des prières spéciales et des supplications, à ce moment
du soir et de la nuit, pour qu'il te fasse échapper à la malice
des démons empressés à causer notre perte. Efforce-toi à ce mo-
ment-là de faire couler des larmes de tes yeux, je ne dis pas celles
qui viennent de la contemplation des mystères divins, ni celles
qui procèdent de l'affliction ou de la douleur, mais des larmes
causées par crainte de la faiblesse et de l'abandon qui en résulte;
repas. Il a sans doute été conservé aux jours indiqués, parce qu'en ces jours de
jeûne les Vêpres se récitent avant le repas, et qu'ainsi il n'y aurait pas eu d'office
du soir. Mais on voit par notre auteur que c'était un office quotidien et qui se cé-
lébrait avant le repas. L'office d'après le repas, auquel répond en réalité le soub-
ba'a actuel, est appelé ici soubba'ta; il en est question au paragraphe suivant.
(1) Littéralement « office de soubba'ta ». — On voit par le contexte que c'est
littéi'alement rjjood/;:»non qu'on désigne habituellement par le mot soubba'a (voir
la note précédente). — Le mot soubba'ta n'est pas dans les lexiques. Comme il ré-
sulte de tous les autres auteurs que la division de l'office était en sept heures,
basée sur les paroles du Ps. cxix, 1G4 : •< Sept les in die laudem dixi tibi », j'incline à
croire que ce huitième office, dont il n'est pas question ailleurs, était une ins-
titution spéciale du couvent, ou de R. Youssef lui-même. Son origine vient peut-
être de ce que l'on avait avancé la récitation du véritable apodipnon avant le
repas, et qu'on le remplaçait ainsi par cette prière tardive.
{i) Littéralement : « autant qu'il vient après toi ».
396 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
car, dès que le Seigneur verra tes larmes devant lui, il com-
mandera à ses saints anges de te garder des craintes de la nuit
terrible et pleine de frayeur, et il te délivrera des fantômes qui
circulent dans les ténèbres et des esprits mauvais qui errent
au milieu du jour (1). »
« Quand tu auras encore offert ce sacrifice pour ta conservation,
appuie ton dos contre le mur, dans le coin, en face de la croix,
joins les pieds (2), ne néglige point cela, et ne les étends point au
hasard ; signe ton visage^ marque-toi du signe de la croix, protec-
teur des familiers de Notre-Seigneur. En attendant que le som-
meil s'empare de toi, médite les bienfaits de Dieu à ton égard
pendant toute cette journée. Habitue ton âme à ne s'abandonner
au sommeil que légèrement, et pourle repos de ton corps, et, dès
que la grâce de Dieu t'éveillera, lève-toi avec empressement et
avec une ardente ferveur pour l'office de la nuit. »
Office de la nuit. — « Avant de commencer la psalmodie, ré-
pète quelques sentences choisies qui éloigneront de toi la lour-
deur et la torpeur. Éveille ton âme vigoureusement et fais d'ar-
dentes pénitences, jusqu'à ce que tes facultés soient éveillées et
tes pensées recueillies. Ensuite commence l'office de la nuit.
Accomplis l'ordre des pénitences que je t'ai enseigné plus haut;
toutefois, après la soubba'ta, et quand tu as mangé, ne fais
point de pénitences, mais remplace-les par des inclinations, de
peur que, par suite de la plénitude de ton ventre, tu ne tombes
dans quelque indisposition ou maladie ; car les pénitences
ont coutume, après le repas, de causer à l'homme des érup-
tions ou des maladies qui l'obligent à cesser l'exercice de la
prière. »
« L'ordre des pénitences (3) est celui-ci : on doit se prosterner
devant la Croix jusqu'à ce que les genoux et la tête touchent la
terre. Dans les inclinations (4) au contraire, les genoux n'arri-
(1) Cir. Ps. xci, 6-7.
(2) LittéralenKMît : « réunis tes piods vers toi ». — En réalité, il lui recom-
mande de s'accroupir, et de dormir dans cette posture incommode.
(3) Mélouniya ([Aî-râvota), signifie habituellement tous les actes extérieurs de pé-
nitence en général, mais nous voyons par ce passage que l'auteur entend ce mot,
que nous avons rencontré fréquemment, dans un sens défini, pour marquer un
acte particulier de pénitence.
(4) Gourgaha, prosternation en général ; l'auteur explique en quoi consiste l'acte
de pénitence qu'il désigne p;ir ce terme.
VIE DU MOINE RABHAN YOUSSEF BOUSNAYA. 397
vent pas jusqu'à terre, mais seulement les mains et la tête, tandis
que le corps reste suspendu en l'air. »
(c L'office de la nuit est organisé à l'instar de tout notre labeur
qui se fait au milieu de ce monde dont l'obscurité est l'image, et
dans lequel nous travaillons beaucoup avec l'espoir d'en sortir
pour entrer dans ce monde de lumière dont le type est le
jour. »
Psaumes du malin. — « Dans lespsaumesdu matin, éveille ton
âme et tiens-toi devant Dieu dans une excellente application. Car
voici que déjà la puissance de l'obscurité a pris fin, c'est-à-dire
le cours de ce monde, et tout à coup le jour de la lumière du
monde nouveau s'est levé. — Sache-le, mon fils, chaque jour que
le. moine passe dans sa cellule, dans l'accomplissement de ses
règles, il représente en lui l'image des deux mondes. »
« Dès que se lève l'aurore du jour suivant, mets-toi joyeusement
aux labeurs qui doivent le remplir et pense que, de toute l'éter-
nité, ce seul jour dans lequel tu te trouves, t'appartient; une fois
achevé, il disparaît et ne revient point de nouveau. Le lendemain
ne nous appartient point; car nous ne savons pas si nous vi-
vrons ou non le lendemain. Donc, un seul jour de toute l'éternité
t'appartient : celui dans lequel tu te trouves présentement. Prends
donc garde, comme il convient, de n'en pas sortir vide et sans
profit, et de ne pas te trouver pauvre et indigent; songe qu'avec
la fin de ce jour la mort peut arriver, et que tu devrais t'en aller,
dans cette longue route, pauvre et sans viatique, pour avoir passé
ta journée dans l'oisiveté et les futilités. Garde-toi dépenser folle-
ment en te promettant une longue vie. Je te conseille de penser
sagement : « Demain je devrai m'appliquer davantage, si aujour-
« d'hui j'ai été un peu négligent. » — Nous ne savons pas ce que
sera le lendemain. Qu'est-ce que la vie de l'homme, sinon une va-
peur qui s'évanouit et disparaît? Ne compte point sur de longs
jours; mais considère que, si éloigné que tu sois du jour [de la
mort] il vient et il te saisit; il se hâte de passer comme les
autres. Ne compte donc point sur l'abondance [des jours] et ne dis
point : « Demain, mon âme, je m'occuperai de toi. » — Le len-
demain ne nous appartient pas. — Vois donc, mon fils, à employer
le jour présent, comme il convient, en toute diligence; car si le
lendemain t'est donné, tu contracteras une nouvelle dette dont
tu auras à rendre compte ; car il n'est point de jour dans lequel
398 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
tu ne contractes une grande dette envers Dieu pour ses bienfaits
antérieurs, et pour les biens qu'il t'accorde continuellement : pour
le souffle de vie, pour la respiration de l'air qu'il te donne, pour
la préservation contre les démons, les hommes méchants et tous
les dangers. Et véritablement, tu dois travailler pour Dieu au-
jourd'hui plus qu'hier, puisqu'il t'a fait arriver jusqu'à ce jour
auquel tu ne devais pas espérer parvenir, et t'a délivré les jours
passés de la crainte que tu avais qu'il ne t'arrivât en ces jours
quelque accident , crainte qui doit encore posséder ton àme
pour le jour présent. Que la vie accomplie précédemment se-
lon les règles soit encore la tienne au jour présent. Consacres-en
toutes les heures et tous les instants à une action de grâces in-
interrompue envers Dieu qui t'a jugé digne de sa familiarité. »
ce Sache, et sois bien persuadé, mon fils, que si tout ton corps,
si tous les poils de ta chevelure étaient bouches et langues, ils ne
pourraient pas rendre grâces à Dieu convenablement pour tous
ses bienfaits à ton égard : pour t' avoir amené à l'existence; pour
t'avoir donné la raison, afin que tu ne sois pas comme les ani-
maux; pour les biens qu'il t'a préparés en ce monde, et aussi
dans le monde futur, par la venue du Christ Notre-Seigneur,
et par les dispositions de sa providence envers toi : lui qui étant
véritablement Dieu s'est fait homme pour toi, a souffert la pas-
sion, la croix, la mort afin de te vivifier; pour t'avoir distingué
des païens par la connaissance spéciale qu'il t'a donnée, afin
que tu croies au christianisme ; pour t'avoir fait sortir du monde
et de ses labeurs grossiers; pour t'avoir amené à sa familiarité ;
pour t'avoir délivré des distractions extérieures; pour t'avoir
placé dans ta cellule, afin de converser avec lui à chaque instant;
pour t'avoir jugé digne d'invoquer son saint nom et de le louer
de ta bouche souillée; et surtout parce qu'il't' accorde de lui
rendre grâces pour ses bienfaits envers toi. Bref, tu dois rendre
grâces â Dieu pour ses bienfaits à ton égard, à chaque souffle
que tu émets, à chaque aspiration que tu respires. — Médite ces
choses, mon fils, et à cause d'elles considère-toi â juste titre
comme obligé devant Dieu, car tu l'es réellement, de travailler
avec ferveur à l'œuvre que tu dois pratiquer dans ta cellule. »
Première année. — « La première année, mon fils, reçois
chaque jour les mystères vivifiants ; à moins que quelque motif
ne t'empêche de le faire. Dans les assemblées du dimanche,
VIE DU MOINE IlAHIiAX YOUSSEK HOUSXAVA. 399
sors pour aller à l'offico avec les Irères, dans l'église. — Telle
sera ta conduite dans ta cellule, pendant la première année;
tu ne feras rien de plus sans ordre ou conseil. »
Seconde et troisième année. — La seconde et la troisième
année, il prescrivait en plus à chacun des frères quelque pra-
tique ou quelque travail, selon sa ferveur ut autant qu'il le ju-
geait utile pour lui. — Il prenait soin des frères faibles selon
leur faiblesse. Il y en avait qu'il empêchait au bout d'une année,
ou même moins, de sortir pour aller aux réunions, ou de re-
cevoir les mystères chaque jour; et il y en avait d'autres à qui
il ordonnait de se rendre aux réunions ou de recevoir les mys-
tères plus souvent. Selon qu'il savait la chose plus avantageuse
pour le frère, il ajoutait ou retranchait. Toutefois, il n'empêchait
pas tout d'un coup le frère de recevoir les saints mystères; mais
il l'y amenait peu à peu. En lui défendant de les recevoir chaque
jour, il lui prescrivait de les recevoir à certains jours : le mercredi,
le vendredi et le dimanche. Puis il diminuait encore, et le
frère ne les recevait plus que le dimanche. — [Il en était de
même pour sortir aux réunions; tel devait sortir, en plus du
dimanche,] (1) encore une fois dans la semaine, c'est-à-dire au
milieu; puis après quelque temps, lorsqu'il le jugeait opportun
pour le frère qui venait le trouver, il lui défendait de sortir de
toute la semaine. Il instruisait chacun des frères selon sa fai-
blesse, sa mesure, son état.
Pourquoi auparavant recevaient-ils chaque jour les saints
mystères, et pourquoi cela leur était-il défendu maintenant? Il
le leur enseignait ainsi :
« Sache, mon fils, que le Christ connaît notre faiblesse et la
débilité de notre nature. Il sait que nous sommes portés, par de
nombreuses causes, à des péchés nombreux et variés, volontai-
rement, par inadvertance et involontairement; c'est pourquoi, il
nous a donné, dans sa miséricorde, les saints mystères de son
saint corps et de son saint sang, afin qu'ils soient pour nous le
pardon des fautes et des péchés que nous commettons dans
notre corps mortel, et que nous soyons fortifiés par eux contre les
adversaires à qui notre vie déplaît et qui ne ne nous laissent pas
servir en paix sa Majesté adorable. Tu dois donc, mon fils, sortir
(1) Le texte paraît un peu altéré on co passage; nous rétablissons le sens très
probable indiqué par le contexte.
400 REVUE DE l'orient CHRETIEN.
chaque jour pour recevoir les mystères purificateurs, car le le
vain du péché se trouve encore dans ton corps, et aussi pour en
retirer force et aide, afin de pouvoir résider dans ta cellule et
accomplir tes offices et tes règles. »
Quand la science du frère s'était un peu développée, il lui di-
sait au contraire :
<-: Nous ne devons pas, mon fils, oser recevoir chaque jour les
saints mystères, bien qu'ils nous soient donnés par Notre-
Seigneur, dans sa bonté et sa miséricorde [gratuite; mais nous
devons rougir en face de sa bénignité, à cause de nos péchés
et de notre indignité. Il nous suffit de les recevoir une fois
de temps en temps ».
Il dirigeait ainsi la science du frère, jusqu'à ce qu'elle fût
assez affermie pour recevoir ce qui est au-dessus de cette pen-
sée. — Alors il lui parlait ainsi :
« Mon fils, il est facile d'obtenir de la miséricorde de Dieu le
pardon des péchés qui sont commis dans le corps; parce que
l'homme pèche contre lui-même ou contre son frère, et parce
qu'ils proviennent de la faiblesse et de l'inclination de notre
nature. Mais les péchés qui viennent de l'âme et sont commis
par elle sont difficiles à pardonner, parce qu'ils sont contre
Dieu, et luttent contre lui par l'orgueil d'une âme misérable.
L'Apôtre a déclaré que ceux qui irritent Dieu par les péchés de
-'âme ne sont pas dignes de recevoir le corps et le sang de Notre-
Seigneur; et s'ils osent le recevoir, c'est pour leur condam-
nation et non pour leur pardon (I). Ainsi donc, mon fils, consi-
dère en toi-même que tu n'es pas digne de ce don qui est donné
gratuitement aux hommes, parce que ton âme est plongée dans
de honteux péchés et en est souillée. Reconnais ceci avec
justice : Heureux ceux qui sont dignes des saints mystères, et
malheur â toi qui n'es pas digne de ce don sublime! Pense avec
raison, en toi-même, que tu es un chien, un impudique, un de
ceux â propos desquels Notre-Seigneur a donné ces avertisse-
ments et a dit : « Ne leur donnez point le saint; ne jetez point
(c les pierres précieuses aux pieds des porcs, pour qu'elles ne
« soient pas avilies (2). » Ce qui est saint convient et appartient
(1) I Cor., XI, 27 et suiv.
(-2) Matth., VII, t).
VII<: DU MOINE IIAIJHAN VOUSSEF BOUSNAVA. 401
aux saints. Que le seul souvenir du corps de Notre-Seigneur que
tu as reçu te suffise dans ta adlule; rassasie ta faim des miettes
|de la table] des enfants. Par cette pensée, par cette opinion
humiliante, le Christ te rendra digne de l'humilité parfaite, qui
est le vêtement salutaire dont est revêtue rintelligence qui s'hu-
milie elle-même, et grâce auquel elle apaise Dieu par le sacri-
fice de soi-même offert à sa Majesté. »
« Quand, avec l'aide de la grâce, par ces labeurs, le frère pé-
nètre dans le lieu de la véritable humilité, alors il com-
prend de lui-même et il est bien persuadé que, réellement et
en vérité, nulle créature n'est digne de ce don sublime du mys-
tère du corps de Notre-Seigneur et de son sang précieux ; car il
reçoit mystérieusement la révélation de la grandeur, de la
gloire, de la sublimité de ce mystère, admirable pour les anges,
et aussi de la bassesse de notre nature plongée dans les transgres-
sions. — Par cette science qui est donnée à l'intelligence dans le
lieu de la véritable humilité, cette intelligence s'élève au lieu de
la spiritualité et elle participe spirituellement, sublimement, di-
vinement, mystiquement, avec les esprits [célestes], au mystère
du corps et du sang de Notre-Seigneur; elle reçoit véritablement
la personne de Notre-Seigneur, en dehors de toute figure, mys-
tère ou parabole, de la manière que les saints le recevront dans
le monde nouveau. Car tous les mystères et les figures convien-
nent au monde présent; dans le monde nouveau, les saints re-
cevront la véritable réalité des mystères et des figures, sans in-
termédiaire ni figure. »
« Le moine qui se tient dans sa cellule doit s'efforcer autant
qu'il peut d'y assimiler sa demeure et sa vie à l'habitation du
monde nouveau, par la retraite du monde et de son tumulte, par
l'éloignement de tout ce qui est du monde, par la mort absolue à
tout ce qui est en lui, par son jeûne et son naziréat, par ses veilles
et sa vigilance, par sa conversation amicale avec Dieu, bref, par
toutes ses actions qu'il s'efforcera de conformer à celles du monde
nouveau; de là vient qu'il les omet corporellement pour les re-
prendre spirituellement, comme dans le monde nouveau. Donc,
quand le moine pénètre, avec l'aide de Notre-Seigneur, dans le
lieu de la science, qui est le chemin conduisant à l'humilité, et
quand Notre-Seigneur l'a rendu digne, par ses miséricordes, de
la mesure de la spiritualité, sa demeure est pour ainsi dire déjà
ORIENT CHRÉTIEN. 28
402 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
fixée, par un mystère admirable, dans le monde nouveau ; avec
les esprits [célestes] et comme eux, il jouit spirituellement des
saints mystères et reçoit le Christ dans son âme, sans Tinter-
médiaire des figures et des mystères. En même temps, son in-
telligence est remplie d'une sainte joie ; car il est la nourri-
ture et le breuvage dans la bouche, qui n'en est pas une, de
l'intelligence; de même que dans le monde nouveau le Christ
est la nourriture et le breuvage de ceux qui y habitent, en
dehors de tous les mystères et les figures du monde présent.
Donc, il ne faut pas blâmer les moines qui cessent de recevoir
les saints mystères dans l'un ou l'autre des deux degrés que
nous avons fait connaître : dans le premier, parce qu'ils ne
s'en estiment pas dignes; dans le second, parce qu'ils en
jouissent déjà spirituellement. »
« Ce que je dis est connu et parfaitement compris de celui
qui a éprouvé ces deux choses en lui-même, à savoir : que dans
le premier cas le moine est persuadé de tout son cœur et sans
aucune hésitation intérieure ou extérieure qu'il n'est vraiment
pas digne de recevoir les saints mystères, et qu'au jour où il
les recevra, il devra s'humilier davantage devant Dieu dont les
miséricordes Font rendu digne de cette faveur dont il était
indigne; et que dans l'autre cas, sans aucun doute et réellement,
l'intelligence participe spirituellement avec les esprits [célestes]
aux saints mystères. »
<c Pour toi, mon fils, comprends avec intelligence ces mystères
profonds et admirables, et dirige par la science ta vie dans ta
cellule; que ta conduite soit régulière, en dehors de toute
perturbation. »
« Règle ton jeûne avec mesure pendant la première année.
Mange chaque soir, jusqu'à ce que ton corps soit exercé aux
labeurs. Ajoute alors le jeûne de deuxjours ; de celui-là tu passe-
ras à celui qui consiste à ne manger qu'une fois ou deux [la se-
maine]. Pourtant, ne fais point cela sans conseil. »
« Que ta veille soit de la moitié [de la nuit] , ainsi que dit
Abba Isaias (1) : « Donne la moitié de la nuit au repos, et la
« moitié aux labeurs de la veille. » — Quand tu seras habitué à
cela, plus tard, tu passeras tes nuits comme Abba Arsénios qui
(1) Isaïe de Scété, dont il a été déjà question plusieurs fois.
VIE DU MOIXK HAHMAxV YOUSSRK liOUSXAVA 103
tournait le clos au soleil et restait sur ses pieds jusqu'à ce qu'il
le reçût en face, c'est-à-dire qu'il se tenait debout et veillait
depuis le coucher du soleil jusqu'au lever de l'aurore (1).
« Ainsi, dans toutes tes actions, en commençant les pe-
tites, en achevant les grandes, en toutes et chacune, travaille
et dirige-toi d'après les conseils des vieillards : ajoute ou di-
minue, allonge ou abrège. Sache que sans conseil, tout le
labeur du moine est vain; car notre vie dans le silence,
n'est pas de ce monde, mais du monde nouveau dont tu ne
connais point les voies, ni les sentiers; et de même, « notre
« lutte n'est pas avec la chair ou le sang, mais avec les prin-
ce ces, avec les grands, avec les puissants de ce monde ténébreux
« des esprits mauvais qui sont sous les cieux » (2), c'est-à-dire
avec les démons rebelles, dont les attaques sont spirituelles et les
embûches secrètes. Et pour cela, et à cause de cela, le frère qui
marche dans cette voie a besoin de quelqu'un qui connaisse bien
les ruses des adversaires, pour lui enseigner leurs diverses ma-
nières de combattre elles secrets de leurs embûches pernicieuses,
afin qu'il ne soit pas blessé et ne meure point faute d'aver-
tissement et par ignorance. »
Il instruisait chacun des frères séparément, selon qu'il le ju-
geait utile pour son bien; et de temps en temps il faisait un
discours général contenant une instruction qui s'adressait à tous ;
il distinguait, avec une grande sagesse et une science fort éclai-
rée, l'état dans lequel quelqu'un se trouvait.
Quand il traitait d'une vertu en elle-même, il disait comment,
de quelle manière elle devait être pratiquée ; quel était son objet,
les obstacles qu'elle présentait, en combien d'espèces elle était
partagée et divisée; quelle était sa pratique dans chaque
degré; et comment il fallait la pratiquer, parfois corporellement,
parfois avec l'âme, parfois spirituellement avec l'esprit.
Il m'a paru bon de réunir ensemble et de placer ici ces ins-
tructions l'une après l'autre, bien que ma science ne me permette
pas de les disposer comme il conviendrait, mais confusément,
comme elles se présenteront, selon la faiblesse de ma science
inculte.
(1) Cfr. Paradisus Patnim, od. Bedjan, p. 187.
[2) Cfr. Eph., VI, 1-2.
404 REVUE DE l'orient CHRÉTIEjV.
Du silence. — « Le silence est le calme dans lequel Thomme se
tient en dehors de tous les bruits et de toutes les préoccupations
de ce monde, et dans lequel se pratiquent toutes les vertus de la
vie monacale; dans le silence, Tàme verra ses péchés et se con-
naîtra elle-même, Thomme comprendra combien grande est la
miséricorde de Dieu et sa longanimité à notre égard, car, bien
que tous nos péchés soient manifestes devant lui, dans sa
bénignité, il les supporte et les efface; combien grande est la
vertu divine qui nous aide et nous garde ; combien puissante est
Tattaque des démons contre nous et leur haine pour nous. Ces
choses et beaucoup d'autres semblables, l'homme les apprend
dans le silence. En dehors du silence, l'homme ne sait pas
même quel est son propre état; il pèche et ne le sait point; il
ne se purifie point et il se croit juste, parce qu'il ne voit
point ses péchés; il ne sait pas, et il ignore qu'il ne sait pas;
et il pense savoir par sa science mondaine qui ne se connaît
pas elle-même, et dans laquelle on ne peut trouver le pardon
des péchés. Personne ne voit réellement ses pochés en dehors
du silence. »
« Le silence accompagne les divers modes de la vie monas-
tique, et pour cela, il y a différentes manières de le pratiquer. »
« Dans le premier mode, le novice y est comme dans une certaine
réclusion qui l'empêche de sortir inutilement de sa cellule, qui
l'oblige à travailler aux vertus, comme l'exige sa règle, et qui
est pour lui une cause de préservation de tous les péchés qui
viennent de l'extérieur. Celui qui est dans ce degré est appelé
« reclus », parce qu'il a été rendu digne, par Dieu, de de-
meurer dans sa cellule. »
« Quand le frère s'est élevé, avec l'aide de Dieu, au second
mode, il doit pratiquer le silence d'une autre manière, plus par-
faite que la première. Au lieu d'un cloître, il doit être pour lui
une arène, dans laquelle il lutte avec les démons et les vains
guerriers. Il vainc et est vaincu : il tombe et se relève, jusqu'à
ce qu'il l'emporte, par la miséricorde, qu'il triomphe, et que son
nom soit inscrit parmi ceux des guerriers valeureux et des
triomphateurs illustres; alors, sa cellule sera le lieu de séjour
des saints anges; ce frère ne doit plus être appelé un reclus,
mais bien un véritable « lutteur », un ouvrier robuste, un
triomphateur victorieux, un athlète vigoureux. »
VIE DU MOINR RAHI5AN YOUSSKF HOUSNAVA 405
« De même, quand le moine parvient par la grâce et les misé-
ricordes [de Dieu], au troisième mode, dans lequel ne se trouve
point Satan et où le mal ne se rencontre point, alors encore sa
manière d'être dans le silence deviendra tout autre. Sa cellule,
au lieu d'être un cloître ou une arène, deviendra un port tran-
quille qui lui procurera tous les secours et toutes les joies :
la Jérusalem des visions, le Sinaï des révélations, la Sion des
sciences, la source de la lumière, l'assemblage de tous les biens,
la citadelle inexpugnable pour les ennemis, le lieu de réunion
des enfants de lumière, le séjour et la demeure de la Trinité
maîtresse des mondes. Alors le moine ne sera plus considéré
ni comme reclus, ni comme combattant, ni non plus comme
homme du monde, ni même comme étant encore du monde,
mais bien comme étant « spirituel » et parfait, citoyen de la ville
du Dieu vivant; bien plus, quoiqu'il soit homme par sa nature,
il sera même appelé dieu, frère du Christ, cohéritier de sa gloire
et de son royaume, demeure de l'Esprit-Saint vivificateur de
tous les mondes. »
« A cause de toutes ces choses glorieuses, sublimes et divines,
dès le commencement les démons, ennemis du bien, s'empressent
d'engager la lutte par tous les moyens de combat, avec ceux
qui habitent dans le silence. Ils s'ingénient de toutes manières
à faire sortir le frère de sa cellule. Ils lui préparent des occa-
sions, avec toutes leurs différentes ruses, et avec toutes les res-
sources de leur astuce. Quand ils ne peuvent remporter sur lui
la victoire par ces moyens adverses, ils l'excitent tout au con-
traire à sortir de son silence sous prétexte de vertu, par exem-
ple pour visiter les infirmes, pour servir les frères, pour recueil-
lir les affligés, pour soulager les malades, pour consoler les
attristés, pour aider les opprimés, pour donner à manger aux
affamés ou à boire aux altérés, pour aider les pauvres et les
pèlerins, et pour beaucoup d'autres choses semblables. Ils mur-
murent et disent au frère : « Il vaut beaucoup mieux pour toi
« secourir les pauvres que demeurer dans ta cellule comme
<■( dans une prison, ce qui ne peut être utile qu'à toi seul. »
Ils lui suscitent des craintes, et placent de grandes difficultés
devant lui : « Personne, disent-ils, ne peut arriver au terme dans
« cette voie; il vaut mieux ne pas s'y engager que de l'abandon-
« ner après y être entré. »
406 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
« C'est par ces moyens et d'autres semblables, que les démons
engagent la lutte avec les frères qui vivent en cellule, dans
le premier labeur. »
« Dans le second, ils s'attaquent à lui par des difficultés encore
plus grandes : par la tristesse, par l'aflliction qui n'est pas pour
Dieu, par les angoisses de l'àme, par le désespoir, par le blas-
phème, par la vanité, par l'amour de la vaine gloire, par l'or-
gueil qui s'élève contre Dieu, par un zèle insensé, par la colère
furieuse, par l'irritation bestiale et pernicieuse, par l'orgueil sa-
tanique, et par beaucoup d'autres choses semblables. Ils l'assu-
rent qu'il est déjà parfait, et ils lui suggèrent de se faire le di-
recteur des séculiers, hommes et femmes. Ils lui en préparent
avec grand soin les occasions opportunes. De temps en temps,
il lui font voir des choses secrètes. Pour une légère gué-
rison qu'ont obtenue, à cause de leur foi, ceux qui venaient près
de lui, ils font accourir à sa porte des villages entiers, hommes
et femmes, et par la conversation avec les filles d'Eve, vaines et
dissolues, il pèche et succombe souvent, et son séjour dans sa
cellule est vain, tout le labeur auquel il s'y est adonné est sans
profit. — Ils lui conseillent encore également de sortir de sa
cellule soit pour restaurer un couvent détruit, soit pour bâ-
tir un monastère. Sous une pensée correcte, ils lui représen-
tent qu'il lui serait plus avantageux de s'adonner pour Dieu au
service de ses frères séculiers : ce qui n'est point son affaire,
mais celle des hommes parfaits et des vieillards vertueux. »
c( Et ainsi de suite, de toutes manières, par toutes sortes d'at-
taques, les démons engagent la lutte et combattent avec les frè-
res qui vivent dans le silence, afin de les détourner de marcher
dans cette voie qui conduit aux demeures célestes. »
Du jeune. — « Le jeûne est l'arme avec laquelle le frère peut
combattre les passions et les démons. Par lui, le corps est puri-
fié de l'humeur qui provient de l'abondance de la nourriture, il
est soulagé et guéri de ses diverses maladies; par lui, est refroi-
die l'ardeur des passions naturelles; par lui, le frère est con-
forté dans la ferveur de Tamour des vertus, le corps est libéré
de la pesanteur et de la torpeur, pour pouvoir se tenir coura-
geusement éveillé dans les veilles. — Par le jeûne en vue de
Dieu, la passion de la gloutonnerie est vaincue, et la lutte contre
la gourmandise prend fin. Le jeûne est le purificateur du corps.
VIE DU MOIXR RA15IJAN YOUSSKF liOUSNAVA 407
du moins en partie. — Telles sont les vertus du jeûne dans le
premier degré; et le frère qui s'y adonne est appelé « jeûneur
de nourriture ».
« Dans le second degré, le jeûne du moine est double : il doit
purifier et polir complètement le corps, faire briller et sanctifier
l'àme totalement; le feu des passions dont Fardeur avait été re-
froidie dans le premier degré, s'éteint ici entièrement, et même
disparaît bientôt complètement; le corps que le premier jeûne
avait établi dans l'état (1) de pureté, s'élève à l'état de splen-
deur; je ne parle pas de la splendeur de l'âme, mais de la
splendeur du corps : car autre est celle-ci et autre celle-là. Mais
l'âme monte aussi, par la perfection de ce double jeûne, à fétat
de pureté, et s'élève également à l'état de splendeur parfaite.
Alors, le frère n'est pas seulement appelé « jeûneur de pain »,
mais aussi des passions. C'est là le jeûne dont le prophète a
parlé (2), celui dans lequel l'àme jeûnera de tous les maux et
de toutes les passions. Vain est le jeûne du pain, si celui-ci ne
l'accompagne pas. C'est pourquoi, dans ce jeûne de l'àme, le
frère est appelé « jeûneur des passions », et aussi jeûneur pour
Dieu.
« Par ce double jeûne, son esprit devient digne de jeûner
comme les esprits célestes, d'un jeûne spirituel qui n'est pas
celui de l'àme. Alors le corps et l'àme s'élèvent simultanément à
l'état de la splendeur, et l'esprit parvient à un état qui surpasse
toute splendeur. Le moine est alors appelé « jeûneur du monde
entier »; le sceau du jeûne du monde nouveau est appliqué sur
la bouche de son esprit, car, de toute façon, le Christ est son
unique nourriture et son unique breuvage. »
« Comme Satan sait fort bien jusqu'où s'élève le jeûneur, il s'ef-
force, dès le commencement, de lui faire cesser son saint jeûne.
Il s'attaque au frère de toute façon : par la gourmandise, par le
désir de mets variés, par l'avidité, par la gloutonnerie, et par
beaucoup d'autres choses semblables. Et quand, avec l'aide de
Dieu, le frère a triomphé de ces attaques par l'arme solide du
jeûne, il engage la lutte avec lui par d'autres moyens : par une
(1) Le mot que je traduis ici, ot dans ce paragraplie, par « état », signilie \)vo-
prement ■< lieu ».
(2) J'ignore à quel passage de l'Éerilure l'auteur veut' l'aire allusion; peut-être
Is., i.viii, .3 et suiv.
408 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
grande faiblesse, par des afflictions qui contraignent le frère à
cesser son jeûne, par des occasions qu'il lui prépare à l'intérieur
et à l'extérieur, par exemple : la réception de frères à cause des-
quels il devrait rompre son jeûne, et d'autres causes semblables
qui, sous prétexte de vertu, fournissent au frère l'occasion de
ce^er son jeûne. Quand, par les miséricordes du Christ, le frère
a encore reconnu ces ruses et a triomphé de leur astuce, alors
il l'attaque de nouveau par d'autres moyens : par la vanité, par
la vaine gloire, par l'orgueil, et le reste. »
« C'est pourquoi une grande vigilance est nécessaire aux frè-
res jeûneurs qui sont dans leur cellule, pour ne rien faire sans
conseil, dans toute leur conduite. »
Du naziréat. — « Le naziréat est le bouclier solide qui dé-
tourne les flèches des ennemis qui, dans l'obscurité, lancent les
traits de leur malice contre ceux qui ont des intentions droi-
tes (1). Par lui le frère est fortifié pour servir Dieu par un jeûne
pur. Il n'y a donc point de jeûne bien réglé sans un naziréat
discret. Sans le naziréat le jeûne est boiteux. C'est avec le con-
cours du naziréat que dans le jeûne le corps se purifie, l'àme
resplendit, l'esprit s'élève à l'état qui surpasse toute splendeur.
— La difficulté et la lutte du naziréen est la même que celle du
jeûneur. Il lui faut donc aussi beaucoup de prudence. Mais dans
le naziréat, le frère doit s'appliquer davantage. Il ne doit pas
avoir confiance, et se dire que le jeûne seul lui suffira. Vain est
le jeûne qui n'a point pour compagne l'abstinence (2). Veille à
cela, mon fils, et soumets ton cou à son joug, avec prudence et
conseil. »
« Fais attention, mon fils, à tout ce que je t'ai dit, et accomplis
discrètement, en prenant toujours conseil, l'œuvre que tu fais
pour Dieu. »
De r office. — « L'office est l'enceinte qui entoure le moine qui
travaille et le protège contre les ruses des fils de la nuit qui cir-
culent dans les ténèbres (3). C'est lui qui conserve toutes les
œuvres du moine; par lui, le corps et l'âme sont broyés en même
temps. L'homme decorporel devient intellectuel, et d'intellec-
(1) Cf. Ps. Lxm, 4-5.
(2) Littéralement : « qui n'a point ]>our femme le naziréat », ce mot étant fé-
minin en syriaque.
(3) Cf. Ps'. xc, 6.
VIE DU MOINK RABHAN YOUSSHF BOLSNAYA 409
tuel il devient spirituel (1), de ministre il devient psalmiste, de
psalmiste il devient chantre (2), d'esclave il devient affranchi,
et même fils, héritier, bien-aimé. Le moine qui s'y applique
fortement arrive promptementau degréde l'opération de l'âme.
— Mais l'ennemi combat aussi en beaucoup de manières le
frère qui s'y adonne : par de vaines attractions, par l'agitation
des pensées inconvenantes, par la négligence, par les distrac-
tions qui détruisent tous les mérites. Le moine doit donc veil-
ler sur lui quand il se tient en présence de Dieu à l'office. Qu'il
recueille ses pensées des distractions et des préoccupations
mondaines; qu'il attache tout son esprit à l'intelligence des
paroles que prononce sa langue ; qu'il le prolonge ou le diminue
selon le degré dans lequel il se trouve; mais cela doit se faire
d'après le conseil et les prescriptions des vieillards ».
De la veille. — « La veille prolongée de la nuit est la purgation
et la purificatrice du corps, le polissoir de l'âme. C'est par elle
que le moine peut recueillir ses pensées des divagations pendant
l'office en présence de Dieu ; c'est par elle qu'il est digne de l'o-
pération de la grâce qui met fm aux attaques de l'ennemi, c'est
en elle qu'il reçoit le don et la force divine, par l'excellence de
l'office prolongé qui s'y pratique. Celui qui se tient éveillé et
s'applique à l'office dans une veille, est en vérité le concitoyen
des veilleurs célestes. De même que le naziréat brille dans le
jeûne etquelejeùne est complété par le naziréat, de même l'office
s'accomplit grâce â la veille et la veille est louable à cause de
l'office. — Il y a aussi des combats pour les* veilleurs ». Ce sont
l'appesantissement, la paresse, legrand sommeil, la torture des
épaules, la lassitude des membres, la crainte et la frayeur, et
d'autres choses semblables.
« Mon fils, applique-toi à la veille; grâce â elle tu seras
digne de choses sublimes et des dons de l'Esprit-Saint qui ne
sont communiqués que dans l'intelligence. Prends garde de ne
rien cacher de ce qui se passe en toi, à droite ou à gauche (3) dans
la veille de l'office, à celui à qui est confiée la conduite de ton
âme. »
(1) Il passe de ropéi'atioii du corps à celle de Tàme, et de celle-ci à celle de l'esprit.
(i) MehabHana, <■ louangeur », qui chante des cantiques de louani^e. —Le mot
n'est pas dans les lexiques.
(3) Tout ce que tu ressens de bon ou de mauvais.
410 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
De la lecture. — « Par la lecture des Livres saints, les pensées
sont recueillies des divagations inutiles et l'intelligence est ai-
guisée de tous points. Par cette lecture, ainsi que je l'ai dit
plus haut (1), Dieu parle avec toi; il te montre la route de
ton salut ; sans elle, l'office n'est pas sanctifié par le recueille-
ment des pensées, la veille ne brille pas par la vigilance de
l'intelligence. »
« Applique-toi, mon fils, attentivement et assidûment à la
lecture, afin que Dieu y parle avec toi face à face, sans aucun
organe. Garde-toi de la lecture qui enseigne quelque science
mondaine et philosophique ou quelque étude, ou les choses qui
procurent la vaine gloire. Vain est le labeur d'une telle lecture;
bien plus, il est même pernicieux pour le travail du solitaire.
Lis les livres qui conviennent à ton degré de perfection, pour y
apprendre à te conduire et savoir comment tu pourras marcher
dans la voie aplanie et tracée, vers la demeure qui est le but de
ton travail. »
De la prière. — « La prière est le souvenir continuel de Dieu
et la méditation de sa gloire et de sa providence admirable et
sublime. Parler de la prière est une grande chose, inaccessible
à la science de ceux qui la comprennent matériellement, car elle
doit être pratiquée avec le corps, avec l'âme et avec l'esprit. »
« Elle est pratiquée corporellement quand on prie dans
l'état (2) inférieur de la prière : dans cet état le frère la pra-
tique matériellement, soit dans le souvenir de Dieu, soit dans
la méditation de sa Providence, soit dans les génuflexions pro-
longées, soit en toute autre chose que le frère accomplit pour
Dieu; car tout ce que l'homme fait pour Dieu avec une inten-
tion droite est considéré comme une prière et l'est réellement,
ainsi que l'enseigne l'Interprète (3) quand il dit : « Toute chose
« qui porte en elle le souvenir de Dieu est considérée devant
« Dieu comme une prière. »
« La prière de l'âme est celle qu'accomplit dans l'état réel
d'oraison celui que la grâce en a rendu digne. L'homme cor-
porel ne peut comprendre le discours sur ce sujet. »
« On prie dans l'âme et dans l'intelligence alors que tous les
(1) Cfr. ci-dessus, p. 303.
(2) Littéralement ; « dans un lieu ».
(3) Théodoi-e de Mopsuesto.
VIE DU MOINE RAIJBAN YOUSSEF I50USNAVA 111
sens et les facultés du corps sont calmés. On ne prie point avxîc
la bouche, on ne psalmodie point avec la langue, (jui connaît
cela? Qui comprend cela? Celui-là comprend bien ce que je dis,
qui est arrivé à ce saint état et y a offert des sacrifices de prière
au Dieu vivant. »
« La prière spirituelle est celle qui se fait dans l'état supérieur
à l'état de la prière et qui ne s'accomplit ni dans les sens de
l'âme, ni dans les facultés de rintelligence, mais dans le lan-
gage de l'esprit, image de Dieu. Mais de nouveau, qui comprend
cela? Qui y ajoutera foi? »
« Que le Christ nous rende dignes par ses miséricordes de
prier dans le lieu glorieux de sa divinité. Amen! »
Des pénitences et des génuflexions. — « Les inclinations
et les extensions [des bras] pendant l'office, les génuflexions
prolongées durant la prière, acquièrent au moine l'humilité de
l'esprit et l'abaissement, la chaleur du cœur, la purgation du
corps, l'ardeur de l'âme, la ferveur des pensées, pendant la sta-
tion continue de l'office en présence de Dieu. — En effet, sans
les pénitences : inclinations, extensions des bras, génuflexions,
l'office du frère est vulgaire, froid, languissant, de même que
les prières qui s'y rencontrent. »
« Adonne-toi donc à ces choses, mon fils, de toute ta force,
en toute vigueur, ardemment et courageusement, afin que ton
oblation soit acceptable devant Dieu. »
De f humilité, de la mansuétude, de la bénignité, du mé-
pris de soi-même. — « L'humilité est le vêtement (1) du Christ
Notre-Seigneur. Sans elle tout le labeur du moine est vain,
alors même qu'il serait rempli d'œuvres excellentes. Toutes
les œuvres vertueuses ne sont point vertueuses sans l'humilité;
car c'est elle qui fait vertueuses les œuvres vertueuses; bien
plus, les œuvres vertueuses, le silence louable, dis-je, le jeûne
qui sanctifie, les oraisons, les offices et le reste des bonnes œu-
vres qui ne sont pas accomplies par humilité ou avec humilité,
se trouvent vains, nuisibles, pernicieux, et contraires à la
pratique des vertus. Dans l'humilité, même sans bonnes œuvres,
se trouve toute la vertu. C'est le sel de toute l'œuvre de vie;
sans sel le goût de toute chose est fade et insipide. Il serait
(1) SToXr..
412 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
trop long de parler d'elle et de ses différents modes, et je me
réserve de le faire lorsque, avec l'aide de Dieu, le discours trai-
tera des différents degrés. »
« La mansuétude est la fille de l'humilité. »
« La bénignité est la principale forme du sage Créateur, notre
Dieu adorable; car celui dont lecommerce est agréable est l'imi-
tateur de Dieu, comme celui qui est plein de mansuétude dans
sa conduite est l'imitateur du Christ Notre-Seigneur. »
« Le mépris de soi-même est fils de la science parfaite qui fait
connaître à l'homme qu'il est faible, et qu'il n'est bon à rien sans
le secours divin. Celui qui possède le mépris de soi-même dans
toute sa conduite ne peut être troublé dans sa constance par
l'orgueil. »
« Vois, mon fils; embrasse l'humilité; humilie-toi toi-même
et Dieu t'élèvera au-dessus de tes ennemis ; sois doux et tu héri-
teras de la terre de promission; acquiers l'aménité et tu trou-
veras le Christ au-devant de toi ; méprise-toi pour ne pas t'é-
lever et tomber aux mains de ceux qui haïssent en vain (1). »
De la pauvreté. — « La pauvreté est l'instrument de triomphe
de cette œuvre du monachisme. Le silence régulier et les œu-
vres qui s'y font ne sont rien sans la pauvreté. Je ne parle pas
seulement du dépouillement des objets matériels sans distinction ,
mais aussi des pensées avides. Il y en a qui sont pauvres, qui ne
possèdent absolument rien, et qui ne sont pas dépouillés de leurs
pensées; bien plus, s'il était possible d'acquérir tout l'univers,
ils y songeraient et y penseraient. Et il en est au contraire qui
n'étant pas privés des choses de ce monde, ont renoncé en esprit
à l'amour de l'argent et à toutes les convoitises. »
« Mon fils, dépouille-toi de toutes les choses superflues, et
même des pensées de cupidité, afin d'être robuste et de triom-
pher dans ta vie de silence. »
De la miséricorde. — « La miséricorde est l'image de Dieu,
et l'homme miséricordieux est, en vérité, un Dieu habitant sur
la terre. De même que Dieu est miséricordieux pour tous, sans
distinction aucune, de même, l'homme miséricordieux répand
ses bienfaits sur tous également.
« Mon fils, sois miséricordieux et répands des bienfaits sur
(1) en-, l's. XXV, 19.
VIK DU .MOINE RABHAN VOUSSEF 150LSNAVA 413
tous, afin de f élever au degré de la divinité : car, comme je l'ai
dit, rhomme miséricordieux est un autre Dieu sur la terre.
Prends garde de te laisser séduire par cette pensée qui pourrait
te sourire : « Il vaut mieux que je sois miséricordieux pour
« celui qui est attaché à la foi que pour celui qui nous est étran-
« ger. » Ce n'est point là la miséricorde parfaite imitant Dieu qui
répand ses bienfaits sur tous, sans jalousie, « qui fait égale-
« ment luire son soleil et descendre sa pluie sur les bons et sur
« les méchants (1). »
« La miséricorde ne mérite pas d'être louée seulement à cause
de l'abondance des bienfaits, mais bien quand elle procède d'une
pensée droite et miséricordieuse. Il y en a qui donnent et dis-
tribuent beaucoup, et qui ne sont point réputés miséricordieux
devant Dieu; et il y en a qui n'ont rien, qui ne possèdent rien
et qui ont pitié de tous dans leur cœur : ceux-ci sont considérés
devant Dieu comme de parfaits miséricordieux, et ils le sont en
effet. Ne dis donc point : « Je n'ai rien pour donner aux pau-
« vres »; et ne t'afflige pas intérieurement de ne pouvoirà cause
de cela être miséricordieux. Si tu as quelque chose, donne de
ce que tu as ; si tu n'as rien, donne, ne fût-ce seulement qu'un
morceau de pain sec, avec une intention vraiment miséricor-
dieuse, et cela sera considéré devant Dieu comme la miséri-
corde parfaite. Notre-Seigneur n'a pas tant loué ceux qui je-
taient beaucoup dans le tronc des offrandes , qu'il a loué la
veuve pour y avoir mis deux oboles qu'elle avait prises de son
indigence, avec une pensée droite, pour les jeter dans le trésor
de Dieu (2). L'homme qui dans son cœur a pitié de ses sembla-
bles est réputé miséricordieux devant Dieu. Une intention droite
sans effet vaut mieux que beaucoup d'œuvres apparentes sans
intention droite. Donc l'homme peut être miséricordieux et ac-
quérir la miséricorde alors même qu'il ne possède rien : c'est-
à-dire qu'il est miséricordieux en pensées. »
De la charité. — « La charité c'est Dieu (3) ; car son essence
est amour, et son amour est son essence même. Par son amour,
notre Créateur a été poussé à produire notre création. L'homme
(1) Matth., V, 45.
(2) Luc, xxi, 2-4.
(3) I Jolian., IV, 8.
414 REVUE DE l'orient CHRETIEN -
qui possède la charité : c'est vraiment Dieu au milieu des
hommes.
Vois, mon fils; applique-toi de toute ton âme à acquérir l'a-
mour des hommes, dans lequel et par lequel tu t'élèveras
à l'amour de Dieu qui est la fin de toutes les fins. Vains sont
tous les labeurs qui ne sont pas accomplis dans la charité.
Toutes les bonnes œuvres et tous les labeurs conduisent l'homme
jusqu'à la porte du palais royal : c'est l'amour qui nous y fait
demeurer et nous fait reposer sur le sein du Christ. — Mon fils,
que ton amour ne soit pas partagé, divisé, intéressé; mais dif-
fus en vue de Dieu, désintéressé. Le Christ te donnera la science
pour comprendre le mystère de cette parole. Aime tous les
hommes comme toi-même; bien mieux, aime ton frère plus que
toi-même ; ne recherche pas seulement ce qui te convient, mais
ce qui est utile à ton frère. Méprise-toi toi-même pour l'amour
de ton prochain, afin que le Christ soit miséricordieux envers
toi et te fasse le cohéritier de son amour. Prends bien garde, mon
fils, de ne pas mépriser cela. Car Dieu, le premier, nous a aimés
et il a livré pour nous son Fils à la mort. « Dieu a tellement
« aimé le monde qu'il a livré son Fils unique à la mort pour lui, »
a dit [l'ApôtreJ véridique (1). — Celui qui marche dans ce sentier
de l'amour, grâce à son labeur, arrivera promptement à la de-
meure qui est le but de ses efforts. — Ne pense pas, mon fils, que
l'homme puisse acquérir l'amour de Dieu, qui nous est donné
par sa grâce, avant d'aimer ses frères selon la chair. »
Des vertus. — « Sache, mon fils, que toutes les vertus de cette
œuvre du monachisme sont reliées l'une à l'autre, comme une
chaîne, et toutes à la science. La petite est liée à la grande et
celle-ci à la petite, toutes à chacune et chacune à toutes. Veille
donc, mon fils, à ce que la chaîne de tes vertus ne soit pas brisée.
Fais attention à celle qui te paraîtrait de moindre importance
et ne la néglige point, de peur que par celle-là toutes les autres
ne soient confondues. — Tout le monachisme réside dans la
science, et celui qui s'y applique avec la science sera son propre
maître dans toutes ses actions, mais toute l'œuvre de celui qui
travaille sans la science est vaine, alors même qu'il aurait tous
les sages pour directeurs. La science est le flambeau, la lumière
(1) Jolian., 111, 10.
VIE DU MOINK riAHUAN VOUSSEF B0U8.\AV\ 415
de l'âme, grâce à laquelle celle-ci marche droit sans rencontrer
d'obtacle. L'ignorance : c'est Tobscurittî ténébreuseetle shcôl qui
torture. 11 y en a qui mangent dans la science et qui sont réputés
jeûneurs; tandis qued'autresjeùnentdans l'ignorance etsontcon-
sidérés comme des intempérants, et le sont réellement. Il y en a
qui gardent lesilence et qui sont disputeurs, et il y ena qui parlent
et sont silencieux; tel prie, récite l'office, psalmodie, et se trouve
néanmoins en opposition avec Dieu, et tel qui garde le silence,
apaise Dieu par les sacrilices intérieurs (Ij qu'il lui offre en
secret. 11 en est ainsi dans toute cette conduite spirituelle. »
« Mais, vois, mon fils; marche dans la science, dans toute ta
conduite; dispose d'après elle toutes tes actions, afin de marcher
droit dans cette voie spirituelle, grâce à sa lumière directrice.
Elle te conduira au sommet des cieux, ce lieu où est entré d'a-
bord le principe de notre vie, et là tu seras seigneur, roi, prince,
fils , héritier et cohéritier de Jésus-Christ Notre-Seigneur et
notre Dieu. »
J.-B. Chabot.
{A suivre.)
(1) Littéralement : « des sacrifices du cceiir ■■.
L'ORDINAL COPTE
{Suite) (1)
CONSÉCRATION D'UN ÉVÈQUE
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(1) Voy. vol. III, p. 31, I9I,282,4i5; vol. IV, p. 104.
CONSÉCRATION h US ÉVKQUK. 417
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ORIENT CHRÉTIEN. 29
418 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
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CONSÉCRATION d'iJN KVKQUE. 419
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420 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
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UTe ilipujui. 0V02 eTcroTcreT [eTcroe] iiiueuT ueu
uicTAtoT. ctoTeu epou eBOA2iTeii ua^ai ine ueKueT-
jyeueuT. 0V02 Api KASApï.iii iiuoii eBOA2A o"t(j(reu iiiBeu
UTe 'fcAps lieu uiuiiA.
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ni2UOT UTe neKuoiioreiiHc u^ijupi xieu -f-eiiepriA lire
niniiA eeoTAB. UApeii ^coni eiioi u2tkauoc utaiaiako-
iiiA irre taiaiabuku uBepi. eiiiA UTeu^xeuxou jjeiioT
un^A eqAijiA ueKpAii eeovAB. eiioei epATeii oto2
eu^eu^i iieueTOTUB iiTe iieKuvcTupioii iiiiovi^. ovo2
uneiiopeii^toni eiioi ii;yc|)Hpi eeAiiiioBi ii^eiiiio. aaaa
cujAa: iiiiueTeiiovii.
ovo? UHIG iiAU ueiuiuB e^^feuipi min eTpAKi. aaaa
CONSKCRATIOX d'UN ÉVKQUE. 421
apieiioT iicvii iiovriicocK; ooptiii.xco miih C;TO(iUii''JA
OVO? eAK,"J(OII (SpOK (;I)()VII llf U(;TAp\IH:|>(]V(; ()V()2
6T:XC0K (iliOA. IIIKIKIUOK (JTOei (ipATC) llllcVIIIA. OVO?
eqxoTiyT eiiOAJ)A leii irr(;KA(()p(;A iioiio'.'pAiiioii.
2C6 UeOK OV\pC C]IIA^'J(3 ll(;KIIAI IIO'/OII llir>(;ll (iTT(t)B2
ULIOK. 0V02 eC|3:op ïlXti IIGKAUA?! HOU IIOKUOIIOreilHC
ii."jHpi II6II iimiiA eBO'iWii. +ii()v lieu iighov iiinoii
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iieiiito^- Teii-feo epoK ncrc ctoTeu epoii ovoe mai iiau
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422 REVUE DE L ORIENT CHRETIEN.
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Aq:yaini uxg UAi-feo iiTo-fK ncrc. cl^-f uTe utoov. Teu-
"feo epoK ncrc ctoreu epou ovoe iiai uau.
TRADUCTION
Pour la consécration d*un évèque et l'ordre de son ordination.
Après que, sa vie étant convenable, on l'aura choisi parmi tout le peu-
ple selon la volonté du Saint Esprit, étant irrépréhensible, savant, inno-
cent, doux, renommé, sûr, vigilant, n'étant pas avare, mais ami des pau-
vres, bien versé dans la connaissance des p]critures , éloigné de ce monde,
prêt aux bonnes œuvres , de façon à l'établir dans l'ordre de Dieu Très-
Haut, bon; sa femme iVétant pas là , qu'ils ne Vinterrogent pas aussi sur fn
femme qu'il a eue en mariage (1); que tout le clergé et le peuple ensemble
témoignent à son égard, qu'ils écrivent 'leur sentence et l'envoient à l'ar-
chevêque et aux fidèles d'entre le clergé et d'entre le peuple.
Que le diacre serve au prêtre ; qu'on le fasse participer aux mystères .
et que le pape (2) communique avec lui. Que son appel (3) ait lieu le jour du
Seigneur, les évêques et le clergé étant convoqués selon le Canon ; après
la veille, la psalmodie, la doxologie et (la lecture de) l'Évangile, que l'on
commence la Synaxe, qu'on expose V Action et qu'on loue le Fils unique
dans la Trinité ; ensuite que l'archevêque s'assoie sur son trône avec les
évêques.
Que l'archidiacre reçoive la sentence, qu'il s'incline devant l'escabeau
des pieds du pape et remette la sentence entre ses mains; qu'il (le jjape)
prenne la sentence et qu'il interroge à son égard, disant : « Vous avez
conduit celui-ci? » et qu'ils répondent avec soumission : « Oui. Seigneur. »
Que le pape alors la (la sentence) remette à l'un des diacres , et qu'on la
lise devant tout le peuple et que, pendant ce temps, l'ordinand tienne la
tête inclinée.
Décret de l'évêque :
Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, Trinité con-
substantielle, incompréhensible, nous proposons à l'iieureux,
orthodoxe illuminateur et père de tous les peuples;
(1) Passage très obscur.
(2) Le nom rwrWi pap^^ père, a été donné pondant assez longtemps aux simples
évêques. C'est dans ce sens qu'il faut le prendre ici.
(3) A la place de neq:xllJHa)2eu il l^^ut peut-être mettre neît|:i:ill-
Qt02C = sa consécration.
424 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
Père des pères et chef de tous les chefs du Christ, Père de
tous, le saint Patriarche qui est digne du trône de Marc
rÉvangéliste, celui qui eut la vraie science qu'il annonça dans
tout l'univers, pour la force et le salut des âmes.
Nous autres en effet nous avons besoin de la grâce de tes
prières choisies , car nous sommes tes pauvres serviteurs ; elle
est active et seule elle peut d'une langue de boue faire une
partie (un instrument) de tes vertus heureuses, qu'annonça le
premier, dans la plantation et la force de la catholique et apos-
tolique Église, notre saint Père, Marc l'Évangéliste; à cause
de la venue de son véritable Époux, Le Fils unique, Jésus-
Christ, notre Sauveur, qui est parfait et qui a accompli toutes
les œuvres qu'il avait reçues du ciel; Dieu, qui scrute les cœurs
et donne la force à ses serviteurs, qu'il a achetés par son sang
glorieux; choisissant pour le bonheur de notre patrie, dans
la charité, sur le trône orthodoxe, les pasteurs des agneaux
raisonnables; qui est sur le trône apostolique, à cause duquel
il nous a choisi un Père saint et pur.
Maintenant nous supplions (?) avec des oreilles pures de
toute souillure et de tout scandale de toute la terre et un cœur
innocent, dans le travail de l'état d'orphelins, qui nous est
arrivé à cause de nos péchés ; qu'a fait cesser notre bienheureux
Père l'évêque, qui l'a vu dans la manifestation de sa droite
sagesse et de ses commandements lesquels conduisent à Dieu.
Et font passer du milieu de nous à la demeure du repos par
Celui qui lui a dit : « Viens, bon et fidèle serviteur, enti;e dans
la joie de ton Seigneur. » L'Église (l) est un troupeau sans pas-
teur. Notre assemblée s'est réunie et a entretenu le peuple de
cette cause.
Prions la Trinité sainte, parfaite, avec un cœur pur et une
foi droite; et qu'EUe nous manifeste tout serviteur de Dieu,
prêtre et moine de tout monastère, qui puisse être utile comme
évêque de cette ville.
Que sa vie soit pleine de vertus, que ce soit un homme pieux,
pur de ce monde, aimant les étrangers, instruit, méprisant le
monde, prompt à écouter l'Évangile de vérité; et pour celui qui
est ainsi, nous nous inclinons à tes pieds et te prions de nous le
(1) Notre Église, ou rÉylise dont on consacre l'évêque.
coNSKCRATiox d'ux évêque. 425
donner pour évrque, et pour pasteur, pour qu'il redresse les
méchants dans la sainte Eglise, et qu'il procure le salut des
âmes, et qu'il nous conduise dans la miséricorde et la com-
passion.
Et vivons (?) avec vigilance dans la prière sainte et pure;
demandons à Notre-Seigneur Jésus-Christ, notre Sauveur, de
vouloir bien te conserver dans sa sainte Église, pour un grand
nombre d'années, ô notre Saint-Père, le Patriarche, Ministre
parfait de Dieu.
Et qu'il te prête son concours dans toutes tes œuvres, par
notre invocation et celle de notre peuple : Seigneur, ayez pitié
de nous.
Que Tarchidiacre fasse cette allocution (1) :
La ville qui aime Jésus-Christ et écoute sa loi, qui aime aussi
son père, elle n'est pas désolée par sa condition d'orpheline,
mais elle a convoqué l'assemblée pour chercher un père sans
tarder et avec diligence; on a frappé et l'on a cherché pour
trouver un pasteur qui puisse nous conduire dans une bonne
vie.
On a prié Dieu dans l'abstinence et il a montré un ministre
parfait entre tous les prêtres et les moines de tout monastère ;
voici donc que moi je vous l'ai envoyé avec les prêtres et les
clercs, ayant avec lui la forme de son ordination, selon que
vous avez demandé de le faire votre évêque et notre pasteur et
lui faire gouverner la sainte Église. Car le clergé et le peuple
lui ont rendu témoignage. Voici donc que nous recevons votre
prière, car nous avons vu ce peuple si nombreux crier pour
réclamer sa présence (?)
Nous aussi, nos chers et bien-aimés, nous prions et sup-
plions pour le don de la grande force, qui est dans tous les
humbles, afin que le don du Saint-Esprit abonde en lui, par la
grâce céleste, en disant avec notre peuple : Seigneur, ayez
pitié de nous.
Après cela, que Tarchevèque et les évèques descendent du trône et se
tiennent sur Tautel ; qu'ils conduisent l'ordinand incliné sur Tautel devant
(1) Parle ainsi.
426 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
rarchevêque, tout le monde se tenant dans la crainte et le silence, priant
en esprit et avec piété.
Que le pape offre (un sacrifice d')agréable odeur, qu'il dise la prière de
bonne odeur, et qu'il y joigne cette prière, étant tourné vers l'orient, et
l'ordinand étant de nouveau incliné sur les degrés :
Seigneur, Dieu de puissance, qui nous a introduits dans le
clergé de ce ministère, qui est présent à l'intelligence des
hommes, et pénètre les cœurs et les reins, écoute-nous à cause
de ta grande miséricorde, et purifie-nous de toute souillure de
la chair et de l'esprit.
Dissipe le nuage de nos péchés et de nos iniquités comme du
brouillard; remplis-nous de ta force divine et de la grâce de ton
Fils unique, et de l'énergie de ton Saint-Esprit; puissions-nous
parvenir au degré de ce ministère du Nouveau Testament,
afin que nous soyons dignes de porter ton saint nom, d'être
présents et de servir au sacerdoce de tes divins mystères; et
que nous ne participions pas aux péchés des autres, mais efface
les nôtres.
Puisque Tu es bon, que ta miséricorde soit accordée à qui-
conque Te prie; puissante est ta force ainsi que celle de ton Fils
unique et du Saint-Esprit, à présent, dans tous les temps et
dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.
Que les évoques s'assemblent autour de lui au moment de l'appel; que
l'archidiacre dise ces prières en présence de l'appelé :
Disons tous cette prière dans l'abstinence :
Seigneur, ayez pitié de 7ious.
Dieu tout-puissant, qui est dans le ciel, Dieu de nos pères,
nous te prions. Seigneur, exauce-nous et aie pitié de nous;
Seigneur, ayez pitié de nous.
Prions pour la paix de l'Église, une, catholique et apostolique,
et pour le salut des peuples. — Seigneur, exauce-nous et aie
pitié de nous;
Seigneur, ayez pitié de nous.
Prions pour la vie, la force et la santé (1) de notre père, le
(I) Sorait-ce une réminiscence de la formule dont les anciens Égyptiens fai-
saient suivre le nom du pharaon dans les protocoles, Vie, santé, force, ônkhou
ouzai, sonboii?
CONSÉCRATION d'UN KVKQUE. 427
Patriarche et T Archevêque, et pour le reste des évêques ortlio-
doxes et pour le clergé et pour le peuple chrétien. — Exauce-
nous, Seigneur, et aie pitié de nous;
Seigneur, ayez pitié de nous.
Prions pour la rémission de nos péchés et de nos prévarica-
tions, afin que Dieu nous délivre de nos tribulations, de la
colère , des dangers et des tentations , et de la révolte des enne-
mis. Nous te prions, Seigneur, exauce-nous et aie pitié de nous ;
Seigneur, ayez pitié de nous.
Dieu, sauve ton peuple; bénis ton héritage; visite le monde
dans la miséricorde et la compassion; exalte le chef des chré-
tiens par la force de la croix de Celui qui vivifie; oublie nos
iniquités; dirige les œuvres de nos mains; exauce la prière de
ton peuple, par l'intermédiaire de Notre-Dame (1) la Mère de Dieu
et la sainte Vierge, Marie, et avec les prières de notre bien-
heureux Père, Marc Tapôtre , et du chœur de tes saints. Oui ,
Seigneur, exauce-nous, nous te prions, car la miséricorde vient
de Toi;
Seigneur, ayez pitié de nous.
Nous te prions d'envoyer ton Saint-Esprit sur cet élu, ton
ministre, pour lequel nous t'avons adressé cette prière, Sei-
gneur, Dieu de gloire. Nous te prions. Seigneur, exauce-nous
et aie pitié de nous.
(1) Le mot copte est (p = Domina, intraduisible en français.
(A suivre.)
D"' V. Ermoni.
PROTESTANTISME ET CATHOLICISME
CHEZ LE PEUPLE NESTORIEN
UNE REVUE NÉO-SYRIAQUE A OURMIAH (PERSE)
On a dit que les Orientaux ont trop d'attachement à leurs
traditions pour qu'ils se décident jamais à aller sincèrement
au protestantisme. Une telle opinion, qui accuse, nous en
convenons, chez ceux qui l'émettent, une connaissance plus
que superficielle du caractère oriental, ne semble pas toutefois
suffisamment confirmée par les faits. C'est même assez mal
connaître les moyens mis en avant par les représentants du
Libre examen, pour attirer aux idées luthériennes le bon peuple
oriental et plus particulièrement le peuple chaldéen ou nesto-
rien, que d'admettre comme absolument inébranlable cet es-
prit de vénération qui caractérise les Orientaux pour tout ce
qu'ils tiennent de leurs Pères. Notre passion pour notre passé
religieux n'a pas toujours su résister à cette autre passion venue
de l'autre côté de l'Océan. Aussi ceux qui nous sont sympa-
thiques changeront-ils leur appréciation flatteuse pour notre
ténacité longtemps invincible, sur le terrain religieux, en un
sentiment de pitié, lorsqu'ils se rendront compte des procédés
habilement pratiqués par des Révérends d'Amérique pour
dompter la résistance qu'oppose le peuple Nestorien aux avances
du protestantisme. Ces procédés n'ont malheureusement que
trop bien réussi et aujourd'hui ce serait argumenter contre la
réalité que de ne vouloir pas admettre l'enracinement définitif
de la doctrine luthérienne parmi le peuple chaldéen. Montrer
d'une manière imparfaite mais impartiale la tactique employée
PROTESTANTISMK ET GATIIULKJIS.ME. 429
par les Méthodistes américains pour gagner du terrain en
Orient, particulièrement en Perse et dans le Kurdistan, dire un
mot sur le rôle de la mission catholique à Ourmiah depuis plus
de 50 ans, c'est tout le but de ces lignes.
Il y eut un commencement de protestantisme chez nous à
Ourmiah (Perse) en 1835. Ce commencement, ou plutôt cette
tentative se heurtant à notre grand amour pour la tradition
eût pu certainement rester stérile si elle eût été faite, je ne dis
pas brutalement, mais d'une façon simple et loyale. Les pro-
cédés plus ou moins perfides dont se servent certains peuples
pour s'implanter chez les autres tant pour assouvir leurs con-
voitises politiques que pour satisfaire leur passion confession-
nelle, se parent souvent de noms qui incitent à s'incliner : ils
s'appellent habileté, diplomatie, finesse, quand ils ne poussent
pas l'indiscrétion jusqu'aux mots de civilisation, de science,
de progrès. C'est surtout grâce à ce genre de passe-partout
que les Américains sont parvenus à ouvrir les portes que l'on
eût crues à jamais fermées pour eux.
(c Vous êtes l'une des nations les plus anciennes et les plus
nobles de la terre, nous ont-ils dit tout d'abord; mais comme de-
puis des siècles vous subissez le joug humiliant de vos conqué-
rants, vous avez fini par oublier les qualités qui ont fait pen-
dant des siècles la gloire de vos ancêtres. Nous venons, nous
qui sommes vos frères en Jésus, vous relever de l'ignorance
dans laquelle vous avez été entraînés comme malgré vous. Avec
l'appui matériel destiné à vous instruire et, au besoin, à sou-
lager vos pauvres, nous vous apportons l'affection du Christ
et la lumière de son Évangile. D'autre part, vous avez une
langue ancienne qui a laissé une assez riche littérature et un
dialecte dérivé de cette même langue que vous ne devez pas,
non plus, dédaigner, si vous ne voulez pas la perdre. Nous vous
ferons cultiver l'une et l'autre : la première vous communiquera
la science de vos Pères, la seconde, la langue vulgaire, vous
vous en servirez — en la travaillant et l'enrichissant — pour
430 REVUE DE l'orient CHRETIEN.
VOUS initier à la science et aux progrès modernes. Nous vou-
lons vous rendre l'existence moins dure matériellement et
moins stérile moralement. Pour atteindre ce but, nous savons
parfaitement ce qu'il y a à faire, pourvu que vous vouliez bien
vous-mêmes nous aider dans cette tâche, qui n'est autre que le
relèvement de votre peuple. Nous sommes un peuple plus jeune
que vous, il est vrai, mais d'après ce que nous comptons faire
pour vous, vous jugerez si nous sommes jeunes en expérience
et en progrès. Nous allons fonder une école normale d'où sorti-
ront des maîtres d'école pour tous vos villages. Dans la suite
nous ouvrirons une imprimerie pour publier des livres en votre
langue et nous nous imposerons même le sacrifice de fonder un
journal en votre dialecte, qui vous donnera des nouvelles de
tous les coins de l'univers. En un mot, nous ferons les choses
avec méthode, habileté et suite. »
Ce ne sont pas là — nous prions le lecteur de le croire —
des mots lancés au hasard par l'imagination fantaisiste d'un
Oriental : c'est l'impression exacte qu'a produite une fréquente
lecture d'articles signés par les missionnaires du Nouveau
Monde ou rédigés sous leur direction. Nous pouvons donc dire
que tel fut, sinon le texte, du moins l'esprit du programme ou
plutôt du premier prêche que les susnommés missionnaires
firent entendre en 1835 aux oreilles d'un peuple ignorant, mais
essentiellement méfiant et conservateur sur le terrain religieux,
un peuple qui avait besoin de tout, excepté de la réforme dans sa
Foi. Civiliser! protéger! défendre! fut-il jamais perspective plus
riante? Et pourtant ce langage de charmeurs ne fit pas miracle
tout d'abord : eût-on donné des leçons de magie aux jMages?
Aussi malgré l'étalage de tant de généreuses idées, malgré l'ap-
parence d'une conception aussi noble et aussi élevée d'huma-
nité, la ténacité des Chaldéens se joua-t-elle de la finesse amé-
ricaine pendant plus de dix ans. Les conversions furent rares,
si rares que c'est onze ans après leur arrivée, c'est-à-dire en
1846 seulement, qu'ils constatent un réveil dans le peuple
syrien, pour employer leurs propres termes. N'allez pas croire,
du reste, que ce réveil, qui est un véritable abus de terme, soit
le mouvement d'une foule en marche pour la Réforme. Après
avoir, pendant plus de dix ans, semé l'or à pleines mains, ces
missionnaires se consolent en citant quelques cas isolés de con-
PUOTESTANTISAir; ICT CATHOLICISME. 431
versions : aujourd'hui, c'est un élève qui se déclare protestant ;
demain, c'est un pauvre prêtre nestorien qui consent à renoncer
aux vieux 'préjugés de ses pères. Tantôt, c'est un groupe de
jeunes filles qui entonne des chants spirituels ; tantôt c'est un
de leurs domestiques qui se seul remué par /'Esprit Saint.
Comme on le voit, les premières poignées de ce grain apporté de
l'autre côté de l'Océan n'attirèrent vers le temple de la Réforme
que quelques oiseaux naïfs. La majorité du peuple, tout en ne
dédaignant pas à l'occasion les offres matérielles de ces nou-
veaux évangélisateurs, persévéra dans sa fidélité à la tradition
religieuse remontant à saint Thomas, à Mar Adaï et à Mar Mari,
évangélisateurs des descendants des Assyriens. Cependant, de-
vant ce maigre résultat, les Américains ne montrèrent ni moins
de courage, ni moins de ténacité ; ils redoublèrent plutôt leurs
efforts, comprenant qu'avec du temps, de la patience et, au be-
soin, de l'astuce même, ils atteindraient leur but. Le bon grain
sera représenté, suivant les besoins de la cause, tantôt par la
parole de l'Évangile, tantôt par le bel or. Si les missionnaires
papistes leur font une concurrence trop désastreuse sur le ter-
rain dogmatique, ils auront recours à la calomnie pour abaisser
leur crédit et, vis-à-vis du peuple nestorien, ils se montreront très
modérés sur les questions relatives aux dogmes. Ils savent que
l'exposition franche et sincère de leurs doctrines amènera la
fermeture de leur temple et ils se montrent alors tacticiens
émérites et diplomates habiles. Si les vieux nestoriens ont la
tête trop dure, ils les laisseront tranquilles dans leurs opinions
religieuses tout en s'intéressant à leur condition matérielle. Ce
procédé d'apparence désintéressée leur permettra au moins de
garnir leurs écoles de petits nestoriens auxquels il leur sera
très facile d'inculquer leurs idées religieuses. « Si le père, en
matière de religion, se montre indifférent à notre égard, pen-
sèrent-ils, le fils sera sympathique et le petit-fils se dira bel et
bien protestant comme nous. Pour en arriver là, nous aurons
fait d'immenses sacrifices, mais nous aurons la joie de nous en-
raciner parmi ce peuple qui, sans nous, est destiné à tomber
tôt ou tard dans le giron de l'Église papiste. » Ainsi ils dirent,
ainsi ils firent. La suite nous montre que cette tactique leur
réussit pleinement. Arrivés en 1835, ils inaugurent l'impression
des livres néo-syriaques en 1840, sous la direction du Rév.
432 REVUE DE L ORIENT CHRETIEN.
Perkins, l'adversaire acharné des missionnaires Français (1).
En 1846, ils sont heureux de voir, çà et là, quelques conversions
et leur principale école est déjà ouverte sur les hauteurs du Syr
Dagh, au sud-ouest de la ville d'Ourmiah et à quelques pas de
l'église nestorienne de Mar Serguis. C'est de cette pépinière que
sortirent les premiers prêtres nestoriens ayant une certaine ins-
truction. En 1849, croyant enfin gagner à la cause luthérienne
une portion respectable de Chaldéens, ils fondent leur Rayons
de lumière, organe mensuel qui, malgré ses imperfections
littéraires, a puissamment contribué à consolider la religion
protestante au milieu d'un peuple qui, pour être conséquent
avec lui-même, n'aurait jamais dû sortir de ce dilemme : rester
nestorien ou revenir à l'unité catholique. Entre deux maux, il
eût pu choisir le moins dangereux. Le nestorianisme est, sans
doute, cent fois condamnable, mais, à défaut de catholicisme,
ou du moins puisque les représentants de la religion catholique
ne pouvaient lui offrir les mêmes attraits matériels que les
protestants, le peuple chaldéen eût cent fois mieux fait de de-
meurer ce qu'il était. Ce n'est pas nous qui contesterons les
avantages considérables qu'il a trouvés chez les Américains au
point de vue purement matériel et même, en partie, au point
de vue moral ; mais qui mieux que les innombrables martyrs
de ce peuple a prouvé au monde, pendant des siècles, la valeur
de la Foi intacte et le mépris des biens périssables de la terre?
En allant au protestantisme, les nestoriens ont fermé à leur
cœur autant qu'à leur esprit le grand livre de la Tradition,
tant de fois séculaire, de leurs Pères. Où est donc la gloire de ce
peuple dans l'Histoire du monde depuis qu'il ne compte plus
comme une nation indépendante et vivant par ses propres lois?
N'est-elle pas dans la constance avec laquelle il a su maintenir
au milieu d'innombrables persécutions l'intégrité de sa Foi?
N'est-ce pas cette Foi qui a inspire à ses ancêtres des hymnes
(1) On raconte qu'au moment où l'on allait tirer la pi-emière épreuve impri-
mée en chaldéen ou néo-syriaque, un enthousiasme indescriptible se produisit
dans la foule compacte qui, mi-crédule, mi-sceptique, attendait impatiemment
pour voir l'effet que « des petits bouts de plomb devaient produire sur le pa-
pier ». Plusieurs même, après avoir contemplé ce prodige, lancèrent leurs bon-
nets en l'air, en signe de joie, pendant que d'autres s'écriaient avec une sorte
d'extase, en levant leurs grands yeux au ciel : sukha Ishnmukh! sukka Isim-
mukh! (Louange à toi! louange à toi!)
PROTESTANTISME ET CATHOLICISME. 433
magnifiques concernant les principaux dogmes du Christia-
nisme? Les aspirations des pères, qui ont entonné ces hymnes
dans la plaine et sur les monts, en temps de paix comme aux
moments de terreur, en présence du Saint-Sacrement comme
devant le tribunal des tyrans, ne ressemblent guère, hélas! à
Taustérité plus souvent simulée que réelle des fils qui s'enfer-
ment dans un oratoire souvent même dénué d'une croix de bois,
pour y faire entendre des chants traduits de l'anglais, chants
dépourvus même de cette sentimentalité naturelle chez l'Orien-
tal, chants enfin où l'on reconnaîtrait à peine quelques tour-
nures propres au génie de notre langue.
II
Pendant que les protestants s'organisaient ainsi, que fai-
saient les missionnaires français arrivés à Ourmiah en 1840,
pour y propager le catholicisme? C'est ce que nous allons
essayer de rapporter en deux mots. Loin de nous la prétention
de nous donner comme les juges de ces hommes éminents
qui vont mourir au loin pour Dieu et pour l'extension de l'in-
fluence française. Cependant l'occasion ne nous permet pas de
nous taire sur leur rôle et cela d'autant que notre silence pour-
rait être traité de systématique. A l'honneur de la vérité, nous
devons dire que le résultat des missionnaires français ne
répondit pas toujours à leurs efforts. Ils avaient dix fois plus
de chance de réussir que les protestants tout en disposant de
presque dix fois moins de ressources que ceux-ci. Ils avaient
raison certes de dédaigner le masque cher à leurs adversaires
au point de vue purement religieux et d'exposer loyalement
les principes enseignés par l'Église romaine; mais leur erreur
s'est manifestée principalement dans trois choses : dans leur
façon de comprendre les intérêts matériels du peuple, dans
leur attitude en général vis-à-vis des indigènes, dans leur ma-
nière d'instruire la jeunesse. Expliquer brièvement mais clai-
rement ces trois points, qui ont toujours fait la véritable force
des protestants, parce qu'ils les ont compris autrement que les
catholiques, ce ne sera peut-être pas le dernier mot sur la
cause du peu de succès des missionnaires Lazaristes, mais la
ORIENT CHRÉTIEN. 3q
434 • REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
question sera, prétendons-nous, largement élucidée. L'auteur de
ces lignes, qui doit une éternelle reconnaissance aux mission-
naires Lazaristes et la plus grande vénération à la mémoire
de M^'' Clusel, n'a nullement l'intention de déprécier aujour-
d'hui le mérite et le dévouement de ses protecteurs et maîtres
d'hier. En se permettant quelques réflexions sur leurs efl"orts
en Orient, il n'écoute que la voix de sa conscience, et n'est
poussé que par le désir qu'il éprouve de voir le triomphe de la
vérité.
1° Nous avons dit : qu'ils se trompaient dans leur façon de
comprendre les intérêts matériels du peuple nestorien. Il ne
nous suffit pas de l'affirmer; essayons de le démontrer.
On prétend que c'est l'argent qui fait la force des mission-
naires protestants. C'est une assertion qui a sans doute sa
valeur, mais ce serait quand même se faire une grossière
illusion que d'attribuer à la seule puissance de l'or leur incon-
testable succès. Ces missionnaires ont certes l'or comme pre-
mier moteur, mais ce qui couronne leurs œuvres, ce n'est pas
encore tant le prix de l'argent dépensé, que le résultat d'efforts
incessants et d'esprit de suite dans tout ce qu'ils entrepren-
nent.
Leurs institutions ont été commencées avec calcul et habi-
leté; ils n'ont jamais songé à soulager les misères de tout un
peuple en bloc. Pendant que les Lazaristes excitaient l'admira-
tion en faisant la charité un peu partout, leurs concurrents em-
ployaient leurs ressources dans un but non moins charitable
et même d'une charité autrement profitable au peuple chaldéen :
ils fondaient des écoles sérieuses, payaient davantage leurs
maîtres d'école et encourageaient mieux dans l'étude et dans
la voie du progrès ceux de leurs adeptes qu'ils jugeaient des-
tinés à les aider plus tard dans l'exécution de leurs plans.
Ce ne sont pas là, encore une fois, des mots : nous savons de
source absolument sûre que des sommes considérables ont été
dépensées depuis plus de 50 ans par la mission lazariste d'Our-
miah pour aboutir à quoi? à n'avoir pas seulement dans tout
le pays d'Ourmiah une dizaine d'hommes ayant une instruc-
tion solide et une situation aisée à opposer à ceux qu'a formés
la mission protestante et qui depuis longtemps ont dépassé la
centaine. S'il est bon de dire que les protestants d'Ourmiah
PROTESTANTISME ET CATHOLICISME. 435
ont toujours disposé de plus de ressources que les catholiques,
il n'est ni moins bon ni moins juste d'ajouter qu'ils en ont
mieux fait profiter le peuple. M^'' Clusel, d'heureuse mémoire,
fut avant tout un apôtro de charité. Durant les trente années
qu'il resta à la tète de la mission, il n'eut rien de plus cher au
cœur que de secourir les malheureux et de soutenir les chré-
tiens dans les divans. Sa générosité accrut à un tel point son
influence, que les musulmans, et les juifs eux-mêmes accou-
raient lui porter leur tribut d'hommages. Il ne fut pas seule-
ment un archevêque populaire, le Mouc/uj Gullizar vénéré des
paysans. Il fut le digne représentant de la France pour le
nom de laquelle il travailla, dans sa modeste sphère, presque
autant que le grand cardinal Lavigerie en Afrique. Avec
lui le triomphe du catholicisme eût été définitif dans cette
région si à tant de qualités il s'était donné le temps d'ajouter
celle de fonder une institution durable. En admettant même
qu'avec un homme comme lui, qui réunissait toutes les qualités
susceptibles de charmer le caractère oriental, la charité seule
pût surmonter toutes les difficultés et se passer d'une organi-
sation semblable à celle des protestants, il eût au moins fallu
que le prélat fût immortel et que la charité elle-même ne fût
plus la fille ailée du ciel pouvant s'envoler, au gré des cœurs,
d'une région à l'autre. Malgré tout, la cause du cathohcisme
et l'influence française semblaient à leur apogée, quand dans
la nuit, nuit fatale entre toutes, du 15 au 16 août 1882, la
dernière heure de M^' Clusel sonna et sa belle âme, après
s'être tant de fois ouverte aux déshérités de la terre, fut pré-
cédée de sa charité pour gagner les portes du ciel. .
Nous n'oublierons jamais l'émotion profonde que causa h. cette
ville de 40.000 habitants la perte d'un personnage aussi illustre,
ni le souvenir des larmes abondantes versées sur son cercueil.
Ce n'est pas, du reste, dans un article de revue qu'il convien-
drait d'aborder la grande figure que fut W Clusel, mais envi-
sagée au point de vue où nous nous sommes placés, son action,
prodigieuse, certes, pour les débuts de la Mission, ne fut pas
suffisamment fécondée pour la suite. Il légua à la postérité
l'exemple de toutes les vertus, sans toutefois laisser une école
ou toute autre œuvre qui eût profité à l'avenir. Bref, tel un im-
mense incendie qui réunit en un clin d'œil aux éclats de ses
436 REVUE DE L ORIENT CHRETIEN.
tlammes les habitants d'une ville et les disperse aussitôt éteint,
le génie de M^'^Clusel, génie qui possédait au plus haut degré
le don d'attirer les cœurs, conquit à la foi catholique la sympa-
thie des masses; mais malheureusement cette sympathie ne
dura qu'autant que sur la terre des Mages rayonna le visage pa-
ternel de celui qui fut un vrai apôtre et un non moins vrai
Français !
2° Nous avons dit que V attitude des missionnaires Français
vis-à-vis des indigènes ne fat pas toujours à leur avantage.
Il y a eu presque toujours de la part des missionnaires une sorte
d'indifférence envers les indigènes en général et à l'égard des
nestoriens en particulier. Cette indifférence a eu un effet très
fâcheux pour le rapprochement entre catholiques et nestoriens.
Les protestants ont usé d'affection et de douceur pour former
leur troupeau. Leur finesse et leur habileté ont gagné le cœur
de ceux qui les suivent. Ils n'ont jamais marchandé leur pré-
sence parmi le peuple, ni leur contact direct avec les nestoriens.
Que de voyages dans les montagnes ! que de démarches auprès
des chefs nestoriens et même auprès de Mar Sim'on lui-même!
Et tout cela pour gagner du terrain et ralentir la tendance du
peuple vers le papisme. Que de bonnes manières ! que de man-
suétude de leur part à l'égard des parents du patriarche nesto-
rien (1)! autant de choses auxquelles nos missionnaires ne pren-
(1) On sait que, privilégiés au point de vue religieux, les membres de la famille
patriarcale nestorienne se considèrent même au point de vue purement civil
comme les plus nobles de la nation chaldéenne. Se donnant volontiers des noms
historiques célèbres, tels que Nemrod, Jessé, César etc., ils ne se comportent pas
sans une certaine dignité seigneuriale. Aussi, quelle que soit la valeur de leur
éducation et de leur culture intellectuelle, sont-ils regardés par la généralité des
Chaldéens comme les vrais représentants de la race issue des akkads et des su-
mers car si trop cruellement le poids des âges s'est fait sentir à notre antique
origine, si l'incessant mélange des peuples et des tribus n'a pas eu précisément pour
effet la conservation intacte du sang chaldéen, l'éternelle persécution — comme
compensation, sans doute, de l'écrasement du gros de notre race — nous a tout
de même laissé quelque chose : en pourchassant nos malheureux ancêtres jus-
qu'aux rochers chenus des hauteurs du Kurdistan, elle les a mis à même de
transmettre à leurs descendants, dans sa pureté relative, le sang de leurs ascen-
dants. Ce n'est donc pas sans quelque fierté que nous autres, enfants chétifs de la
plaine, nous regardons la stature et la belle prestance de nos congénères des
montagnes et tout particulièrement ceux de Qodjanos. Ilélas! malgré notre dé-
sorganisation religieuse, qui est la vraie cause de notre démoralisation natio-
nale, pouvons-nous contempler avec indifférence ces géants à l'allure martiale et
PROTESTANTISME ET CATHOLICISME. 437
nent guère garde. Ils comprennent certes le devoir qu'ils ont
de conserver leurs positions en soulageant leurs pauvres autant
qu'il leur est possible, en leur rappelant leurs obligations reli-
gieuses, mais là, et là seulement, se limite leur action. Selon
eux, le peuple nestorien est trop endurci dans ses préjugés reli-
gieux et dans son ignorance pour que d'autres efforts puissent
jamais modifier la situation. Bon pour les protestants d'ache-
ter des consciences nestoriennes; pour eux, ils n'accueilleront
que les abjurations spontanées et absolument désintéressées!
Est-il étonnant que devant une telle attitude, les nestoriens se
soient montrés plus sympathiques aux protestants qu'aux
noble, au visage doux et énergique, visage que couronne un front large et
loyal ?
Les protestants — nous leur rendons volontiers cette justice — n'ont manqué
aucune occasion pour couvrir d'adulations la famille patriarcale. C'est dans leur
infirmerie que le 21 janvier 1805 le frère de Mar Sim'on, Jessé, après avoir reçu
les meilleurs soins, rendit le dernier soupir. Leur organe, Rayons de Lumière
eut la partie belle pour célébrer les vertus de ce personnage qui n'avait pas ses
vingt-neuf ans révolus. Do son n« de mars 1895, nous extrayons ce passage bien
caractéristique : — ■< Tout ce que nous, missionnaires Américains, nous fîmes
pour lui (pour Jessé), nous le fîmes avec joie tout en ayant le regret au cœur.
Nous ne sommes ici que pour servir le peuple, pour nous réjouir avec ceux qui
se réjouissent, pour jjleurer avec ceux qui pleurent. Notre infirmerie, notre
collège, notre école de filles et notre imprimerie sont pour toute la nation, non
pas seulement pour l'une de ses fractions. » Mais la prose n'étant pas assez élo-
quente pour honorer l'homme que les autorités d'Ourmiah, musique militaire en
tète, accompagnèrent jusqu'à sa dernière demeure, la poésie s'en mêla à son
tour et voici comment — toujours d'après le même journal — en des strophes de
onze syllabes (mètre emprunté à la poésie profane du pays) elle cliante le héros :
Min gava dmillattan | seupu spiqé li :
Ka kassa cim goura | bkullan tpiqué li.
Mud d kari basslmi | Ikislan sviqué li :
Oh! daky ki mâçak | mansak lé Isai.
Al tismistu jmi'la | jamaat goûrta
Up kilmat mubylnna | raba yaqoûrta
Bbalabani tarsa | vtantana kqirta
Supylan Imanyaktu | gav 'oumra Isai.
Dans notre nation sa place est restée vide :
Un grand chagrin nous a rencontrés tous.
Que de charmants souvenirs n'a-t-il pas laissés chez nous !
Oh ! comment pouvons-nous oublier Jessé !
A son convoi se réunit une foule considérable.
La cérémonie elle-même parut fort grandiose (grave);
Avec des tambours (au roulement) funèbre [litt. ù rebours] et avec grande
Nous confiâmes Jessé, dans féglise, à son repos. [pompe]
438 REVUE DE L ORIENT CHRETIEN.
catholiques? Indifférents à l'égard de ceux dont ils partagent
presque toutes les idées religieuses et en bonne relation avec
ceux qui n'admettent aucune autorité suprême dans l'Église ! Si
les bons procédés des missionnaires à l'égard des chefs du peu-
ple nestorien n'eussent pas eu pour résultat un rapprochement
sur le terrain religieux, ils eussent au moins empêché, en partie,
l'accroissement parmi ce peuple de l'influence américaine ou
anglaise au détriment de celle de la France, qui est quand même
un bienfait religieux en Orient.
Ces réflexions ne nous sont pas personnelles ; des Chaldéens
autrement expérimentés que nous, nous les ont faites plus d'une
fois. Si des hommes professant des idées aussi choquantes pour
nous autres orientaux ont fini, à force de ruse et d'habileté, par
nous imposer leur doctrine néfaste, le catholicisme, qui, au
fond, est infiniment plus sympathique aux vrais nestoriens,
n'eût-il pas fini par gagner tout l'Orient? La diversité des opi-
nions n'exclut pas les bons rapports entre les peuples. Il est
mille fois plus charitable de réparer l'ignorance d'un peuple et
de lui procurer les moyens de subvenir à son existence par ses
propres efforts que de se contenter de le faire végéter au moyen
d'une maigre aumône sans cesse recommencée, tout en lui repro-
chant son ignorance, non pas comme un malheur, mais comme
un défaut incorrigible.
3° Leur système d^ enseignement fut défectueux. Depuis que
la mission française est à Ourmiah, elle n'a guère eu un ensei-
gnement bien organisé que pendant six ou sept ans (de 1884 à
1890) sous l'habile direction de M^' Thomas et de M^^ Montéty, et
des changements étant depuis survenus dans le personnel de
la mission, le succès de cette organisation fut de courte durée.
C'est la seule période scolaire que l'on puisse comparer, même
d'assez loin, à l'enseignement donné par les Américains. Les
règlements scolaires,, se ressentant, du reste, un peu trop de la
sévérité du couvent, les écoles de nos Missionnaires n'attirèrent
pas toujours chez eux les plus intelligents des enfants des Chal-
déens. C'est précisément à cause de ces règlements que presque
tous les montagnards, après avoir passé quelques jours au col-
lège des Lazaristes, se trouvaient découragés et s'empressaient
de rejoindre leurs nombreux compatriotes soit chez les angli-
cans, soit chez les américains, dont l'école normale, autrefois
PROTESTANTISME ET CATHOLICISME. 439
sur le mont de Syr Dagh, se trouve aujourd'hui au sud de la
ville d'Ourmiah et à quelques pas du Sahar Tchaï. Là, respi-
rant de plus près Tair de la campagne et contemplant plus aisé-
ment les hauteurs de leurs chères montagnes, ils se sentent
plus de goût à l'étude et leur exil paraît bien moins dur que
quand ils se voient enfermés entre quatre murs, comme chez
les missionnaires Lazaristes. D'autre part, tandrs que l'im-
primerie des protestants marchait à merveille, celle des Pères
Lazaristes, ouverte en 187G, avait à peine produit quelques li-
vres d'importance secondaire. Le journal, cet admirable instru-
ment de propagande, les Américains le possédaient depuis long-
temps tandis que nos missionnaires n'y songeaient, pour ainsi
dire, pas. Fort heureusement que sous le rapport de l'impres-
sion des livres, M. Bedjan, bien connu du monde des Orienta-
listes, dépassa même les adversaires de ses confrères d'Ourmiah,
quand en 1885 il entreprit la grande série de ses publications
chaldéennes qui se continue encore aujourd'hui(l). Cette victoire
(1) Malgré l'admiration de toute une population pour les publications de
M. Bedjan, il s'est trouvé des langues assez osées pour essayer de les déprécier.
Nous n'avons nullement ici la prétention de défendre la science d'un homme aussi
éminent que M. Bedjan; mais puisque l'occasion se présente aujourd'hui, nous
estimons qu'il est bon de faire connaître notre humble avis à cet égard. On a pré-
tendu qu'il a fait, dans ses ouvrages néo-sjriaques, notamment dans son excel-
lent manuel de piété, un usage trop fréquent de mots étrangers, principalement
de termes turcs. Jlais notre critique serait-il donc ignorant au point de ne pas
comprendre que l'exposition des vérités religieuses et morales n'exclut point la
beauté littéraire, ni les termes recherchés et subtils ? Nul mieux que lui n'est à
même d'enrichir son style de termes syriaques et d'en exclure tout ce qui sent
l'élément étranger; mais en agissant autrement M. Bedjan n'a pas agi en aveu-
gle, encore moins en ignorant : en recourant au turc, il a montré qu'il a admi-
rablement compris sa mission de prêtre, qui consiste avant tout à faire mieux
comprendre les principes enseignés. Dans une question aussi impoi'tante que
l'enseignement de la Religion, n'a-t-il pas eu mille fois raison de sacrifier la
forme au fond, d'approprier son style à l'intelligence d'une foule naïve? 11 y a
moins de vingt-cinq ans, dans plusieurs villages du midi d'Ourmiah, ou le ca-
tholicisme est plus ancien que dans les autres parties de cette contrée, non seu-
lement on parlait très mal le néo-syriaque, mais on l'ignorait jn-esque complète-
ment. Dans le district de Souldouze, les sermons ne pouvaient jamais être pro-
noncés autrement qu'on turc, la population, composée do turcs ou musulmans,
de Kurdes, de Chaldéens et d'Arméniens, ne connaissant que deux langues : le
turc et le kurde. Nous savons que le néo-syriaque a fait quelques progrès parmi
toutes ces poindations, grâce aux écoles des Missionnaires europ(''ens (Français,
Anglais, Américains), mais ce progrès, rassurez-vous, n'est pas d'importance telle
qu'elle imposât à M. Bedjan la peine de modifier sa langue. Pour exposer ses mé-
ditations, il s'est servi de la même langue avec laquelle il a prêché, avec succès.
440 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
est complétée depuis quelque temps par l'apparition, une fois par
mois, d'une cliarmante revue néo-syriaque. Nous avons donc le
ferme espoir que la Mission d'Ourmiah n'a pas encore tout perdu
et, après avoir démontré loyalement ses faiblesses passées, nous
ne serons pas moins impartial sur son rôle présent. Et nous
ne pourrons faire un meilleur éloge de ses actes, qu'en donnant
quelques détails intéressants au sujet de son jeune organe inti-
tulé : Voix de la Vérité, i'jU» M.
En entreprenant la publication, en langue populaire, d'une
petite revue qui, chaque mois, n'offre pas à ses avides lecteurs
moins d'une vingtaine de pages de format ordinaire (18 x 22),
imprimées avec d'élégants caractères chaldéens, M. Raphaël
Nebiéridzé, jeune et zélé missionnaire lazariste, a prouvé qu'il
a mieux compris que tous ses devanciers l'avantage de la presse.
Ce qui d'ailleurs a le mieux démontré à nos missionnaires qu'en
se décidant enfm à publier une feuille périodique, ils répon-
daient au plus pressant de ses besoins, c'est le nombre relative-
ment grand de collaborateurs qui ont surgi de toutes parts.
Le zèle de ces derniers assure l'existence de cette revue qui,
bien que venant un peu tard, contribuera, nous en sommes
persuadé, à relever le prestige de la mission Lazariste à Our-
miah et aidera puissamment à l'instruction des Chaldéens
catholiques restés trop longtemps inférieurs aux protestants.
Le premier numéro de la Voix de la Vérité a paru en
juin 1897. Dans son programme, il est dit entre autres : « Parmi
les œuvres entreprises depuis plus de 50 ans en faveur des Chal-
déens d'Ourmiah (Perse) par la mission Lazariste sous la direction
de l'astre brillant que fut M^'" Clusel, d'heureuse mémoire, cette
Voix de la Vérité ne comptera, espérons-le, ni parmi les moins
importantes, ni parmi les moins désirées. Nous avons toujours
il y a quelque vingt ans. C'est la méthode la plus sage qu'il eût à suivre : les
vieux, les simples le comprennent mieux, les jeunes, les lettrés n'y perdent rien.
Supposez un moment qu'au lieu de parler au peuple la vraie langue populaire,
M. Bedjan, jetant par-dessus bord son vieux jargon syro-turc, si tant est que
la langue de notre savant compatriote mérite pareille injure, s'attaquât à la lan-
gue savante ou à la terminologie scholastique, quel eût été pratiquement le ré-
sultat d'une pareille méthode? Nul, puisque personne n'y eût rien compris ; seule-
ment au lieu d'être blâmé parune douzaine déjeunes prétentieux, notre auteur eût
«té alors dénigré, voire même exécré par la population des trois districts réunis :
de Salmas, d'Ourmiah et de Souldouze.
PROTESTANTISME ET CATHOLICISME. 441
été disposés à publier des livres intéressants pour éclairer et
pousser dans la voie du progrès les Chaldéens, ce peuple si
ancien et si aimé; mais nous avons le regret de dire que des
raisons qu'il ne conviendrait guère de rappeler ici avaient
malheureusement arrêté notre modeste imprimerie dans sa
marche. A présent, nous n'avons qu'à adresser l'expression de
notre profonde reconnaissance à S. S. Léon XIII qui nous a
envoyé comme délégué apostolique un homme aussi éminent
que S. G. M^' Lesné, dont la population chaldéenne sait appré-
cier le dévouement depuis vingt-trois ans.
« Notre revue s'efforcera de justifier le titre qu'elle s'est donné
et de n'être qu'un organe de vérité avant tout. A part les ques-
tions appropriées aux besoins de notre temps et de notre mi-
lieu, les colonnes de la Voix de la Vérité se couvriront d'ar-
ticles ayant trait à la théologie, à la philosophie, à l'histoire,
aux sciences et aux échos entendus sur tous les coins de l'uni-
vers. A côté des nouvelles religieuses, notre revue ne dédai-
gnera nullement les nouvelles politiques, ni le mouvement du
progrès dans la civilisation et l'industrie de tous les peuples de
la terre.
« Que le Christ, qui a mis sa vérité dans son Église, pilier et
base de vérité, donne l'ouïe aux sourds, la vue aux aveugles et
la lumière aux cœurs obscurcis, afm que tous entendent la
voix de la Vérité, la voient avec netteté et l'étreignent avec
amour!
« Eu égard à la faiblesse de quelques-uns de nos lecteurs pour
saisir l'intelligence de certains termes usités par nous, nous
aurons soin d'expliquer ces termes au bas des pages, »
Voici maintenant les titres des principaux articles de ce pre-
mier numéro : Chronique de Rome. Funérailles de S. M. I. Nas-
sereddin Schah. Guerre gréco-turque. Catholicisme en Angle-
terre. Introduction aux Saintes Écritures. (Euvres de l'apos-
tolat de l'Église catholique en 1896. Un incendie à Paris (celui
du Bazar de la Charité) et quelques autres nouvelles de peu
d'importance.
Sommaire des principaux articles du n" 2 (juillet 1897) :
Introduction aux Saintes Écritures. Vies des Saints. Œuvres
de l'Apostolat en 1896. Lettre de Mar Elle XI, patriarche
chaldéen, à S. S. Pie VI. Poésies élégiaques. Exhortation à
442 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
l'étude. Chronique de Rome. L'incendie du Bazar de la Charité.
Guerre gréco-turque. Histoire de l'apôtre saint Thomas,
Sommaire des principaux articles du n" 3 (août 1897) : Intro-
duction aux Livres Saints. L'angoisse des chrétiens en lAféso-
potamie. L'évangélisation de Madagascar. Une lettre d'Élie XI,
patriarche chaldéen, au patriarche nestorien. Jubilé de la Reine
d'Angleterre, etc.
Les poésies élégiaques, qui comprennent 34 strophes de
4 vers chacune, sont l'œuvre du regretté sammasa Isu, qui,
après avoir passé sept ans sur les bancs de l'école des Pères
Lazaristes d'Ourmiah, y meurt à la fleur de l'âge, à la veille
d'être ordonné prêtre, loin du pays natal et de tous ses parents.
Dans la préface qui précède ces vers, son professeur, Raby
Benjamin d'Ardichaï, résume ainsi les qualités de ce jeune
homme : « éammasa Isu fut un élève plein de vertus, doué
d'une grande intelligence et ayant des sentiments éminemment
patriotiques. Plût à Dieu que nous eussions beaucoup d'élèves
comme lui! »
Ces vers, composés d'après le mètre et la cadence de notre
illustre poète du vi" siècle, Jacques de Sarug, ne sont pas
certes des chefs-d'œuvre poétiques et ne contiennent pas, en
somme, des idées très élevées; mais, comparativement aux
limites de l'instruction dans ces contrées et surtout à la pénu-
rie de termes scientifiques et littéraires dans notre dialecte
moderne, ils ne sont pas sans intérêt et font quand même
grand honneur à leur auteur. La correction du style et la
richesse de la rime sont si bien soutenues dans ces strophes
que l'expression la plus simple et la banalité même ne man-
quent pas souvent de quelque éclat. Considérant comme une
véritable période d'exil les années passées loin du foyer pater-
nel, notre auteur prouve à son tour que la douleur sied mieux
à l'Élégie que la joie :
STROPHE 18.
Kma kbasma va | seuliatteukun | àl natyatiy ,
Babiy vyimmiy | vakunvatiy | am katvatiy :
Kidyi vpsiyki | vbgikka kulyum | gav patvatiy .
Akvaïalliy! | ya seuguli | dlibbiy qatiy!
STROPHE 19.
Bi prasteukun | prisla minniy | up kidyuta :
PROTESTANTISME ET CATHOLICISME. 443
Bi svaqteukun | (lain seuqaliy | rahatouta :
Idyu duvîn | pisa bneusiy | bqaributa :
Ak avara | vak miskia | dla liayarta.
STROPHE 18.
Comme votre entretien charmait mes oreilles,
0 mon père, ô ma mère, ô mes frères et mes sœurs!
Joyeux et enthousiasmés vous regardiez mon visage chaque jour en souriant.
Oh! malheur à moi ! ô les bien-aimés de mon coeur!
STROPHE 19.
En me séparant de vous je me suis séparé de la joie.
En vous quittant, la tranquillité m'a quitté.
Me voilà aujourd'hui seul en pays étranger
Comme un (homme) errant, comme un pauvre sans soutien.
Il est inutile que nous insistions davantage sur le rôle multiple
que « la Voix de la Vérité » doit jouer dans la plaine d'Our-
miah (1). Les protestants eux-mêmes, que nous remercions
sincèrement de leur impartialité à cet égard, ont parlé du mé-
rite de notre feuille en ces termes : « A côté de notre journal,
qui compte près de 50 années d'existence, les missionnaires
catholiques en ont fondé un autre, il y aura bientôt deux ans.
Après l'avoir scrupuleusement examiné, nous déclarons qu'il
est excellent. Nos deux organes peuvent désormais marcher
loyalement côte à côte tout en soutenant la diversité de leurs
idées respectives. »
Nos adversaires sont satisfaits : c'est une victoire! Si cette
victoire dure, peut-être viendra-t-il un jour où il n'y aura plus
d'adversaires parmi nous mais des amis, des enfants d'une
même race vivant ensemble en parfaite intelligence et travail-
lant au relèvement de leur nation, et à la conservation de ce
dont ils pourraient le plus légitimement s'enorgueillir : la Foi
de leurs Pères.
J. Babakhan.
(1) Dans un prochain article nous donnerons le texte, accompagné d'une traduc-
tion, des lettres d'Éiie XI à Pie VI et au patriarche nestorien, car, vu leur im-
portance, ces documents demandent à être reproduits intégralement.
LES ÉVÊQUES JACOBITES
DU viir AU xiir siècle
D'APRÈS LA CHRONIQUE DE MICHEL LE SYRIEN
Grâce au généreux et bienveillant encouragement de
l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, j'ai pu en-
treprendre la publication d'un document de la plus haute
importance pour l'histoire des Églises orientales : la cé-
lèbre Chronique syriaque rédigée, en 1196, par le pa-
triarche jacobite Michel P', chronique qui s'étend depuis
la création jusqu'à la mort de Saladin (1). Je n'ai ni l'in-
tention ni le loisir de donner ici une notice sur le pa-
triarche Michel (1166-1199); elle trouvera place dans la
préface à mon édition de la Chronique et je me permets
d'y renvoyer par avance le lecteur (2).
A la suite de la Chronique, on trouve dans le manuscrit
syriaque plusieurs chapitres détachés qui sont comme
des appendices au corps de l'ouvrage. C'est l'un de ces
(1) Chronique de Michel le Syrien éditée dans le texte original et traduite pour
la première fois par J.-B. Chabot. Ouvrage publié sous le patronage et avec
le concours de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres; — Tome I", Paris,
1899 (Ernest Leroux, éditeur). — Ce premier volume paraîtra dans quelques jours;
l'ouvrage complet (avec préface et lestal)les) formera 1 vol. in-4'>.
('2) Consulter sur Michel le Grand et son œuvre historique : Asskmam, Bibl. or..
II, 155 seqq.; — Bar-Hp-breus, Chron. eccles., I, 535 seqq. ; — Wright, Syriac iille-
rature, 2" éd., p. 250 et suiv. ; — R. Duval, la Litlérature syriaque, p. 207-208, 400;
— Dllaurier, Journ. aslat., 1848, p. 281 et suiv. ; — V. Langlois, la Chronique de
Michel le Grand, traduite d'après la version arménienne du prêtre Ischôk (Préface) ;
— J.-B. Chabot, iXole sur la Chronique de Michel le Syrien dans les Comptes ren-
dus de l'Académie des hiscriptions et Belles-Lettres, 1899, p. 476 et suiv.
LES ÉVÈQUES JOCOBITES UU VIIl' AU XIIl' SIÈCLE. 445
chapitres que je vais traduire pour les lecteurs de la
Revue de l'Orient chrélien. Il consiste, comme on le
verra, en une liste de patriarches jacobites depuis Sé-
vère (511) jusqu'à Michel 1", auteur de la Chronique.
Cette liste serait sans grande importance si elle énumé-
rait seulement les patriarches, dont nous connaissons
déjà les noms par ailleurs; mais ce qui lui donne une
réelle valeur, c'est qu'elle nous fournit, à partir de
Cyriacus (793), la liste des évêques ordonnés par chaque
patriarche. Ces listes épiscopales comprennent plus de
900 noms, et nous présentent par conséquent le tableau
le plus completque nous ayons de la hiérarchie de l'Église
jacobite, depuis la fin du viii" jusqu'à la- fin du wf siècle.
On rencontre dans ces listes des noms de lieux, qui
demandent à être identifiés. Pour éviter de multiplier
les notes et les renvois, nous donnerons tout d'abord
simplement la traduction intégrale du document; nous
y ajouterons ensuite une table alphabétique des localités
mentionnées et nous ferons sous chaque nom de cette
table les identifications nécessaires.
Nous traduisons les noms propres par leur équivalent
habituel en français; ainsi nous écrivons : Jacques, Jean,
Isaie, etc., et non : Ya'qoub, Yoliannan, Esha'ia^ etc.,
selon la prononciation orientale. Nous n'avons conservé
celle-ci que pour les noms insolites et pour les noms
géographiques d'une identification douteuse.
J.-B. Chabot.
Avec l'aide de Dieu, nous écrivons les noms des patriarches
qui ont existé successivement, dans notre Église orthodoxe,
depuis le bienheureux Sévère juscju' aujourd'hui.
I. — SÉVÈRE, du monastère de Théodore de Gaza (1). L'or-
dination eut lieu (2) au mois de tesliri II, indiction X'', en
l'an 823 (nov. 511). Le bienheureux fut ordonné par un synode
de douze évêques. Abraham, évêque d'Alep, lui imposa les
mains. Du temps de l'empereur Anastase, il exerça ses fonc-
tions dans son siège pendant six ans. Quand l'empereur ortho-
doxe fut mort, l'astuce des hérétiques s'exerça contre le pa-
triarche, du temps de Justin, et le bienheureux quitta Antioche
le 29 d'éloul de l'an 829 (sept. 518). 11 administra le patriarcat
pendant la persécution, l'espace de 29 ans, tout le temps de sa
vie. Il mourut le 8 du mois de shebat (févr.), dans la ville de
Ksouta (?) en Egypte et son saint corps fut enseveli dans son
couvent.
II. — Sergius. Après la mort deMar Sévère (3), les orthodoxes
ordonnèrent Sergius de Téla, du monastère de Hala. Jean,
métropolitain d'Anazarba, lui imposa les mains, et il fut pro-
clamé pour le siège d'Antioche. Il exerça peu de temps.
III. — Paul, de Beit Oukamê, du monastère de Goubba-
barraya, dans lequel il fut ordonné. Thomas, métropolitain
d'Édesse, lui imposa les mains. L'empereur Justin le trompa,
et il communiqua avec les Chalcédoniens dans l'espoir que
ceux-ci rejetteraient le concile de Chalcédoine. L'empereur
ayant failli à ses serments, il se retira en anathématisant le
(1) Sévère est le 42» patriarche, d'après Bar-Hébreus [Clir. eccles., I, 187).
(2) Nous donnons les dates exactement connue elles sont indiquées par l'auteur,
sans nous préoccuper ici des questions chronologiques qu'elles peuvent soulever.
(3) Pendant l'exil de Sévère, il y eut trois patriarches : Paul le Juif, Euphrasius
GtEphi'em. Michel ne les compte point, parce qu'ils furent imposés par la volonté
de l'empereur et adhérèrent, au moins en apparence, au concile de Chalcédoine.
LES KVÈQUKS JACOBITES DU VIIl'' AU Xlll"' SIÈCLE. 417
concile. Mais les orthodoxes ne l'acceptèrent point, et il fut
ordonné par fraude.
IV. — Pierre de Callinice. Son ordination eut lieu du temps
où Paul vivait encore. Josepli, métropolitain d'Amid, lui imposa
les mains. Il répara la chute de Damianus d'Alexandrie.
Quand il mourut, son corps fut enseveli dans le monastère de
Goubba-barraya, en l'an 902 (591).
V. — Julien, qui était le syncelle de Pierre, du monastère
de Qennéshrê, dans lequel il fut ordonné. Jean, évêque de
Téla, lui imposa les mains. Il exerça le patriarcat trois ans.
VI. — Athanase, surnommé Gamala (le chamelier), de
Samosate, qui avait fait profession dans le couvent de Qennéshrê.
Il fut élu, et Sévère, métropolitain de Jérusalem, lui imposa
les mains. Il fit l'union entre le siège d'Antioche et celui d'A-
lexandrie. Il exerça quarante-cinq ans. Il mourut en l'an 946
(635) et fut déposé dans le couvent des Garoumayê.
VII. — JeAxN [I"], qui était le syncelle d' Athanase, du mo-
nastère de Goubba-barraya. Abraham, métropolitain de Nisibe,
lui imposa les mains. Ce patriarche, surnommé « de Sédra »,
exerça pendant onze ans. Il mourut et fut déposé dans le cou-
vent de Mar Zoaras, à Amid, le 14 de kanoun I", de l'an
960 (déc. 648).
VIII. — Théodore, du désert de Scété. Il fut appelé du mo-
nastère de Qennéshrê. Abraham, métropolitain d'Émèse, lui
imposa les mains. Il exerça le patriarcat pendant dix-huit ans.
IX. — Sévère, surnommé Bar-Mashqê, du monastère de
Phaghimta ou Saphylos. Jean Bar-'Ebrayata {fils de la Juive),
métropoHtain de Tarse, lui imposa les mains. Il y eut une
querelle entre lui et les évoques. Il exerça douze ans.
X. — Athanase [II], du grand couvent de Beit-Alalkè. Le
synode était réuni dans le couvent de Saphylos, de Rish'ayna.
Hanania, évêque de Marda et de Kaphartouta, lui imposa les
mains. Il exerça trois ans.
XI. — Julien [II], du couvent de Qennéshrê; au mois de
teshrill de l'an 999 (nov. 687). Athanase, deSaroug, lui imposa
les mains, dans la ville d'Amid; il exerça vingt ans et mourut
en l'an 1019 (708).
XII. — Elias, du couvent de Goubba-barraya. Il était évêque
d'Apamée. Après avoir exercé l'épiscppat pendant huit ans, il
448 • REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
fut élu et appelé au patriarcat en Tan 1020 (709); il exerça
pendant quinze ans et mourut le 3 de teshri P'" (oct.), étant âgé
de 82 ans. Il fut déposé dans son monastère.
XIII. — Atiianase [III], du monastère de Goubba-barraya ;
au mois de nisan de l'an 1035 (avr. 724), Il était supérieur du
monastère. Il fut ordonné dans le couvent deQartamîn. Théodose,
évêque de Risli'ayna, lui imposa les mains. Il fit l'union avec
les Arméniens. Il exerça quinze ans (1) et mourut en Tan 1055
(744).
XIV. — Jean [II], qui était évêque de Harran. Son élection se
fit par le sort, par l'intermédiaire d'Athanase Sandalaia, qui fit
de la fraude, à ce que l'on dit. Il exerça [seize] ans (2). Quand
il mourut, il fut enseveli dans le village de Badaya, sur les rives
de l'Euphrate (3).
XV. — Athanase [IV] Sandalaia, métropolitain de Mai-
pherkat. Il fut établi par l'ordre d'Abou-Djaffar, prince des
Arabes, et non par [la volonté] de Dieu; s'étant rendu à Harran,
il y fut étranglé.
XVI. — Georges. Quand ce bienheureux fut élu, il n'était
encore que diacre. Son ordination eut lieu à Maboug, dans un
concile universel. Ensuite, des hommes iniques : Jean de Calli-
nice et David de Dara, s'élevèrent contre lui. Le bienheureux
fut emprisonné à Bagdad, pendant neuf ans, et ces deux
[hommes] prévalurent jusqu'à la mort d'Abou-Djaffar, prince
des Arabes. Alors le patriarche sortit de prison, et exerça sa
charge jusqu'à sa mort. Depuis son ordination jusqu'à sa mort
il s'écoula trente ans. Son saint corps fut inhumé et déposé
dans le couvent de Mar Bar-Çauma.
A partir d'ici et désormais, nous écrivons sous chacun des
patriarches les noms des évéques qui ont été ordonnés de
son temps.
XVII. — Cyriacus, en l'an 1104, le 8 du mois d'ab (août 793).
L'ordination de Mar Cyriacus, du monastère du Pilier, à Calli-
(1) Cette donnée est en désaccord avec les dates.
(2) D'après Bar-Hébreiis; le chiffre manque dans notre ms.
(3) A sa mort, un certain Isaac fut élu sur l'ordre du Calife. Il est mentionné
comme illégitime par Bar-Hébreus, de même que Sandalaia.
LES ÉVÊQUES JACOBITES DU VIIl" AU XIIl" SIÈCLE. 449
nice, se fit dans la ville cleHarran. Théodose, évêque de Balbek,
lui imposa les mains. — Il ordonna évoques :
1. SnARiîii,, fut fait i Maplirian (1) » de Tagrit.
2. Philoxène, évoque de Goui'M'an.
3. Melkizédec, évêque de Reçaplia, dans le village de Haziou.
4. CoNSTANTiNUS, évêque de Dolik, dans le village de Tell'adda.
5. Thomas, métropolitain de Dara; il fut appelé du monastère de Qoubba.
6. Hanania, du couvent de Callinicc, pour Mardin et Kephar-Touta (2).
7. Thomas, du couvent de Qartamîn, pour le Tour'abdin ; [il fut ordonné]
dans le couvent du Pilier.
8. Jean, évêque de Maipherkath, dans le village de Sahratha, dans la con-
trée de Yada' (3).
9. Jean, évêque delà ville des Arabes (4), dans le monastère du Pilier.
10. Paul, évoque d'Aphrah, ville du Koraçan, à Kadia, village de la ré-
gion de Harran.
11. Cyriacus, évêque pour le peuple des Carmaniens (5), dans la ville
d'Édesse.
12. David, du couvent de Qartamîn, évêque de Nisibe, cà Edesse.
13. Basile, pour Edesse, dans le couvent d'Aphtonia.
14. Habib, métropolitain d'Apamée, dans la ville de Damas.
15. Anastase, évêque de Téla de Mauzelat, à Dàra, dans la région de
Sham.
16. Basile, évoque de Callinice, dans cette ville.
17. Jacques, évêque de Circesium, dans le monastère de Zakai.
18. Athanase, métropolitain de Tarse, dans la ville de Harran.
19. Théodose, évêque de Callinice, dans la ville de Harran.
. 20. Gabriel, évêque de Rish-képha, à Mériba, village de Harran.
21. Je.vn, évêque pour la nation des Carmaniens (5), à Kephar-Hân, vil-
. âge de la région de Rishkêpha.
22. Athanase, évêque de la ville de Qalilqala, en Arménie.
23. Jean, évêque de Kélath, ville d'Arménie, à Callinice.
24. Saba, évêque de la ville d'Arzoun, dans le couvent du Pilier, au
mois de juin (6). .
(1) Il y a dans le ms. EpUrùnîsà, qu'il faut pout-ètro rattacher au grec iraboçCù,
" féconder ». En syriaque : Maphrian, « fécondateur », était le titre des primats
(le Tagrit. L'arabe traduit ici par : WakU, ■< vicaire », « procurateur ».
(2) On croit que c'est cet Hanania qui bâtit le couvent. (Note marginale du ms.)
— Je pense qu'il s'agit du couvent de Deir ez-Zafaràn, près de IMardin.
(o) Arabe : ■< dans la région de Harran ».
(4) Littéralement : « des Nations ».
(5) Ainsi d'après la version arabe; le syriaque porte ■- des Qadmanayê ».
(6) On s'attendrait, par analogie avec les formules précédentes, à trouver ici
un nom de lieu ; mais l'absence d'un qualificatif, tel que : ville ou village, ne per-
met guère de traduire autrement que nous l'avons fait. Comparez le n" 27.
ORIENT CHRÉTIEN. 31
450 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
25. Lazare, du couvent de Qartamîn, évêque de Nisibe, dans le monas-
tère du Pilier.
26. SiMÉON, du couvent de Mar Jacques, évêque de la ville de Tadmor.
27. Job, évêque de Mopsueste, ville de Cyros (1), au mois de février; il
fut aussi déposé au mois de février (2).
28. TiMOTHÉE, métropolitain de Jérusalem, dans le couvent de Mar Jac-
ques, de Cyrrhus.
29. David, évêque pour les Taglibites de Gozarte et de Mossoul, dans le
village de Daqla (3), siège [épiscopal] des Taglibites.
30. Matthieu, évêque de Tela de Mauzelat, dans le (4) de Saroug.
31. DoMLM's (5). évêque de Saroug, au village de Mashara, en cette région.
32. Philoxène, évêque de Nisibe.
33. Daniel, évêque de la ville de Samosate, dans la ville de Harran.
34. Jean, du couvent de Bir-Qoum, métropolitain d'Emèse.
35. Jacques, évêque du pays de Dîrig (?).
36. Cyrille, évêque de la ville d'Arsamosate, à Kaphara.
37. Gabriel, du couvent de Mar Salomon, métropolitain de Tarse.
38. Anastase, du monastère de Mar Shila, évêque de Rish-Képha.
39. Elias, évêque de laville de Hadeth,danslecouventdu Pilier, à Callinice.
40. Elisée, évêque pour Karma et les Haçaçinites, à Tagrit.
41. Jean, évêque de Sharzoul, à Tagrit.
42. SiMÉON, métropolitain de Tagrit.
43. Georges, du couvent des Arabes, évêque de la ville d'Adarath.
44. Sergius, du couvent de Qartamîn, évêque du Tour'abdin.
45. Othm,\n, évêque pour le peuple des Taglibites qui est à Gozarte.
46. Ignace, du couvent Natapha, évêque d'Anâzarbon.
47. Je.4n, métropolitain d'Emése, du couvent de Bir-Qoum (6).
48. Arabi,. du couvent de Shéna, évêque de Théodosiopolis-Rish'ayna.
49. Salomon, métropolitain de Cyrrhus, du monastère de Mar Jacques.
50. Maqim, évêque de Circesium, du couvent de Télal (7).
51. Habib, évêque de la région de Djaulan (8), du monastère de Sarmîn.
52. Denys, évêque de Téla, de Beit Mar Thomas.
53. SiMÉON, évêque d'Arabie, du couvent de Mar Zakai.
54. Théodose, évêque de Samosate, du monastère des Orientaux.
55. Théodore, év. de Kaisoum, du couvent de Mar Jacques de Kaisoum.
(1) Il y a ici une faute; Cyros est pour Cilicie, ou plus probablement le mot
Cyrrhus de la ligne suivante copié par erreur. La version arabe dit simplement :
« évêque de la ville de Mopsueste ».
(2) Comparez la note du n» 24.
(3) Version arabe : Nakleh. — Probablement Beit Déqlè.
(4) Le syriaque et l'arabe disent : « en Phiman de Saroug ». J'ignore le sens de
ce mot, de même que s'il est un nom propre de lieu.
(5) Ou Damianus, le manuscrit n'étant pas vocalisé.
(6) Paraît être une répétition du n" 34.
(7) Peut-être Tell-Zéla.
(8) D'après l'arabe.
LES ÉVÉQUES .IAC013ITES DU VIIl" AU XIll'' SIÈCLE. 401
56. Lazare, ôvèque de Gishra (1), du monastère de Mar Abhai (2).
57. Jean, du monastère de Mar Antoine;, métroj)olitain d'Amid.
58. SiMÉoN, du couvent d'Abîn (?), métropolitain de Ueçapha.
59. Théodose, du couvent de Qennéshrè, métro])olitain d'Edesse.
60. Pierre, du couvent de Mar Jean de Dara, évoque d'Arzoun.
61. SEROius,du monastère de Pcsilta, évêque de Halbek.
62. Daniel, du monastère des Arabes, évéque d'AIep.
63. Jacques, du monastère de Mar Joseph, évéque du village de Ourima,
64. Georges, évoque de la ville d'Arsamosate.
65. TuiÈRE, du monastère de la Croix, évoque d'Aphrah dans le Koracan,
66. Basile, du monastère de Phinehés, métropolitain de Maipherkath.
67. Jean, du grand monastère de Hesmî (3); évéque delà ville deQardou.
68. Gauri, évêque de la ville de Harran. — 11 abdiqua ensuite.
69. Gabriel, du monastère de Mar Shila, évêque de la Grande Arménie.
70. Habib, métropolitain de la ville de Tarse.
71. ÉvAGRius, étranger (4), évêque de Arde'at de Bithynie (5) (?).
72. IsAAC, évêque de la ville de Tibériade et Adjoumia (?).
73. Jean, du monastère de Qarqaphta, évéque de la ville de Téla.
74. MÉTHODius, du monastère de Mar Antonios, évêque de Tell-Beshmê,
75. Georges, du monastère de Mar Phineliès, métrop. de Maipherkat.
76. Basile, du monastère de Sergius, métropolitain de Tagrit.
77. Adai, du monastère de Mar Zoaras de Saroug, évêque de Karma.
78. EzÉCHiEL, du monastère de Qartamin, évêque du Tour'abdin.
79. Gabriel, du couvent de Qartamin, évêque d'Arménie.
80. Ignace, du monastère de Mar Hanania, évêque de Mardin et de Ke-
phar-Touta.
81. Georges, du monastère de Qartamin, évêque de Harran.
82. Thomas, ducouventde Mar Jacquesde Kaisoum, évèquede Rish-Képha
83. Jean, évoque de Balesh, de Reçapha, du couvent de Hanania, qu
est dans cette région (6).
84. David, du couvent de Mar Joseph, évêque de Garyphos (7).
85. Théophile, du monastère d'Elisée, évêque de Zaubatara (8).
Mar Cyriaque exerça le patriarcat vingt-quatre ans, et il mou-
rufà Mossoul, en l'an 1128 des Grecs (817). — Que ses prières
et celles de ceux qu'il a ordonnés soient avec nous. Amen.
(1) Dans la version arabe : « de Singar ».
(2) D'après l'arabe; le nom manque dans le syriaque.
(3) Lecture confirmée par l'aralje.
(4) Xénaias (?).
(5) L'arabe donne dr^ah-l-bimvnilh.
(6) Cette lecture est confirmée par la version arabe.
(7) Arabe : Garybos. — Djerabis (?).
(8) Leçon confirmée par l'arabe. Ms. s\-r. : Zauphatara.
{A suivre.)
MÉLANGES
LE CULTE DE SAIM JULIEN DU MANS
DANS L'ÉGLISE RUSSE
On n'a peut-être pas oublié la note insérée clans le fascicule
du premier trimestre de la Revue de l'Orient chrétien de cette
année sur la présence d'un évèque de France dans le calendrier
de rÉglise gréco-slave. Le fait ayant causé quelque surprise
malgré les raisons qui en ont été données, il sera utile de re
cueillir le témoignage d'un professeur de l'Académie ecclésias-
tique russe orthodoxe et de confirmer les preuves de l'identité
de Kenomani avec notre ville du Mans{\). Voici ce que le pro-
fesseur en question fait savoir à M. Bryckzynski, savant polo-
nais qui l'avait interrogé sur ce point, à la date du 9 jan-
vier 1899 : « Saint Julien de Kenomani reçoit dans l'Église
russe orthodoxe un culte spécial comme patron des enfants.
Sa fête s'observe le 13 juillet. C'est le même saint qui se trouve
dans l'Église catholique comme évêque de Cenomani, aujour-
d'hui le Mans. » Ainsi, le pouvoir ecclésiastique russe reconnaît
l'identité, qui nous a été révélée par les découvertes artistiques
de M. le chanoine Didiot; ceci est d'une grande importance,
car de l'Académie ecclésiastique officielle sortent tous les mem-
(1) Voir Revue historique et archéologique du Maine, 180'.>, 2« triai., p. 100156;
o" trim., p. 63-68.
454 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
bres du haut clergé impérial de Russie, et il s'agit ici d'une
tradition religieuse qui leur est particulière. De plus la corré-
lation qui existe entre la vie de saint Julien, écrite en russe
pour le peuple, et la légende, est trop frappante pourlaisser sub-
sister aucun doute; de part et d'autre on retrouve les mêmes
faits, les mêmes miracles, il y a unité parfaite de récit. Les Me-
nées russes de saint Dmitri, archevêque de Rostov et de Jaros-
lav (1665-1709), donnent une Vie de saint Julien qui confirme
absolument l'identification établie d'ailleurs, comme on peut
s'en rendre compte dans la, Semaine religieuse du Mans, qui
en publie une traduction française.
La fête du 13 juillet est indiquée de cette manière dans VAnnus
ecclesiasticus grœco-slavicus, publié parle docte Père Martinov,
jésuite russe : « Memoria... S. Juliani, episcopi cenomanen-
sis » (I). On ne saurait douter aujourd'hui qu'il s'agisse du
premier évêque du Mans, honoré d'un culte officiel en Russie.
Sans doute plusieurs questions secondaires peuvent être posées
à ce sujet, mais le fait de l'identité parait acquis, et il ne s'agit
plus que d'expliquer la présence de notre saint dans l'église
gréco-slave, d'en faire l'histoire et d'en tirer les conséquences.
D. Paul Renaudin.
(1) Acta Sanctoriim Bolland., Octob., t. XI, p. 176.
BIBLIOGRAPHIE
Vida do abba Daniel do mosteiro de Sceté, — Versào elhiopica pu-
blicnda por Lazarus Goldschmidt e F. M. Esteves Pereira, S. G. G. L.
Lisbonne, Impr. nationale, 1897, in-8; x.\ii-58 p.
Cette version éthiopienne fut faite vers le xin« siècle sur un texte
arabe qui n'est pas encore connu. Elle est publiée d'après un manuscrit
du xiV-xv^ siècle. Ce n'est pas à proprement parler une vie de
l'abbé Daniel, car les détails biographiques que l'on y trouve sont loin
de former la plus grande partie de l'ouvrage ; on y rencontre plus souvent
le récit de ses voyages, des enseignements qu'il donnait à ses moines et des
sujets d'édification qu'il signalait à ses auditeurs. Si donc nous pouvions
modifier le titre choisi par M. Pereira, nous laisserions ce mot vie, qui a un
sens trop bien déterminé chez nous, et le remplacerions par un ancien terme
peu usité maintenant, mais qui exprime bien le contenu du livre, nous pren-
drions donc comme titre : « Gestes de l'abbé Daniel >.
Cette publication nous donne d'intéressants détails sur le supérieur d'un
monastère de la célèbre vallée de Scété ou de Nitrie et sur la vie des moines
(des saints) de ces solitudes au vi" siècle.
Le désert de Scété ou de Nitrie, situé à l'ouest du Nil, entre Héliopolis et
la Libye, fut le berceau de la vie monastique dans la Basse-Egypte et était
au ix" siècle aussi célèbre que la Thébaïde (1). Rufin, prêtre d'Aquilée,
qui parcourait l'Egypte avec la célèbre Mélanie, petite-fille du consul Mar-
cellus (2), pour s'édifier par la vue et l'entretien des anachorètes, ne manqua
pas l'an 372, après avoir visité la Thébaïde, de parcourir le désert de Nitrie.
Il consigna ses souvenirs de voyage dans un ouvrage célèbre, souvent pu-
(1) Le premier qui fonda des monastères dans la vallée de Scété ou le désert de Nitrie
l'ut saint Ammon « dont il est écrit en la vie de saint-Antoine que ce saint vit l'àme partie
dans le ciel ». Cf. Saint Rufin, Histoire de saint Ammon, abbé et fondateur des monastères
des solitaires de Nitrie, t. II, p. 173-178 de la traduction d'^Vrnauld d'Andilly {Les Vies des
SS. Pères, Paris, 1668, en trois volumes).
(2) Sa vie fut racontée parPallade dans son Histoire Lausiaque ou Paradis des Pères.
Dans la traduction d'Arnauld d'Andilly, Vies des SS. Pères, t. II, p. 304-311.
456 REVUE DE l'orient CHRETIEN.
blié et traduit, qui apour titre : lUuslr. virorum elogia ettestimonia (1). Il
écrit :
« Nous vînmes alors en Nitrie qui est éloigné d'Alexandrie d'environ qua-
rante milles et pst le lieu le plus célèbre (Ventre tous les monastères de VE-
gypte... Aussitôt que nous approchâmes et qu'ils reconnurent que c'étaient
des frères étrangers, soudain comme si c'eût été un essaim d'abeilles, ils
sortirent tous de leurs cellules, et, avec une extrême gaieté^ vinrent en
courant au-devant de nous... (2). »
Plus tard, au commencement du v° siècle, Pallade, qui avait été
solitaire au désert de Nitrie en 388, écrivit son Histoire Lausiaque (3) dans
laquelle il consigna aussi les vertus des anachorètes de ces régions (4).
« Ayant demeuré durant trois ans dans les monastères qui sont aux
environs d'Alexandrie, et y ayant conversé avec plusieurs grands et saints
personnages ornés de toutes sortes de vertus, et qui ne sont guère moins
en nombre que deux mille, j'allai de là sur la montagne de Nitrie, entre
laquelle et la ville d'Alexandrie, il y a un lac nommé Marie (Maréotis) qui
a soixante et dix milles de circuit. L'ayant traversé en un jour et demi,
j'arrivai en cette partie de la montagne qui regarde le midi. Il xj a là un
grand désert qui s'étend jusqu'à l'Ethiopie et la Mauritanie. Il est habité
d'environ cinq mille hommes qui servent Dieu et y vivent en diverses ma-
nières selon ce que chacun d'eux le peut supporter ou le désire... Ils tra-
vaillent tous de leurs mains, et font des robes de lin. Aussi ils n'ont point
de nécessité, et environ l'heure de none, il est permis à chacun de s'appro-
cher des monastères et d'écouter les Hymnes et les Cantiques que l'on chante
à Jésus-Christ, et les prières qu'on lui adresse avec tant de ferveur et de
piété qu'il y en a qui s'imaginent, en les entendant, que leur esprit est
élevé dans le ciel et qu'ils sont dans un paradis de délices... (5). »
Vinrent ensuite, au v" siècle, les luttes entre monophysites et ortho-
doxes qui firent, semble-t-il, oublier les mortifications des ermites, car
il en est si peu question que l'on se demande si les Pacôme et les Antoine
eurent des successeurs. — Ils en eurent, la publication de M. Pereira nous
l'apprend, et il est bien difficile de dire s"ils furent monophysites ou ortho-
(1) Cf. Migne, Patrologie latine, t. LXXIII, col 707 etc.
(2) Les vies des Saints Pères des dése7-ts... traduites par Arnauld d'Andilly, Paris, 1CC8, t. II,
p. 145-140.
(3) CLyi'isne, Patrologie latine, l.LWllï, col. -1065 etc. — Dans ce désertde Nitrie se trouve
le monastère de Notre-Dame des Syriens, qui possédait une belle bibliotlièque fondée
au x^ siècle et renfermant des manuscrits du v" siècle. Une partie de cette bibliothèque
fut aciietée par Assémani et se trouve au Vatican. Le reste fut vendu au British
Muséum de Londres par un Grec, nommé Pacho, qui parvint à s'en emparer. Les manus-
crits du pseudo Denys de Tellmaliré, des martyres de saint Pierre et saint Paul et
saint Luc et des Plérophories dont les lecteurs de la Revue de l'Orient chrétien ont lu les
analyses ou les traductions proviennent de cette biidiotlièque.
(4) Voir en particulier Migne, loco citato, col. 1174, cliap. lxix.
(5) Traduction d'.Vrnauld d'Andilly, t. II, p. -217-210.
niHLIOGRAriIIK. -157
doxcs, car, presque toujours, hnir ;iscétismc seul est mis en évidence et
l'Église Romaine peut les rcvcn(li(iuer pour ses enfants, pour les dignes suc-
cesseurs des anachorètes égyptiens du iv« siècle. C'est de ce point de vue
surtout que la publication de M. Pereira est intéressante. Elle est un cha-
pitre ajouté aux Vies des hommes illustres de Rufîn et kV Histoire Lausiaque
{on Paradis des Pères) de Pallade.
Il est regrettable que ces détails sur les moines de Scété au vi" siècle
ne nous soient connus que par une traduction d'une traduction (et nous
ne savons même pas encore si l'arabe sur lequel fut traduit l'éthiopien a
été traduit sur letcx te original) . Nous nous proposons de combler cette lacune,
en publiant dès le prochain numéro de la Revue de l Orient Chrétien le texte
grec original des courtes anecdotes qui constituent « les gestes de Daniel »,
et en leur ajoutant quelques fragments d'une traduction syriaque dont le
manuscrit seul est antérieur à la traduction éthiopienne publiée par M. Pe-
reira. Nous comparerons nos textes à la vie copte àe Daniel dont M. Zoaga
a donné de nombreux extraits. On connaîtra alors sous ses diverses formes
grecque, copte, syriaque, éthiopienne et même arabe, avec ses modifi-
cations , interpolations ou suppressions, cette courte mais curieuse mono-
graphie qui semble avoir eu, en Orient, les succès que les Vies de Pacôme
et d'Antoine trouvèrent en Occident.
Léon Clugnet. F. Nau.
Étude sur le cénobitisme pakhomien pendant le l'V'^ siècle et la
première moitié du 'V", par M. l'Abbé Paulin Ladeuze, Paris, Fonte-
moing, 1898, in-8°, x-390 pp.
L'histoire complète des origines du monachisme est encore à faire. Un
sujet aussi vaste et aussi difficile ne saurait être l'œuvre d'un seul, et l'on
doit s'attendre à ne voir ce passé revivre que par fragments successifs. Les
documents nouveaux joints à ceux déjà connus et appréciés selon les lu-
mières de la vraie critique permettront de donner à ces grandes figures des
premiers moines leur véritable relief. Pour ce qui regarde l'Egypte où l'ordre
monastique a occupé la place que l'on sait, il faut tenir compte des textes
coptes ; jusqu'ici on les avait négligés bien à tort. Cette littérature toute chré-
tienne n'était guère connue ; on apprenait le copte comme un préambule à
l'interprétation des hiéroglyphes, mais bien restreint était le nombre de
ceux qui s'adonnaient à l'étude d'une langue encore usitée de nos jours dans
la liturgie, et dans laquelle sont écrites des œuvres nombreuses disper-
sées dans plusieurs bibliothèques d'Europe bu enfouies dans les monas-
tères schismatiques de l'Egypte contemporaine. Jusqu'à présent la Vie de
458 REVUE DE L'ORIEÎiîT CHRÉTIEN.
saint Pakhôme, le fondateur du cénobitisme, n'était connue que par les
textes grecs ou leurs traductions latines. M. Amélineau, professeur à l'É-
cole des Hautes-Études, a publié récemment des manuscrits coptes et
arabes, sur lesquels il s'appuie pour faire une histoire du monachisme
égyptien en rapport avec des idées préconçues et hostiles à l'Église ca-
tholique; il interprète à sa manière, il. généralise des faits particuliers
et en exagère la portée, et dans l'absence de renseignements, il affirme
parfois trop vite. Griitzmacher a adopté ses conclusions. La vraie science
n'avait donc pas dit son mot; M. l'abbé Ladeuze, professeur à l'université
catholique de Louvain, vient de combler ce desideratum, dans un travail
digne d'éloges. Pour la période qu'il embrasse, depuis la conversion de
Constantin jusqu'au concile de Chalcédoine, l'exposé du cénobitisme pa-
khomien est présenté de la manière la plus complète et la plus solide. Par-
faitement renseigné sur les sources de cette histoire, l'auteur n"a rien né-
gligé de ce qui pouvait mettre dans son véritable jour la physionomie de
Pakhôme et de ses disciples. L'ouvrage comprend trois parties : l'étude des
sources, l'histoire externe du cénobitisme pakhomien, les règles et l'or-
ganisation des monastères avec un appendice sur la moralité des moines
égyptiens, si fort décriée par M. Amélineau. Ces pages témoignent d'un
jugement sûr et d'un savoir approfondi.
L'examen des diverses Vies de saint Pakhôme a conduit M. Ladeuze à des
conclusions diamétralement opposées à celles de M. Amélineau. La Vie
grecque est l'originale; l'autorité de cette pièce paraît bien établie, tandis
que dans les versions coptes et arabes l'histoire a reçu des développements
légendaires considérables. La Vie arabe donnée comme la plus importante
passe en dernier lieu. L'auteur admet avec quelques réserves la lettre
de l'évéque Ammon, les lettres et discours de Pakhôme, de Théodore et
de Horsiisi. Les sources de l'histoire du cénobitisme sous le fameux Sche-
noudi terminent la première partie du travail. La transition de l'anacho-
rétisme à la vie en commun y est nettement tracée. S. Pakhôme, d'après
M. Ladeuze, ne fut jamais moine de Sérapis, et, contrairement à ce que
pensent Weingarten et Griitzmacher, il est impossible de rattacher le cé-
nobitisme pakhomien à une institution pa'ienne. La congrégation de saint
Pakhôme ne comptait pas moins de cinq mille moines au commencement
du ys siècle, tandis que celle de Schenoudi n'occupe qu'une place
secondaire dans l'histoire. Avec l'impartialité que l'on devrait rencon-
trer chez tout historien, préoccupé d'appuyer son œuvre sur une criti-
que sage et sans parti pris, M. Ladeuze reconnaît les faiblesses des hom-
mes, quand il y a lieu ; il ne voile rien de certaines difficultés, moins
sérieuses qu'on l'a prétendu, entre le clergé et les moines, dont saint Atha-
nase fut l'ami et l'admirateur. La règle de saint Pakhôme ne fut pas com-
posée en une fois, mais elle se constitua peu à peu selon les circonstances.
BIBLIOflRAPHIE. 459
Écrite d'abord en copte, elle fut traduite en grec pour l'usage des céno-
bites étrangers. La traduction latine de saint Jérôme ne donne pas toutes
les prescriptions du fondateur, et les œuvres de Cassien ne sauraient sup-
pléer à ce qui lui manque, car on se demande avec raison si ce dernier
a visité la Tbébaïde. Le tableau du monastère est complet et puisé aux
sources originales. Le travail de M. Ladeuze est une œuvre sérieuse et
d'ime importance considérable, qui témoigne d'une érudition peu commune
et d'une rare sagacité. Le distingué professeur a traité des questions jus-
qu'ici fort obscures, avec une sûreté de critique que l'on désirerait trouver
chex plusieurs savants. L'étude des diverses recensions de la Vie de saint
Pakhôme a exigé une enquête minutieuse afin d'établir l'ordre et la dé-
pendance mutuelle des rédactions greque, copte, latine, arabe et syriaque.
Le problème était compliqué; il nous paraît résolu selon l'exacte vérité.
Dom Paul Renaudln,
bénédictin.
Une page d'un manuscrit copte intitulé : « Les mystères des let-
tres grecques », par Ms"" Hebbelynck, recteur de l'université de Louvain .
(Extrait des Mélanges Charles de Harlez.) Leide, Brill, 1898.
Le traité contenu dans le manuscrit bien connu de la Bodléienne d'Ox-
ford, est très important pour l'étude des doctrines religieuses de l'Egypte.
Plusieurs érudits s'en sont occupés, mais jusqu'ici aucun n'avait entrepris
de l'éditer. M=' Hebbelynck en prépare la publication. Ce manuscrit,
rangé parmi les œuvres gnostiques plutôt à cause de sa tendance mystique
que des idées mêmes, soulève un grand nombre de questions intéressan-
tes. Un de ces problèmes concerne les théories cosmogoniques de l'au-
teur, dont le nom est l'Apa Seba, changé par un copiste malhabile en
celui d'Atasios. Seba trouve dans l'explication des lettres grecques l'in-
dication de la création, de la providence, de la rédemption, etc. M»'' Heb-
belynck nous donne un spécimen de ces spéculations mystiques dans la
page où Seba expose le symbolisme de la lettre delta; l'auteur y voit non
seulement l'image de la Trinité, mais encore celle de l'univers créé ,
soutenu et gouverné par la Trinité. Nous souhaitons vivement que le sa-
vant recteur de Louvain puisse au plus tôt terminer l'édition d'une œuvre
qui sera désormais à la portée d'un plus grand nombre de travailleurs.
D. P. R.
460 REVUE DE l'orient CHRETIEN.
Miscellanea di storia ecclesiastica e studi aiisiliari. I. Gnostici
socialisti. — L'unita délia chiesa seconde il sapiente persiano. —
Il pane di domani nel paternoster nazareo e copto. II. Patrologiae
et hagiographiae copticae spicilegium. Didachè coptica. Roma,
Pustet, 1898, in-S"; 19 et 23 pp.
M. TAbbé Umberto Benigni a commencé une série de dissertations re-
latives à l'histoire ecclésiastique et à la patrologie orientales. Les deux
premiers fascicules nous font désirer prompte continuation. Après les
études sur un rapprochement très fondé entre les doctrines des gnostiques
et celles de nos socialistes contemporains, et sur le témoignage du perse
Aphraat en faveur de la primauté du pontife romain, l'auteur explique
le sens de la version du j)ater copte qui dit : « Donnez-nous aujour-
d'hui notre pain de demain. » — Le second fascicule comprend une ver-
sion nouvelle de la Didachè, que M. TAbbé Benigni a eu ki bonne fortune
de découvrir dans une homélie attribuée à Schenoudi. Elle ne donne pas
tout le texte de Bryennios, mais elle fournit des points de comparaison
et des aperçus intéressants.
D. P. R.
Un apôtre de Tunion des Églises au XVII'* siècle. Saint Josaphat
et l'Église gréco-slave en Pologne et en Russie, par le Révéren-
dissime Père Dom Alphonse Guépin, abbé de Saint-Dominique de Silos.
2'"e édition, 2 vol. in-S»; xlvii-clvii-380-589. Paris-Poitiers, Oudin, 1898.
Le Révérendissime Père Dom Guépin a rendu im véritable service en
donnant au public cette nouvelle édition de Thistoire de saint Josaphat,
qu'il était bien difficile de trouver. Dans l'avant-propos qu'il a mis en tête
de son œuvre, l'auteur abandonne les conséquences pessimistes qu'il
avait tout d'abord tirées de la vie de son héros. Les événements, qui sem-
blent montrer une marche des Eglises orientales vers Rome, font naître
des espérances légitimes. L'abbé de Silos les expose une seconde fois à la
fin du chapitre où sont racontées les épreuves et les consolations que la
Providence a ménagées aux Ruthènes de 1866 à 1898.
Ce livre ne donne pas seulement l'iiistoire de saint Josaphat; on y trouve
l'histoire du peuple Ruthène. Ce saint, en effet, figure au nombre de ces
personnages extraordinaires qui résument un passé et préparent un ave-
nir. 11 fut un centre vers lequel convergèrent la plupart de ses compa-
triotes et do ses contemporains.
Les Patriarches de Constantinople avaient entraîné les Ruthènes dans le
lîIliLIOGUAr'HIE. 461
schisme. La catholique Pologne, (jui les soumit à son empire au nombre
de dix à douze millions, tenta de les ramener à l'unité romaine. Ses efforts
restèrent inutiles justju'au pontiticat de Cléuient Ylll et au règne de Sigis-
mond III. L'union de Brzesc, conclue alors (l.^j;")), plaça- ce peuple sous
l'autorité du Souverain Pontife. Quelques membres de la Compagnie de
Jésus, et en particulier les Pères Skarga et Possevin, contribuèrent beau-
coup à la préparation de cet acte. Malgré son importance, l'union de Brze.sc
n'avait pas anéanti le schisme. Il comptait encore des adhérents nombreux
et passionnés. Il fallait, pour en avoir raison , les travaux apostoliques
d'un saint et les souffrances d'un martyr*.
Ce saint et ce martyr fut Josaphat. II menait la vie religieuse dans le
monastère basilien de la Sainte Trinité de Vilna, lorsqu'un Ruthène, cal-
viniste converti, Jean Rutski, élève des Jésuites de Wurzbourg et du col-
lège grec de Rome, vint se placer sous la même règle; ces deux hommes
se complétaient l'un l'autre. L'unité qui s'établit bientôt entre eux, accrut,
en les unissant, leur action. On vit se former et se développer autour d'eux
un noyau qui fut le point de départ de la réforme des Basiliens Ruthènes.
Cette réforme était iirgente. La haine des schismatiques ne put arrêter
•son essor. Il lui vint de nombreuses adhésions. De nouveaux monastères
ne tardèrent pas à se fonder.
Josaphat, ordonné prêtre, fut appelé à remplir les fonctions d'hégoumène
et d'archimandrite, ce qui étendit forcément le champ de son action ; elle
s'exerça principalement sur les moines. Les pages que Dom Guépin con-
sacre à cette partie de l'histoire de son héros offrent un grand intérêt. Tous
ceux qui à un titre quelconque s'occupent de la restauration des anciens
ordres monastiques de l'Orient feraient bien de les lire et de les méditer.
Ils verraient comment on peut rendre la vie à ces corps vénérables sans
leur enlever leur physionomie propre. Saint Josaphat, dans sa réforme, se
montra par-dessus tout l'homme de la tradition; il le fut beaucoup plus
que Rutski, son collaborateur.
Cet amour de la tradition, si chère aux Orientaux, caractérise toute la
controverse du réformateur basilien, devenu archevêque de Polock. Tou-
jours il remonte aux sources, au berceau des Églises ruthènes et orien-
tales. Cela lui permet de montrer dans les schismatiques des novateurs et
dans les défenseurs de l'union les disciples fidèles des saints Pères. Il n'y
a pas d'autre marché à suivre en Orient.
L'abbé de Silos sera lu avec fruit par les hommes qui travaillent à l'é-
vangélisation des schismatiques orientaux. Puissent-ils mettre à profit les
leçons que l'histoire leur donne par sa plume !
Ligugé.
Dom J. M. Besse.
462 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
Ehrard (Albert). — Die orientalische Kirchenfrage und Œsterreichs Beruf
in ihrer Lœsung. Wien und Stuttgart; 1899. In-8o, 7G p.
Albin (Célestin). — La poésie du bréviaire. Essai d'Histoire critique et lit-
téraire. Tome I : Les Hymnes. Lyon, Vitte, 1899. In-18, xxxii-538 p.
Wallis budge (E. A). — Lady Meux Manuscript n° 1. The Lives of Mabà'
Seijôn and Gabra Krestôs, The ethiopic text ivith an english translation
and a chapter on the illustration of ethiopic mss. London, \V. Griggs,
1898. In-4°, LX.\xin-144 + 65 p.
Allard (Paul). — Saint Basile. Paris, Lecoffre, 1899. In-12, in-209 p.
Broglie (Le duc de). — Saint Ambroise. Paris, Lecoffre, 1899. In-12,
202 p.
Zaiin (Th.). — Skizzen ans dem Leben der alten Kirche. Zweite Auflage.
Erlangen und Leipzig, 1898. ln-8°, viii-392 p.
SOMMAIRE DES RECUEILS PERIODIQUES
Échos d^Orient.
Juin-juillet 1999. — L. Petit : Vie et ouvrages de Néophyte le Beclus. —
A P. Vidal : Aictour du lac (suite). — M. Théarvic : L'Église bulgare. —
G. Rousseau : Les Historiens et la Troisième Croisade. — A. Diavast :
U École évangélique de Smyrne. — K. Lecédoine : La Vierge de Béthel.
— J. Pargoire : Un mol sur les Acémètes. — S. Pétridés, C. Exépi :
Chronique.
Bessarione
Mai-juin 1899. — Delprecetto délia caritàper gli Ebreie per i Cristiani. —
De S. Josepho viro Mari» cnntica liturgica Grçecorum, auctore Jo-
sepho Melodo. — Storia e scritti di S. Pietra d'Argo. — La S. Sede e la
Naz one Armena. — Documenti e note sulla politica orientale dei Papi.
— Documenta relationum inter S. Sedem Apostolicam et Assyriorum
Orientalium seu Chaldxorum Ecclesiam.
lîIP.LlOGRAPIIIE. 4G3
Analecta Bollandiana
Vol. XVIII, fasc. IL — Traité dei^ miracles de S. François d'Assise par
le B. Thomas de Celano. — Bulletin des publications hagiographiques.
— Quatluor folia sequentia Catalogi codicum hagiographicorum grxco-
rum bibliothecie vaticanie.
Le Directeur-Gérant
F. Charmetant.
Typographie Firmin-Didot et G'^ — Mesnil (Eure).
Librairie ALPHONSE PICARD et fils, 82, rue Bonaparte
Barbet de Jouy (H.). Les mosaïques chrétiennes des
' basiliques et des églises de Rome, décrites et expliquées.
P., 1857, 1 vol. in-8 br., xxx-142 pages. . 1 fr. 50
Verneilh (F. de). L'architecture Byzantine en France. P.,
1852, 1 vol. in-4, br. (12 pi.), 316 p 15 fr.
— Des influences Byzantines 1855, in-4 (4 pi.) . . 5 fr.
— Le premier des monuments Gothiques (Basilique de
Saint-Denys, collégiale de Poissy), in-4, br. . . 2 fr.
Pierre Dubois. De recuperatione Terre Sancte, traité de
politique générale du commencement du xiv^ siècle, publ.
par Gh.-V. Langlois (fasc. 9), in-8 br., xxiv-144 p. 4 fr.
Duchesne (L'abbé L.). Les premiers temps de l'état pon-
tifical (754-1073.). P., 1898, in-8, 224 pages . . 4 fr.
Mélanges de littérature et d'histoire religieuses,
publiés à l'occasion du jubilé épiscopal de M§' Cabrière,
évêque de Montpellier, 1874-1899,in-8br., v-571 p. 10 fr.
Contenant des articles de MM. l'abbé Douais, abbé Jacquier, Boissier,
abbé Batifîol, Dom Morin, abbé Duchesne, baron Desazars, L. Roche, Dom
Cagin. Père Doussot, Père Denifle, abbé Poujol, etc., etc.
Bibliothèque de la Compagnie de Jésus. Première
partie : Bibliographie par les PP. de Backer; seconde
partie : Histoire, parle P. Garayon. Nouvelle édition, par
Garlos Sommervogel, S. J. Strasbourgeois, publié par la
province de Belgique, 1890-1898. Tomes I-VllI; A.-Z et
supplément Aage-Gasaletti, 8 vol. in-4 à 2 col. . 320 fr.
Pisani (L'abbé P.). La Dalmatie de 1797-1815, épisode
des conquêtes Napoléoniennes. 1892, 1 vol, in-8 (xxxvi-
490 p.), héliog., 10 cartes en coul 10 fr.
Belin (A.). Histoire de la latinité de Gonstantinople, 2^ édit.
préparée par l'auteur, revue, augmentée et continuée
jusqu'à notre temps par le R.P. Arsène de Ghatel, ex-pro-
vincial des Gapucins de Paris, ex-préfet apostolique de la
mission de Gonstantinople, avec deux plans et des gra-
vures. 1894, 1 vol. in-8 (547 p.), pi. et gr. . . . 10 fr.
DOCUMENTS RELATIFS AUX ÉGLISES DE L'ORIENT
ET A LEURS RAPPORTS AVEC ROME
Par A. D'AVRIL
3'^ édition, in-S" de 62 pages. — Paris, CIIALLAMEL. — Prix : 2 fr. 50
LE m:a.iiom:etism:b
LE GÉNIE SÉMITIQUE ET LE GÉNIE ARIAN DANS L'ISLAM
Par CARRA DE VAUX
In-12 de 232 pages. — Paris, CHAMPION, 1898. — Prix : 3 fr. 50
BIBLTO&RÀPHIE
DU
CULTE LOCAL DE LA VIERGE MARIE
Par Léon CLUGNET
i""" Fascicule (Province ecclésiastique d'Aix)
In-S". — Paris, Picard, 1899.
Prix : 6 fr.
HYMNOGRAPHIE POITEVINE
Par Dom J. PARISOT
MOINE BÉNÉDICTIN
In-S" de 30 pages. — LIGUGÉ, aux bureaux du " Pays Poitevin ", 1898.
LA
LITTÉRATURE CHRÉTIENNE
DE L'EGYPTE
Par Dom Paul RENAUDIN
MOINE BÉNÉDICTIN
In-S" de 30 pages. — Lyon, VITTE, 1899.
Typographie Firmin-Didot et C'«. — Paris.
REVUE
DE
L'ORIENT CHRÉTIEN
RECUEIL TRIMESTRIEL
4*^ ANNÉE. — N° 4. - 1899
PARIS
lib;rairie Alphonse picard et fils
82, RUE BONAPARTE, 82
1899
SOMMAIRE
Pages.
I. - LES REGLES MONASTIQUES ORIENTALES ANTE-
RIEURES AU CONCILE DE CHALCÉDOINE, par
Doiu «P. M. Besse, O. ^. B. 465
II. - LES ÉVÉQUES JACOBITES DU Vll^au XIII" SIÈCLE,
par l'abl>é J.-B. Chabot {sjiite) 495
III. — RÉPERTOIRE ALPÎIABÉTIQUE DES MONASTÈRES DE
PALESTINE, par le B. P. S. Vaille, des Augustins
de l'Assomption 512
IV. - OPUSCULES MARONITES. — Histoire de sévère,
PATRIARCHE d'Antioche, par il. l'abbc F. IVaii,
professeur à l'Institut Catholique (s«i7e) 543
V. — VOYAGE AU PAYS DES NOSAIRIS, par le B. P. H.
Laminen!^, S. «I 572
YI. — L'ORDINAL COPTE, parle B. P. V. F:rmoiii, de la
congrégation de la Mission (5w?7e) 591
VII. — NEUF CHAPITRES DU « SONGE DU VIEL PELERIN »
DE PHILIPPE DE MÉZIÈRES, RELATIFS A L'ORIENT,
par 11. Ed. Blocliet (suite), 005
VIII. — MÉLANGES. — Benoit XIV et l'Église Copte, par
Dom P. Benaiiclin, O. i». B. 615
JX. — BIBLIOGRAPHIE 626
La Bévue de l'Orient chrétien (recueil trimestriel) paraît par fascicules
formant chaque année un volume de plus de 500 pages in-8o, avec des textes
en langues grecque, slaves, syriaque, arabe, arménienne, copte, etc., et
des planches. ' *
ON S'ABONNE A PARIS :
A la JL.1BIIAIRIE Alphonse PICARD,
RUE BONAPARTE, 82.
Prix de l'abonnement :
France * fr.
Étranger lO »
Prix de la livraison » fr. SO
On peut se procui-er les volumes qui Qg sont pas épuisés à raison de 10 fr. le vol.
Les comnuuiicalions iclalives à la rcdaclion doivent être envoyées au Secrétariat de
la Revue de r Orient Chrétien, rue du Ueyard, 20, à Paris.
Il sera rendu compte de tout ouviase relatif à l'Orient, dont un exemplaire aura
ele adresse a la Revue de l'Orient Chrétien, ciiez MM. A. PICARD et Fils, libraires,
rue Bonaparte. 8-2, à Paris.
LES RÈGLES MONASTIQUES ORIENTALES
ANTÉRIEURES AU CONCILE DE CHALCÉDOIXE
Au iV siècle comme de nos jours, la vie monastique consis-
tait dans la recherche de la perfection chrétienne.
Les moines avaient à pratiquer les mêmes vertus que les fi-
dèles restés au milieu du monde, mais avec une perfection
beaucoup plus grande.
L'observation des préceptes suffit à ces derniers, tandis que
ceux-là doivent en outre suivre les conseils évangéliques (1).
La vie religieuse a eu beau prendre les développements les
plus extraordinaires, les préceptes et les conseils sont restés
son fondement inébranlable. Il en sera toujours ainsi malgré les
prescriptions et les règlements qui seront formulés dans la
suite des âges pour répondre aux multiples exigences de la vie
commune et des buts particuliers que poursuivront les divers
groupes monastiques. Les additions qui pourront se multi-
plier à l'infini, ne sauraient constituer l'essence du mona-
chisme.
Il en va tout autrement de la pratique des vertus chrétien-
nes. Sans elles, point de vie religieuse. On doit les trouver par-
tout et toujours. Or ces vertus, qu'elles soient préceptes ou con-
seils, ont leur formule authentique dans l'Évangile. Voilà
pourquoi ce livre sacré fut la seule règle des premiers moines.
Lorsque les saints s'occupèrent plus tard d'organiser leur vie
ils s'attachèrent surtout à préciser davantage les obligations qui
découlent du texte sacré. De nos jours encore, il ne faut pas
(1) L. AllaVms, p7\e fado ad regularum codicem, citô parBrockie, Codex regula-
rum, prœfat., C. 11. Pat. Lat., t. CllI, 398. Fleuiy, Les mœurs des chrétiens éd
1727, 318-320.
ORIENT CHRÉTIEN. 32
466 REVUE DE l'orient CHRETIEN.
chercher ailleurs le fondement des devoirs que le monachisme
impose, quelles qu'en soient du reste les formes acciden-
telles (1).
Comme les saints Évangiles font partie d'un ensemble ten-
dant au même but et inspiré par le même Dieu, l'Écriture
sainte tout entière devint pour les moines la règle véritable.
Avec leur habitude de découvrir dans tous les passages de la
Bible un sens figuré, il leur était facile de trouver partout jus-
que dans les sentences et les épisodes en apparence les plus
insignifiants ou un précepte ou un exemple capables de les
éclairer sur la nature et l'étendue de leurs obligations. Cette ma-
nière de voir s'accordait fort bien avec leurs idées sur les ori-
gines de la vie religieuse. Elle avait pour fondateur et pour
type achevé Notre-Seigneur Jésus-Christ lui-même. L'Église
primitive de Jérusalem leur apparaissait comme le premier mo-
nastère du monde. Les passages des Actes des Apôtres où est
exposé le genre de vie que menaient ses enfants leur faisaient
connaître dans ses lignes principales la règle suivie alors. Quel-
ques saints de l'Ancien Testament, éclairés par l'Esprit de Dieu,
avaient connu et pratiqué la vie religieuse. Élie, Elisée, saint
Jean-Baptiste devenaient ainsi des moines et les modèles des
moines. Leur règle était contenue dans les textes scripturaires,
qui racontent leur vie et leurs vertus (2).
Saint Jérôme se conformait aux sentiments de ses contempo-
rains quand il proposait à la vierge Démétriade les prescrip-
tions des divines Écritures comme le point fondamental des
observances monastiques (3), et lorsqu'il conseillait à son illus-
tre ami Paulin de Noie de choisir pour modèles non seulement
les Paul, les Antoine, les Julien, les Hilarion, les Macaire,
mais encore Élie, le prince des moines, Elisée, qui appartient
également aux moines, et les fils des prophètes, qui vivaient
dans les champs et dans la solitude, et qui bâtissaient leurs cel-
lules sur les rives du Jourdain (4).
Telle était bien aussi la pensée de saint Antoine le Grand.
(1) VA. Dom Ambroiso Kienle, Kirclien lexikon.
(2) Fleury, 317-318. L'origine évangéliquo ou scripturaire du monachisme est
(lu domaine de la tiiéologie plutôt que de l'histoire. Aussi n'en dirons-nous rien.
(3) St Jérôme, epist. 130, n. 17. Pat. laL, XXII, 1121.
(4)/d.,epist.58. /62rf.,583.
LES RKflLES .MOXASTKjUES ORIKNTALHS. 467
« Nous n'avons besoin pour notre rorniation que des divines
Écritures, » disait-il à ses disciples (Ij. Des les premiers temps
il se persuada que le prophète Élie était le type achevé de la
vie ascétique. Il tenait donc sans cesse les yeux de son âme fixés
sur cette admirable figure, afin d'y contempler comme dans un
miroir ce que devrait être sa propre existence (2). Plus tard il
recommandait aux moines que sa sagesse et sa bonté attiraient
en foule autour de sa cellule, de repasser continuellement dans
leur esprit les préceptes de l'Ecriture et de conserver la mémoire
des actions accomplies par les saints (3).
D'après saint Basile, qui est le maître le plus autorisé de la
vie monastique, le religieux doit prendre pour règle de toutes
ses actions le témoignage des Écritures, et non le jugement de
son esprit personnel. C'est l'unique moyen d'agir constamment
sous l'influence de l'esprit de Dieu (4). Il s'est lui-même con-
formé à ce principe toutes les fois qu'il a tracé aux moines une
ligne de conduite. Ses règles ne sont, suivant la remarque
du judicieux Fleury, « qu'un abrégé de la morale évangélique,
qu'il propose généralement à tous (5) ».
On pourrait en dire autant de presque tous les législateurs
monastiques de cette période.
Pallade écrit que le solitaire Bisarion avait toujours sur lui un
exemplaire des saints Évangiles. Il portait ainsi constamment
le texte de la loi qu'il devait exécuter (6), il pouvait examiner
plus aisément les actions de sa vie et voir si elles étaient con-
formes à la parole du Seigneur. Le fondateur des Acémètes,
Alexandre, ne voulait pas non plus d'autre règle que l'Évangile.
Son ambition était de le pratiquer au pied de la lettre. Quand
il partait en voyage avec ses disciples, ce livre sacré était la
seule chose qu'il consentît à emporter (7),
Mais les livres saints demandaient à être lus avec beaucoup de
circonspection, si l'on désirait en faire la règle unique du moine.
Combien il eût été facile de substituer sa propre pensée à celle
(1) s. Athanasii I "du s. Anlonii, Ki. Pal. Gr., XXVI, Gi;;.
^ (2) Ibid., I, col. (>34.
(3) Ibid., LY, col. 022.
(4) S. Bnfii\e,reguLv brevluti Iradnlx intor. 1. Pal. Gr., XXXI, l(j7:)-82.
(5) Floury, 318.
(6) Pallade, Hisl. laus., 110. Pal. Gr., XXXIV, 1-J22.
(7) Act. sanctorum, ]Anuav.,t. ], l(i-Ji)-2!l.
468 REVUE DE L ORIENT CHRETIEN.
du Sauveur, et de fausser, en les comprenant mal, en les exagé-
rant ou en les restreignant, le sens de ses paroles. Et puis tout
le monde pouvait-il imiter la vie austère d'un saint Jean-Bap-
tiste? Peu d'hommes sauraient en effet se contenter d'un habit de
poils de chameau pour tout vêtement, de quelques herbes ou
feuilles sauvages pour toute nourriture.
En outre, l'expérience montre chaque jour une foule de
points sur lesquels l'Écriture garde un silence profond. Le
moine dès lors se voit dans l'impossibilité de connaître direc-
tement la volonté de Dieu, dit saint Basile (2).
Toutes les fois que les maximes et les exemples de la Bible
sont insuffisants, remarque Isidore de Péluse, il faut prendre
pour règle de vie et type de sa perfection les ordres d'un supé-
rieur (3). Saint Jérôme s'exprime plus nettement encore, lors-
qu'il écrit à la vierge Démétriade : « Après avoir demandé sa
ligne de conduite aux Écritures, il est bon de la chercher
auprès d'un homme et d'obéir à un chef, si l'on ne veut pas
s'abandonner au pire des conducteurs qui est le jugement
propre (4). »
Voilà pourquoi tout chrétien qui désirait embrasser la vie
monastique, commençait par se mettre sous la conduite d'un
moine, recommandable par son âge et rompu à tous les exer-
cices de l'ascèse. Ses enseignements et ses exemples lui don-
naient tout ce qu'il ne pouvait trouver dans les Écritures. Il
lui était possible dès lors d'organiser pratiquement sa vie. Il
avait une règle.
Parmi ces anciens, à qui les jeunes recrues confiaient le soin
de leur formation, plusieurs se laissaient conduire par leurs
propres idées, sans se préoccuper de la tradition et des cou-
tumes généralement admises. De là de nombreuses divergences
et avec elles tous les inconvénients de l'arbitraire.
Leurs disciples se conformaient en tout à leur manière
d'agir et de penser; Cassien, qui avait observé de si près le
monachisme oriental, fait à ce sujet des plaintes formelles.
(1) s. Nil., 1. 1, epist. 157. Pat. Gr., LXXIX, 1 17. S. Isidore Pelus, 1. I, ('pisl. 5. Pal.
Gr., LXXXXIII, 182-183.
(2) S. Basile, Rcgul. brev., inter. 1. Pat. Gr., XXXI, 1.J82.
(.S) S. Isid., ibid.
(4) S. Jérôme, epist. 130, n» 17. Pair. Lat., XXll, 1121.
LES IlKdLES ^rONASTlQIJES ORIENTALES. 469
Ce désordre régnait surtout en dehors de l'Egypte (1).
Fallait-il cependant chercher de l'uniformité dans ces mul-
titudes de groupes monastiques? Evidemment non. C'eût été
contre la nature des choses. Les hommes ont des besoins trop
variés; les climats, les lieux et tant d'autres circonstances
exercent sur la vie humaine une influence telle, que cette unité
était et reste absolument irréalisable. Personne à cette époque
n'y songeait. Nous avons constaté ailleurs les divergences que
présentait le monachisme dans son ensemble. Il en offre
encore et de très profondes, si on le considère dans chacune
des catégories établies précédemment.
La suite de ce travail montrera combien ermites, cénobites,
reclus, différaient entre eux (2). Mais ces particularités inévi-
tables ne doivent pas être confondues avec l'arbitraire que
blâmait Cassien. Elles se manifestaient principalement sur le
domaine des austérités. L'observance était, en effet, loin d'avoir
partout la même rigueur. Les supérieurs tenaient compte de
ces différences pour l'admission des sujets. Lorsqu'un candidat
ne leur semblait pas avoir l'énergie suffisante pour porter le
poids de la règle, ils lui conseillaient de frapper à une autre
porte. « La discipline de cette maison est très pénible, répon-
dit un abbé égyptien à un jeune homme qui sollicitait son
admission, vous êtes incapable de la supporter. Cherchez de
préférence un monastère où la vie soit moins rigoureuse (3). »
Le genre de vie que les anciens prescrivaient à leurs disci-
ples, qu'ils fussent ermites ou cénobites, se transmettait par
eux à tous les moines qui venaient augmenter leur groupe.
Mais ces fondateurs, s'ils voulaient, au lieu de leurs concep-
tions personnelles, toujours discutables, donner une règle sage
et dégagée de tout arbitraire, n'avaient qu'à s'inspirer des
enseignements de la tradition et de la coutume généralement
admise. Aussi les voit-on se donner comme un écho fidèle de
la doctrine et des exemples des hommes qui les avaient pré-
cédés. Un abbé ne pouvait fournir à sa parole une meilleure
recommandation. Ce cortège de témoins antiques et vénérés
(1) Cassien, Inst. L, 11, '2, 3, p. 18-20.
(2} S. Gr. Naz. pocma ad Heilenium, v. 109-114. Pal. Gr. XXXVll, 1459; oralio cou-
Ira JuUanum. Pat. Gr. XXXV, 598.
(3) Siilp. Sév., Dial 1, p. 120.
470 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
qui venaient l'un après l'autre appuyer de tout le poids de leur
expérience personnelle telle pratique, tel conseil, lui conciliait
forcément l'esprit de ceux qui l'entendaient. « Nous devons,
dit à ce sujet Cassien, donner une confiance absolue et une
obéissance aveugle non aux règles, venues de la volonté d'un
petit nombre, mais à celles qui ont pour les appuyer l'antiquité
et l'accord unanime des Pères nombreux, qui les ont obser-
vées et propagées (1). »
Les monastères de l'Egypte et de la Thébaïde, que l'auteur
des conférences visita, se faisaient plus que les autres remar-
quer par le caractère traditionnel de leurs institutions (2). Les
solitaires qu'il put entretenir invoquaient tous avec le même
respect le témoignage des anciens.
Lorsque l'abbé ïliéonas, par exemple, voulut motiver à Cas-
sien certains usages chers aux moines de la région, il n'em-
ploya pas d'autre argument : « Il faut nous incliner devant
l'autorité des Pères et devant la coutume de nos prédécesseurs,
qui s'est continuée jusqu'à nos jours, quand même nous n'en
comprendrions pas la raison ; conservons avec respect et fidélité
ce que nous a légué l'antique tradition (3). »
C'était chez eux un principe arrêté, légitimé par une longue
expérience. Voici ce qu'en pensait l'abbé Piamoun : « Celui
qui cherchant à s'instruire commence par discuter, n'arrivera
jamais à connaître la vérité; car l'ennemi, voyant qu'il se fie
plus à son propre jugement qu'à celui des Pères, le poussera
sans peine à trouver superflues et préjudiciables les choses
les plus utiles et les plus salutaires ; il flattera son esprit pro-
pre de telle manière que, en s'obstinant dans ses pensées
déraisonnables, il ne jugera saint que ce qui lui semblera
personnellement juste et droit (1). »
Cette fidélité à la tradition était l'un des plus beaux témoi-
gnages que les vétérans du monachisme pussent se rendre à
eux-mêmes devant leurs frères ou leurs disciples.
Les Anciens étaient un jour assemblés auprès de l'abbé Isaac
mourant afln de l'assister à son heure suprême et de recueillir
(1) Cass., /Hs/., 1. 1,2, p. 10.
(2) IbkL, 1, 11, 3, p. 10.
(3) Conl., XXI, 12, p. 585.
(4) Ibid., XVIII, 3, p. 508.
LKS UÈdLKS MONASTIQUKS OUIKXTALES. 471
ses derniers avis. « Que devons-nous faire après vous, lui de-
mandèrent-ils? — Voyez comment j'ai marché sous vos yeux.
Si vous voulez me suivre et garder les commandements du
Seigneur, il vous enverra sa grâce et vous maintiendra dans
les lieux que vous habitez. Si au contraire, vous n'êtes point
fidèles, vous ne demeurerez pas ici. Quand nos pères étaient
sur le point de mourir, nous étions, nous aussi, plongés dans
la tristesse; mais nous avons gardé les ordres de Dieu et les
avis de nos pères, et nous avons vécu comme s'ils eussent été
avec nous (1). »
Les Anciens continuaient de la sorte dans l'esprit et dans le
cœur de leurs disciples; la présence morale de ces saints per-
sonnages leur était d'un puissant secours. Rien ne pouvait
mieux les encourager à conserver religieusement les traditions
dont ils étaient la source ou tout au moins le canal. « Le
Père qui a le premier institué nos monastères se réjouira, di-
sait l'abbé Orsisi aux moines de Tabenne, il priera Dieu pour
nous, en lui adressant ces paroles : Ils vivent. Seigneur, con-
formément à la tradition que je leur ai laissée (2). »
Les maîtres de la solitude ajoutaient, en règle générale, plus
d'importance aux actions qu'aux paroles; à cause de cela,
l'exemple de la fidélité personnelle leur semblait la manière
la plus sûre et la plus pratique de transmettre à leurs dis-
ciples la tradition qu'ils tenaient de leurs prédécesseurs.
Écoutons à ce sujet un conseil de l'abbé Pœmen : Un moine
vint lui dire : « Des frères habitent avec moi, persuade-moi
donc de leur commander. — Je n'en ferai rien. Commence
par agir toi-même; et s'ils désirent la vie, ils verront ce qu'il
leur faut faire. — Mais, père, ils veulent que je leur donne
des ordres. — Point du tout, sois-leur un modèle, non un lé-
gislateur (3). » Pœmen ne conseillait pas le mutisme absolu^
car pour être véritablement un modèle, il est nécessaire de
parler. Les Anciens des monastères ou des ermitages complé-
taient l'utile leçon de leurs exemples par un enseignement
oral. Ils ajoutaient évidemment à la doctrine et aux actions
de leurs devanciers tout ce qui était de nature à rendre leur
(1) Apophtegmata Palrum. Pal. Gr., LXV, 226-227.
(2) OrsisU doctrina. de inslituHone inonachorum 12. Pal. Gr., XL, 875.
(3) Apophlegmata Patrum. Pal. Gr., LXV, 363.
472 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN
parole plus claire et plus vivante. Leur expérience personnelle
enrichissait encore le dépôt qu'ils avaient reçu. On finit par
écrire cette tradition. C'était s'assurer le moyen de la trans-
mettre à la postérité plus complète et plus pure et de la com-
muniquer plus aisément à ceux qui vivaient au loin. Les re-
cueils, où l'on trouvait la doctrine des Pères et le récit de
leurs actions édifiantes, ouvrirent la source autorisée où les
fondateurs et les chefs des groupes monastiques puisaient les
éléments de la règle qu'ils proposaient à leurs disciples. Ils
recevaient de leurs moines une confiance d'autant plus grande
que chacun pouvait se rendre compte de leur fidélité.
Parmi ces monuments primitifs de la discipline monastique,
il s'en trouve plusieurs qui donnent une idée assez juste de
ce qu'était une règle à cette époque reculée. Il n'y a rien de
compliqué, point d'organisation minutieuse. Les hommes ha-
bitués à la précision, à l'étendue, à l'ordre qui caractérisent
les législateurs modernes auraient grand'peine à y reconnaître
une règle proprement dite. Mais c'est justement cette simplicité
qui en fait le charme et le mérite. Elle disparaîtra peu à peu
avec les développements successifs de la discipline religieuse.
Il sera intéressant d'étudier les modifications et les additions
que reçoit ainsi le monachisme et de voir à travers la diver-
sité des formes accidentelles, se maintenir intacts les principes
qui lui servent de base.
La règle la plus ancienne que nous ayons est celle que
l'abbé Palamon enseignait à son disciple Pakhôme (avant 320).
La voici telle que la donne la vie copte publiée par Améli-
neau : « La règle de la vie monastique telle que nous l'ont ap-
prise ceux qui nous ont précédés est celle-ci : en tout temps
passer la moitié de la nuit en veille, en méditant la parole du
Seigneur sans compter une foule d'autres fois, du soir au ma-
tin; faire une foule de travaux manuels, soit cordes, soit crins,
soit fibres de palmier, afin que le besoin du sommeil ne nous
fasse pas souffrir et pour la nécessité de sustenter le corps. Ce
qui reste de ce dont nous avons besoin nous le donnerons aux
pauvres, selon la parole de l'apôtre qui dit : « Non sen-
te lement nous penserons aux pauvres » ; quant à manger de
l'huile, boire du vin, manger quelque chose de cuit, nous ne
connaissons rien de semblable; nous jeûnons tous les jours jus-
LES RÈGLES jMONASTIQUES ORIENTALES. 473
qu'au soir pendant Tété ; mais dans les jours de l'hiver pen-
dant deux ou trois jours de suite. Quant à la règle des sinaxes,
c'est de prier soixante fois pendant le jour sans compter les
prières que nous faisons peu à peu afin de ne pas mener une
vie mensongère, car on nous a ordonné de prier sans cesse.
Maintenant voici comment je t'ai appris la règle de la vie mo-
nacale (1). »
Pallade publie une règle que saint Pakhôme aurait reçue du
ciel par le ministère d'un ange. On ne trouve aucune men-
tion de ce fait dans les vies antérieures. Ce document est trop
souvent en contradiction avec ce que l'on sait par ailleurs de la
vie des moines de Tabenne. M. Ladeuze n'a pas eu de peine
à prouver qu'elle n'était pas authentique (2).
Les Apophtegmata en renferment une que l'abbé Pœmen
traçait à un novice : « Pour ce qui regarde l'extérieur, lui répondit
l'ancien, il te faut travailler des mains, manger une fois le jour,
garder le silence, méditer partout où tu iras, te demander un
compte rigoureux de tes actions. Ne néglige point les heures
de l'office, ni ce que tu dois accomplir dans le secret. Recher-
che la bonne compagnie des frères, fuis toute mauvaise so-
ciété (3) . »
Isaïe tenait le langage suivant à ceux qui habitaient en sa
compagnie : « Vous qui désirez habiter avec moi, écoutez, je vous
prie pour l'amour de Dieu. Que chacun reste dans sa cellule avec
la crainte du Seigneur, ne dédaignez pas le travail manuel à
cause du précepte divin. Ne négligez pas la vigilance sur vous-
même ni la prière assidue. Éloignez de votre cœur les pensées
étrangères, ne vous préoccupez ni des hommes ni des choses de
la terre. A table et dans l'assemblée des frères ne parlez point
sans une pressante nécessité. Ne corrigez pas celui qui récite les
psaumes, à moins qu'il ne vous le demande. Que chacun prépare
durant une semaine les aliments nécessaires, sans néanmoins
cesser de veiller sur son âme. Que personne n'entre dans la
cellule d'un frère, ne cherchez pas à vous voir avant l'heure,
ne recherchez pas ce que font les autres, ni si vous travaillez
{\) Annales du Musée Guimct, I.XYII, l-2-lo.
(2) Ladeuze, Le cénobilisme pakhomien, 257 et s.
(3) Apophtegmata Palrum, 1G8. Pal. Gr., LXV, 362.
474 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
plus que votre frère. En allant au travail, évitez la paresse et
l'orgueil (I). »
Cette règle, on peut bien lui donner ce nom, se compose
d'une série de préceptes ou de défenses analogues à celles qui
précèdent.
Cette simplicité et ce laconisme ne devaient avoir qu'un temps,
on le conçoit. La multiplicité des vocations, la présence d'un
grand nombre de religieux dans le même monastère, les exi-
gences des pays, des personnes etc., firent de bonne heure naître
des besoins auxquels il fallut remédier par des règlements nou-
veaux. Ceux qui s'abandonnaient trop à l'initiative personnelle
tombèrent dans l'arbitraire et dans les inconvénients déjà si-
gnalés. Les divergences profondes qui en résultaient déroutaient
certains esprits, sans altérer toutefois l'unité de la vie reli-
gieuse. Les adaptations se faisaient d'ordinaire avec lenteur et
sagesse; il en fut toujours ainsi dans les milieux où régnait le
respect de la tradition (2). Mais là encore il fut impossible
d'échapper à de nombreuses divergences. Il y eut donc en
Orient des observances très variées; on dirait aujourd'hui un
grand nombre d'ordres distincts. Ces divers groupes monas-
tiques ont des traits communs qui permettent d'établir entre
eux une certaine classification. Toutefois il ne faudrait point se
faire illusion et croire que l'on peut faire entrer tous les monas-
tères dans les cadres d'une distribution méthodique, comme
cela est possible avec les ordres religieux qui existent actuelle-
ment.
Le groupe qui se présente le premier a son centre dans la
basse Thébaïde. Il est le plus ancien et peut-être celui dont l'in-
fluence a été la plus considérable. II doit sa célébrité au saint
qui fut son fondateur et son législateur, Antoine le Grand, pa-
triarche de la vie érémitique. Né en 251 vers le temps où
saint Paul, le premier ermite, s'enfonçait dans le désert, il avait
lui-même une vingtaine d'années, quand il embrassa la vie
ascétique auprès de son village natal. La prière, le travail, la
lecture et la mortification rapprochèrent son âme de Dieu : afin
de s'unir à lui plus intimement encore, il s'éloigna dans la so-
(1) Isaieoralio. Pat. Gr.,XL, 1105-1107.
(2) Cassien, Ins(U.,\iv. 111-lV, p. 39. Conlal., II, p. 60-1.
LES IIKGLES MONASTIQUES ORIEXTALES. 475
litude et choisit un tombeau pour demeure. Puis il s'avança de
nouveau dans le désert, où il reneonti-a un ciiàteau ruiné, qui
lui servit d'habitation pendant vingt ans. Ce fut alors que des
disciples vinrent en foule se placer sous ses ordres, il les gagna
à la pratique de la perfection chrétienne. Ses vertus, ses aus-
térités, ses luttes contre l'esprit mauvais, et son admirable sa-
gesse lui assurèrent sur tous ces hommes un empire incontesté.
Il les a marqués de son empreinte. Et cette empreinte s'est en
quelque sorte transmise par eux au monachisme tout entier.
Aussi les religieux de tous les pays le peuvent-ils regarder
comme leur ancêtre et leur patriarche. Cette influence extraor-
dinaire, autant et plus peut-être que ses miracles, a valu à
saint Antoine le titre de Grand.
Antoine fut ermite; ses disciples immédiats restèrent ermites.
11 ne chercha jamais à établir parmi eux une hiérarchie quel-
conque, ni à laisser après lui la moindre organisation monas-
tique. Former ses disciples à son image, leur tracer une ligne
de conduite conforme à la sienne, telle fut son œuvre. Ses
actions, sa vie tout entière inculquaient à ceux qui le voyaient
ou qui entendaient parler de lui les saines notions de la vie
religieuse avec plus de force que tous les discours. L'homme
qui par son ardeur à défendre l'orthodoxie, par son cou-
rage en face de ses ennemis et par son inaltérable patience sous
les coups de persécution, attira le plus l'attention de ses contem-
porains, saint Athanase, ne crut pas faire œuvre inutile en
rédigeant la vie du moine de la Thébaïde dont il avait été l'ami
dévoué et le sincère admirateur. Son rôle ne fut pas seulement
celui d'un biographe ; il visait plus haut. On ne se méprit pas alors
sur ses intentions.
Athanase dédia la vie de saint Antoine à des religieux italiens.
« Je sais, leur écrivit-il, que, après avoir conçu pour cet homme
une vive admiration, vous désirerez imiter son genre de vie. Sa
vie est, en effet, un modèle que l'on peut proposer à l'imitation
des moines (1). » « Lisez-la donc à d'autres frères, leur disait-il en
terminant, afin qu'ils apprennent ce que doit être la vie des
moines (2). » Ce sont les préceptes mêmes de la vie monastique
(1) s. Athanase, I'(7a .S'. Anlonii, prol. A//. 6'/-., XXVI 338.
(2) Ibidem, 94, col. 774.
476 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
que le patriarche d'Alexandrie a promulgués sous une forme
narrative (I), aussi est-il devenu avec son livre le législateur
des moines (2). Cette vie fut dès lors, au dire d'un écrivain
moderne, comme l'évangile du monachisme. Ce fut un code en
actions (3). M. Tliamin, à qui nous empruntons ce jugement, va
même, dans l'enthousiasme que lui inspirent saint Antoine et
son biographe, jusqu'à dire que l'influence de cette œuvre sur
la morale chrétienne a été la plus grande après celle du Christ. La
vie de saint Antoine fut donc, dans un sens large, acceptée de
tout le monde alors, comme une règle monastique. Saint Atha-
nase la rédigea en 363. Cinq ans plus tard, le prêtre Evagre, qui
avait accompagné saint Eusèbe de Verceil en Italie, en fit une
traduction latine.
Nous avons en outre une règle qui porte le nom de saint
x\ntoine. Elle nous est parvenue dans deux textes; le premier
inséré par saint Benoît d'Aniane dans sa précieuse collection,
et le second traduit de l'arabe par le maronite Échel (4). Ils
dérivent d'une même source. Les variantes qu'ils présentent,
ne modifient guère le sens. Toutefois la version d'Échel est plus
claire. Les deux textes sont distribués d'une manière diffé-
rente. Voilà pourquoi le premier compte 48 articles, tandis que
le second en a 80.
L'auteur entend bien rédiger une règle et intimer des ordres.
Ses phrases courtes sont de véritables sentences, mais il cherche
moins à tracer un règlement pratique qu'à émettre des principes
capables d'imprimer à l'esprit et au cœur une direction ferme.
Le moine trouve dans ces formules concises la lumière dont il
a besoin pour se conduire dans sa cellule, à table, en voyage,
dans ses prières, dans ses relations avec les frères, les hôtes.
Les conseils les plus sages lui sont donnés pour sa vie inté-
rieure. L'humilité lui est présentée comme la base et le sommet
de toute ascèse.
Cette règle s'adresse à des religieux vivant séparés dans
leurs cellules, se réunissant à l'église et pouvant avoir des
disciples. Il est impossible toutefois avec son seul secours de
(1) s. Grég. Naz., oratio XXI, in laudem Athanasii. Pal. Gr., XXXV, 1087.
(•2) Ilei-mant, La vie de S. Ath., liv. XI, cf. t. II, 553.
(o) Thamin, ,S'. Ambroise et la morale chrélienne au IV' siècle, p. 376-77.
(4) Pat. Gr., XV, I0G5-7I.
LES RÈGLES MUXASTIQLES ORIENTALES. 477
constituer un monastère. Mais quel peut bien en être l'auteur?
Quoi qu'en disent les deux recensions, on ne saurait l'attribuer à
saint Antoine, car ni saint Athanase, ni saint Jérôme, ni les
écrivains de cette époque, qui parlent si volontiers de ses actions
et de sa personne, ne font la moindre allusion à une règle
composée par lui. Elle est plutôt l'œuvre d'un moine qui vécut
à une époque postérieure. Il a fait de larges emprunts à la vie
de saint Antoine et aux écrits qu'on lui attribue. C'en était assez
■pour l'autoriser à la faire circuler sous le nom vénéré d'An-
toine (1).
Un peu sur tous les points de l'Egypte, des moines illustres
par leur vertu se réclamèrent alors du nom de saint Antoine.
Ce leur était d'un grand honneur de pouvoir se présenter comme
ses disciples (2). Les deux Macaire, Isidore, Héraclide, Pambo,
que les religieux de Nitrie vénéraient comme leurs chefs et
leurs pères, disaient avoir reçu ses leçons (3). Macaire d'Alexan-
drie eut recours à des faits merveilleux afin de prouver qu'il
était vraiment l'héritier de ses vertus et de son esprit ( 1). Parmi
ces hommes qui prétendaient vivre de ses enseignements et
suivre ses exemples, il n'y en eut aucun de plus célèbre que
saint Hilarion. Il était originaire des environs de Gaza. Il suivait
les leçons de l'école d'Alexandrie lorsque la renommée porta jus-
qu'à ses oreilles le nom et les œuvres de saint Antoine (306).
Malgré son jeune âge, il n'avait que quinze ans, il s'en alla dans
la Thébaïde écouter les enseignements de ce grand docteur de
la solitude.
Après avoir passé deux mois sous la conduite d'un pareil
maître, Hilarion reprit le chemin de son pays natal, où il devint
avec le temps le père et le chef de tout un peuple de moines.
Il leur prescrivit, en y ajoutant quelques observances un peu
(1) Brockie, Observât io crilica in regulamS'' Anton! i. Codex regularum.Pat. Lat..
t. (;ill, col. 423. Dom Benedikt Conlzen, Z><(? Regel des heiligenAntonim. On recon
naît dans cette règle une double rédaction : la première s'arrête à l'article 35 (vei--
sion du Codex regularwn) qui se termine ainsi : Cui Gloria cum Pâtre suo et spi-
rllu suo sancto in Scrcidum. Amen. Les 13 derniers articles sont empruntés à la
règle d'Isaïas.
Bollandus a tenté de reconstituer l'observance monastique de saint Antoine avec
le secours de sa vie, Acta sancto)'um, t. II, jan., p. 484-85.
(2) Bollandus a dressé une liste des principaux, ibid., 475-478.
(3) Rufin, Hist. Ec.,\\v. II, 4. Pat. Lut., XXI, 511.
(4) Pallade, Ilist. laus., 19-20. Pat. Gr., XXXIV, 1048.
478 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
plus rigoureuses, les règles qu'il avait lui-même observées auprès
de saint Antoine (1).
Les moines de Nitrie qui appartenaient également à la grande
famille Antonienne ont vu se développer et compléter la tradi-
tion monastique qui leur venait de cette source vénérable.
Pallade fait connaître l'organisation de ce groupe monastique,
l'un des plus considérables qui aient existé. La règle avait un
certain nombre de points nettement déterminés, qui obligeaient
tous les membres de cette immense communauté (elle se.
composait de cinq mille moines). Mais une grande liberté était
laissée à. chacun pour les pratiques purement personnelles,
jeûne, abstinence, prières privées, etc. (2).
Le désert voisin de Scété, dont les religieux comptaient parmi
les plus fervents de l'Egypte, se rattachait également à saint
Antoine par son fondateur Macaire l'Égyptien. Comme à Nitrie,
on tenait grand compte de la ferveur et des aspirations de chaque
solitaire. De là une étonnante variété dans l'observance (3).
On en trouve un reflet assez fidèle dans les Verba seniorum
et les Apophtegmata Patrum, qui rapportent surtout les traits
édifiants et les maximes pieuses des moines de cette solitude (4).
Il nous est parvenu un certain nombre de règles anciennes
qui se rattachent aux déserts de Scété et de Nitrie par le nom
des auteurs à qui elles sont attribuées. Saint Macaire d'Alexan-
drie en aurait écrit une (5), qui se compose de trente articles.
(1) Bivario a réuni tous les passages de sa vie écrite par saint Jérôme, qui se
rapportent à la discipline monastique. De veleri Monachatu, liv. IV, 1, t. II, 1-5 ; cf.
De Buck, Observai iones in vita S. Hilarionn. Acla Sancloriim oct., f. ix, 30-3-1, (pii
essaie à son tour de donner une. idée des pratiques inculquées par saint Ililarion
à ses nombreux disciples.
(2) Pallade, Hlst. laus. Pat. Gr., XXXIY, 1(12-2. Bivario a donné-un exposé assez
complet des observances de Nitrie, en puisant ses renseignements dans saint Jé-
rôme, Pallade et Ru fin, ib., Tillemont, VII, 155-165.
. (3) Sozomène, Hist ceci., 1. VI, 31; Pat. 6'r.,LXVII, 1587-90. Pallade, Hist. laus.,
19; Pat. Gr., XXXI V, 1046.
(4) Bivario a recueilli dans le premier de ces ouvrages, dans Cassien, qui a fait
un long séjour à Scété, dans Rufin, dans Pallade, des renseignements nombreux
sur la règle de ces moines, De veleri Monachatu, 1. III, c. v, 82, 1. 1, 245-56.
(5) Elle a été publiée par le Jésuite Boverius dans son Historia monaslerii
S. .Johannis Reomensis in tractai. Lingonensi : Paris, 1637, in-4o, 693 p., p. 24,
d'après un ms. du Bec et reproduite par Holstenius dans son Codex rerjularnm.
Pat. Gr., XXXIV, 867-970. Bivario l'a donnée d'après un ms. de l'abbaye de Car-
dena. De veteri Monachatu, t. 1, 218-220. Peut-être la connaissait-on à Lérins.
S. Benoît lui a fait plusieurs emprunts fort courts.
LES RKGLKS MOXASTKjrES ORIENTALES. 479
Elle recommande la charité, Thumilité, la soumission inté-
rieure, l'amour du travail, le silence, les veilles, la correction
fraternelle. On y trouve indiquées plusieurs observances
monastiques, telles que la distribution de la journée entre la
prière et le travail, la discipline régulière, la défense de sortir
seul, les jeûnes du mercredi et du vendredi , la lecture de la
règle aux postulants.
Mais cette règle ne saurait être légitimement attribuée à
saint Macaire. Pourquoi, en effet, s'il en était l'auteur, saint
Jérôme, Rufm, Pallade, Cassien, qui transmettent avec tant de
fidélité ce qu'ils savent de lui, n'y font-ils pas la moindre al-
lusion? Comme la règle de saint Antoine, elle est l'œuvre d'un
moine qui vécut plus tard. Il a dû mettre à contribution ce
qu'il connaissait de la vie de Macaire; on y reconnaît plu-
sieurs emprunts à la lettre de saint Jérôme à Rusticus (1).
Il faut voir des compilations du même genre dans les règles
dites des Pères. Elles sont au nombre de trois. La première (2)
aurait été composée dans une réunion de trente-huit abbés
qui se seraient rassemblés afin de fixer le genre de vie que
les moines devaient mener. Parmi eux se trouvaient des hom-
mes d'une très grande autorité, les deux Macaire, Sérapion,
Paphnuce. Ils prirent successivement la parole et formulèrent
leur pensée. Les membres de l'assemblée se rangèrent tous à
leur avis. Sérapion parla le premier de la vie cénobitique, de
l'union fraternelle, de l'autorité de l'abbé, de l'obéissance re-
ligieuse. On trouve ce qu'il dit dans les chapitres deuxième,
(1) Bulteau, L 1-9, p. 139-14(1. Tillemont, t. VIII, 618 et 809, est porté à la croire
authentique. La deuxième et la troisième règles des Pères dont il va bientôt
être question lui ont fait de nombreux emprunts. La troisième surtout semble
n'être qu'un extrait de cette règle de ilacaire. Le tableau suivant permettra de
mieux saisir les relations de ces règles entre elles :
1" lAIacaire 2" Patrum o" Patrum
10-11 5 5
12-13 5
15 G
10-27 7 6
19 7 7
22 8
23-24 1
28 1025
(2) Sanclorum Patrum Seraplonis, Macarii, Pap/inulii. Macarii altcriKS ré-
gula ad inonachos. Pal. Lai., CllI, 4:!3-442. Pal. Gr.,XXXl\, 971.
480 REVUE DE l'orient CHRETIEN.
troisième et quatrième. Les quatre suivants sont du premier
Macaire et se rapportent à la direction spirituelle que l'ahbé
doit à ses moines, à l'office divin, aux novices, à la réception
des hôtes. Paphnuce traita des jeûnes, du travail, du soin des
malades et des officiers. Le second Macaire s'occupa de l'u-
nion qui doit exister entre les monastères, de l'hospitalité due
aux frères, de la répression des coupables. Il y a en tout seize
chapitres.
Cette règle est faite pour des cénobites. Elle s'adresse aux
abbés plus encore qu'aux moines. L'auteur évite les détails
minutieux. Il pose en termes précis des principes clairs, basés
sur l'Écriture et dont l'application est très facile. Ces points
malheureusement sont peu nombreux. Impossible d'organiser
avec leur seul secours un monastère. Il fallait, à côté de ce
texte écrit, une tradition orale qui réglât l'ensemble des obser-
vances. Tout;, d'après cette règle, repose sur l'abbé {Pater qui
prœest) (1).
La seconde (2) est également faite pour des cénobites. Les
sept articles dont elle se compose semblent être le complé-
ment de la précédente. Il y est question du silence, de la
subordination entre les frères, de la discipline régulière, du
travail, de Foraison. Elle suppose une organisation de l'of-
fice divin. L'auteur s'est servi de la règle de saint Macaire.
Pour accréditer son œuvre, il la présente comme le fruit des
délibérations de plusieurs abbés, qui s'étaient réunis pour
dissiper toute hésitation dans le gouvernement des moines
et pour faciliter la fusion des cœurs.
Nous ne dirons rien de la troisième (3) , qui est d'une
époque postérieure et pourrait bien être l'œuvre de quelque
moine latin.
Quant à celle de l'abbé Isaac, elle est presque complètement
tirée de ses discours (4). Les soixante-huit articles qui la
(1) s. Benoit s'est inspiré de cette règle des Pères, spécialement des chapitres vu,
vin, IX, X, XI, XII, XIII.
(2) Alia Palrum régula ad monachos. Pat. Lat., ClII, 441-444; Pair. (îr., XXXIV,
977.
(3) Terlia Patrum régula ad monachos. Pat. Lat., Clll, 443-440; Pair. Gr., XXXIV,
979-982.
(4) Beati Isaix Abbatis prsecepta seu conslUa LXVIII posita tironibus in moua-
chatu. Pat. Lat., CIII, 427.
LES RÈGLES MONASTIQUES ORIENTALES. 481
composent présentent aux ermites des maximes et des pré-
ceptes de morale pour les aider dans le travail de leur sanc-
tification.
En somme, nous n'avons pas trouvé jusqu'ici de règle pro-
prement dite, dont l'authenticité soit indiscutable. La vie de
saint Antoine et les documents hagiographiques ou autres de
cette époque reculée fournissaient aux moines des éléments
précis pour fortifier et assurer la tradition qui se transmettait
de bouche en bouche. Mais il en va tout autrement avec saint
Pakhùme, le chef et le législateur des groupes monastiques de
la haute Thébaïde. Il naquit en 292. Ses parents étaient païens.
Vingt ans plus tard il fut enrôlé dans l'armée de Licinius.
La charité que les chrétiens de Thèbes lui témoignèrent ainsi
qu'à ses compagnons d'armes lui inspirèrent pour leur religion
un profond respect et le désir de l'embrasser lui-même, dès
que la chose lui serait possible. Ce qui arriva peu de temps
après. Il reçut le baptême dans l'église voisine du désert de
Schénésis (314) et se fit ensuite le disciple de l'abbé Palamon.
Quelques années plus tard, il s'éloigna de son maître pour
fixer son séjour sur les bords du Nil, en un lieu nommé Taben-
nisi. C'est là que se réunirent autour de lui les premiers cé-
nobites connus. Leur nombre s'accrut considérablement et force
fut d'établir ailleurs en Thébaïde d'autres monastères, où l'on
menait le même genre de vie.
Le besoin de régler et d'organiser les monastères, les oc-
cupations de leurs habitants et leurs relations mutuelles se fit
bientôt sentir. Le fondateur établit un corps de lois où tout était
prévu dans la mesure du possible, de manière à éviter toute
confusion et à consacrer par la force de l'obéissance la vie des
individus et le fonctionnement de la communauté. Cette légis-
lation ne jaillit pas tout d'une pièce de l'esprit de saint Pa-
khôme. Elle fut l'œuvre du temps et de l'expérience. Il rédigea
chaque règlement, il fixa les institutions lorsqu'il vit la néces-
sité de le faire. Les articles s'ajoutèrent ainsi les uns aux autres
sans enchaînement logique. Il n'y avait rien d'absolu dans ces
déterminations. Toutes les fois que l'expérience lui montrait l'uti-
lité de prendre une nouvelle décision, d'en modifier ou compléter
une prise antérieurement, il n'hésitait jamais. On peut même
retrouver les traces de ce travail de perfectionnement dans les
ORIENT CHRÉTIEN. 33
482 REVUE DE l'orient CHRETIEN.
répétitions et contradictions que manifeste l'examen du texte
de ses règles.
La vie de Pakhôme nous le fait voir à la suite d'une confé-
rence motivée par une vision du démon de l'impureté prépa-
rant des embûches aux frères, promulguer des règles destinées
à rendre plus facile la conservation de la chasteté (1). Chose
digne de remarque : les modifications apportées aux règlements
primitifs tendent la plupart du temps à en atténuer la rigueur.
En voici un exemple : au début, le fondateur de Tabenne,
préoccupé par le désir d'arracher ses moines au souvenir du
monde ef aux liens de la famille, ne leur permettait même
pas de recevoir la visite de leurs plus proches parents. Comme
ces derniers ne cessaient point de venir au monastère, leurs
instances et leurs plaintes finirent par importuner les frères.
Pakhôme comprit que mieux valait se relâcher un peu de sa
rigueur et permettre aux moines des visites et des conversa-
tions, qui n'avaient rien de blâmable. « Toute chose est bonne
en son temps, dit-il, car nous suivons un chemin sévère et dif-
ficile. Nous faisons plus qu'il n'est écrit dans les Écritures;
maintenant je vous apprendrai ce que nous devons faire : c'est
d'aller et de marcher un peu avec les gens du dehors (2). »
C'est ainsi que l'expérience lui montra les grands avantages
de la discrétion. Il a su, du reste, tempérer tout l'ensemble
de sa législation monastique de telle sorte qu'on peut, surtout
si on la compare avec la vie des moines égyptiens de cette épo-
que reculée, considérer sa règle comme la plus douce et la
plus modérée. Il ne veut « aucun excès, soit dans le travail,
soit dans la prière, soit dans les privations (3) ».
Pakhôme exerçait une vigilance continuelle pour obtenir une
exacte observance de la règle. Aucune transgression ne lui
échappait. Tous les jours, il entretenait ses religieux des pres-
criptions qu'il leur avait données; il en expliquait le sens, il en
montrait l'utihté. Ses exemples étaient le meilleur commentaire
de ses paroles. Aussi l'un de ses successeurs, Théodore, pouvait-
il dire : « Par lui nous connaissons la volonté de Dieu, jusqu'à
(1) Annales du 7nusée Guimet, X\ll, 421-430.
(2) Annales du musée Guimel, t. XVII, Vie arabe de Pakhôme, p. 406.
(3) Ladeuze 302.
LES RlOfiLES MONASTIQUES ORIEXTALES. 483
la manière dont il faut que nous élevions les mains en haut en
priant Dieu. Il nous a tout appris (1). »
Toutes les règles de Pakhôme n'étaient pas écrites. Un bon
nombre, enseignées de vive voix, se conservaient par la cou-
tume. On en i-etrouve la trace dans les biographies du saint
abbé. Celles qui concernaient l'administration des monastères
étaient contenues dans un livre spécial que les économes pou-
vaient seuls avoir entre les mains (2).
Les moniales étaient soumises aux mêmes lois que les hom-
mes (3). Quelques monastères ne craignaient pas d'abandonner
celles qu'ils tenaient de leurs fondateurs pour embrasser l'ob-
servance pakhoniienne, dont la supériorité s'imposait aux moi-
nes prévenus (4).
Saint Athanase eut lui-même occasion d'admirer l'œuvre de
saint Pakhôme quand il fit la visite de ses monastères. Il vou-
lut tout voir, églises, boulangeries, réfectoires, maisons des
hôtes, etc. Avant de partir il exprima à l'abbé la satisfaction
qu'il éprouvait (5). Cela se passait en 363 sous le gouvernement
de l'abbé Théodore, successeur d'Horsisi et de Pakhôme.
Théodore et Horsisi avaient complété la règle du saint lé-
gislateur, en y faisant les additions et les modifications néces-
sitées par les circonstances. Nous avons cette œuvre commune
des trois abbés dans la version latine due à la plume de saint
Jérôme. Elle fut rédigée primitivement en copte. Le prêtre Syl-
vain envoya une traduction grecque au solitaire de Bethléem,
le priant de la traduire en latin pour en faciliter l'intelligence
aux moines de Canope et d'ailleurs qui ne comprenaient pas
d'autre langue.
La règle de saint Pakhôme dénote une maturité que l'on est
(1) Annales du Musée Giiùiui, XVII, ]'ie de Théodore, p. "259
(2) Acta sanclorum, Mail, t. III, Mla S. Pakhomii, n. 38, p. 311.
(3) Ibid., n. -22, p. 30-1.
(4) Ladeuze, p. 173.
(5) Annales du musée Guimet, t. XVII, lie arabe de saint Pakhôme, 694-95.
(6) Nous avons cette version clans deux textes. L'un publié à Rome (1575) par
Stratius et, en 1588, par Ciaconius, comprend 128 articles. Alard Gazeus l'a in-
sérée à la suite des œuvres deCassien, en le faisant suivre d'un commentain»;
Bivario l'a donné avec des notes avec un de Cardéna, De veleri Monachalii, t. I,
p. 269-280. L'autre, publié par Ilolsteniusdans le L'odea- reyularum ùq saint Benoît
d'Aniane, et reproduifdans la Patrologie de Migne, Pair, lat., XXIII, 1-65 et s., com-
prend 194 articles. C'est le texte qui mérite le plus de confiance. Ladeuze, 267-273.
484 REVUE DE L ORIENT CHRETIEN.
surpris de rencontrer à cette époque. C'est vraiment un corps
de lois nettes et pratiques. On peut avec elles constituer et gou-
verner un monastère. Elle a exercé sur l'avenir une influence
profonde. L'Occident la connut par la traduction de saint Jé-
rôme. Cassien la mit en évidence en attirant l'attention des
moines occidentaux sur Tabenne et ses observances monas-
tiques. Saint Benoît lui fit de larges emprunts (1).
Il y eut dans un monastère de la haute Thébaïde une réforme
de la législation Pakhomienne. Schnoudi, archimandrite d'A-
tripé, ne voulut point s'accommoder de la discrétion et de la
douceur qui caractérisaient les moines Tabenniotes. Cet homme
extraordinaire, dont la réputation ne franchit guère les li-
mites de sa province, mourut à l'âge de 118 ans, vers 452. La
rigueur de son ascèse et la sévérité de ses observances n'ob-
tinrent pas les résultats qu'il attendait. Voici l'appréciation
motivée d'un auteur qui connaît Schmoudi et son œuvre : « A
Atripé, frères et sœurs se jalousaient, se déchiraient entre eux
et s'accusaient près des supérieurs. On sortait malgré la
règle. Quelques-uns trouvaient moyen de s'évader la nuit pour
parler aux moines que l'on avait chassés. Il y en avait qui ap-
portaient à leur toilette un soin excessif. D'autres fois on se glis-
sait à l'infirmerie en cachette pour y dérober quelques dou-
ceurs, ou l'on feignait une maladie. Un bon nombre de religieux
observaient mal les préceptes de la pauvreté monastique. Mais
ce qui était autrement grave c'était l'insubordination et l'esprit
de révolte qui régnait parmi les moines de Schnoudi (2). »
Cette réforme, œuvre d'un esprit exalté, fut toute locale et
n'exerça aucune influence sur le développement des obser-
vances monastiques.
On ignore quel fut le législateur des moines de la péninsule
sinaïtique. Saint Nil (430), l'habitant le plus célèbre de cette soli-
(1) Malgré sa précision et les nombreux détails clans lesquels la règle Pakho-
mienne se plaît à descendre, on a besoin, pour se rendre un compte exact du
genre devieque menaient les religieux de Tabenne, de la compléter par de nom-
breuses indications que fournissent les biographes de Pakhôme et Cassien. Ce
travail a été fait par Tillemont, t. VII, 179-195, Griitzmacher et surtout par
l'abbé Ladeuze, p. 294-305.
(2) Ladeuze, 215. U. L. a utilisé les fragments des règles attribués à. Schnoudi
et les renseignements fournis par ses panégyriques pour reconstituer les obser-
vances de son monastère, oU5-326.
LES RKOLES MDNA.STIQUKS (JRIENTALES. 400
tude, parle à diverses reprises du genre de vie qu'ils menaient.
Ces ermites, dit-il, vivent les uns dans des cabanes, les autres
dans des cavernes. Leur régime est des plus austères. Quelques-
uns mangent du pain, mais la plupart se contentent des herbes
sauvages que produit le désert. Ils prennent ce qui est indis-
pensable pour conserver la vie. On en trouve qui font un repas
la semaine, il en est qui en font deux; d'autres prennent leur
réfection tous les deux jours. Inutile de chercher une pièce de
monnaie dans leurs cellules. Ils se communiquent rrratuitement
ce dont ils peuvent avoir besoin. La plus grande charité règne
parmi eux. Leurs habitations sont assez éloignées les unes des
autres. Tous les dimanches ils se réunissent à l'église. Le ta-
bleau de la vie admirable de ces pieux solitaires que Nil trace
avec amour, peut fournir d'utiles rensei^'nements (I). Il mérite
une attention d'autant plus grande qu'il ne reste aucune
règle se donnant comme l'expression de leurs observances.
Les groupes monastiques de Palestine, de Syrie et de Méso-
potamie, dont l'histoire est assez bien connue grâce àThéodoret,
à saint Jean Chrysostôme, à saint .Jérôme, à saint Ephrem et
aux autres écrivains des quatrième et cinquième siècles, n'é-
taient pas soumis à une discipline uniforme. Il ne semble pas
que leurs législateurs se soient préoccupés de leur écrire une
règle. Par le fait, on chercherait en vain dans toute la littéra-
ture ecclésiastique de ces contrées un document qui mérite ce
nom.
Il y avait en Palestine, outre les nombreux disciples de saint
Hilarion, des moines qui habitaient les Laures, fondées par
saint Chariton, saint Euthyme, saint Gérasime et saint Sabbas.
Leur genre de vie est particulier à ces régions. Cyrille, biogra-
phe d'Euthyme, expose celui que le célèbre Gérasime prescri-
v^ait à ses religieux sur les bords du Jourdain (2). Il régnait
ailleurs de grandes divergences, chac un s'abandonnant aux
inspirations de son zèle (3).
Saint Jérôme, qui fonda lui-même un monastère d'hommes à
Bethléem, fut le guide de sainte Paule dans ses fondations et dut
fixer l'observance qu'on y suivait. Ses écrits, particulièrement
(1) ,S'. Nil naratio III. Pal. gr., LXXIX, 611-G26.
(2) Acta Sanctorum, Jan., t. II, 68U-6«I.
(3) Evagre, Hist. EccL, 1. I, 21. Pat. Gr., LXXXVI, 24 78.
486 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
sa correspondance épistolaire (1), sont pleins des indications les
plus utiles. Mais il ne se propose pas de décrire les observances
monastiques de tel groupe déterminé. Ce qu'il a pu voir en
Syrie et en Palestine, ce qu'il sait de l'Egypte et de la Thébaide
vient sous sa plume suivant le besoin du moment; il est rare-
ment possible de discerner l'origine de chaque usage signalé
par lui (2).
Les moines Syriens et Mésopotamiens, si nombreux et si fer-
vents, n'ont laissé aucun monument disciplinaire, qui puisse
être qualifié du nom de règle. Un historien du dix-septième
siècle a conclu d'un passage de Léon Porphyrogenète que saint
Jean Chrysostôme en aurait composé une; il a cru la trouver
dans les Constitutions monastiques faussement attribuées à
saint Basile. Mais c'est une méprise que rien ne saurait ex-
pliquer (3).
Théodore dit qu'un grand nombre de solitaires de son diocèse
de Cyr menaient le même genre de vie. « Ils ont, écrit-il, le
même vêtement, le même régime alimentaire, les mêmes usa-
ges pour se tenir debout et pour prier, la même obligation de se
livrer de jour et de nuit à un travail ininterrompu (4). »
Plusieurs centres monastiques de ces provinces offrent un
spectacle analogue. La chose est toute naturelle, puisqu'ils
(1) II faut mentionner la lettre 22 écrite à Eustochiiim en 384 et la 125 adressée
au moine Gaulois Rusticus. Pat. Lat.,W\\, 394-425. I071-1U85.
(2) Ses écrits ont eu néanmoins une grande inlluence sur le d(''veIoppeinent de
la discipline monastique surtout en Occident. Saint Augustin, saint Benoît les
ont lus et relus. Ils étaient aux mains des moines du moj-en âge. Au xv" siècle
un Espagnol, Lupus de Ohnedo, réunit tous ces textes épars pour en former un
corps de règles, qui fut approuvé par Martin V. C'est d'abord la Régula monacho-
rum qui comprend 31 chapitres et servit à réformer les Hiéronymites du
xv« siècle. Pal. L., XXX, 329-398, et la Régula monachorum qui se compose de 41
chapitres (ibib., 407-438), et la pensée de saint Jérôme y est aussi fidèlement repro-
duite que possible. Ses phrases mêmes sont découpées et replacées selon un plan
qui seul est nouveau. Ce sont ses lettres mises en chapitres (Thamin, Saint Am-
broiseet la morale chrétienne, IVs., p. 411). Bivario a, de son côté, réuni tous les pas-
sages de saint Jérôme relatifsà la vie monastique pour exposer son genre de vie dans
le désert de Chalcis ou en Palestine et celui de sainte Paule et des dames romaines
gagnées par lui àla perfection religieuse. De veleri Monachatu, 1. lY, 4, t. II, 16-76).
(3) Bivario, 1. V, c. 1., t. II, 139-188, publie et commente ces Constitutions pré-
tendues de saint Jean Chrysostôme. Puis, selon sa bonne coutume, il réunit et
distribue méthodiquement tous les renseignements que peuvent fournir les écrits
du saint Docteur sur l'observance des moines, ses contemporains.
(4) Théodoret, ///stor/a /?e%., 23. Pat. Gr.,LXXXU, 1455-58.
LES RÈGLES MONASTIQUES (JIIIEXTALES. 187
remontaient pour la plupart à des fondateurs appartenant à ce
que l'on pourrait appeler une même famille monastique. Quel-
ques noms demandent à être signalés ici. On trouve en Osroëne
Julien Sabbas et Marcinos qui par leurs disciples fondèrent
plusieurs monastères soumis à la même observance (1). Pu-
blios (2), Syméon l'Ancien {?>), Théodose d'Antioche (4), Ze-
bina (5), virent leur propre genre de vie perpétué par une
règle traditionnelle, à la base des monastères établis par eux
ou sous leur influence. Mais quels furent le caractère et la
portée de leur œuvre législative? En quoi consista-t-elle? Il
est impossible de répondre avec certitude à ces questions.
Nous sommes plus heureux dans l'Asie Mineure. C'est là,
en effet, que vécut et agit le plus grand des législateurs
monastique de l'Orient, saint Basile. Avant de consacrer
son intelligence et son activité au développement de la vie re-
ligieuse dans sa patrie, il voulut se rendre compte par lui-
même de ce qu'était le monachisme. Dans ce but, il entre-
prit à travers l'Orient un pieux pèlerinage qui lui permit d'é-
tudier sur place les meilleures traditions et de puiser aux
sources les plus pures. « J'ai trouvé beaucoup de moines
dans Alexandrie, écrit-il à Eusthate de Sébaste devenu son
adversaire, j'en ai rencontré dans le reste de l'Egypte, en Pa-
lestine, en Célésyrie et en Mésopotamie. J'ai admiré leur par-
cimonie dans la nourriture, leur patience au travail; j'ai été
saisi d'étonnement en les voyant persévérer dans la prière, sans
se laisser vaincre par le sommeil ni fléchir par les nécessités
delanature. Je les ai vus, fidèles à une noble maxime, supporter
avec un courage indomptable la faim et la soif, le froid et la
nudité, ne faire aucune attention à leur corps, et vivre comme
dans une chair étrangère. Je voulais dans la mesure de mes
forces imiter leur genre de vie (6). »
A son retour en Cappadoce, il trouva plusieurs de ses com-
patriotes, qui s'efforçaient de marcher sur leurs traces. Malheu-
(1) Théodoret, Historia Relig., 23 coL, lo03-26.
(2) Ibid., 5, 1351-58-
(3) Ibid., 7, 1306.
(4) Ibid., 10, 1390.
(5) Ibid., 24-25, 1459-63.
(6) S. Basile, liv. Il, ep. 223. Pat. Gr., XXXII, 823.
488 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
reusement les erreurs doctrinales dans lesquelles ils étaient
engagés rendaient vaines toutes leurs pratiques (1). Ne voulant
ni se mêler à leurs réunions ni se contenter de leurs obser-
vances, Basile se retira dans la solitude sur les rives de l'Iris,
non loin du monastère de femmes gouverné par sa pieuse
sœur Macrine (v. 356). Il y rédigea tout un corps d'enseigne-
ments monastiques qui servirent de règle à ses disciples. Son
compagnon d'études et son ami, Grégoire de Nazianze, qui par-
tageait sa retraite, lui prêta le secours de ses propres lumières
et de son expérience personnelle (2).
La règle de saint Basile se compose de deux parties que l'on
peut nommer les grandes règles (3) et les règles courtes (4).
Les premières comprennent cinquante-cinq interrogations et
autant de réponses. Il y en a trois cent treize dans les secondes.
Celles-ci sont beaucoup plus courtes. C'est ce qui leur a valu le
nom qu'elles portent. Saint Basile était évêque ou tout au
moins prêtre lorsqu'il y mit la dernière main (5).
Les unes et les autres sont l'œuvre du même auteur. C'est
le même esprit qui les anime, elles se complètent les unes les
autres. Leur forme catéchistique contribue beaucoup à leur
clarté. Le disciple interroge le maître. Le texte de sa question,
en entrant dans le corps même de la règle, précise le sens de
la réponse.
Saint Basile ne cherche pas à organiser le monastère et la vie
monastique. Sa règle suppose cette œuvre accomplie. On trouve
bien çà et là quelques textes indiquant avec assez de netteté cer-
taines observances religieuses, par exemple la nature et le nom-
bre des repas, la pauvreté, le vestiaire. Mais ils sont insuffisants
pour reconstituer la vie monastique telle que la pratiquaient
les moines de la Cappadoce. Si le nombre des heures canoniales
est nettement indiqué, le saint législateur ne dit presque rien
de leur composition. Ce n'est donc pas dans les règles longues
ou brèves qu'il faut chercher des renseignement précis et com-
plets sur les observances matérielles. Il était cependant indis-
(1) s. Basile, 1. II, ep. 223. Pat. Gr., XXXII, 82(3.
(2) Ibid., ep. G, e., 30.
(3) Basilii régulas fusius traclatse. Pair. Gr., XXXI, 889-1052.
(4) Id., regulx brcvius IraclaUe, ibid., 1051-1306.
l5) Regulx bre.vius tractatx, proœmiuni. ibid., col. 1079.
LES RÈflLKS MONASTIQUES ORIENTALES. 489
pensable de les établir et de les promulguer. Car sans elles le
monachisnie eût été impossible. Saint Basile ne jugea pas à
propos de les écrire, il se contenta d'une promulgation ver-
bale (I).
Ce complément indispensable de la loi écrite se transmet-
tait de bouche en bouche. Il se composait de ces usages et de
ces pratiques extérieures, qui sont sujets à varier si fréquem-
ment sous l'intluence des circonstances multiples de temps, de
lieux et de personnes. Le législateur ne saurait les prévoir.
Mieux vaut pour lui poser des principes sûrs et lumineux,
qui guideront les supérieurs et les moines dans la conduite
qu'ils auront à tenir. C'est le meilleur moyen de déposer sous
l'inévitable variété des observances extérieures une force uni-
fiante qui les rattachera toutes aux inébranlables fondements
de la vie religieuse et les fera conduire le moine au sommet de
la vie spirituelle.
Ce procédé empreint d'une grande discrétion est pour beau-
coup dans la sagesse qui caractérise la règle basilienne. Le saint
Docteur s'efface complètement pour mettre son disciple à l'é-
cole des divines Écritures. Il répond à la plupart des questions
par un texte sacré qu'il complète soit par une glose personnelle,
soit en le rapprochant de passages analogues. La Bible reste
toujours ainsi le fondement de la législation monastique, la
règle véritable. Quand saint Basile paraît émettre sa propre
pensée, il a toujours soin de la confirmer par un trait ou par
une sentence empruntée aux Livres inspirés. Son esprit de foi
le porte à agir ainsi même quand il lui faut régler des détails
tout extérieurs et sans importance. Le chapitre relatif à la
ceinture en fournit un exemple frappant. La ceinture de saint
Jean-Baptiste et du prophète Élie, celle de saint Pierre et plu-
sieurs autres passages bibliques sont allégués pour justifier
l'emploi de cette partie du vestiaire monacal (I).
Très souvent les questions roulent sur les vertus que
le moine doit pratiquer et sur les vices qu'il lui faut combattre.
Le disciple se borne parfois à demander au maître la définition
d'un terme qu'il a trouvé dans l'Écriture, ou d'un passage tout
entier. Les réponses de saint Basile sont remarquables de so-
(1) s. Grég. Xaz, Oralio 43 in laudem Bas'dii. Pat. Gr., XXXVI, 54-2.
490 REVUE DE l'orient CIIRÉTIEX.
briété et de clarté. Il commente de la sorte un bon nombre de
textes sacrés sur lesquels s'appuie la théologie ascétique et mys-
tique. Par ce procédé il met l'àme à l'école de l'esprit de Dieu,
qui parle dans les livres inspirés.
La règle basilienne frappe surtout par sa discrétion et sa
sagesse. Elle laisse aux supérieurs le soin de déterminer les
mille détails de la vie locale, individuelle et journalière, négligés
à dessein. Ce sont eux qui distribuent à chacun ce qui lui est
nécessaire. Pour le régime, comme en toutes choses, ils ont à
tenir compte des besoins qui résultent du tempérament, de la
santé, du travail des religieux, sans s'écarter toutefois des règles
de la pauvreté et de la tempérance. Ils déterminent la pénitence
que mérite chaque infraction. C'est à peu près la même chose
sur toute la ligne. Aussi la règle suppose-t-elle chez le supé-
rieur autant de fermeté que de prudence.
La largeur qui caractérise l'œuvre de saint Basile n'enlève
au monachisme rien de sa vigueur. Tout au contraire, en évi-
tant de condenser toute la pratique de la vie religieuse dans
un certain nombre de formules inflexibles, qui ne peuvent pré-
voir tous les cas et qu'il est toujours facile d'éluder, le prudent
législateur s'approche doucement du moine, s'empare de lui
et l'enlace si bien à travers toutes les vicissitudes de son exis-
tence et les changements de son caractère qu'il finit par le
mettre et le maintenir tout entier sous le joug divin. Par le
fait il est impossible de pousser plus loin que ne le fait saint
Basile la pratique de la pauvreté religieuse, de l'obéissance, du
renoncement, de la mort à soi-même, de tout cet ensemble de
vertus qui attachent le moine à une croix véritable pour le
reste de ses jours.
A cause de cette discrétion la règle basilienne s'applique
aux femmes tout aussi bien qu'aux hommes. Les règles grandes
et courtes s'occupent des relations qui peuvent exister entre les
uns et les autres. Quelques-unes des petites sont faites unique-
ment pour les religieuses.
(1) Regulx fusius Iractalee, int. 23, col. 9(32.
(2) Voici quelques exemples empruntés aux Regulse brevius tractatx. Quid est
perjjeram agere? {49) Quid sonat Raca? (51) Quid est allercatio? Quid conlen-
tio? (66) Qui sunl pauperes spiritu? (205) Quid sibi vidt illud : psallite sapicnlcr ?
(279) Quid sil illud: date locum irx? (244).
LES RÈGLES MON.VSTKjlES ORIENTALES. 101
Tous les monastères de la ré^'ion ra(lopt<"'rent sans tarder.
Rufin l;i donnait comme la règle de la Cappadoce. Cet auteur
en fit une traduction latine à la demande d'Urseus, abbé
d'un monastère italien. Il a procédé avec sa liberté or-
dinaire. Sans se préoccuper de rendre fidèlement le texte pri-
mitif, il a réduit les deux règles en une seule qu'il désigne
ainsi : Regulœ sancti Basilii Episcopi Cappadociœ ad mo-
naclios (1). Elle ne comprend que 203 interrogations. C'est
sous cette forme que saint Benoit et les moines occidentaux
lont connue et qu'elle figure dans la collection de saint Be-
noît d'Aniane.
On a longtemps attribué à l'évêque de Césarée un ouvrage
sur ladiscipline monastique qui doit être rangé parmi les règles.
Les Consiitutiones monasticœ (2) ne seraient pas indignes
de cet illustre docteur, tant à cause de l'élévation des pensées
que des qualités littéraires qu'on y remarque. Mais elles diffè-
rent trop des règles courtes et grandes soit dans la manière de
procéder, soit dans la réglementation, pour qu'il soit possible
d'y voir l'œuvre d'un même auteur. On ne peut pas davantage
en faire honneur à Eustaclie de Sébaste. Elles ont été rédigées
à une époque et dans un pays où les anachorètes et les céno-
bites étaient fort nombreux.
Les dix-sept premiers chapitres, c'est-à-dire la moitié de l'ou-
vrage, s'adressent aux ermites; le reste est pour les religieux
qui mènent la vie commune. Le régime proposé aux uns et
aux autres est moins austère que celui de saint Basile. L'auteur
fait rarement usage des divines Écritures. Son but est de
tracer une règle qui puisse conduire le moine à la perfection.
L'imitation de Notre-Seigneur est la base de sa doctrine spiri-
tuelle et le fondement de la vie monastique (3).
(1) Pal. Lai., c. m, 483-554.
(2) Pat. Gr., XXXI, l:n5-I4-28.
(3) Quelques manuscrits donnent sous \o nom de saint Basile des epitimia, c'est
un pénitentiel assez détaillé. Soixante châtiments sont réservés aux moines, et
dix-neuf aux moniales. IMais l'emploi fréquent de termes inusités dans les leu-
vresde saint Basile et de certaines constructions barbares, ne permettent pas d'at-
tribuer ces epilimia à l'évêque de Césarée. Il dit lui-même dans sa 1<)G° petite règle
qu'il laisse au supérieur le soin de déterminer les châtiments. Pourquoi dès lors
en aurait-il dressé lui-même la liste? Le recueil est l'œuvre de quelque archiman-
drite d'une époque postérieure.
492 REVUE DE l'orient CHRETIEN.
Ces règles monastiques, fixées par l'écriture ou transmises
par une tradition orale, avaient force de loi pour les moines
soumis à leur autorité. Mais dans quelle mesure les monas-
tères ou les individus se considéraient-ils comme obligés par
leurs diverses prescriptions? Il ne sera pas inutile de connaître
sur ce point la pensée de quelques-uns des représentants les
plus autorisés du monachisme à cette époque.
La règle, en fixant l'organisation du monastère et en déter-
minant les devoirs de chaque religieux, faisait régner partout
l'ordre et la paix, ce qui devenait pour les cœurs une source
intarissable de joie (1).
L'emploi du temps, la mesure du travail et de l'abstinence
étaient de la sorte réglés avec sagesse. Chaque chose se faisait
à son heure. Car les vertus elles-mêmes ont besoin d'être sou-
mises à la loi de la discrétion si elles ne veulent pas dégénérer
et devenir des vices (2). Qu'il s'agisse des repas ou du sommeil,
il ne fallait pas s'écarter de l'heure fixée par la règle, sinon le
moine était exposé soit à faire des pénitences indiscrètes, soit à
s'abandonner à une mollesse coupable. Ces deux excès sont
aussi préjudiciables l'un que l'autre (3).
Du jour où un chrétien entrait dans un monastère ou se pla-
çait sous la conduite d'un ancien pour mener la vie religieuse,
il contractait l'obligation de vivre sous le joug de la règle (4).
Ceux qui vivaient dans la solitude sans compagnon se
croyaient astreints au genre de vie qu'ils avaient une fois adop-
tée (5). Lorsque Cassien et son ami Germanus visitèrent les
moines d'Egypte, l'abbé Piamon leur recommanda instamment
de suivre en toute simplicité les observances des solitaires au
milieu desquels ils vivaient. Cela les instruisait plus que toutes
les discussions et toutes les conférences (6).
C'est la règle tout entière qu'il fallait observer jusque dans
ses moindres détails. Saint Pakhôme revient souvent sur cette
(1) s. Jean Chrys.. Adv. oppugnalores irllx monustlcx,\\\. III. Pat. Gr., XLVII,
366.
(2) Evagre C, CajrUa praclica, 6. Pal. Grxc, XL, 1-223.
(3) Cassien conL, 2, 59-60.
(4) ConL, 20-550.
(5) S. Ephreni, In vllam B. Abraami, op. gr., t. II-3.
(0) Cassien, Conl. 18, p. 508.
Li:S IIKGLKS MOXASTKiL'ES OIUENTAl^KS. 19.'>
obligation (1). Pour enlever aux moines Texcuse de l'oubli, la
règle des saints Sérapion, Macaire et Paphnutius demande qu'on
la lise tous les jours devant eux (2). Les scandales que donnaient
alors les religieux affranchis de toute règle et livrés à tous les
caprices de la volonté propre faisaient comprendre aux chefs
des groupes monastiques la nécessité de revenir souvent sur
une pareille obligation {?>).
Mais les règles s'imposaient-elles au point que personne ne
pût ni ajouter ni retrancher la moindre observance particulière?
On n'aimait généralement pas les exceptions, quelle qu'en fût la
nature. Saint Siméon Stylite l'apprit à ses dépens. Il habitait
le monastère de l'abbé Héliodore. Ses jeûnes et ses austérités ex-
traordinaires choquaient les religieux. L'un d'entre eux se plai-
gnit à l'abbé : « Cet homme, lui dit-il, veut bouleverser notre
monastère et détruire la règle que nous tenons de vous. » Hé-
liodore finit par lui conseiller ou de suivre la règle commune
ou de se retirer. Siméon préféra prendre ce dernier parti (4).
Cassien, visiblement préoccupé par les dangers que ferait
courir la vaine gloire aux hommes trop désireux de pratiquer
des observances personnelles, recommande instamment de se
conformer à la règle commune (5). Ce n'était point toutefois un
usage absolu, même en Egypte, dans les monastères visités
par Cassien. Le lecteur se rappelle la liberté dont jouissaient
à cet égard les moines de Scété et de Nitrie. Il en était de
même dans les monastères soumis à la règle de saint Pakhôme.
Les inégalités d'observance dans une même maison , que nous
aurons plus d'une fois l'occasion de constater, entraînaient
quelques inconvénients, il faut le reconnaître. Macaire l'Égyp-
tien, qui savait combien il est difficile à un certain nombre
d'hommes de faire matériellement toujours la même chose, in-
dique la charité comme étant le meilleur moyen de maintenir
l'harmonie au sein de cette variété. Prenez trente hommes,
dit-il, ils ne peuvent passer le jour et la nuit à prier tous en-
semble. Quelques-uns prient durant six heures, puis ils se
(1) Pakhomii n'yida,i3, 48-103, etc. Pat. Lai., XXII. Tu.
(2) Pal. Lat., en4S).
(3) Cassien, Conl. 18, p. 51-1.
(4) Antonius, ]'ita StiSimeonis, Acla sanctorum Jan., t. I, p. 265. édit. ih^ Venise.
(5) Cassien, Insl., 1. V, 23, p. 101 ; 1. XI, 19, p. 204.
494 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
mettent à lire; d'autres s'appliquent volontiers à un service
extérieur, tandis qu'il en est qui font un travail manuel. Que
celui qui étudie considère avec joie et charité celui qui prie en
disant : Il prie pour moi. Que celui qui prie dise du travail-
leur : Ce qu'il fait est pour le bien commun. C'est ainsi que
régnera la concorde, et tout le monde sera dans la paix (1).
DoM J. M. Besse.
(1) Macariî œgypt. hom. 3. Pal. Gr., XXX'IY, 467-470.
LES ÉVÊQUES JACOJUTES
DU viir AU xiir siècle
{Suite) (1)
XVIII. — Dknys, patriarche, appelé de Tell-Mahré. Il fut institué
à Callinice, dans un synode de quarante-trois évoques. Il fut
appelé du monastère de Qennéshrè. Théodose, métropolitain de
Callinice, lui imposa les mains, le dimanche l''" du mois de 'ab
de l'an 1129 (août SIS).
Il ordonna ces évoques :
1. Thomas, évêque de Ard'at, du Grand monastère de TeU'ada.
2. Habib, évèque de Beit Balesh, du couvent de Goubba-Baraya.
3. SÉVÈRE, évèque de la ville de Dara, du monastère de Qoubbê.
4. Joseph, évèque du Beit Parsayê (2), du monastère de Souqîn (3).
5. Basile, évèque (4) de Samosate, de Qennéshrîn.
6. Habîb, évèque de Mar'asb. du monastère de Mar .Jac(iues.
7. Constantin, évoque du Khorasan, du monastère de Qennéshrè.
8. Sergius, métropolitain de Maboug, de Mériba.
9. SiMÉON, évêque de Saroug, de Kephar-Touta.
10. Jean, évêque d'Arabie, du couvent de Mar Zakai.
11. YÔNAN, évèque de la ville d'Arzoun, du monastère de Shaçarani.
12. Jean, évèque de Tadmor, du monastère de Mar Hanania.
13. Job, métropolitain de Jérusalem.
14. Thomas, évèque de Zarang, du couvent de Qartamin.
15. DoMNUS (5), évêque de Zeugma, du monastère de Mar Salomon.
16. Daniel, évêque de Mélitène (6), du monastère de .Mar Bar-('auma.
(1) Voir ci-dessus, p. 4ii>.
(-2) C'est-à-dire de la province de Perse.
(3) Lecture donnée par le syriaque et rarabe; sans doute pour Zouqnin ; cf. ci-dessous
XIX, GO; et XXI, 28.
(4) Dans l'arabe : « métropolitain ».
(3) Les nianuscris donnent la lecture Dômà.
(G) Ainsi d'après l'arabe; le syriaque donne, par abréviation ou par erreur : Milini,
— De même ci-dessous, sous le n° («8.
496 REVUE DE L ORIENT CHRETIEN.
17. Anastase, métropolitain cFAnazarba, du monastère de Qarqaphta.
18. Hanama, évoque de Qennéshrè, du monastère de Naphshata.
19. Gabriel, évèque d'irénopolis.
20. Jacques, évèque de Dolik, du couvent de Tell'ada (1).
21. Lazare, évèque d'Arsamosate, du couvent de Qartamîn.
22. Abraham, évèque de Gishra, du couvent de Mérîba.
23. SER(;irs, métropolitain de Cyrrlius, du couvent de Goubba-Baraya.
24. Michel, métropolitain de A[na]zarba (2), du couvent de Mar Jacques
de Cyrrhus.
25. Jean, métropolitain de Reçapha, du couvent de Sarmin.
26. Daniel, évèque de Resh-Kîpha, du monastère de Saphylos.
27. Jean, métropolitain de la ville de Dara, du monastère de Mar Ha-
nania.
28. Hanama, évèque de Callisura, du monastère de Natapha.
29. Jean, évèque d'Arménie, du monastère de Sandalaia, qui est dans la
région de Maipherkat.
30. Constantin, évèque de Laodicée, du monastère de Siagta (?).
31. Théodore, évèque de Germanicia (3), du monastère de Bizôna.
32. Athanase, métropolitain d'Apamée, du couvent de Qennéshrè.
33. Ignace, évèque d'Arsamosate, du couvent de Qartamîn.
34. CvRiACUs, évèque Hanazit, du monastère de Qartamîn.
35. Jean, évèque des Taglibites, du couvent de Qarqaphta.
36. SiMÉON, évèque de Tell-Beshmé, du monastère de Sandalaia.
37. Ignace, évèque de Jérusalem, du monastère de Bizôna.
38. Timothée, métropolitain de Maipherkat, du monastère des Orientaux.
39. Ignace, métropolitain d'Amid, du monastère de Qartamîn.
40. Samuel, évèque des Carmaniens, du monastère de Qartamîn.
41. Timothée, métropolitain de Damas, du monastère de Qarqaphta.
42. RuBEN, évèque de Gônia,du couvent de Saphylos.
43. Thomas, évèque de Helbôn, [du monastère] de Mar Moïse.
44. Thomvs, évèque des Taglibites, du monastère de Bir-Qoum.
45. Abraham, évèque de Hérat (4), du monastère des Orientaux.
46. Jean, évèque de Téla, du couvent de Qennéshrè.
47. Abraham, métropolitain de Maipherkat, du monastère de Hanania.
48. Daniel, évoque de Tagrit, du monastère de Bir-Qoum.
49. Elias, évèque de Dolik, du monastère de Mar Salomon.
50. SÉVÈRE, évèque de Gishra, du monastère de Mar Bous (?) (5).
51. Jean, évèque de Bagdad, du monastère d'Eusébona.
(1) Ainsi d'après l'arabe; le syriaque porte : Talata.
(•2) L'arabe écrit distiucteriieiitylHa^arôa,- le syriaque : Azarba.
(3) L'arabe et le syriaque ont tous les deux Germania, que je suppose être une erreur
ou une abréviation de Germanicia.
(4) Ici et ci-dessous (n" .V2) ce nom est écrit HXRH comme plus bas (XXIX, 10) on
trouve l'orUiographe HARH « dans le Klioraçan », il ne peut guère y avoir de doute sur l'i
dentification. L'arabe transcrit les lettres syriaciues, sans cliangement: le copiste aura
mis un noitn pour un oiaf .
(.')) Peut-être abréviation; pour Bassiis comp. ci-dessous, n° 8.'>.
LES ÉVÈQUES .lACOlilTES DU VIll'' AL" XIll" SIÈCLE. 497
52. Jean, métropolitain de Hérat d), du monastère de Mar Sliila (2).
53. Abraham, évèquo d'Arabie, du Grand monastère de Tell'ada.
54. SÉVÈRE, cvèque de Tibériade, du monastère de Gashoum.
55. Thomarîqa, évêque de Qennéshrin, du monastère de Napbshata,
d'Alep.
56. Jean, évéque de Dolik, du monastère dv- Mar Jacques de Kaisoum.
57. Georges, évoque de Bahrin, de la Vallée d'Adam.
58. Théophile, évéque de Tell-Beshmê, du monastère de Sandalaia.
59. Joseph, qui est Marzouq, évêque des Taglibites.
60. Bar-hadbeshaba, évè(iue de Gourgan, du monastère des Orientaux.
ôO» Cyrille (3), métropolitain d'Édesse, du monastère de Zouqenin.
61. Thomas, évéque de Zoubtara, du mon;;stère des Orientaux.
62. Jean, qui est Gadouda, évéque de Kinisa.
63. Thomarîqa, évêque de Saroug, du monastère de Qennéshrê.
64. Abraham, évêque de Mar'ash, du monastère de Mar Josepb.
65. Anastase, évêque de Resh'aynâ, du couvent de Qennéshrê.
66. Joseph, évoque de Gourgan, du monastère des Orientaux.
67. Joseph, métropolitain de Jérusalem, du monastère de Bizôna.
68. Thomas, métropolitain de Méliténe (4), du couvent de Mar Bar-Gauma.
69. Thomas, métropolitain de Tagrit, de la montagne d'Édesse.
70. ISAAc, évêque de Diboraitha ("?).
71. Gabriel, évêque de Mar'ash, du monastère de Mar Salomon.
72. Abraham, métrop. de Cyrrhus, du monastère des Arabes.
73. Bacchus, évêque d'Arménie, de la \'allée d'Adam.
74. Habib, évêque des Taglibites, du monastère de Kanoushia.
75. GeoRGES, métropolitain d'Anazarba, du monastère de[, de] Sandalaia.
76. Ell\s Zaqna, évêque de Qardou.
77. Constantin, évêque de Circesium.
78. Gabriel, évêque de Kinisa, du monastère de Raphîn.
79. Sergius, évêque de Sagis[tan] (5), du monastère de Tell-'ada.
80. Jean, métropolitain de Maipherkat, qui est iMysiqia [, de] Sandalaia.
81. Abraham, métropolitain de Maboug, du monastère de Bizôna.
82. Abraham, évêque de Nisibe, du monastère de Qartamîn.
83. Rabban Benjamin, métropolitain d'Édesse, du monastère de Mar
Jacques.
84. Théodore, évêque de Gishra, du monastère de Mar Isai[e] (6).
85. DoMiTius, évéque de Qardou, du monastère de Boush (7).
86. Sabra, évêque d'Arabie, du monastère de Athy (8).
(■1) Comparez ci-dessus (n" 4?»), note 4.
(2) L'arabe dit de Mar.SAenâ. La confusion est très facile entre les lettres I et )! en sy-
riaque.
(3) Ce nom est écrit en marge du ms. avec un renvoi indiquant sa place, mais sans
numéro d'ordre. L'arabe le place sous le n" 68.
(4) CL ci-dessus. n° 10.
(o) Le nom est distnictement écrit dans l'arabe.
(6) Les manuscrits ont : 'Éshai, qui paraît être un nom liypokoristique pour 'Éshaia.
(7) Cf. ci-dessus, n° îiO.
(8) 'Athy ou 'A thon dans les deux manuscrits; peut-être le nom esl-il incomplet (?^.
ORIENT CHRÉTIEN. 34
498 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
87. SÉVÈRE, métropolitain cTAnazarba, du monastère de Mar Zakai.
88. Elias, métropolitain d'Édesse, de la montagne d'Édesse.
89. NoNNUS (Ij, évèque du Tour'Abdîn, du monastère de Qartamîn.
90. (Gabriel, évèque de Samosate, du monastère de Mar Bar-Çauma.
91. David, évèque d'Aphrah, de la montagne d'Édesse.
92. Thomas, évèque de Kaisoum, du monastère de Mar Jacques de Kai-
soum.
93. Basile, évèque de Téla, du monastère de Mar Hanania.
94. George, évèque de Hadeth du monastère de Goubba-Baraya.
95. Grégoire, évèque de Kaisoum, du monastère de Bir-Qouin.
96. Zacharie, évèque de Callinice, du monastère de Mar Zakai .
97. Georges, évèque des Taglibites.
98. YôNAN, évèque de Gourgan, du monastère de Mar Shila.
99. Constantin, métropolitain d'Édesse, du monastère de Qennéshrè.
Ce Mar Denys de Tell-Mahrê exerça le patriarcart pendant
vingt-sept ans, et il institua ces évêques. Il mourut en Tan
1156, le 22 de 'ab (août 845). Son corps fut enseveli dans le
monastère de Qennéshrè. — Que Notre-Seigneur nous pardonne
nos fautes par la prière du défunt et de tous les évêques qu'il a
institués.
XIX. — Jean [IIIJ, patriarche, du couvent de Mar Zakai, de
Callinice. Son installation eut lieu dans le monastère de Mar
Shila, de Saroug, le 21 de téshri II de l'an 1158 (nov. 840).
Mar Habib, [métropolitain] de Tarse, lui imposa les mains.
Il institua ces évêques :
1. Gabriel, métropolitain de Reçapba, supérieur du monastère de Beit
Mar Zakai.
2. ArabI, métropolitain de Samosate.
3. Bar-hadbeshaba, évèque de Hanazith, du monastère de Mar Shila.
4. Jean Toubana, évèque de Circesium.
5. André, évèque du Sagistan, du monastère de Mar Zakai.
6. Basile, métropolitain de Tagrit, du monastère de Mar Bar-Çauma.
7. Elias, métropolitain de Cyrrhus, du monastère des Orientaux.
8. Sergius, évèque d'Alep, du monastère de Siagta.
9. Aharon, évèque de Séleucie, du monastère de Mar Ab[rali]am (2).
10. Jean, évèque de Zeugma, du monastère de Qartamîn.
11. TiMOTHÉE, métropolitain de Samosate, du monastère de Mar Shila.
12. Ah.-^ron, évèque de Maipherkat, du monastère d'Atounos (3).
13. Davu), évoque d'Arsamosate, du monastère de Mar Moïse.
(1) Syriaque : Naios; arabe : Nânos.
('î) Le syriaque et l'arabe ont tous les deux Abam ; je |)ense que c'est une abréviation
pour Abraham.
(3) Lire de même, ci-dessus, XVil, n°' 57 et U, au lieu de : Antoine.
LFS ÉVKQUES JACOHITKS DU \\\l'' AU XIIl" SIKCLE. 199
14. YôNAN, évèquc d'Aplirali, du couvenit do Mar Atounos.
15. Jacques, métropolitain d'Kinèse, du monastère de Hala.
16. ÂHARON, évéque de Circesium, du monastère do Mai- Hanania.
17. Jacques, évoque des Taglibites, du monastère de IJir-Qoum.
18. SÉVÈRE, évêque d'Akazqawan (1), du couvent de Qartamîn.
19. Ahudama, évoque des M;i/adayè, de la ^'allée d'Adam.
20. Etienne, évoque d'Irénopolis, de Tell-'ada.
21. Anastase, métropolitain de Tarse, de Saphylos.
22. Ignace, évêque de Hadeth, du monastère de Mar Zakai.
23. Aharon, métropolitain d'Anazarba, du monastère de Mar Zakai.
24. Joseph, évêque de Zeugma, du monastère de Mar Joseph.
25. Aharon, métropolitain de Cyrrlms, du monastère de Mar Jacques.
26. David, évêque de Harran, du couvent de Qartamin.
27. Jean, évêque de Callisura, de Saphylos.
28. Elisée, évêque de Nisibe, du monastère de Salomon.
29. Jean, évoque de Kephar-Touta et de Mardê, du monastère de Tell-
Çaphara.
30. SÉVÈRE, évoque de Téla, du monastère des Confesseurs.
31. Jacques, évêque de Kaisoum, du monastère de Salomon.
32. Théodosius, métropolitain d'Apamée, de Mar Jacques de Kaisoum.
33. Habib, métropolitain d'Ainid, du couvent de Hanania.
34. Basile, évêque de Gishra, du monastère des Orientaux.
35. Cyriacus, métropolitain de Callinice, du monastère de Zakai.
36. Sergius, évêque de Qennéshrîn, du monastère de Pesilta.
37. Jacques, métropolitain de Hérat, du monastère de Bir-Qoum.
38. Théodore, évêcjue de Gishra, du monastère de Bir-Qoum.
39. Isaïe, métropolitain de Maiplierkat, du monastère de Bizôna.
40. SÉVÈRE, évêque de Samosate et Hanazith, [du monastère] de Mar Ha-
nania.
41. Jean, métropolitain de Jérusalem, du Grand monastère de Tell-'ada.
42. Denys, métropolitain de Reçapha, du monastère de Naphshata.
43. Hanania, évêque de Tibériade, du monastère de Hala.
44. Daniel, évêque de Tell-Beshmé, du [monastère de] Mar Atonos.
45. Daniel, évêque de Kephar-Bât (?), de la Vallée d'Adam.
46. Pierre, de la Vallée d'Adam.
47. Samuel, métropolitain du Sagistan, du monastère de Mar Mattai.
48. Melkizédec, métropolitain de Tagrit, du monastère de la Mère de
Dieu.
49. Abraham, métropolitain d'Amid, du monastère de Mar Siméon.
50. Tibère, évêque d'Arabie, de la montagne d'Édesse.
51. Habîb, évêque de Qardou, du couvent de Hanania.
52. Ignace, évêque d'Arménie, de Harbâz.
53. Salomon, évêque des Nédjrayê et des Ma'adayê, du monastère de Ka-
noushia.
(1) Les deux mss. syriaque et arabe donnent la même lecture. Il ajîit sans doute du même
endroit appelé plus bas Abadqawaii (n"' XX, 20; XXII, 25^; XXIV, 3).
500 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
54. Antime, évêque de Dolik, du monastère de Bar-Hadbeshaba.
55. Pierre, évêque d'Aphrah, des moines de la montagne d'Édesse.
56. Basile, évêque de Circesium, du monastère de Hanania.
57. Bacchus, évêque des Taglibites, de la Vallée d'Adam.
58. Salomon, métropolitain de Damas, du monastère de Yônan.
59. Job, évoque d'Aphrali, du monastère de Tell-Ç'aphara, à Harran.
60. NoÉ, évêque d'Irénopolis, du monastère de Souqnîn (1).
61. Jean, évêque d'Apamée, du monastère de Qennéshré.
62. Théodore, évêque de Resh'ayna, du monastère de Saphylos.
63. Timothée, évêque d'Arzoun, du monastère de Mar Zakai.
64. Athanase Hakim (2), métropolitain de Dara.
65. Philoxène, métropolitain de Recaplia, du monastère de Mar Zakai.
66. Cyrille, qui est Noé, métropolitain de Jérusalem.
67. Elisée, métropolitain de Maipherkat, du monastère de Hanania.
68. Isaac, métropolitain de Damas, du monastère de Pesilta.
69. SiMÉON, métropolitain de Maboug, du monastère du village de Sébân.
70. SiMÉON, évêque de Balbek, de la montagne d'Edesse.
71. Isaac, évêque de Saroug, de la montagne d"Edesse.
72. Isaac, évêque de Cyrrhus, de la montagne d'Edesse.
73. Abraham, métropolitain de Hérat, de la montagne d'Edesse.
74. Athanase, évêque de Qennéshrîn, de Mar Pbocas.
75. Lazare, métropolitain de Tarse, du monastère des Orientaux.
76. Jean, évêque d'Arabie, du couvent de Mar Zakai.
77. Sergius, moine, métropolitain de Tagrit.
78. Jean, évêque des Taglibites qui sont àGozarte de Mossoul.
79. Jean, évêque d'Irénopolis, du monastère de Qoubbê.
80. Gabriel, évêque de Gisbra, du monastère des Orientaux.
81. Georges, évêque de Zeugma, du monastère de Qennésbrê.
82. M.\tthieu, évêque de Resh-Kîpha, de la maison des Confesseurs,
d'Edesse.
83. Ignace, évêque de Mardê, [du monastère] de Mar Hanania.
84. Etienne, évêque de Callisura, [du monastère] de Mar Jean.
Ce IVIar Jean administra le patriarcat pendant vingt-sept ans,
et il institua ces évêques. Il mourut le jeudi 3 de kanoun I"
de l'an 1185 (décembre 873), dans le couvent de Saphylos, et
son corps fut conduit au monastère de Mar Zakai.
XX. — Ignace, patriarche, du couvent de Harbàz; il fut
ordonné en l'an II89 (878), par les mains de Mar Timothée, de
Samosate, dans le [monastère (3)] qui est sur le fleuve de l'Eu-
phrate.
(!) Écrit ainsi dans l'arabe et dans le syriaque; sans doute pour Zouqnin, par échange
des lettres s et ;. Conip. ci-dessus, sous le n" XVlll, 4.
(2) Le sage ou le médecin ?
(3) Je traduis par conjecture ; les mss. syriaque et arabe sont altérés, et le texte de
Bar-Hébréus ne parait pas s'accorder avec ce qu'on peut tirer de ces manuscrits.
LES ÉVÈQUKS JACOlîITE.S DU VIIl" AU XIIl" SIKCIJ;. 501
Il institua ces [évêques] :
1. SÉVÈRE, ùvèquo d(î Rcsli Kîplia, du monastère des Htrangers.
2. Abraham, métropolitain d'Anazarba, du monastère de Hadbeslialja.
!1 Sergu's, métropolitain de Cyrrhus, [du monastère] de Mar Lazare de
Harran.
4. Cyr'iacus, métropolitain d'Edesso, [du monastère] de Mar.Rîan de Dara.
5. Abraham, évêque d'Alep(l), de la montagne d'Edesse.
6. Jean, évêque de Germanicia, du monastère de Zouqnîn.
7. M[CHEL, évêque de Samosate, du couvent de Mar Atounos.
8. Jean, métropolitain d'Amid, du monastère de Mar Sergius
9. Abraham, évêque de Circesium, du couvent de Hanania.
10. Elias, évêque de Hadetli, du monastère de Mar Sévère.
11. Slméon, évêque de Zoubtara, du monastère de Mar Jacques de
Kaisoum.
12. Cyrille, évêque de Maipberkat, de Qennésbrê.
13. Gabriel, évêque de Saroug, du monastère de la Mère de Dieu, qui
est dans le désert.
14. Jacques, évêque de Balbek, du monastère de Pesilta.
15. Cyriacus, métropolitain d'Anazarba, du monastère de Salomon.
16. Constantin, évêque de Harran, du monastère de Qartamîn.
17. Aharon, métropolitain de Maipberkat, du couvent de Hanania.
18. Gabriel, évêque d"Arabie, du monastère de Sébân.
19. Matthieu, métropolitain de Dara, du couvent de Mar Jean de Dara.
20. Jean, évêque de Abadqawan (?), du couvent de Mar Salomon, de Dolik.
21. Sévère, métropolitain du Sagistan, du monastère deTell-Çapbara, de
Harran.
22. SÉVÈRE, métropolitain de Callinice, du monastère de Mar Zakai.
23. Theodose, évêque de la ville de Doula, du monastère de Qen-
néshrê.
24. Jean, métropolitain de Maboug. de la montagne d'Édesse.
25. Jean, évêque de Dolik, du couvent de Mar Jacques.
26. SÉVÈRE, métropolitain de Jérusalem, du monastère de Zouqnîn.
Ce ]\lar Ignace administra le patriarcat pendant cinq ans. Il
mourut le mardi de la Passion, à JVIériba (2); son corps y fut
enseveli dans la grande église.
XXL — TiiÉoDosE, patriarche, du couvent de Qartamîn.
Son installation eut lieu en Fan 1198, le dimanche 5 de shébat
(février 887), dans la ville d'Amid. ]\Iar Timothée, [métropoli-
tain] de Samosate, lui imposa les mains.
Il institua ces évêques :
(1) Le nom du siège, omis par le syriaque, est donné d'après l'arabe.
(2) Bar-Hébréus donne la même indication, et ajoute : en H9i (883).
502 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
1. Athanase, métropolitain, de Tagrit, de la montagne d'Edesse.
2. Job, métropolitain de Hérat, du couvent de Tell-Çaphara, à Ka.isoum.
3. Denys, métropolitain d'Apamée, [du monastère] de la Mère de Dieu.
4. Cyrille, métropolitain d'Anazarba, du nionastère de Zouqnîn.
5. Denys, évêque de Téla, du couvent de Quartamîn.
6. EzÉCHiEL, évêque de Mélitène, du monastère de Mar Atounos.
7. Daniel, métropolitain de Damas.
8. DiNHA, évêque de Callisura, du monastère de Mar Shila.
9. Georges, évêque de Circesium, du monastère de Mar Jean de Dara.
10. Gabriel, métropolitain de Tibériade, du monastère de Tar'el.
11. Michel, métropolitain de Maboug, du monastère de Bizôna.
12. Jacques, métropolitain de Samosate, de la montagne d'Edesse.
13. Ignace, métropolitain d'Aphrah, qui est dans le Khorasan, de la
montagne d'Edesse.
14. EzÉCHiEL, évêque du Tour-'Abdin, du mona.stère de Quartamîn.
15. Sylvanus, évêque d'Arzoun, du monastère de Bar-Hadbeshaba.
16. Basile, évêque d'Arménie.
17. YÔNAN, évêque d'irénopolis, du couvent de Qartamin.
18. Habîb, métropolitain d'Anazarba, du monastère de Mar Sergius.
19. SiMÉON, évêque de Tell-Beshmê, du monastère de Mar Atounos.
20. Habîb, métropolitain de Reçapha, du monastère de Naphshata, de la
montagne d'Edesse.
21. Jean, évoque de Saroug, du monastère de Habisha (1), qui dans le
Tour'Abdîn.
22. Lazare, métropolitain de Tarse, du Grand monastère de Samosate.
23. Elias, évêque de Gishra, de la Maison des moines, de la montagne
d'Edesse.
24. Habîb, évêque de Kaisoum, de la montagne d'Edesse.
25. Basile, évêque de Zeugma, du monastère de Siagta.
26. Mathieu, évêque de la ville de Téla, du couvent de Hanania.
27. Thomas, évêque de Circesium, du couvent de Hanania.
28. Thomas, évêque d'irénopolis, du monastère de Zouqnîn (2).
29. SÉVÈRE, évêque de Dara (3).
30. Jacques, évêque de Nédjrayê.
31. Habîb, évêque d'irénopolis.
32. Sergius, évêque de Resh-'ayna (4), du monastère de Mar Jean.
Mar Théodose administra le patriarcat pendant neuf ans
et quatre mois. Il mourut le 24 de haziran de l'an 1207 (juin
896), dans le couvent de Qartamin.
XXII. — Denys [II], patriarche, du monastère de Beit Botîn,
(1) c'est-à-dire « du Reclus ■; peut-être de Habishè, « des Reclus »?
(2) L'arabe et le syriaque ont : Zouqin. — Cf. ci-dessus, XVIII, 4.
(3) Les mss. portent par une erreur évidente : Dada.
(4) Le nom est donné intégralement par l'arabe ; le syriaque a seulement : Resli.
LES ÉVKQUES .IAC0I5ITES DU VIIl" AU XIIl" SIÈCLE. 503
de Harran. Son installation eut lieu en Tan 12(»8, le 23 <le
nisan (avril 897). Jacques, [métropolitain] (rÉmèse, lui imp<jsa
les mains.
Il fit les ordinations de ceux-ci :
1. TnÉODOSE, métropolitain d'Edesse,de la montagne d'Édesse.
2. Jean, métropolitain de Samosate, de Saphylos.
3. TiMOTiiÉE, métropolitain de Damas, de Mar Atounos.
4. Jean, évêque des Nations (1), du monastère de Jacques de Kaisoum.
5. Jacques, évêque d'irénopolis; du monastère de TelTada.
6. Ignace, évêque de Qennéshrîn, du monastère d'Eusébona.
7. Jean, évêque de Zouphtara, du monastère de Mar Siméon.
8. Jean, évêque de Harran, du monastère de Mar Sévère.
9. Daniel, métropolitain de Samosate, du monastère de Harbàz.
10. CvRiACus, évêque de Balbek, de Mar Jean de Dara.
11. Gabriel, métropolitain de Cyrrhus, du Grand monastère.
12. IsAAC, métropolitain de Hérat, du Cirand monastère (2) qui est dans
le territoire de la ville de Téla.
13. PiiiLOXÈNE, métropolitain (3j, du monastère de Shôna.
14. DiûscoRE, métropolitain d'Édesse, de Harbâz.
15. Habîlî, évêque d'irénopolis.
16. Samuel, métropolitain de Maipherkat.
17. Abraham, métropolitain d'Aphrah, du monastère de Saphylos.
18. ISAAC, évêque de Nisibe, du monastère de Qennéshrê.
19. Jean, évêque du Tour-Abdin, du couvent de Qartamîn.
20. Job, évêque de Callisura.
21. Théodose, évêque de Resh'ayna.
22. Cyrille, métropolitain de Tarse, du monastère de Bizôna.
23. Théophile, évêque de Zouphtara, du monastère de Jean.
24. Daniel, évêque d'Arménie.
25. Grégoire, métropolitain de Callinice, de cette ville même.
25=\ Jacques, évêque de Abadqawan ('?), du monastère de Beit Botin.
26. Abraham, évêque de la ville de Doula(?).
27. CosMAS, évêque de Hadeth.
28. Pierre, métropolitain de Reçapha, de la montagne d'Edesse.
29. Jacques, évêque de Tibériade, de Mar Jacques de Batnan (4).
30. Moïse, évêque d'Amid, du monastère de Mar Amalina.
31. Georges, évêque de Hadeth, de la montagne d'Edesse.
32. Jean, évêque de Marda, du monastère de Mar Hanania.
33. Timothée, évêque de Circesium.
34. Anastase, évêque de Abadqawan (?) du Khorasan.
35. Athanase, métropolitain de Damas.
(1) G'est-ù-dire : des Arabes nomades.
(2) L'arabe omet les mots (|ui composent cette ligne jusqu'ici.
(3) Le jioiu de la localité est omis par les mss.
(4) Dans l'arabe : « de Saroug ».
504 REVUE DE l'orient CHRETIEN.
36. Atiianase, métropolitain de Tarse.
37. TiiÉODORET, métropolitain de Maipherkat, du monastère de Tellal.
38. Gabriel, métropolitain d'Apamée, du monastère de Bizôna.
39. ISAAC, évêque d'Arménie, du couvent de Mar Mattai.
40. Jacques, évêque de Dolik, du couvent de Mar Jacques.
41. Elias, évêque de Mélitène, du monastère de Beit Botin.
42. Ignace, évêque d'Irénopolis, [du couvent] de Mar Jean.
43. Jean, métropolitain de Dara, de cette ville.
44. Ignace, métropolitain d'Amid, du monastère de Harbâz.
45. IsAAC, évêque de Zeugma, du monastère d'Elisée.
46. TiMOTiiÉE, évêque de Samosate, du monastère de Siméon.
47. Basile, évêque de Bithynie, de la montagne d'Edesse.
48. TiMOTHÉE, évêque d'Edesse, du monastère de Resh'ayna.
49. Joseph, évêque de Saroug, de Mar Saba.
Ce Mar Denys administra le patriarcat pendant treize ans. 11
mourut en Fan 1220, le mardi de la semaine du Repos (1), 18
de nisan (avril 909), dans le monastère de Beit Botin, et son
corps vénérable et saint y fut enseveli.
XXIII. — Jean [IV], patriarche, de la Colonne du monastère
de Qourzâhiel. Son ordination eut lieu dans le monastère de
Tell-Çaphara, de Harran, le samedi 21 de nisan de Fan 1221
(avril 910). Le vénérable .Jean, [évêque] de Mar'ash, lui imposa
les mains.
Il ordonna évêques :
I. Thomas, métropolitain de Tagrit, de la Colonne de la montagne d'E-
desse.
2. Jean, métropolitain de Hérat.
3. Denha, évêque de Kaisoum, du monastère de Saphylos.
4. Abraham, évêque de Dolik, du monastère de Noulaban.
5. Joseph, évêque de Mar'ash, du monastère de Tâbésh.
6. Théodose, métropolitain de Maipherkat.
7. Joseph, métropolitain de Jérusalem, de Damas.
8. Sévère, évêque de Callisura, du monastère de Mar Jacques de Kai-
soum.
9. Gabriel, évêque de Dolik, du couvent de Mar Jacques.
10. JoB, évêque d'Alep, du monastère de Bizona.
I I. Siméon, évêque de Gishra, du Pilier.
12. Denha, métropolitain de Tagrit, de l'église de Mar Thomas.
13. Isaac, métropolitain d'Emèse, du monastère de Qourzahel de Harran.
14. Etienne, évêque d'Irénopolis.
(1) C'esl-à-dire : de la semaine de Pâques, selon l'expression liturgique en usage chez les
Jacobites.
LES ÉVÈQUES JACOBITES DU VIIl" Al" XIll" SIÈCLE. .jO.j
15. Jacques, évoque de la ville de Zeu^nna.
10. Thomas, évoque de Qennéshrin, d(! Siagta.
17. TiiÉoDoitE , évéqiu> pour les Nédjrayé et les Taglibites, du Pilier.
18. Seroius, métropolitain de Reeapha, du mona.stère de Mar Zakai.
19. Aharon, évêque de Gishra, du couvent de Qennéshrô.
20. Samuel, évêque du Tour 'Abdin, de Qartamin.
21. Théodose, métropolitain de Jérusalem, de Mar Atounos.
22. Joseph, évêque d'Arzoun, supérieur du monastère de Qartamîn.
23. Ignace, évêque de Mardê, de [Mar] Hanania.
24. Moïse, métropolitain de Damas, du couvent de Shila.
25. Antîme, évêque de Resh-Kîpha.
26. Constantin, évêque de la ville de Téla.
27. IsAAC, métropolitain de Cyrrhus, de Qourzahel.
28. Abraham, métropolitain de Nisibe, de Mar Siméon.
29. Lazare, évêque d'irénopolis, de Mar Jacques.
30. DioscoRE, évêque de Re.sh'ayna.
31. Basile, évêque de Circesium.
32. Jean, évêque de Mélitène, de Mar Bar-Cauma.
33. Paul, évêque d'Aphrah, du monastère de Mar Bar-Çauma.
34. David, évêque de Zouphtara, du monastère de Mar Salomon de
Dolik.
35. Ignace, évêque de Harran, du monastère de Hesna-Hamouça.
36. SÉVÈRE, évêque de Callinice, de Mar Hanania.
37. Jacques, métropolitain de Callinice, de la montagne d'Édesse.
38. Jean, évêque d'irénopolis, du monastère Hesna-Hamouça.
39. Habîb, évêque de Téla, du monastère de Qourzahiel.
40. Cyriacus, évêque de Bithynie, de Mar Salomon.
41. Sévère, évêque de Tell-Beshmê, du couvent dWtounos.
Ce Mar Jean exerça le patriarcat pendant douze ans. Il mou-
rut le samedi dernier jour de téshri II , dans le monastère de
Saphylos, de Rish ayna; et son corps fut enseveli là, dans la
grande église.
XXIV. — Basile, patriarche, du couvent de Saphylos, dans le
village de Mérîba, en Tan 1234, le vendredi 15 de 'ab, en la fête
de la Mère de Dieu (15 août 923). Mar Habib, de A[na]zarba, lui
imposa les mains.
Il fit les ordinations de :
1. Cyriacus, métropolitain de Cyrrhus. du couvent même.
2. Grégoire, métropolitain de Mélitène et Claudia.
3. Ignace, métropolitain d'Anazarba, du village de Bala.
4. Théodore, métropolitain de Maboug, d'Arpânia.
5. Job, évêque d'Abadqawan (?), en Perse, d'Édesse.
506 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
6. Théodose, métropolitain de Samosate, de la montagne d'Édesse.
7. SiMÉON, métropolitain de Hadeth, de Mar Jacques, de Kaisoum.
8. Jean, métropolitain de Saroug, du couvent de Hanania.
9. Etienne, éyéque d'Arménie, de Mar Elisée.
10. Job, métropolitain de Tibériade, de Mar Zakai.
11. Jean, évêque du Tour-'Abdin, de Qartamin.
12. Gabriel, métropolitain de Dara, supérieur du couvent des Orien-
taux.
13. Jean, évêque des Nédjrayè et des Ma'adayè, du monastère de Qar-
qaphta.
14. Athanase, métropolitain d'Émèse, de Mar Hanania.
15. Athanase, évêque des Nations (1), du couvent de Harbâz.
16. Cyrille, métropolitain de Jérusalem, de la montagne d'Edesse.
17. Jean, évêque de Saroug, du monastère de Bar Cauma.
18. Philoxène, métropolitain d'Édesse.
19. David, métropolitain d'Émèse, du monastère de Mar Shila.
20. Julien (2), métropolitain de Maipherkat, du Pilier.
21. Athanase, évêque de Balbek, supérieur du monastère d'Edesse.
22. Jean, métropolitain d'Amid, de Mar Bar-Çauma.
23. Job, évêque de Zeugma, du monastère deSiagta.
24. Denys, métropolitain de Samosate, du monastère de Mar Sévère.
25. Grégoire, évêque de Hadeth, du couvent de Mar Jean.
26. Abraham, évêque d'Alep, du couvent de Mar Jean.
27. Pierre, métropolitain du Sagistan, de la montagne d'Edesse.
28. Sergius, évêque de Saroug, de Mar Bar-Çauma.
29. Jean, de Gishra, du couvent de Mar Zakai.
30. JÉRÉMiE, évêque de Hâmâm, du couvent de Hesna-Hamouça.
31. Pierre, évêque de Mardê et Kephar-Touta, du monastère de Ha-
nania.
32. Paul, métropolitain de Hérat, do la montagne d'Edesse.
Ce Mar Basile exerça le patriarcat pendant onze ans et sept
mois. Il mourut le mercredi delà Passion, 25 d'adar [mars],
dans le monastère Oriental. — Que sa prière nous accompagne !
Amen.
XXV. — Jean [V] , patriarche , de la Maison des moines de la
montagne Noire. Son ordination eut lieu à Tell'ada, village de
la région d'Antioche, en Tan 1247 (3) le, dimanche 28 de 'ab
(août 93G). Mar Athanase, [métropolitain] de Tarse, lui imposa
les mains.
(1) Voyez ci-dessus, XXII, i.
("2) Ou Julhis: le syriaque confondant souvent ces deux noms.
(3) Ainsi d'après Bar-Hébréus ; les mss. portent 12-27.
LES KVÈQUES JACOr.ITES DU VIII^ AU XIII° SIÈCLE. 007
Il ordonna ceux-ci :
1. Basile, métropolitain ae Tafi-rit, de Qartamin.
2. Anastase, évoque d'Alep, de Mar Siniéou (1).
3. Jacques, métropolitain de Tibériade, de Mar Yùnan de Damas.
4. Grégoire, évoque de Resh-'ayna.
5. Matthieu, évèque d'Arzoun, de Mar Zakai.
6. Jean, évèque de Doula.
7. Abraham, évèque de Hadeth, de Mar Zakai.
8. Jean, évèque de Qàstan (2), de Mar Elisée.
9. Jean, évèque de Dolik, de Mar Salomon.
10. Habib, évèque du Tour-'Abdîn, de Qartamin.
11. Basile, évèque de Samosate, de Qâqôsin (?).
12. Athanase, métropolitain d'Aphrah, de Mar Daniel.
13. SÉVÈRE, évèque de Circesium, du couvent de Qartamin.
14. Jacques, métropolitain de Maipherkat, de Bizôna.
15. TiMOTHÉE, évèque de Wastan.
IG. Athanase, évèque d'Aphrah, de Saphylos.
17. Job, évèque de Hàmâm et Kînîsa.
18. Sergius, métropolitain dWpamée, de Bizôna.
19. Basile, évèque d'Arsamosate, du monastère de Salomon.
20. Abraham, évèque d'Arménie, de Mar Sergius.
21. SiMÉON, évèque de Qennéshrin, du Grand couvent.
22. Théodose, évèque de Zouphtara, de Mar Atounos.
23. Jean, métropolitain de Damas, du couvent de Naphshata, d'Alep.
24. Jacques, métropolitain de Maboug, de Mar Zakai.
25. Ath.vnase, métropolitain de Samosate.
26. SÉVÈRE, évèque de Resh-Kipha, de Bizôna.
27. Jean, métropolitain d'Anazarba.
28. Job, métropolitain de Nisibo.
29. Joseph, métropolitain d'Amid, du monastère de Mar Bar-Çauma.
30. Etienne, évèque de Zouphtara.
31. Pierre, évèque de Claudia.
32. Jean, évèque du Sagistan.
33. Ignace, évèque du pays de 'Élés.
34. Philoxène, évèque de Harran , du monastère de Naphshata.
35. Abraham, métropolitain d'Édesse, du Pilier.
36. .\thanase, métropolitain de Tarse.
37. Moïse, évèque de Germanicia.
38. David, métropolitain d'Anazarba.
39. HabIb, métropolitain de Reçapha, de Mar Zakai.
40. Jérémie, métropolitain de Tarse.
41. Athanase, [métropolitain] d'Anazarba.
42. Ignace, évèque du Tour-'Abdîn.
(1) L'arabe porte : Mar Salomon.
(2) Peut-être à lire de Wastùn; comp. ci-dessous, iv^ i:> et ii.
508 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
43. Jacques, évêque de Hàmâm et Kînîsa.
44. Jean, évêque de Wastan, dWmid.
45. Jean, métropolitain de Mélitène.
46. Michel, métropolitain de la ville de Dara.
47. Jérémie, métropolitain de Jérusalem, de la montagne d'Edesse.
48. Jean, évêque de Qarnah.
Ce Mar Jean exerça le patriarcat pendant dix-neuf (1) ans, et
il mourut le 3 de tamouz (juillet), en la fête de Mar Thomas.
Son corps fut enseveli dans le Grand couvent deTelFada, dans
le caveau du vénérable Mar Jacques d'Edesse. — Que sa prière
soit avec nous !
XXVI. — Jean [VI], patriarche (2). Il fut institué en l'an 1265,
(954), dans le village de Tell'ada. Mar Jacques, métropolitain de
Callinice, lui imposa les mains.
Il ordonna ces évêques :
1. Elias, métropolitain de Mélitène, de Zouqnin.
2. Joseph, métropolitain de Damas.
3. Moïse, métropolitain d'Emèse, de Mar Abhai.
4. Basile, évêque de Zouphtara.
5. Lucas, évêque de Qarnah.
6. Joseph, métropolitain de Nisibe.
7. Moïse, évêque d'Arabie.
8. SiMÉON, évêque d'Aphrah du Khorasan.
9. SeR(iius, évêque de Bâlbek.
10. Jacques, métropolitain de Simnadou (3).
Ce Mar Jean administra le patriarcat pendant deux ans. Il
mourut le vendredi, dernier jour de kanoun II (janv.), dans le
couvent de Mar Salomon de Dolik.
XXVII. — Denys [III], patriarche, du couvent de Qartamîn.
Il fut institué le 28 de téschri II de l'an 1269 (nov. 957). Mar
Jacques, métropolitain de Callinice, lui imposa les mains.
Il ordonna ces évêques :
1. Éléazar, métropolitain d'Anazarba.
2. Jean, évêque de Zouphtara, du monastère de Nahra-Qarîra (4).
(1) Ainsi d'après Bar-Hébréus, le ms. porte 1" ans.
(2) L'aralje ajoute : « de la Colonne de Qourzaliiel ». '
(3) Ici l'arabe traduit par : Hesn-Mançour. Comparez plus Ijas, XXIX, 2i.
(4) Flumen frigidum.
LES KVKfjUES .IAC0I5ITES DU VIIl" AL" XIIl" SIÈCLE. 509
3. Atiianase, métropolitain de Damas.
4. Jean, évoque de Mardè, du couvent de Qartamîn.
5. TiiÉDOSE, évè(iue d'A])lirali, de Mar Ilanaiiia.
6. DioscoRE, métropolitjiin dv Dara.
7. ÉzÉcniEL, métropolitain de Môlitène.
S. TiMOTiiÉE, évêque de Circosium.
Ce Mar Denys administra le patriarcat pendant deux ans. II
mourut au mois de haziran de Tan 1272 (juin 901) dans le
couvent de Qartamîn, et son corps fut enseveli dans le caveau
du patriarche Mar Théodose.
XXVIII. — Abraham, patriarche, du monastère de Tar'el, en
l'an 1273 (9G2), au village de Tell'ada. Mar .Job, évèque de
Zeugma, lui imposa les mains.
Il ordonna ces évoques :
1. Jean, métropolitain de Tibériade, d'Antioche .
2. Cyriacus, métropolitain de Tagrit, de la ville d'Alep.
3. Constantin, évêque de Germanicia.
4. SÉVÈRE, évêque du Tour 'Abdîn, de Tell'ada.
5. TiMOTHÉE, évêque de Harran, dans le monastère de Tar'el.
6. Ingace. évèque de Gishra, dans le monastère de Tar'el.
7. Jean, métropolitain de Callinice, dans le monastère de Tar'el.
Il administra le patriarcat pendant un mois (1) et il mourut le
4 d'adar (mars). Il fut enseveli par son maître, Mar Anastase,
évêque d'Alep, dans ce monastère. — Que sa prière nous ac-
compagne!
XXIX. — Jean [VII], patriarche, surnommé de Sarigta, à
cause de sa grande pauvreté, aussi du monastère de Tar'el; le
dimanche 9 de tamouz de Tan 1276 (juillet 965), il fut institué
à Kephar-Nébo, dans la région de Saroug. Mar Sergius, [évêque
■de Saroug], lui imposa les mains.
Il ordonna ceux-ci :
1. Jean, évêque de Resh-'ayna, du Pilier.
2. Ignace, métropolitain dWmid.
3. Tiiéodose, métropolitain de Damas.
4. Jean, métropolitain de Hérat.
<1) Bar-HébrOus dit : neuf mois et neuf jours; l'arabe porte : dix mois.
510 REVLE DE l'orient CHRETIEN.
5. T[MOTHÉE, métropolitain de Maipherkat, de Qarîrê.
6. Philoxène, métropolitain d'Édesse, de la montagne.
7. Ignace, métropolitain de Mélitène.
8. Jean, évéque du Tour'Abdin.
9. Basile, évêque de Mardè.
10. Jean, évêque de Hérat du Kliorasan (1).
11. Atiianase, évêque de Callisura.
12. Denys, évêque de Hadeth.
13. Elias, métropolitain de Samosate (2).
14. Sergius, évêque d'Alep, de Sharga de Pésqîn.
15. Jean, métropolitain de Tibériade.
IG. Cyriacos, évêque de Saroug, du monastère de Sergisyeh.
17. Jean, évêque de Germanicia, du monastère qui est dans le désert (3).
18. Ignace, métropolitain de Dara, du monastère de Qartamîn.
19. Sergius, évêque de Resh-'ayna, du monastère de Tell-Patriq.
20. Théophile, métropolitain de Damas, du monastère de Mar Yônan.
21. TiMOTHÉE, métropolitain d'Amid, de Sharga, de Mar Aharon.
22. Michel, évêque de Claudia, du couvent de Mar Bar-Çauma.
23. Théodose, évêque de Harran, du monastère de Beit Botîn.
24. Basile, métropolitain de Simnadou (4), du monastère de la Mère de
Dieu.
25. Sergius, métropolitain d'Apamée , de Mar Atounos, qui est à Qa-
riré (5).
26. Siméon, évêque de Zeugma, de (roubbîn au fleuve Quariré (6).
27. Thomas, métropolitain de Jérusalem, du monastère de Tar'el, à
Mar'ash.
28. Jean, métropolitain de Cyrrhus, de Sharga de Pésqîn.
29. CosMAS, métropolitain de Reçapha, de la Colonne qui est dans le
monastère de Mar Bar-Çauma de Saroug.
30. Pierre, évêque d'Arzoun, d'Amid, au fleuve Qarîrê.
31. Ézéchiel, métropolitain de Dara et de Habôra, du monastère de Qar-
tamin.
32. Sergius, évêque de Qarnah, de Shagra de Pésqîn, en ce lieu (7).
33. Moïse, évêque du pays de Claudia, à Mar'ash.
34. Basile, métropolitain de Tibériade, dans le village d'Arnôs.
35. Cvriaque, évêque de Zouphtara, du fleuve Qarîrà, à Mar'ash.
(1) Pai'aitêtre la répétition ilu n" 4.
(2) Ainsi d'après l'arabe, dont la lecture seml)le prcleraljle au syriaque qui porte : Elias,
métropolitain de Tibériade.
(3) Restitution d'après la traduction arabe; le ms. porte : Dr.DMUA.
(4) Voyez la note ci-dessus, n» XXVI, 10. Ici, l'arabe conserve le nom « Simnadou ».
(.%) Le texte syriaque porte : qui est à Marin'; mais il n'y a pas de doute qu'il faille res-
tituer Qariré, l'aralje traduisant par Al-Bârid comme au n" suivant.
(C) Arabe : « de Zeugma et Goubbin », leçon qui semble préférable.
(7) n faut observer que souvent la construction de l'auteur est ampliiboloî^ique, et il
n'est pas toujours facile de distinguer si l'expression « à tel endroit » détermine la place
du couvent qu'on vient de mentionner ou au contraire le lieu de l'ordination, comme c'est
le cas ici {conip. le n" 3(j).
LES ÉVK<>!UKS JACOIilTKS DU Vlll" AI Mil' SIKCLi;. OU
'M. Paul, évoque irAplirah, de Sliagra de Pèscjîn, on ce lieu.
37. Denha, évêquc d'Arsamosate, [du monastère] de 'l'abèsli, qui est à
Kaisoum.
38. Zacharie, év. de Saroui;, du monastère du fleuve Qarîrâ, à Mar'asli.
39. Basile, év. du Sagistan, du monastère de Scrg'isyeh, à Mar'ash.
40. Jean, métropolitain de Nisibe, du monastère de Mar Jean, à Mar'ash.
41. Michel, évoque de Callisura, du même couvent, on ce lieu.
42. Basile, évêque de Saroug, de la montagne d'Édesse.
43. Jean, évêque de Hamam, du [monastère de] Tabésh de Kaisoum, à
Mar'ash (I).
44. Pierre, évêque de Harran, du Grand monastère, à Mar'ash.
45. Théodose, évêque de Mar'ash, du monastère de Sergius et Bacchus.
46. Samuel, évêque de Hàmâm, du monastère de Mar Phargisia, qui est
dans le pays de Tagrit (2).
Il exerça le patriarcat pendant vingt ans; et il mourut dans
le couvent de Barîd (3); son chaste corps y fut enseveli dans
le temple qu'il y avait bâti.
J.-B. Chabot.
{A suivre.)
(1) Lecture iustifiée par la traduction arabe.
(2) Le syriaciue et l'arabe ont tous les deux : Tarjr. ; je suppose que le t Onal a été omis.
(H) Bar-Hébréus dit : en 1-296 (985).
RÉPERTOIRE ALPHARÉTIQUE
DES MONASTÈRES DE PALESTINE
En 1869, M. Couret publiait en appendice à son livre : « La
Palestine sous les Empereurs Grecs, 326-636 » (1), une liste
d'environ 60 noms, se rapportant, la plupart, à des maisons re-
ligieuses de la Terre Sainte. Une brève mention, tirée géné-
ralement d'un auteur grec, indiquait tantôt la date de leur
fondation, tantôt leur situation respective. Les voyages et les
découvertes archéologiques étaient encore trop rares en pays
d'outre-mer pour permettre au savant auteur de tenter quelques
identifications. En 1895, le Bibel- Atlas (2) du chanoine R. von
Riess donnait sous le mot \\ ûste Jucla (p. 32) une liste alphabé-
tique de cinquante-sept noms de couvents palestiniens.
En deux ou trois lignes, le regretté palestinologue fournit
d'une manière assez exacte le nom du fondateur, l'année de
la fondation et le nom actuel.
Voici une liste un peu plus considérable que celles de M. Cou-
ret et du D' von Riess sur les monastères et les laures de
la Palestine. Je la donne par ordre alphabétique afin de facili-
ter les recherches. On y trouvera aussi un résumé succinct de
leur histoire avec les témoignages des écrivains qui en ont
parlé. L'identification actuelle sera indiquée quand elle n'offrira
pas de difficulté sérieuse. Je m'arrête au x" siècle pour ne pas
grossir inutilement le nombre de ces pages en y insérant les
couvents modernes qui n'ont à peu près rien de monastique.
D'ailleurs, la vie religieuses en Palestine est épuisée dès cette
(1) Thèse de doctorat, in-S", Grenoble, 18G9. Appendice, XXII.
(•2) Fribourg en Br., in-4o, 3« édition.
Rlî;i>KIîTOIUE ALI'IIAnÉTlQUK DKS MONASTÈRES DE PALESTINE. .jlS
époque; sa courte floraison au xii° siècle n'est guère marquée
que par la reconstruction des monastères abandonnés.
Il est question, bien entendu, des monastères grecs seule-
ment, bien qu'on ne puisse passer entièrement sous silence des
fondations comme celles de sainte Mélanie, de sainte Paule,
de saint Jérôme etc., grecques par la majorité de leur person-
nel ou qui le devinrent vite après la mort des fondateurs. Tout
travail de ce genre est forcément incomplet ; chaque document
nouveau en démontre les lacunes. Les sources syriaques, en
particulier, sont appelées à augmenter considérablement Yl7i-
dex proposé. Plaise à Dieu qu'elles sortent bientôt de la pous-
sière des bibliothèques et qu'elles mettent chaque jour dans
une lumière plus vive cette terre monastique, si féconde en
écrivains et en martyrs de l'héroïsme !
I. — ABRAHAM, monastère sur le mont des Oliviers.
11 ne faut pas confondre cet Abraham avec un autre person-
nage du même nom, qui fonda le monastère des Byzantins
à Constantinople et à Jérusalem et mourut archevêque d'Éphèse.
Notre Abraham fut d'abord higoumène du couvent (1) adjoint
à l'église de Sainte-Marie la Neuve, dédiée au mois de novem-
bre 543 (2). Or, comme il avait succédé dans cette première
fonction à l'archimandrite Eudoxe (3), cela nous reporte à la
seconde moitié du vi*" siècle. D'après Jean Moschus, Abraham
bâtit sur le mont des Oliviers le monastère qui portait son nom
et Jean de Cijzique en était supérieur lors de sa visite.
2. — AD. Monastère du vieil Ad ou de saint Épiphane.
Si l'on en croit l'historien Sozomène (4), Épiphane aurait
d'abord pratiqué la vie religieuse en Egypte, où il aurait sé-
journé assez longtemps, puis, une fois de retour en Palestine,
il aurait construit un monastère près de Bésandouk, son vil-
lage natal, sur le territoire d'Éleuthéropolis. A diverses repri-
ses, saint Épiphane lui-même assure qu'il a passé une partie
(1) Prat. Sprit., cap. lxviii. Migno, P. C?.. t. LXXXVII, col 2917.
(2) Vila S. Joannis Silentiarii. A. SS., t. 111, Mai, ir "^O, p. 235.
(3) Prat. Sph', cap. clxxxviii, col. 30t>4.
(4) Hist. EccL, lib. Yl, cap. xxxii. Migne, P. G., t. LXVIl, col 1392.
ORIENT CHRÉTIEN. 35
514 REVUE DE L ORIENT CHRETIEN.
de sa jeunesse en Egypte d'où il serait revenu k l'âge de vingt
ans. Il aurait alors bâti un monastère, comme le disent Sozo-
mène et saint Jérôme : « monasteriumsancti PapaeEpiphanil,
nomine Vêtus Ad clictum... in Eleutheropolitano territorio
situm est ».
Ce monastère joua un rôle considérable dans la querelle sur-
venue entre Jean, évêque de Jérusalem, et Rufin d'une part,
saint Épiphane et les moines de Bethléem d'autre part. Le
frère de saint Jérôme y fut ordonné prêtre par saint Épiphane,
qui semble avoir conservé le titre de supérieur, même après sa
nomination au siège épiscopal de Salamine en Chypre (367).
L'abbé Grégoire le remplaçait en son absence (I).
3. — ADER, monastère près de Bethléem.
On appelle souvent de ce nom le monastère de Cassien, situé
près de Bethléem, bien que cette dénomination semble fausse.
En effet saint Jérôme, contemporain de Cassien, ne mentionne
pas de moines à la tour d'Ader. « Haud procul inde Bethléem,
descendit ad turrim Ader, id est Gregis, juxta quam Jacob
suos pavit grèges et pastores nocte vigilantes aiidire merue-
runt etc. (2) ».
Arculphe n'en vit pas davantage en 670, « juxta turrim Ga-
der (3) », ni les auteurs dont Pierre diacre s'est inspiré pour
transcrire les renseignements suivants: » In turre autern Codes
(Gader) donius fuit Jacob cujus fundamenta, usque odie
parent (4) » et « ad orientem in 7\irre Ader, id est Gregis,
mille passibus a civitate, segregata ecclesia est, trium pas-
torum doniinicae Nativitatis consciorum monumenta conti-
nens (5) ».
Il faut arriver au premier quart du ix'' siècle, pour voir le
monastère du lhi[vnz/ signalé par le moine grec Épiphane (6).
Cet établissement ne dut pas rester longtemps debout, ni ac-
(1) CoTELiER, Ecclosix gnvcie monumenta, Paris, 1G77, t. I, p. 4-27.
(2) Eplst. CV'III, ad Euslochium.
(3) Tobler : IHnera et Descriptlones Terrx Sanctx, t. I, p. 171.
(4) Pétri diaconi Liber de Locis Sanctis, en appendice à la -S'; Silvix Peregri-
natio ad Loca Sancta de Gamurrini, Romte, 1887, p. 129,
(5) Op. cit., p. 112.
(6) Enarratio Syriœ. Migno, P. G., t. CXX, col. 264. Voir aussi le moine Ber-
nard,/binera et Descripliones, t. 1, p. 317.
IIKI'EIITOIRK ALl'IlAlIKTKiUI-: DKS MuXASTKRKS I)K l'AI.KSTIM:. ôl.j
quérir une grande célébrité, puisque les pèlerins de l'époque
des croisades feignent de l'ignorer (1).
4. — AFTIIORIA, moiiastè}-es dliommes cl de femmes.
Aftlioria était un petit village situé à 12 milles au sud de
Césarée maritine. Il y avait au v" siècle deux monastères eu-
tychiens, l'un d'hommes, l'autre de femmes, que Pierre l'Ibère
visita (2). Le supérieur du couvent des hommes s'appelait Gré-
goire, illustre ascète, grand ami de l'évêque géorgien (3).
La supérieure des femmes était Sabine, nièce de Grégoire, puis,
à sa mort, Eugénie de Tyr, jeune païenne convertie par Pierre
l'Ibère (4).
5. — ANASTASE, monastère entre Jérusalem et Bethléem.
En l'an 614, après le massacre de 44 de leurs compagnons, les
moines de Sainl-Sabas se retirèrent au monastère abandonné de
l'abbé Anastase, à 4 milles de Jérusalem sur le chemin de Beth-
léem (5). L'ancien higoumène de Saint-Sabas, Justin, prit la di-
rection de la nouvelle communauté, pendant que Thomas recon-
duisait les religieux intrépides à la Grande Laure. Peu après,
Justin recevait un soldat de l'armée de Chosroés, converti vers
l'an 620 et qui resta sept ans au monastère d'Anastase dont il
portait lui aussi le nom. Le soldat perse subit ensuite le martyre
à Césarée de Palestine et à Bethsaloë en Perse (6).
Les hagiographes nous parlent de plusieurs moines, appelés
Anastase; aucun d'eux toutefois ne paraît avoir fondé de monas-
tère. Il s'agit peut-être du patriarche de Jérusalem, Anastase,
458-478, ancien moine de Saint-Passarion, puischorévèque de la
ville sainte, à qui l'impératrice Eudocie eut souvent recours pour
ses fondations et ses aumônes (7).
(1) Voir sur ce monastère, J. Pari;oir(> : Prime el Compiles dans la Reçue
d'Histoire et de Littérature religieuses, t. III (18!>8), p. 284.
(2) R. Raabe : Petrus der Iberer, Leipzig, 1895, p. 112.
(3) Sur Grégoire, voir Op. cit., p. 125, 129, et M. Nau, Les Plérophories de Jean,
evèquc de Mayouma, dans la Revue de l'Orient chrétien, t. 111 (1898), cap. lxxi,
p. 376.
(4) Petrus der Iberer, p. 108, 112.
(5) Antiochi epistola ad Eustathium. Migne, P. G., t. LXXXIX, col. 1423.
(G) \'ita s.Anastasii persx. A. .S'.S'., t. III, Jan., p. 35 s., et Usener, Acta martyres
Anastasiipersx, Bonn, IS94.
(7) Vita s. Euthymii. A. SS., t. II, Jan., n" 5U, 83 et 9G.
516 REVUE DE l'orient CHRETIEN.
Si le monastère d'Anastase s'identifie avec celui de Mâr-
Elias, comme c'est probable, il fut détruit plusieurs fois par des
tremblements de terre et relevé vers l'an 1160 par l'empereur
Manuel Comnène (1). Il était alors dédié au prophète Élie. On voit
encore l'inscription d'un évêque de Bethléem, nommé également
Élie, mort en 1345 (2).
6. — ANNONCIATION, monastère arménien de femmes.
Une inscription grecque découverte au mont des Oliviers men-
tionne Charati higoumène du monastère arménien de l'Annon-
ciation (3). 11 devait y avoir des religieuses grecques, si l'on
en juge par l'épitaphe de la supérieure.
7. — APHÉLÉE, monastère de Jérusalem,
dont les citernes furent restaurées par Justinien (4).
8. — APOLLINAIRES, monastère des Apollinaires à Jéru-
salem.
Une inscription grecque, trouvée dans la vallée de Josaphat,
cite le monastère des femmes Apollinaires (5). Les Menées
(4 janvier) parlent d'une Apollinaire, fille de l'empereur d'Oc-
cident, Anthémius, 467-472, qui visita les Lieux Saints et se re-
tira, au retour de son pèlerinage, au monastère de Scéthé. Sa
vie, d'ailleurs très légendaire, ne mentionne pas de fondation
de couvent à Jérusalem.
9. — ARISTOBULIAS, monastère (425).
Euthyme était depuis quelque temps établi sur la colline de
Mardes, quand il lui prit fantaisie de se retirer dans le désert de
Ziph, pour visiter les cavernes qui avaient servi d'asile à David
persécuté. Sa curiosité satisfaite, il se trouva si bien en ce lieu
qu'il y demeura. Bientôt, un couvent sortit de terre ; il s'élevait
entre Aristobulias, le Khirbet Istaboul, et Caphar-Baricha,
(1) J. Phocas : Descriptio Terrœ Sanctx. Migno, P. G., t. CXXXIII.col. 050.
(i) Benjamin Joannidès : npoax-jvviTâpiov t^; 'Ayîa; Tri;. Jérusalem, I8G7, t. II. p Ki
et II. /
(3) P. Germer-Durand, Revue Biblique, t. I (1892), p. 571.
(4) Procope : De ^Ediftciis, lib. V, cap. ix.
(5) P. Geymer-Dm&nd, Revue Biblique, t. 1(1892), p. 566.
l{|';i'ERT()IKK ALI'IIAIÎKTKiUK DKS MONASTKfŒS DK PALESTINE. 517
aujourd'hui Béni-Naïm, au-dessous cl' Ilôbron (1). Cette fondation
s'opcra vers l'an 125.
10. — ASCALON.
Il y avait sûrement plusieurs maisons religieuses dans cette
ville de la Philistie. J'ignore si les textes réunis ici se rappor-
tent au même établissement. « Il y avait à Ascalon une réunion
d'orthodoxes (monoph3'sites) près de notre père Cyrille, qui avait
été chassé de Maiouma à cause de l'orthodoxie, s'était retiré à
Ascalon et y tenait un hôtel. » Pelage, moine eutychien d'Édesse,
s'y déroba aussi et y mourut (2).
Pierre l'Ibère vient à Ascalon en 476 et reçoit de grands hon-
neurs des pères et frères monophysites de l'endroit (3).
Au vr' siècle, un moine d'Ascalon est envoyé par son supé-
rieur consulter l'abbé Séridon, un bon catholique celui-là (4).
Jean Moschus parle d'un xénodoehion, confié aux soins des
religieux de la ville (5).
11. — BASSA, monastère au v" siècle.
Bassa, amied'Eudocie, femme de Théodose le Jeune, la suivit
en son exil de Palestine et y bâtit un monastère, dédié au martyr
saintMénas. André, disciplede saint Euthyme, et frère d'Etienne,
évêque de Jamnia, en fut le premier higoumène (6). On trouve
ce couvent cité en d'autres auteurs (7).
BESSES. Voir Thraces.
12. — BÉTHABARA.
Jean Moschus parle de quelques moines habitant sous Ti-
bère II, 578-582, la ville de Béthabara, à 6 milles au delà du
Jourdain (8).
(1) VUas.Eulhymii. A. SS., t. II, Jan., iv^ "29-33.
(2) Plérophories, cap. vi, p. 239.
(3) Pelrus der Ibercr, p. 75, 7(3.
(4) S. Dorotlixi abbatis Doctrina, cap. i, ii" 15. Migne, P. G., t. LXXXVIII, col.
1637.
(5) Op. cit., cap. CLXxxix, col. 3(i(38.
(0) l'ita s. Euthymii, n" 87.
(7) Nicéph. Câl, Hist. EccL, lib. XIV, cap. lu. Mignc, P. G., t. CXLVI, col. 1249,
Labbe, ConciL, t. IV, 872.
(8) Op. cit., cap. xciii, col. 2952.
518 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
13. — BÉTHANIE.
Antonin le martyr, au vr siècle, vitprès du tombeau de Lazare
de nombreuses cellules, et une multitude de reclus, hommes et
femmes, sur le mont des Oliviers (1).
Arculphe aperçut un grand monastère à côté d'une splendide
basilique (2).
Bernard le Moine vit également le monastère et l'église (3).
Enfin, le Commemoraiorium de casis Dei mentionne un prê-
tre à Béthanie : Ad Sanctum Lazarum in Bethania presby-
terI{A).
Tous ces textes proviennent d'écrivains latins et il peut se
faire que ce monastère fût occupé par des religieux francs.
14. — BÉTHEL.
D'après une Vie de saint, qui ne présente aucune note d'au-
thenticité, il y aurait eu un monastère au V siècle sur le lieu de
l'apparition de Dieu à Jacob (5). Bien que le récit soit manifeste-
ment légendaire, l'existence de ce couvent peut n'être pas inven-
tée de toute pièce. Nous savons, en effet, que les personnes con-
sacrées à Dieu se fixaient volontiers près des sanctuaires et dans
les lieux de pèlerinage.
D'après les Plérophories (6), le sanctuaire de Béthel était
confié à la garde d'un prêtre ou d'un moine; mais il ne semble
pas y avoir eu de monastère proprement dit.
15. — BYZANTINS. Monastère des Bi/zantius à Jérusalem.
Abraham, fondateur du monastère des Abrahamites à Cons-
tantinople, vint ensuite à Jérusalem où il établit le couvent des
Byzantins (7); de là il fut promu à l'archevêché d'Éphèse.
Par malheur, Jean Moschus, qui rapporte ces faits, ne donne
pas de date précise; aussi devons-nous nous contenter d'à peu
près pour arrêter le curricidum vitae de ce personnage. Si l'on
(1) TolAi^v : Ilinera et Bescrij)liones Terrée Sancliv, t. I, p. 100.
(2) Op.cil.,\.\, p. ICÔ.
(3jOp. cit.. t. 1, p. 317.
(4)0/5. ci/.,t. I, p. 302.
(5) Papadopoulos-Kerameus : 'Ava/ex-à îcpoao^uiiitty.ri; o'za.yyoy.rjyîaç. t. Y, 3T8 et 380.
(G) Reviœ de l'Orient Chrétien, t. 111(1888), cap. xxx, p. 310.
(7) Moschus, cap. xc, col. 2956.
liÉl'KirrolUE ALlMIAUÉTlQUr; DES MONASTÈIŒS DE PALESTINE. 511J
s'en tient aux données générales, contenues dans ce chapitre
du P)-é spiritael, Abraham a pu quitter Constantinople vers
Tan 515, fonder tout d(; suite son monastère des Byzantins à
Jérusalem et monter une dizaine d'années après sur le siège
d'Éphèse(l). Jean Moschus cite aussi Basile, prêtre de ce mo-
nastère.
L'historien Evagre rapporte que Grégoire, patriarche d'An-
tioche, 569-591, avait embrassé la vie religieuse au couvent
des Byzantins, dont il fut ensuite higoumène. avant d'être
transféré au mont Sinaï (2).
Jusqu'ici, nous ignorions l'emplacement de cet édifice; un
document plus tardif nous indique sa position approximative.
Le Commemoratoriinn de casis Dei et monasteriis, écrit vers
Fan 808, nous apprend qu'il y avait 35 moines « in monasterio
sancti Pétri et Pauli in Bisanteo, juxta montem Oliveti (3) ».
Les mots « in Bisanteo » nous permettent de supposer qu'il s'agit
du monastère des Byzantins fondé par Abraham. Peut-être ce
couvent est-il encore désigné dans une inscription trouvée à
Jérusalem et mentionnant la construction de l'église des saints
Anargyres a-ouo?) twv V,SÇœrJ.by> sous le patriarche Eustochius au
VI' siècle (4j.
.16. — CALAMON, taure près du Jourdain, au v' siècle.
Le Bibel-Atlas deRies,s, dit que cette laure remonte à la fin du
IV' siècle et fut fondée entre les années 380 et 400. Je ne crois
pas cette opinion fondée. Le biographe tardif de saint Chariton
place, il est vrai, des anachorètes dans les grottes de Cala-
mon (5), à l'arrivée de son héros, sous le règne de Constantin
le Grand, mais cette description de Calamon se ressent des
préoccupations de l'auteur. Lui voyait des anachorètes à Cala-
mon au VI' ou au vii'^ siècle (suivant l'époque où il écrivit);
il supposait en conséquence, de très bonne foi, qu'il y en avait
déjà au commencement du iv'.
(1) Sur cette question, voir le P. J. Pargoire : Les débuts du monachisme à
Constantinople. Extrait de la Revue des questions Historiques (Janvier 1899), p. 30.
(•2) Hist. Eccl., lib. X, cap. vi. Migne, P. G., t. LXXXVI. col. 2804.
(0) Tobler : Itinera et Descriptiones Terme Sanctae, Genève, 1877, t. 1, p. 305.
(1) P. Germer-Durand, Revue Biblique, 1892, n" 47, \^. 585.
(5) 17/0 s. Charitonis. A. SS., t. Vil, Sept., p. 578.
520 REVUE DE l'oRIExXT CHRÉTIEN.
Vers l'an 452, la Vita sancti Euthymii (l) signale des er-
mites aux abords de la mer Morte. Plusieurs suivirent saint
Gérasime dans sa nouvelle laure, d'autres se rangèrent sous
l'obéissance de Pierre, quelques-uns durent même occuper les
grottes de Calamon. En effet, nous trouvons cette dernière
fondation en pleine prospérité, une vingtaine d'années plus
tard, quand saint Théognius s'y retira avant de construire
son monastère aux environs de Deir-Dosi en 475 (2). C'est donc
entre les années 452 et 470 qu'il faut placer la fondation de
cette laure.
Visité parMoschus (3), Calamon servit de refuge aux religieux
de Choziba et des autres couvents durant l'invasion persane en
614 (4); au IX' siècle il est cité plusieurs fois dans la Vie de saint
Etienne le Thaumaturge (5).
Il est encore mentionné dans la 'ltç,zrjz\'j\}x-v/Sr, iiéh.ofi-Qy.r,
de M. Papadopoulos-Kerameus et les pèlerins grecs du moyen
âge. La Revue Biblique (6) a publié et commenté une inscrip-
tion du XII' siècle, qui mentionne la reconstruction de ce cou-
vent par l'empereur Manuel Comnène, reconstruction dont
parle aussi Phocas en 1177 (7). J'ai raconté ailleurs (8), en ap-
portant les textes à l'appui, comment la laure de Calamon en-
dossa, à partir d'une époque qui reste encore ignorée, le
nom commun de Saint-Gérasime et de Calamon; il est
inutile d'y revenir. Aujourd'hui, la laure de Calamon porte le
vocable de Saint-Gérasime et ^'âppeUeKasr-HaclJla; elle s'élève
près du Jourdain, et est habitée par des moines grecs.
17. — CALAMON, désert.
Le désert de Calamon revient maintes fois sous la plume
des hagiographes des vi' et vu'' siècles; il désigne la partie
(1) A. SS.,L II, Jan-, n" 77.
(2) Acta s. Theognii episcopi Beteliœ dans les Analccta BollancUana, t. X,
p. 85 et 86.
(3) Op. cil., cap. XXVI, XLVi, et clxiii.
(4) Analecla BollancUana, t. VII, p. 98, 101, 129.
(5) A. SS.. t. III, JuL, n» 25, 30, 31 et 45.
(6) T.I (1892), p. 44(t.
(7) Migne, P. G., t. CXXXIII. col. 952.
(8) Les Laures de saint Gérasime et de Calamon, dans les Échos d'Orient, t. II,
p. 117 et s.
RKPERTOIUK ALI'IIAI'.I'TIQUK DES .MONASTÈRES DE l'AEESTINE. '^Zl
méridionale de la vallée du Jourdain, avoisinant la mer
Morte et connue de nos jours sous le nom (ÏEz-Znr.
18. — CASSIEN, monastère près de Bethléem, au vi" siècle.
Cassien habitait un monastère de Bethléem « de bethleemitici
cœnobii rudimentis (1) », non loin de la Crèche du Sauveur.
« Nostrum, monasterium non lo)i(jc fuit a Spelaeo in qno
D. N. J. C. ex Virgine nasci dignatus est (2) » ; " in nostro
monasterio... ubi D. N. J. C. natus est Virgine liumanae
infantiae suscipere incrementa dignatus (3) ». De tous ces
textes il résulte que ce couvent se confond presque avec la
Crèche du Sauveur.
Sainte Sylvie a vu des moines à l'église de la Nativité vers
385, mais elle ne souffle mot de leur couvent (4). Cassien nous
apprend que Pinufms, abbé de Panéphyse en Egypte, était
venu, comme novice, partager sa cellule et celle de Germain (5).
De plus, Palladius dit dans son Historia ad Lausum (6) qu'un
autre Égyptien, Poseidonios, habitait au delà du Poimenion :
£7:£X£iva Toîj [hiij.vjîoj. si Poimenion désignait le village des Pas-
teurs, aujourd'hui Beth-Saour, le monastère de Cassien situé
au delà pourrait fort bien s'identifier avec le champ des Pas-
teurs ou tour d'Ader mentionné plus haut. Dans ce cas, les
pèlerins auraient certainement signalé ce monastère; mais l'on
n'en trouve aucune mention avant Épiphane l'Hagiopolite, au dé-
but du ix" siècle (7). Dès lors, le 7::i;x£vi;v de Palladius peut fort
bien représenter le champ des Pasteurs lui-même ou n^îy.vi^v
d'Épiphane et non pas le village; dans cette hypothèse, le
monastère de Poseidonios et de Cassien doit être cherché à
l'est du champ des Pasteurs. L'origine de ce monastère est in-
connue. Cassien paraît l'avoir habité jusqu'en 385; il remonte
peut-être à la première moitié du iv siècle et est sûrement
l'un des plus anciens de la Palestine. Il est presque inutile de
(1) Coll., lib. XI, cap. v.
{"■l) Institut., lib. IV. cap. xxxi.
(3) Institut., lib. III, cap. iv.
(4) Op. cit., p. 84.
(5) Coll., lib. XX, cap. i.
(6) Cap. L.XXXI1I. Migne, P. G., t. XXXIV. col. UT'J.
(7) Enarratio Syriae. Migrie, P. G.,t CXX, col. 2(54.
522 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
rappeler que l'heure canonique de prime fut inaugurée dans ce
couvent, vers l'an 382(1).
19. _ CASTELLIUM, monastère fondé en iOS.
Castellium est le nom d'une forteresse qui couronnait le
sommet d'une colline appelée Mardes (voir ce mot), sise à vingt
stades de Màr-Saba (2). Sabas se sentait attiré vers ce lieu comme
par une force mystérieuse. Il y avait jeûné plusieurs carêmes et
soutenu des luttes corporelles avec les démons, qu'il avait con-
traints à lui céder la place. Au printemps de l'an 492, une
escouade de religieux venait sous sa direction entamer les
fouilles. Dans les ruines du chàteau-fort ils découvrirent une
salle d'une grandeur remarquable, dont les murs intacts accu-
saient, par les dimensions des pierres et la belle ordonnance des
assises, une époque artistique et des constructeurs expérimentés.
Le dallage en mosaïque était encore conservé. Il devait repré-
senter comme partout des plantes et des fruits, des animaux
aux formes capricieuses, entremêlés de fleurs multicolores et
de gracieux entrelacs. Il suffisait de relever le toit écroulé pour
avoir une église élégante et solide. Les remparts servirent de
murs, les chambres de cellules, les citernes et les canaux furent
utilisés dans la mesure du possible. Le nom Castellium
trahit une origine romaine; ce château ne semble pas diffé-
rer de la forteresse Hyrcania élevée à l'époque des Hérodes,
une des places fortes de la Palestine, qui joua avec Machéronte
et Alexandrion un rôle important dans les guerres judéo-ro-
maines. Le général Gabinius détruisit enfin ce boulevard assuré
de l'indépendance juive (3).
La construction des cellules réclama une année entière,
492-493. L'eau manquait aux ouvriers; les moines devaient
se fournir à la laure de l'Heptastome, à plusieurs kilomètres.
Une fois que tout fut terminé, Sabas procéda à l'installation
des moines. Ceux-là seulement qui savaient le psautier par
(1) Voirie P. J. Pargoire, Prime et Compiles, dans la Bévue d'Hisloire et de Lit-
térature religieuses, t. III (1898), p. 281-288.
(2) Vita s. Joannis Silentiarii. A. SS., t. III, Mai, ii" 6 et 9.
(3) FI. Josephi Opéra, édit. Diiidorf. A. J., lib. XIII, cap. xvi, 3, et B. ./., lili.
I, cap. VIII, 2. Le P. Rhétoré 0. P., le premier, a proposé rideiititlcation de
Castellium avec Ilyrcaaia. Bévue Biblique, 1897, p. 4G2.
RÉI'ERTOIRI-; ALl'HAIîKTKilK DKS MuXASTK UES DK l'ALRSTIM':. 523
cœur et pouvaient vivre isolés sans risquer aucun danger spi-
rituel, y furent admis. Il partagea le pouvoir entre l'anacliorète
Paul, vieillard déjà blanchi dans la vie érémitique, et l'un de
ses propres disciples, beaucoup plus jeune, nommée Thi'odosi::.
La mort de Paul, survenue peu après, appela ce dernier à gou-
verner seul le monastère. Le frère de Théodose, Sergius, et son
oncle Paul lui succédèrent dans cette charge, avant d'être
élevés, le premier à révèché d'Amathonte dans la vallée trans-
jordanienne, le second à celui d'Ela sur le golfe de ce
nom (1).
Durant la visite de Jean Moschus au vi" siècle, les cénobites
de Castellium obéissaient à l'higoumène Agathonice (2). Cas-
tellium est un des rares couvents de second ordre qui survé-
curent aux invasions des Perses et des Arabes. On en parle à
deux reprises dans la biographie de saint p]tienne le Thauma-
turge, écrite au début du ix^ siècle (.')).
L'identification de Castellium avec le moderne Khirbet-Mird
est incontestable. Le nom actuel est la reproduction presque
identique du nom ancien. En effet, à notre avis, le monastère
de Saint-Sabas remplaça la forteresse H3Tcania, appelée alors
Castellium, et porta dans l'histoire ce dernier nom. Cette forte-
resse se dressait sur la cime d'une colline, appelée Mardes,
dont les grottes étaient habitées par des anachorètes indépen-
dants. Le nom primitif de la hauteur lui resta toujours attaché,
il a survécu à la ruine du monastère dans la forme peu mo-
difiée de Khirbet-AIird. De plus, la distance requise de Màr-Saba
se vérifie de point en point, et les ruines fort considérables
du couvent militent en faveur de cette opinion. Elles se com-
posent de cellules renversées, d'une église, de plusieurs citernes
et d'un canal à tleur de terre, ainsi que des murs fortifiés du
monastère.
20. — CATHISMA, monastère vers 4.55.
Sous le pontificat de .Juvénal vivait à Jérusalem une dame
riche et pieuse, nommé Ikélia, qui venait d'instituer et d'ajouter
la procession des cierges à la fête de la Présentation , établie
(1) ]'ila s. Saùae, Cotolier. Ecclesin' f/rivcœ mnnumrnla. t. III, w -Il ç[ iH.
(2) op. vit., cap. CLviii, col. 3033.
(3) Vila s. Stephani Thaumat. .4. .s'N.. t. III, Jui., ii^s y:) et 131.
524 REVUE DE L ORIENT CHRETIEN.
depuis longtemps dans la Ville Sainte (1). Elle bâtit vers l'an 455
une église dédiée à la sainte Vierge sur une de ses propriétés
appelée Vieux Cathisma (Séjour), zaAa-.bv Kâei7;j,x, entre Jéru-
salem et Bethléem, où elle plaça des moines hagiopolites comme
desservants et, parmi eux, saint Théodose le Cénobiarque. Avant
de mourir, Ikélia laissa à celui-ci la gestion temporelle du
monastère et de l'église, dont il devint ensuite le second su-
périeur (2).
La bibliothèque du Sinaï possède deux évangéliaires prove-
nant des environs de Bethléem. Ils sont tous les deux écrits par
un certain Basile, qui se nomme une première fois à;j.apto)Aiç,
puis VCTàpiSÇ 5 --/.'^VOjp'J.
Le second évangéliaire remonte à Tan 1174 et a été écrit à la
demande du moine Paul, l^ fondateur de Saint-Georges, au-
jourd'hui El-Khader, près des Vasques de Salomon. Le premier,
de 1167, appartenait à l'higoumène -wv àvûov y.zX/J.uyt, nom qui
apparaît pour la première fois dans l'histoire monastique de la
Palestine. Peut-être faut-il y voir une corruption du nom
d'Ikélia, la fondatrice de Cathisma.
Les Apophthegmata Patrum signalent à trois reprises (3)
un monastère de KîX/aa, différent, semble-t-il, de celui de
Nitrie, puisqu'un moine s'enfuit de là en Egypte. Serait-ce le
nôtre? C'est possible ; M. Omont adopte pour l'évangéliaire du
Sinaï la lecture twv àvio^v y.sAAottov et y voit le monastère de Saint-
Élie sur la route de Jérusalem à Bethléem. Cela ne nous éloigne
guère du Cathisma de la matrone Ikélia, situé, selon toute pro-
babilité, au lUr-Kdismou, autrement dit Puits des Mages, un
peu avant Màr- Elias (4).
21. — CHARITON, laure de Saint-Chariton, nommée aussi
Souka et Vieille Laure, pour la distinguer de la Nouvelle
Laure et de la Grande Laure ou Saint-Sabas
(1) Usener : Der Heillge Theodosios. Schriflen des Theodoros und KyriUos.
Leipzig, 18!K), p. 13, 24 et 106.
(2) Vila s. Sabœ, Cotelier. Op. cit., n" 14 et 29.
(3) Migne, P. G., t. LXV, col. 224, 233 et 51)2.
(4) .J'emprunte ces renseignements à un article de M. l'abbé Elirhard : Da»
griechische Pairiarchcd-Bibliothek zu Jermalem, paru dans la Rœmuche Quar-
talschrift, 1891, p. 258.
RKPERTUIRR AL1'IIAI51';TI( iCK DES MOXASTKUKS DK l'ALKSTIXK. 525
C'est la troisième et la dernière fondation de saint Cliari ton;
elle remonte probablement au milieu du iv*^ siècle, vers Tan
345 ou 350. On ne saurait préciser davantage la date, car les
données de l'hagiographe anonyme sont assez légendaires. Cette
laure se trouvait à 14 stades de Tliécoa, environ deux kilo-
mètres et demi (1). Avant de mourir, Chariton se fit trans-
porter à sa chère laure de Pharan, la première qu'il avait
établie, mais ses restes mortels furent sans doute rendus plus
tard à notre monastère; c'est au moins ce que semble indiquer
une lettre de saint Théodore Studite (2).
En Tan 484, Souka recevait parmi ses ermites saint Cyriaque
qui devait la sanctifier jusqu'en 556 (3). Grâce à lui, la laure
put résister aux moines origénistes, qui troublèrent si profon-
dément la Palestine au \f siècle; néanmoins ceux-ci réussi-
rent à lui imposer comme higoumènes deux des leurs, Pierre
d'Aleœanchie et Pierre de Grèce, remplacés bientôt par un or-
thodoxe, Cassien de Scythopolis (4).
Dans le courant du viir' siècle, plusieurs de ses religieux
s'en allaient chaque année avec saint Etienne le Thaumaturge
passer le carême dans les grottes du Djebel Quarantal (5). En
796, les Bédouins du désert de Juda massacrèrent quelques
anachorètes et brûlèrent bon nombre de cellules (6) ; deux
autres attaques à main armée, également funestes, eurent lieu
en 809 et 813 (7).
La laure de Saint-Chariton est citée au moyen âge dans plu-
sieurs récits de pèlerinage, par l'higoumène russe Daniel, le
grec Jean Phocas et plusieurs autres (8). De nos jours, on ne
voit plus que des ruines informes au Khirbet-Khareitoun, qui
a conservé le nom et le souvenir de l'antique monastère (9).
(1) VUa s. Charilonis. A. SS., t. Yll, Sept., cap. n, n° l'J.
"(2) Migne, P. G., t. XCIX, p. 1169.
(3) I7tos.C(/n«o<. .4.. S'.9., <.VIll,Sopt.. p. 141-1511. Voir aussi ]'iln s. Eul/v/mii.
11° 48. Usener : Der heilige Theodosîos, p. 71. ]'ita s. ,Sab(L'.
(4) Mta s. Cyriaci, cap. ii, n° 14.
(5) .4..S'.S'., t. 111, Jul., n" V.i'J.
(6j A. SS., t. III, Mart., p. 167 et 170.
(7) Theophanis Chronog raphia, édit. do Boor, Lipsi;o, 1883, p. 484 et 490.
(8) Migne, P. G., t. CXX, col 9611, 984. Jean de Wiirtzbourg. Migue, P. L.. t. CI.V,
col. 1U60.
(9) Voir une étude plus détaillée: La laure de Souka ou la l'ieille Z-aure. dans le
Bessarione, t. III, p. 5(1-58.
526 REVUE DE l'orient CHRETIEN.
22. — CHOREMBA, monastère signalé par Jean Moschus et
qui paraît avoir été situé dans la plaine du Jourdain (1).
23. CHOURA, monastère cité deux fois dans la Vie de
saint Etienne le Thaumaturge au vin° siècle (2). Il se trouvait
dans le désert de Juda, aux environs de Màr-Saba, bien que sa
position exacte soit ignorée.
24. — CHOZIBA, laure fondée au V siècle, dans la gorge du
Ouady el-Kelt, à gauche du chemin qui va de Jérusalem à Jé-
richo. Ses origines sont ainsi racontée par Antoine, un de ses
religieux au vn"^ siècle. « Les grottes du torrent furent habitées
par cinq hommes de Dieu, venus de Syrie, qui formaient une
petite communauté avant l'arrivée de Jean l'Égyptien, le vrai
fondateur du mo'nastère. Ils s'appelaient Pronus, Élie, Gennée,
Éas et Zenon. Ils s'aménagèrent des cellules dans les anfrac-
tuosités de la roche, près de la petite église dédiée maintenant
à saint Etienne, et construisirent l'oratoire, où leurs saintes re-
liques reposent aujourd'hui. Le reste du couvent fut construit
par Jean l'Égyptien (3). »
Jean l'Égyptien, surnommé aussi le Chozibite, naquit à
Thèbes vers 450 de parents riches et monophysites; dans sa
jeunesse, il se rendit en Palestine, y renia ses erreurs et se re-
tira dans la gorge sauvage de Choziba, illustrée par les péni-
tences des moines syriens. Il devint ensuite métropolitain de
Césarée de Palestine (4). D'après les Menées (3 cet.), Jean au-
rait renoncé à la charge épiscopale pour s'enfermer à nouveau
dans sa chère solitude. Saint Théodore le Sicéote y fit au
vi" siècle sa profession religieuse (5). Jean Moschus la visita peu
après (6). Nous trouvons des renseignements très précis sur
Choziba à la fin du vi" et au début du vu*" siècle dans la bio-
graphie de saint Georges le Chozibite, écrite par son disciple
(1) Op. cil., cap. CI. VII, col. 3025.
(2) Op. cit., n° 36 et 40.
{'à) Miracida B. Marix in Choziba ûiinîi les Analccta Bollandiana, i. VII, ii" ô,
p. 300.
(4) Anal. Bolland., l. cit.; Prat. Spiril., cap. xw, col. 287 ~' ; Vila s. Sabœ.
t. III, 288, et LXI, col. 327.
(5) Surius, 22 Avril.
(6) Op. cit., cap. x.xiv et xxv.
UÉI'HIITOIIIK AIJ'IIABlh'lQLE DKS .MONASTÈRES I)K l'ALKSIIXE. 527
et ami Antoine (1), et dans les Miracida //. Mario' in C/toziba
du même auteur (2). Nous apprenons que la laure fut ruinée
en Gl 1 par les Perses, sous la direction des Juifs et des Arabes,
et rebâtie après le départ des envahisseurs. Ce malheur dut la
frapper encore lors de l'invasion arabe.
Choziba, visité en 1177 par Jean Phocas (3) et par un Grec
anonyme en 1253 (1), existe encore dans la gorge du Ouady el-
Kelt, occupé par des moines orthodoxes.
25. — CONSTANTIN, monastère de l'abbé Constantin, signalé
par Jean Moschus qui causa avec son higoumène Sergius (5).
Ce chroniqueur n'indique pas la situation de ce couvent, qui
peut-être ne se trouvait même pas en Palestine.
26. — COPRATHA, laure mentionnée dans \e Pré Spiri-
tuel (6) et qui se trouvait dans la plaine du Jourdain. En effet,
d'après le chapitre xci, deux pèlerins descendent au Jourdain;
l'un d'eux succombe trois jours après et est enseveli dans la
laure de Copratha.
27. — COSMEETDAMIEN, monastère des saints Anargyres,
Cosme et Damien, à Jérusalem. Une inscription grecque, dé-
couverte sur le parcours de la Voie Douloureuse, à l'église de
Sainte- Véronique des Grecs Melchites (7), dit que « la maison
(l'église) des saints Anargyres a été achevée sous le très bien-
heureux Eustochius, 548-563, parles soins des Biji-aufi/ts »
(voir ce mot). Moschus (8) parle de ce sanctuaire, à l'occasion
delà sœur de l'empereur Maurice, Damienne, qui venaity prier
avec sa nièce. Le texte arabe sur la Prise de Jérusalem parles
Perses en 614, publié par M. Couret, mentionne le couvent des
saints Cosme et Damien (9).
(1) ]'Ha s. Oeoi-;/il Choz-ebilir dans les Anal. BoUamL, t. VU, p. '.•? à 111, 33(;
à 35il.
(2) Anal. BolL. t. Vil, p. 360 ;\ 370.
(3) Migiic, P. G., t. CXXXIII, n» 10, col. 010.
(4) De Loris Sanclis. Migne, P. G., t. CXXXIII, ii» 13, col. 088.
(5) Op. vil. , cap.ccviii, col. 3108.
(G) Op. cit., cap. XX, col. 2868, et xci, col. 20 10.
(7) P. Germer-Durand : Revue Biblique, 1892, n" 0, p. 560.
(8) Op. cit., cap. cxxvii, col. 2990.
(0) Reçue de l'Orient Clirctien, t. Il (1807), p. 163. \ o'w •Awsiii Commemùiatorium
528 REVUE DE L ORIENT CHRETIEN.
28. COTYLA, partie du désert de Juda, comprenant la ré-
gion désolée qui s'étend entre le Ouady en-Nàr ou Cédron et
le Ouady ed-Dabor, au sud de la route allant de Jéricho à Jé-
rusalem. Cotyla revient très fréquemment dans Thagiographie
palestinienne (1).
29. — CRÉMASTE, grotte située dans le Ouady Khareitoun,
qui servit de refuge à saint Chariton contre l'empressement in-
discret de ses disciples; elle fut surnommée Crémaste à cause
de sa position abrupte et de son ouverture très élevée On ne
pouvait l'atteindre qu'avec une échelle (2), et aujourd'hui en-
core elle se dresse majestueuse au-dessus du sentier. Après Cha-
riton, saint Cyriaque en fit sa résidence ordinaire de 541 à
546 (3). Elle se nomme M ogkâr-K ha reitoun, dans le ravin de ce
nom. ^■ictor Guérin, peu satisfait de cet unique souvenir, vou-
lait lui décerner l'honneur de représenter la grotte d'Odollam,
où David chercha un refuge contre la jalousie deSaiil; cette
opinion peu fondée est généralement abandonnée, Odollam se
trouve près de Socho.
30. — DOROTHÉE, monastère indiqué par Jean Moschus (4)
près de Gaza et de Mayouma ; saint Dorothée s'y était retiré
après avoir vécu de longues années dans le couvent de l'abbé
'Se ri don (5). Voir ce nom.
31. — DOUCA, laure située sur la montagne avoisinant Jé-
richo, au Djebel Quarantal moderne. Après un séjour prolongé
à Pharan, saint Chariton s'était enfui plus à l'est, dans les grot-
tes qui se trouvaient aux environs de Jéricho. Ses disciples
se joignirent à lui et formèrent peu à peu une laure, vers l'an
340(6). Le lieu s'appelait Douca, au dire de Palladius qui y fut
de casis iJei dans les Binera et DescripHones : ■< In Sancto Cosnia et Damiano.
ubi nati luerunt III, et ubi medicabant, presbytor i. ■■
(1) Vita s.Euthymii, n° 94.
(2) VUa s. Charitonis. A. SS., t. VII, Sept., cap. ii, n" 13.
(3) VUa s. Cyriaci, A.SS., t. VIII, Sept., cap. ii, p. 152; cap. m. p. 1.j6.
(1) Op. cit., cap. CLxvi, col. 3033.
i'j) s. Dorothxi abbalis Doctrina. Migne, P. G., t. LXXXVIII, col. IG30. et Vita
s. Dorolhni, A. SS., t. I, Jim., p. 582 et s.
(6) l'ila s. Charitonis. A. SS., t. VII, Sept., cap. ii, n" II.
RÉl'KliToIRE ALI'IIAHKTIQUE DKS .AKJ.NASTKRES \)K l'ALKSTINK. 529
religieux vers l'an 386 (1). Ce dernier nom lui venait sans
doute du fort de Dpch, signalé dans le premier livre des Mac-
chabées (xxi, 11 à 18) et qui s'est conservé de nos jours dans
la fontaine Aïn ed-Douk. Saint Elpide prit la succession de
Chariton, quand celui-ci se retira à Souka, aux environs de
Thécoa, et nous voyons au vi" siècle la montagne de Douca por-
ter aussi le nom de saint Elpide (2).
Les grottes de cette laure paraissent abandonnées lors de
l'invasion perse en 614, — du moins la Vie de saint Georges le
Chozibite n'en parle pas; — au viii" siècle, elles n'abritaient
plus qu'un vieil anachorète (3).
ÉLIE. Y oivAnastase.
32. — ÉLIE, monastères du patriarche Élie à Jéricho. Élie
l'Arabe, né vers l'an 430, s'enfuit de Nitrie en 457 à la laure
de saint Euthyme, où il resta jusqu'à la mort de ce dernier en
473 (4). Ace moment, il se construisit devant la ville de Jéri-
cho une petite cellule, qui fut le point de départ de deux monas-
tères. Le 23 juillet 494, Salluste, patriarche de Jérusalem,
mourait, et Élie devenait son successeur. Les embarras de sa
charge ne lui permirent plus de veiller sur ses monastères,
comme auparavant; toutefois, il conserya le titre de supérieur
et se choisit un suppléant dans la personne du moine Euthale.
Exilé par l'empereur Anastase en 513 dans la forteresse d'Ela, à
cause de ses sentiments catholiques, Élie y mourut le 20 juillet
518, aprèsavoir recommandé à l'higoumène présent Euthale de se
désigner comme successeurs deux religieux exemplaires, Nes-
tabe et Zacharie. Il défendit en même temps la vente ou la ces-
sion de ses deux monastères qui devaient rester unis sous l'au-
torité du même higoumène (5). Nous raconterons plus loin (voir
Eunuques) combien ses dernières volontés furent peu respec-
tées en 528, sous l'archimandrite Alexandre.
(1) Historia ad Lausum. Migne, P. G., t. XXXIV, cap. cvi à ex.
(2) Pfaù. Spirit., cap. cliv, col. 3021.
(3) \'ila s. Slephani Thaumalurgi. A. SS., t. III, .Jul., p. 540 et 55iJ. Voir aussi
La laure de Douca dans lo Bessarione, t. III, p. 41-qO.
(4) ]'i(a s. Eul/iymii, n° 94.
(5) ]'ita s. Sabx, n° 60, p. 324.
OniEXT CHRÉTIEN. 36
530 REVUE DE l'orient CHRETIEN.
Il ne faudrait pas confondre les monastères du patriarche Élie
à Jéricho avec la laure des Éliotes, dont parle Jean Moschus
et qui fut fondée au vi" siècle près du mont Sinaï (I) par un
certain Antoine (2). Le Commémora tormm de casis Dei men-
tionne peut-être ce monastère, « monasterium sancti Stephani
prope Jéricho construxit (Elias) » (3)?
• 33. — ELISÉE, monastère de saint Elisée à Jérusalem, res-
tauré par l'empereur Justinien (4).
34. — ELOUSA, laure signalée par Jean Moschus (5). La Vie
de saint Théognius nous parle aussi de Paul, hésychaste ou
contemplatif de cette ville, et qui fut également le biographe
de ce saint (6). Les Actes de saint Hilarion (7) nous donnent
quelques détails sur la vie monastique d'Elousa, alors que les
religieux demeuraient encore dans des cellules séparées sans
former de monastère proprement dit.
Elousa était un siège épiscopal de la troisième Palestine qui
avait Pétrapour métropole; c'est aujourd'hui E l-K ha lasa dans
le désert de Bersabée.
35. — ENTHENANETH, monastère signalé par sainte Sil-
vie (8) qui s'entretint avec des anachorètes, dont les cellules
s'abritaient sous les vergers d'Énon près de Saiim.
Énon se trouvait à VIII milles au sud de Scythopolis ; il y a
toute une série de sources : Ain el-Fatouf , Ain es-Sakouth, Ain
ed-Deir, Ain esch-Schemsiyé, qui se disputent l'honneur de
représenter cette localité évangélique.
36. — ETIENNE, monastère de Saint-Étienne à Jérusalem.
En 455, l'impératrice Eudocie expiait ses égarements monophy-
sites en élevant au proto-martyr Etienne une superbe basilique
(1) Prul. SpiriL, cap. cxxxiv, col. 2997.
(2) Op. cil., cap. Lxvi, col. 2917.
(3) Itinera et Descrlpiioncs, t. I, p. 303.
(4) Procope, De /Edificiis, Vih. V, cap. ix.
(5) Op. «7., cap. CLxiv, col. 3032.
(6) A7ial. Bolland., t. X, p. 117.
(7) ,4. SS., t. IX, Oct., p. 21. Voir aussi Antonin, Itinera, t. I. p. 110.
(8) Op. cil., p. (10, et ]'ita s. Sabx, t. III, n" (52, col. 328.
RKI'ERTolRr-; ALl'HAlîKTKjUK DI^S MOXASTIORES DR l'ALR.STIXi:. 531
qui fut terminée en 4G(>. Celle-ci se trouvait au nord des rem-
parts de Jérusalem, sur remplacement môme du martyre (1).
L'impératrice obtint de saint Euthyme des moines de sa laure,
qui desservirent la basilique et occupèrent le monastère bâti
tout aui)rès. L'iiigoumène se nommait Gabriel, il mourut le
26 janvier 490 avec l'auréole des saints (2). Eudocie fut enseve-
lie dans la crypte de la basilique, ainsi que sa petite-fille,
l'épouse infortunée de Genséric (3).
En 513, eut lieu à Saint-Étienne la fameuse manifestation de
dix mille moines environ, qui vinrent témoigner de leur atta-
chement au concile de Chalcédoine contre les empiétements de
l'empereur Anastase (4).
Le monastère de Saint-Étienne envoya ses représentants au
synode de Constantinople de 536, tenu contre le patriarche
Anthime; il fut renversé ainsi que la basilique en 614 par les
Perses et ne se releva jamais complètement de cette ruine. De
nos jours, les Pères Dominicains ont reconstruit la basilique
d'Eudocie sur les proportions grandioses du plan primitif et
créé ÏÉcole pratique d'études bibliques, qui a pour organe la
Revue Biblique.
Une autre tradition, remontant au xii'" siècle, place la lapi-
dation de saint Etienne dans la vallée du Cédron, près de
Gethsémani ; elle n'est plus soutenue par les gens sérieux (5).
37. — ETIENNE, oratoire de Saint-Étienne. Après vingt-
quatre ans de supériorat, Gabriel se construisit un petit oratoire
dans la vallée de l'Ascension, à l'orient, où, à l'exemple de
saint Euthyme, il se retirait depuis l'octave de l'Epiphanie
jusqu'à Pâques (6).
Cette vallée est probablement la vallée du Cédron ou de Josa-
phat, située à l'orient de Jérusalem. Le Commemoratorium de
casis Dei et monasteriis (7) parle d'un sanctuaire de Saint-
(1) Pelrus der Ibercr, \^. ?u et 04.
(2) .4. .S'.S'., 26 janvier.
(3) Vilas. Euthymil, n°87,.99, 103.
(4) Vila. s.Saba\ t. III, lvi.
(5) P. Lagrango : Saint Etienne et son sanctuaire à Jérusalem, Paris, 1804,
pp. xvi-188.
(6) Vita s. Euthymii, n° 103.
(7) Itincra et Descriptiones, t. I, p. 302.
.",32 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
Etienne, dans la vallée de Josaphat, qui était desservi par trois
prêtres.
3g, — ÉTRANGERS, monastère des Étrangers à Jéricho,
cité dans le Pré Spirituel (1). Un abbé Nicolas avait sa cellule
dans le torrent de Bethasimus, entre Saint-Elpide (le Djebel
Quarantal) et le monastère des Étrangers. Celui-ci doit être le
Xenodochium, que plusieurs autres documents placent à Jé-
richo (2). Si le torrent de Bethasimus est le Ouady el-Hazim, au
sud du Ouady el-Kelt, le Xenodochium doit être cherché au
midi du village d'Er-Riha.
EUDOCIE, tour d'Eudocie. Voir Jean le Scholaire.
39. — EUNUQUES, monastère des Eunuques à Jéricho, 528.
Le patriarche Élie avait construit deux monastères aux portes
de Jéricho en 473 et fait promettre à Thigoumène Euthale de
ne jamais les vendre ou les céder. Ses dernières recommanda-
tions furent bien vite oubliées. En 528, les eunuques de Julienne,
nièce de Valentinien, réalisèrent leur fortune et en offrirent le
montant à saint Sabas pour qu'il les reçût dans sa laure. Malgré
sa vieille affection pour eux, le solitaire ne pouvait enfreindre
une de ses plus chères pratiques, qui éloignait de sa laure les
eunuques et les enfants. Il s'entremit pour eux et les adressa à
son ami saint Théodose, qui les repoussa pour les mêmes motifs.
Las de toutes ces démarches, les solliciteurs prièrent le patriar-
che Pierre de leur acheter un terrain, où ils pourraient bâtir
un couvent pour leur usage exclusif. Le patriarche confia le
soin de résoudre cette affaire à Thigoumène des monastères
d'Élie, Alexandre. Celui-ci trouva sans doute qu'il y avait assez
de monastères dans la plaine du Jourdain; en conséquence, il
retint l'argent et livra aux eunuques de Julienne un des deux
monastères d'Élie, contre les intentions formelles du fondateur.
A la suite de cet arrangement, le monastère cédé prit le nom de
ses nouveaux propriétaires (3).
(1) Cap. Liv, col. 3021.
(i) Vita s. Joannis Silenliarii. A. SS., t. III, Mai, p. 235. VUa s. Sabx, ]'ila
s. Georgii Cliozeb., Anal. Bell., t. YII, n^Sô, p. 134.
(3) VUa s. Sabœ, t. 111, li.x. col. 322, et lxix, lx.x.
RKPERTOIUE AIJ'IIABKTKjUK DES MONASTERES DE PALESTINE. .J.j.j
Un fragment de lettre du moine Paul Jlelladique nous in-
dique le chef des eunuques; il s'appelait £'z«^ro/?<?. Celui-ci
accepta le second couvent du patriarciie Elle, « tcv oeûteo:/
TTjpYov », s'y fixa avec ses compagnons et diverses personnes de
sa condition des environs de Jéricho (1).
Jean Moschus rencontra sur son passage le monastère qu'il
mentionne plusieurs fois. Le bon caloyer répète les longues
histoires que lui contèrent les moines sur les prêtres Nicolas et
Jean, les deux célébrités de l'endroit (2).
40. — EUSTATIIE, monastère situé sur la voie de Jérusalem
à Gaza, et cité une seule fois dans la Vie de saint Théognius,
évêque de Béthélie, au vr siècle (3).
41. — EUSTORGE, monastère. A l'automne de 466, saint
Cyriaque arrivait à Jérusalem de Corinthe, sa ville natale, et
embrassait la vie religieuse dans le monastère qu'avait fondé
Eustorge, près de la Ville Sainte. Son amour de la retraite l'a-
mena, avec la permission d'Eustorge encore vivant, au prin-
temps de l'an 467, à la laure de Saint-Euthyme (4). Ce couvent
fut donc établi vers le milieu du v° siècle, il est encore cité dans
le Pré Spirituel (5).
42. — EUTHYME, laure de saint Euthyme, 425. A son départ
de Pharan, Euthyme et son confident Théoctiste (voir ce nom)
fondèrent le couvent qui porte le nom de ce dernier vers 411.
Vint ensuite la conversion des Bédouins d'Aspebet, pour lesquels
on érigea l'évêché de Paremboles; puis Euthyme se retira à
trois milles, vers l'ouest, dans une petite plaine où il bâtit
son ermitage. Les disciples se groupèrent autour de lui et cons-
tituèrent bientôt une laure. La grotte primitive d'Euthyme fut
convertie en église et consacrée par Juvénal en 429 (6).
La mort d'Euthyme, 473, fut suivie de troubles graves sur-
(1) Société russe de Palestine, 1891, p. 25.
■ (2) Op. eit., cap. xix, cxxxv, cxxxvi, cxxxvii et ci.xv.
(3) Anal. Bolland., t. X, p. 95.
(4) Vilas. Cyriaci.A. N.V., t. VIII, Sept., ir 3, p. 148.
(5) Cap. 1, col. 2852.
(6) Vita s. Euthymii, n" 34, 3(3, 40.
534 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
venus entre ses deux fondations, on dut changer la laure en
monastère pour résister aux incursions des Arabes. Le diacre
Fidus, à la prière du patriarche Martyrius, se chargea de ce
travail et le mena à bonne fin en 484. La nouvelle église, fut
dédiée le 7 mai de la même année, l'ancienne était devenue le
caveau du fondateur et des higoumènes (1). Moschus visita
cette laure (2), qui fournit au viif siècle un écrivain d'une ortho-
doxie douteuse dans la personne de son supérieur Anastase (3).
Signalée dans la Vie de saint Etienne le Thaumaturge (4) et la
Passiosanctorum XXmartyrum (5) de saint Sabas à lamème épo-
que, elle était encore debout au xii^ siècle lors des pèlerinages de
l'higoumène russe Daniel et de Jean Phocas. On ignore l'époque
exacte de sa destruction. Les ruines de ce beau monastère sont
encore visibles au Khan el-A/wiar, à trois heures de Jérusa-
lem, dans la direction de la mer Morte (G).
43. — FIRMIN, laure de Firmin à Michmas.
Cette laure fut inaugurée au commencement du vf siècle (7)
dans la gorge du Ouady es-Soueinit, qui sépare Djéba de Mich-
mas. Métaphraste, il est vrai, change Michmas en Maliha, le
moderne Malha, à droite de la voie ferrée de Jérusalem à Jaffa;
mais on sait que les corrections de Métaphraste sont rarement
heureuses et que les environs de Malha ne se sont jamais prê-
tés à l'établissement d'une laure. Nous devons donc conserver
sans discussion la leçon de Cyrille, qui est la bonne.
La laure dé Firmin délégua ses représentants au concile de
Constantinople en 536. Elle doit le peu de renommée qui auréole
son berceau à sa tactique dans la querelle origéniste, 537-554.
Ses enfants s'y lancèrent à corps perdu, sans réflexion aucune,
(1) VUa s. EulhymiL. n» 111, 1^3; ]'ilu s. Cyrlaci, cap. i, ii" 3 et s.
(2) Op. cit., cap. XXXI et cxxiv
(3) Migne, P. G., t. XCV, col. 24 et 57, et Piti'a, Jur. EccL, t. Il, Ronue, 18G8,
p. -212.
(4) VUa s.Siephani Thaumalurgi, n° 14, 17 et 170.
(5) .4. ,s'.S'., t. m, Mart., p. 200 et s.
(G) Voir sur cette laure les études détaillées du P. Van Kasteren : Ans der
Umgegend von Jérusalem, dans la Zeitschrifl deidschen Palxstina-Vereins, t. XIII,
p. 76-122; du chanoine von Riess : Das Eulhymiuskloster, ibid., t. XV, p. 212-233,
et notre article : La laure et le couvent de saint Euthyme dans- le Bessarione,
t. m, p. 209-225.
(7) Vita s. Sab.v, n" 16.
ItKPKIiTdlKI-; ALI'IIAlii;Tl(,iUl<: DIOS .MO.MASTKIIES 1)K l'AI>K.STIXP:. .).j.J
et du mauvais côté par conséquent. Ils défendirent les opinions
aventureuses d'Origène avec une obstination et un dévouement
dignes d'une meilleure cause. Ils en vinrent bientôt à renier
les idées d'Askidas et de la Nouvelle Laurepour en proposer de
nouvelles et inventèrent l'hérésie des ProtocLUtea. Les Xéolau-
rites se déclaraient Isochristes. Sans se mêler de ces querelles
ridicules entre hérétiques ergotant sur des mots vides de sens,
Conon, rhig'oumène de Mâr-Saba, réussit à gagner à lui le supé-
rieur de notre laure, Tabbé Isidore. Il n'eut pas de peine à lui
démontrer que la vérité ne penchait ni du côté des Protoctistes,
ni du côté des Isochristes, mais qu'elle se trouvait dans un
juste milieu, chez les catholiques. Origène était un grand génie,
mais un génie mortel, sujet à se tromper comme tous les
hommes.
Isidore comprit le raisonnement de Conon; il abjura son
hérésie dans l'église deSion, s'embarqua avec Conon pourCons-
tantinople, emploj^a tout son crédit à ruiner la puissance des
Origénistes et mourut dans la capitale au milieu de ces œuvres
de charité (1).
Le successeur d'Isidore fut peut-être Zozijme de Cilicie, que
mentionne Jean Moschus. Il parle aussi dans le même récit
de l'ermite Sabbatius, de la laure de Firmin (2). L'invasion
perse ou arabe causa sans doute la décadence et la disparition
de ce monastère, sur lequel l'histoire se tait désormais.
Le site authentique de cette laure vient d'être retrouvé dans
la gorge du Ouady es-Soueinit; ses ruines portent encore le
nom" de Khirbet ed-Douèr, « les ruines du monastère (3). »
Rappelons que dans ce même ravin Jonathas, avec son écuyer,
escalada la roche de Séné et réussit à débusquer les Philistins
des hauteurs de Michmas (4).
44. — FLAVIA, monastère à Gethsémani vers 450.
Saint Théognius, moine de Cappadoce, se rendit à Jérusalem
(1) Vilas. Sabx, n» 83 et 89.
(2) Op. cit., cap. CLxvi, col. 3032.
(3) P. Lagrange dans la Revue Biblique, t. IV (18!)5), p. '.>4, et P. Bouillon
dans les Échos d'Orient, 1898, p. 144.
(4) I Reg., cap. xiv. Voir dans les deux Revues citées ci-dessus une étude faite
sur les lieux du coup de main de Jonathas.
536 REVUE DE l'orient CHRETIEN.
en 454 et s'enferma dans un monastère de Gethsémani, récem-
ment construit par la dame Flavia. Le nom de cette clame
trahit une origine latine; celui de saint Julien, le martyr de
Brives, à qui l'église était dédiée, amènerait à en faire une
gauloise. Des affaires graves obligèrent bientôt la fondatrice à
revenir dans sa patrie, elle y mourut et le choix des religieux,
non moins que son testament, désignèrent Théognius pour la
remplacer. Ennuyé des tracas de l'administration, celui-ci ré-
silia vite sa charge et s'enfuit au monastère de saint Théodose,
son compatriote (1).
45. — GADARA, monastère fondé par saint Sabas en 503.
Chassé de la Grande Laure par la malveillance de quelques-uns
de ses disciples, Sabas prit la route de Scythopolis, traversa le
Jourdain et se logea dans une caverne sur les bords du torrent
de Gadara. Un jeune homme fort riche de Scythopolis, Basile,
fournit l'argent nécessaire à la construction des cellules
pour les nombreux novices qui accouraient auprès du soli-
taire.
Cinq ans après, 508, Sabas quittait ses compagnons et reve-
nait à sa laure du Cédron. Les ermites de Gadara se dispersè-
rent ou moururent, et la grotte, convertie en église, devint
l'héritage d'un certain Ennathius, originaire de l'Isaurie.
Celui-ci bâtit un grand monastère et en fut le premier higou-
mène. A sa mort, un de ses compatriotes, Taraise, prit sa suc-
cession. Il vivait encore en 556, quand Cyrille de Scythopolis
écrivait la Vie de saint Sabas (2).
Gadara, ville de la Décapole, connue aujourd'hui sous le nom
de AfKeiss, est au sud du lac de Tibériade, en face de Beisan ,
de l'autre côté du Jourdain.
46. — GANTA, monastère eutychien, situé a XV milles au
nord de Jérusalem (3). Le prêtre Paul vivait en cénobite à
Ganta, village d'Eudocie cédé par elle à l'église de Jérusalem;
il y fonda un monastère grand et illustre et devint le père d'une
multitude de moines.
(1) Anal. Bolland.. t. X, p. 82 à 85.
(2) Vila s. Sabœ, n" 33 et 34, et \'ita s. Joannis Silentiarii, t. III, Mai, n" II.
(3) Les Plérophories dans la Revue de VOrient Chrétien, t. III, cap. xx, p. 252.
liKPERTdll!!-: ALI'lIAIiKTKJL'K l'I^S .MOXASTKUKS DK l'ALK-STINK. .>.)!
17. — GAZA. Moschus signale une laure zl: --/.[lipr, V-jZ-r,: (1).
Il y avait certainement dans cette ville d'autres monastères,
dont les noms seront découverts à mesure que l'on éditera les
textes syriaques des écrits de cette région.
48. — GÉLASE, monastère construit à Nicopolis par Gélase,
moine du v" siècle. Celui-ci s'est créé une place à part- dans les
traités de spiritualité: il soutint un long procès contre un sé-
culier qui avait empiété sur les biens ecclésiastiques, ressuscita
un enfant tué par un de ses religieux ei brava la colère de Théo-
dose, patriarche intrus de Jérusalem, 451. Il lui refusa son
obéissance et se serait, sans l'assistance du peuple fidèle, laissé
brûler sur la place du Saint Sépulcre plutôt que de renier sa
foi ou de trahir son pasteur Juvénal (2). L'histoire ne parle plus
de ce monastère, qui fusionna peut-être dans la suite avec celui
de saint Sabas établi dans la même ville (voir Nicopolis.)
49. — GEORGES, monastère de Saint-Georges à Jérusalem.
Procope le mentionne sous Justinien (3). En 491, saint Jean le
Silentiaire avait déjà séjourné quelque temps au gerocomium
de Saint-Georges (4). La Prise de Jérusalem (p) cite l'autel Saint-
Georges, le Commemoratorium de oasis Dei y met deux prê-
tres (6). Enfin une inscription grecque mentionne l'higoumène
du monastère de Saint-Georges, Thécla Augusta, la sœur de
l'empereur Michel 111 l'Ivrogne (7). Ici, évidemment, il s'agit
d'un couvent de femmes. 11 existe encore, près du Cénacle, un
monastère de Saint-Georges, occupé par les Grecs.
50. — GÉRASIME, laure de saint Gérasime, 455.
Gérasime, né enLycie, se rendit à Jérusalem vers l'an 451 et
se fixa dans le désert pierreux qui avoisine la mer Morte. Il
se laissa d'abord circonvenir par les moines eutychiens, re-
(1) Op. cit., cap. Lv, 290Î).
(2) Apophlliegmata Patrum, Cotcliei', t. I. p. liri-ll;i.
(o) De jEdificus, lib. V, cap. i.\.
(4) .4. SS., l. III, iMai, n» 4 et 5.
(5) Revue de l'Orient Chrétien, t. II, p. 163.
(6) Tobler, Itincra : « in sancto Goorgio II », t. I, p. 3()2.
(7) De Vogïié: rc»?;;/?, api>endice, p. 131, o{ Gevinrv-lhm\m\, Revue Biblique.
1. 1, p. 564.
538 ■ HE VUE DE l'orient CHRETIEN.
connut son erreur et n'hésita pas à l'abandonner (1). Il resta
quelque temps anachorète, avant de fonder sur les rives du
Jourdain sa laure qui comprenait soixante-dix cellules, habi-
tées par des parfaits, entourant et protégeant un monastère où
s'exerçaient les novices; il mourut le 5 mars 475 (2).
Les successeurs de Gérasime dans la direction de la laure
furent ses deux frères, Basile etÉlienne^ 475-481, puis Eugène,
481-526 (3).
Jean Moschus nous entretient longuement de cette laure (4),
■qui est encore citée dans les Conférences spirituelles de
Zozyme (5). la Vie de saint Siméon Salus (6), le Cominemora-
torium de casis Dei (7) et VEnarratio Sijriœ du moine Épi-
phane (8) au début du ix'' siècle.
Depuis, le silence se fait sur elle et quand Phocas l'aperçoit
en 1177 (9), elle est détruite de fond en comble. Vers cette
époque, elle se confondit avec le monastère de Calamon, comme
je l'ai dit. (Voir ce mot.)
D'après Moschus, cap. CVII, la laure de saint Gérasime se
trouvait à un mille du Jourdain; le moine Ephiphane la si-
gnale à III milles à l'est de Jéricho et Phocas en aperçoit les
ruines entre Saint- Jean-Baptiste (Kasr el-Iehoud) et Calamon
(Kasr-Hadjla). Voilà donc le champ des recherches bien déli-
mité, il s'agit de découvrir dans cette direction des ruines qui
répondent à ces données topographiques (10).
GRANDE LAURE. Voir Saint-Sabas.
51. — GRÉGOIRE, monastère réparé par Justinien (II).
(1) ]'lta s. Eiit/iyiitii, n" 77, ot Papadopoulos-Keramous : 'Ava>,£XTà lEf>o(7o),u|j.iTty.-;ïç
a-zayyo'koyloiç, Saint-Prtersbours:, 1897, t. IV, p. 175.
(2) ]'ita s. Euthymil, n" 89-93; Papadop.-Ker. op. cil.; ]'ila x. Cyriaci, \\° 1;
Pral. Spir., cap. cvii, col. 29G5; ViUi s. Sabœ, t. III. xii.
(3) Papadop.-Ker., ojo cit., et Usencr : Dcr heilige Théodosios, p. 120.
(4) Op. cit., cap. XI, XII, cxLi et cxlii.
(5j Migne, P. G., t. LXXVIII, n° 13, col. l(V.i7.
(6) Migne, P. G., t. XCIII.
(7) Tobler : Itinera et Descriptiones, t. I, \^. 3(l3.
(8) Migne, P. G., t. CXX, col. 269.
(9) Migne, P. G., t. CXXXIII, col. 952.
(10) Voir l'histoire détaillée de ce couvent dans les Échos d'Orient : Les Laures
de saint Gérasime et de Calamon, t. Il, p. 100-119.
(11) Procope : De yEdiftciis, lib. Y, cap. i\.
RIÔPERTOIUK ALIMIABÉTK^LK DES .MONASTERES DE l'ALESTI.NE. 030
52. — HAROUN, monastère de l'ami du Messie feutycliieii)
Ilaroûn, le marchand de blé, près d'Ascalon. Plusieurs des
principaux monophysites y furent enterrés (1). Cet Haroun
était originaire de Ptolémaïs ou Saint- Jean d'Acre (2).
53. — HÈPTASTOME, citerne à sept bouches, comme son nom
1,'indique, creusée par Eudocie, près de l'église de Saint Pierre,
à quinze stades de la laure de Saint-Sabas (3). Elle devait, en
cas de sécheresse, suffire aux besoins de toute la contrée. C'est
de là que l'impératrice détrônée admira la belle ordonnance
qui régnait parmi les cellules des anachorètes et reçut de saint
Euthyme l'annonce de sa fin prochaine. Les identifications pro-
posées ne sont pas assez sûres pour êti-e soutenues.
54. — HEPTASTOME, laure, 512. Au carême de Tan 512,
Jacques de Mâr-Saba fondait une laure près de la citerne de
l'Heptastome, malgré la défense formelle de son supérieur. Jac-
ques faillit mourir de maladie et l'œuvre périclita. Le patriar-
che Élie, froissé de cette rébellion, envoya des ouvriers qui dé-
molirent les cellules (4).
Peu après, Sabas achetait d'un habitant d'Abou-Dis, nommé
Zannagon, un vaste terrain situé à 5 stades au nord de la
citerne de l'Heptastome. Il y construisit une église et des cel-
lules, dont Paul et André prirent la direction (5). Peut-être
pourrait-on identifier cette laure avec le Khirbet-Zennaki ,
qui se rapproche de Zannagon, le nom du propriétaire, ou avec
le Kh. Djixdjis.
55. — HILARION, monastère de saint Hilarion. Ce saint, né
en Palestine à Thabatha, à deux heures au sud de Gaza, en
291, étudia d'abord à Alexandrie, puis embrassa la vie mo-
nastique sous saint Antoine, 306, et la transporta sur le sol de
sa patrie. Son monastère consistait en un groupement de cellu-
les, suivant la première tradition égyptienne. Hilarion visitait
(1) Les Plérophorics, cap. vi, p. 21(t.
(2) Peints der Ibercr, p. 111.
(3) VHas. Eul/iymii, n" 08; V'ila s.SabiV, t. III, xv, et \'ilas. Jounnis Silenliarii,
p. -235.
(4) ]'ita s. .Sabx, t. III, xxxix.
(5) L. cit.
540 REVUE DE l'orient CHRETIEN.
de plus les anachorètes répandus dans les plaines de la Philis-
tie, les déserts de Bersabée et d'Elousa. .
Le monastère, brûlé sous Julien l'Apostat, fut relevé par le
disciple du saint, Hésychius, sous le pontificat de Jean de Jé-
rusalem. Ce même Hésychius déroba, après la mort d'Hilarion,
21 oct. 371, ses reliques aux habitants de Chypre et les trans-
porta au monastère. Antonin de Plaisance signale ce tombeau
au vi^ siècle ainsi que plusieurs autres voyageurs. Le couvent
disparut sans doute de très bonne heure (1).
56. — HYPACE, monastère situé à sept milles environ de
Jérusalem. Son archimandrite, Timothée, se déclara contre le
concile de Chalcédoine et fut nommé évêque d'une cité de
Palestine en 451, par son ami, l'intrus Théodose, qui avait
usurpé le siège patriarcal de Jérusalem. 11 fut ensuite exilé
par l'empereur Marcien, à Antioche, avec le fameux Romain (2).
57. — IBÈRES, monastère des Ibères à Jérusalem. Pierre
l'Ibère ou le Géorgien, moine monophysite du v" siècle, vou-
lait bâtir une église et un couvent dans la Ville Sainte ; il
tomba malade et vit dans une apparition une belle église avec
cinquante moines qui la desservaient et chantaient l'office sur
un seul rang. Cette disposition dans la psalmodie, qu'il avait
inaugurée, se conserva après lui dans ses fondations (3).
Du côté nord de Jérusalem, au lieu dit la tour de David
(porte de Jaffa), il construisit le monastère des Ibères, y de-
meura avec son ami Jean et reçut gratuitement les pèlerins et
les pauvres accourus en grand nombre aux Lieux Saints. Ce
monastère était situé à l'intérieur de la ville, à gauche de la
route qui allait de la porte de cette tour à l'église de Sion (4).
Il ne se composait que de quelques cellules et plus tard Zenon,
disciple de Silvain, pria les deux amis de rentrer dans un cou-
vent proprement dit, pour y mener la vie religieuse (5). Après
(l).4..vx.. t. IX, Oct., p. 43, 59; Sozom., //. £"., lib. XII, cap. xiv; lib. V,'cap. x;
lib. VI, cap. XXXII.
("2) Ahrens et Kriigei' : Die sogenannle Kirchcngescliiclile des Zacharias lihetor,
Leipzisr, 1899, p. 257.
(3) Pi'lrus (1er Iberer, p. 39 et 40.
f4) Op. cil., p. 46.
(5) Op. cit., p. 47 et 48.
JlKI'KRTolItK ALI'IIAIJKTKJUK DES MdXASTlïIlKS DK l'ALKS riXK. ."41
quoi, Pierre et Jean revinrent à la tour de David, mais n'hé-
bergèrent plus d'étrangers. Puis, afin d'éviter les trop nom-
breuses visites de l'impératrice Eudocie, Pierre se réfugia au-
près de son ami Zenon, à Gérara, abandonnant ses cellules à
quelques-uns de ses disciples (1).
Procope (2) mentionne la reconstruction du monastère des
Ibères sous Justinien. On ignore s'il est question de celui-ci
ou de celui de Sainte-Croix qui portait le mrmc nom et se trouve
encore à vingt minutes environ de la Ville Sainte.
58. — ISAIE, monastère du moine eutychien Isaïe, près de
Gaza.
Ce moine, égyptien d'origine, mena d'abord la vie religieuse
dans sa province, puis se rendit en Palestine et, après avoir
visité les Lieux Saints, se retira dans le désert qui est près
d'Eleuthéropolis. Ne pouvant rester longtemps ignoré des er-
mites qui habitaient les solitudes du Jourdain et des alentours
de Jérusalem, il se fixa sur le territoire de Gaza, construisit
un monastère et s'enferma dans sa cellule sans parler à per-
sonne. Ces détails nous sont fournis par la biographie que lui
a consacrée Zacharie le Rhéteur (Sj. Son couvent se trouvait au
village de Belh-Daltha, à quatre milles du monastère de Pierre
ribère (4). Il y mourut le II août 484 ou 490, cinq mois après
ce dernier (5). Pierre, égyptien aussi, qui l'avait aidé dans la
direction du couvent, lui succéda dans cette charge (6). Épi-
phane, supérieur du couvent de Silvain à Gérara, fut enterré
dans l'église d'Isaïe où il participait aux saints mystères (7).
59. — JAMNIA, monastère de Pierre l'Ibère, construit dans
un faubourg de cette ville par l'impératrice Eudocie et doté
de biens considérables pour l'entretien des religieux. L'éghse
était dédiée à saint Etienne (8). C'est là que le célèbre évèque
(1) Op. cil., p. 5(1.
(2) De ^-Edi/îc ils, Ub V, cap. i.\.
(3) Die Sogenannle Kirchengeschichlc des Zacharias Rhelor, p. •2Go- :*74.
(4) Petr'us der Iberer, p. 9G.
(5) Op. cit., p. 115.
(6j Op. cil ,p; 116,117.
(7) Plérophories, cap. xi.viii, p. 302. Sur Isaïo, voii" les chapitres xu. wu. \\\ ii
et i.w.
(S) Pet rus der Itérer, p. 115 et s.
542 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
monopliysite passa ses derniers jours au milieu de ses fidèles
disciples et des Samaritains qu'il comblait de bienfaits; après
sa mort, son corps fut transporté au couvent de Maiouma (1) et
les moines abandonnèrent Jamnia (2).
60. — JEAN, monastère de l'abbé Jean à Bethléem, restauré
par Justinien au vf siècle (3) et rencontré par Antonin de
Plaisance avant Bethléem, c'est-à-dire au nord de la ville.
(Asuiv7'e.)
S. Vailhé,
des Augustins de l'Assomption.
(1) Op. cit., [K I2G.
(2) Op.cit.,Y>. 130.
(3î Procopo, /. cil.'
OPUSCULES MAROMTES
{Suite) (1)
HISTOIRE DE SÉVÈRE, PATRIARCHE D'ANTIOCHE
Nous étions près de là en ce moment pour l'étude de la philo-
sophie, car les philosophes, comme Horapolon, enseignaient le
vendredi dans l'école habituelle. Nous nous approchâmes donc
à trois; moi, puis Thomas Je sophiste qui aimait en tout le
Messie, né dans la même ville que moi à Gaza, et Zénodotus
deLesbos (u^a- ^<^,oio^,), nous nous trouvions constamment dans
les saintes Églises avec ceux que l'on nomme (à Alexandrie)
$fA2-ovct, et ailleurs zélés (i-aij.) ou encore compagnons {\^:^\
et qui étaient redoutables jusqu'à un certain point aux païens.
Nous nous approchâmes donc et dîmes à ces nombreux pertur-
bateurs que ce qu'ils faisaient à un homme qui voulait devenir
chrétien n'était pas bien, car il criait qu'il souffrait ainsi de leur
part pour ce motif. Mais ceux-ci, qui voulaient nous tromper
et nous apaiser par leur témoignage, disaient : « Nous n'avons
rien à faire avec vous, nous nous vengeons de celui-ci qui est
notre ennemi. » C'est donc avec peine que nous pûmes arracher
(6) Praliifs à ces mains homicides, pour le conduire aussitôt
chez les moines, au lieu nommé Enaton; nous montrâmes les
blessures qu'il avait reçues pour la gloire de Dieu, et ce qu'il
avait souffert illégalement tandis qu'il blâmait l'erreur des
païens; ces souffrances furent les prémices agréables qu'il offrit
au Messie.
8. Alors Salomon le grand, qui était supérieur de ceux qui
(1) Voy. p. 175. 318.
544 REVUE DE L ORIENT CHRETIEN.
demeuraient avec les illustres Etienne et Athanase, prit d'au-
tres moines, alla à Alexandrie et apprit ce qui s'était passé à
Pierre, homme capable, qui brûlait de l'amour divin et était
alors évèque (1 ). Il excita encore contre les païens beaucoup de
notables de la ville parmi lesquels le sophiste Aphtonius qui
était chrétien et avait beaucoup de disciples. Celui-ci ordonna
aux jeunes gens qui étudiaient près de lui de venir avec- nous
et de nous aider, il nous laissa libres, et nous allâmes en corps
témoigner contre ces païens homicides devant Tévêque Pierre.
Celui-ci nous donna l'archidiacre, diacre .et chef de ses gardes
qui est appelé ij^j^ovs (■Kapaixsvâpior) dans la langue Romaine
(grecque), et nous envoya près iVAntarchius (.oocL^a.;^/) qui
était alors préfet d'Egypte et pensait secrètement comme les
païens; son assesseur (2) tenait ouvertement pour le culte des
démons des païens. Ce dernier, qui nous méprisait, ordonna
d'expulser la plus grande partie des jeunes gens, afin que quel-
ques-uns seulement lui contassent l'affaire. Après le départ des
élèves d'Aphtonius, nous restions cinq: Pralius qui, avant le
baptême, était déjà confesseur, le célèbre Mennas dont j'ai
parlé plus haut, Zénodotus de Mitylène (k-\a^oo) de Lesbos et
Démétrius de Kaiai,cirD, tous quatre défenseurs fervents de la
religion. Je me joignis à eux en cinquième lieu. Quand le
préfet connut la gravité de l'événement, il ordonna que celui
à qui cela plairait écrivît ce qu'il voudrait dans un livre; Pra-
lius écrivit donc et accusa ces hommes au sujet des sacrifices
païens et de ce qu'ils l'avaient attaqué comme des voleurs.
Mais comme le préfet ordonnait de faire venir ceux qui étaient
accusés, des hommes du clergé et de la ligue nommée f^Ckb-
TTivcf. entendirent parler du peu de considération que l'on avait
pour ceux qui défendaient le bien, des sacrifices païens que
l'on osait encore faire et des actions des païens, ils se soulevèrent
aussitôt contre les notables, et coururent avec violence contre
l'assesseur du préfet en criant : « Il ne convient pas que celui-là
(1) Pierre Jloiigiis. Archovêiiue d'Alexandrie en UN, il fut déposé en 482 (d'après
Fleurj-), puis rétabli, et mourut en 49n, ce qui fixe la date des événements racon-
tés ici. Ils doivent être antérieurs à la déposition de Pierre et aux luttes violentes
qui suivirent
("2) Le mot wœojaaojtiCD, non traduit, est sans doute le nom {sunofonos) de cet
assesseur. 11 pourrait signifier aussi « du même avis ».
OPUSCULIOS MAltuMTKS. 545
qui est de religion païenne participe ;iu gouvernement et ait
part aux travaux du gouvernement, car les lois et les ordres
des empereurs autocrates sont ainsi enfreints. » Le préfet eut
grand'peine à le sauver de ceux qui le cherchaient, et il nous
ordonna de demeurer. Tout le peuple s'était soulevé contre les
païens, et ceux qui étaient accusés s'enfuirent en commençant
par HorapoloH, cause de toute cette poursuite.
Le préfet tergiversait, à cause de son amitié pour les païens,
aussi quand Etienne l'apprit, il nous convoqua à Enaton au
monastère de Salomon et demanda à Pralius s'il pourrait in-
diquer les idoles païennes cachées à Manoutin. Il promit de
les montrer, de livrer l'autel (1) et de faire voir les sacri-
fices que l'on osait encore pratiquer. Il nous sembla bon, ainsi
qu'à Salomon si digne de louanges, d'aller annoncer cela à
l'évêque Pierre, et Pralius promit devant lui de montrer les
idoles, l'autel et les sacrifices, et de saisir le prêtre de l'erreur
idolâtre. Le grand évêque de Dieu Pierre nous donna des
hommes du clergé, et ordonna par lettre à ceux qui habitaient
le monastère appelé des « Tabennenses » («,a.uxup^) (2) qui est
situé à Canope de nous aider à détruire et à renverser les
démons, dieux des païens. Après avoir prié comme il conve-
nait, on alla à Manoutin, et on entra dans une maison cou-
verte toute entière d'inscriptions païennes, et dans l'un de ses
angles était bâtie une muraille double à l'intérieur de laquelle
étaient cachées les idoles ; une entrée étroite en forme de fenêtre
y conduisait, c'est par là que le prêtre entrait pour accom-
plir les sacrifices. Les païens, qui avaient appris le soulève-
ment de la ville et voulaient rendre notre expédition vaine,
avec (l'aide de) la prêtresse qui demeurait dans la maison
dont nous venons de parler, fermèrent l'entrée avec des pierres
et de la chaux (7) et, pour que leur ruse et leur machination ne
(1) icio.^ donnerait : ■■ l'ontréo (secrète) », qui conduirait au temple, comme
on nous le dira plus loin.
(2) Ou de Tabennisi. Ces moines provenaient du monastère do ce nom situé
dans la Thébaïde (B. 0., III, n, 908), et dont le célèbre Pacôme fut abbé. Cf. Migne,
P. G., t. LXY, col. 304, et les Vies de Pacùme. Ils s'établirent à Canope après la
destruction du temple de cette ville. Cf. Oriens christianus, II, col. 415. — Il est
intéressant de comparer au présent récit celui de la destruction des temples de
Canope et d'Alexandrie fait i)ar Rufm {Hist. eccl., Il, ch xxii-xxvni ; dans Migne.
P. L., t. XXI, col. 528-536).
ORIENT CHRÉTIEN. 37
546 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
fût pas découverte à la vue de ce travail récent, ils placèrent
au devant de lui un meuble (1) rempli d'encens et de concom-
bres (-i) et, au-dessus, suspendirent une lampe allumée : c'était
alors le milieu du jour.
Pralius éprouva un moment de trouble et de difficulté
quand il se demanda ce qu'était devenue cette entrée en forme
(le fenêtre; il eut peine d'abord à découvrir l'artifice, puis se
signant de la croix du Messie, il décrocha la lampe, déplaça
le meuble et nous montra l'entrée qui était alors fermée par
des pierres et par une construction récente. Il demanda une
hache aux « Tabennenses * qui étaient venus avec nous pour
nous aider et l'un de ceux-ci se prépara à ouvrir ce qui était
bâti depuis peu et à jeter un premier regard à l'intérieur. Quand
ce « Tabennensis » entra et vit le grand nombre des idoles
avec l'autel couvert de sang, il cria en égyptien : « Dieu est un, »
il disait cela comme pour détruire l'erreur de la pluralité des
dieux, puis il jeta d'abord l'idole de Saturne, toute souillée de
sang, puis toutes les autres idoles des démons, troupe bigarrée
comprenant des chiens, des belettes, des singes, des lézards et
des reptiles, [ceux-ci restaient de l'ancienne religion des Égyp-
tiens], et enfin le serpent rebelle dont la figure était en bois. Il
me sembla alors que ses adorateurs, d'après sa volonté d'être
adoré sous cette forme, indiquent ainsi que ce fut par le bois (3)
qu'il excita la rébellion des premiers créés. On raconte que ces
idoles furent emportées du temple qui existait auparavant
^oj..auococLo d'Isis (1) par le prêtre d'alors, quand il s'aperçut que les
affaires des païens devenaient incertaines et critiques; il les cacha
comme nous l'avons dit , avec l'espoir futile et vain (que nous ne
les découvririons pas). Une partie fut brûlée immédiatement à
Manoutin, car les païens de ce village pensaient qu'il n'était
pas possible de les toucher irrévérencieusement sans encou-
(1) ^>Q.ûja>; Ixeyàpiov.
(2) jjLsoso yOJLa^ ; Xiêavov xai uénovs;.
(3) L'arbre de la science du bien et du mal?
(4) Lire : des temples de Sérapis et d'Isis qui existaient auparavant. — Il y
avait à Canope un célèbre temple de Sérapis qui fut détruit par les chrétiens.
— En lisant >ja>n.m.j»Q;>aj, OU pourrait traduire : « Ces idoles provenaient do
l'ancien mamisis d'Isis ». Le mamisis était un petit temple qui était construit à
côté du erand.
OPUSCULES MARONITES. 517
rir une mort immédiate par l'opération du démon qui pos-
sédait ces idoles. Nous voulûmes donc leur prouver par des
actes, que toute la puissance des dieux païens et des démons
était vaine, depuis la venue et rincarnation du Messie Verbe de
Dieu, qui, pour nous, supporta volontairement la croix, afin
de nous délivrer de toute puissance adverse. 11 dit en effet :
« J'ai vu Satan tomber du ciel comme la foudre, » et encore :
« Je vous ai donné la force de fouler aux pieds les serpents, les
scorpions et toute la puissance de l'ennemi. »
Dans cette vue, nous en brûlâmes une partie, et quant aux
autres, nous écrivîmes dans un livre toutes celles qui étaient
d'airain, fabriquées avec un certain art, la matière étant di-
visée sous toutes les formes, avec l'autel d'airain et le serpent
de bois, puis nous envoyâmes la lettre à la ville à Pierre ar-
chevêque de Notre-Seigneur Jésus-Christ pour lui demander
ce qu'il nous commandait de faire. — Ceux de Manoutin qui
passaient pour chrétiens, comme ceux qui faisaient partie du
clergé de cette église, étaient d'une foi tiède, à l'exception du
prêtre, et ils étaient attachés à l'argent que leur donnaient
les païens pour qu'ils n'allassent pas dénc^jicer leurs sacrifices
aux idoles; aussi quand arriva le soir du jour où nous avions
fait tout ce qui précède, et qu'il fallut garder les idoles ins-
crites afin qu'on ne vînt pas les voler, (ces chrétiens) nous di-
rent qu'ils craignaient de souffrir quelque mal, par l'opération
de ces démons, pendant qu'ils les garderaient, et que par suite
il nous convenait de les garder. C'était en effet la conviction
des païens de Manoutin qui disaient alors que nous mour-
rions tous durant cette nuit. — Quand le prêtre de l'église les
vit si craintifs, — il était plein de foi et possédait les qua-
lités du monachisme et de la vieillesse, — il nous conduisit,
après le repas, dans une maison de l'église où l'on avait déposé
les idoles et nous dit : « Je méprise ces idoles, au point de les
fouler aux pieds et de leur faire tous les outrages, car je suis
persuadé qu'elles ne sont absolument rien, » puis il pria sur
nous et (nous) ordonna de les garder sans crainte durant toute la
nuit, (8) car il lui fallait, disait-il, s'occuper comme de coutume
du service de Dieu. Nous restâmes donc toute la nuit pour les
garder, nous chantions : « Tous ceux qui adorent les statues
et ceux qui se glorifient dans leurs idoles seront confon-
548 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
dys ^1^. — Les dieux des nations sont des démons, mais le Sei-
gneur a fait le ciel (2). — Les idoles des nations sont d'or et d'ar-
gent, œuvres de la main des hommes, elles ont une bouche et
ne parlent pas (3), etc. »
Au matin , à notre lever, nous trouvâmes les païens étonnés
de nous voir encore vivants, tant le culte des démons et l'er-
reur les possédait; nous courûmes alors avec les moines « Ta-
bennenses » et rasâmes jusqu'à terre, selon l'ordre de l'évêque,
la maison où l'on avait trouvé les idoles et les sacrifices. —
Quand arriva le jour du dimanche où Notre-Seigneur Jésus-
Christ sortit du tombeau et détruisit la puissance de la mort,
tout le peuple d'Alexandrie, au moment où il se réunissait pour
l'office, poussa des milliers d'imprécations contre les païens et
contre Horapolon. Ils criaient : « On ne doit plus l'appeler
Horapolon, mais Psocapolon (^avoaoaais) » (4), c'est-à-dire : qui
perd les âmes. L'admirable Hesycliius qui me raconta tout cela
et qui était alors chef des cpfASTrsvot, — maintenant il est prêtre,
— excitait tout le monde au zèle, avec l'aide de Mennas, dont
j'ai parlé, qu'il nous avait paru bon de laisser dans la ville. —
L'évêque de Dieu fit connaître à tout le peuple dans son allo-
cution le livre que nous lui avions envoyé, dans lequel étaient
inscrits le nombre et la matière des idoles trouvées. De là tout
le peuple se précipita et apporta au milieu de la ville les idoles
trouvées soit dans les bains, soit dans les maisons, puis il y
mit le feu. Nous arrivâmes peu après dans la ville avec les
idoles et leur prêtre, car nous avions pu, avec l'aide de Dieu,
saisir aussi celui-là. Nous avions dix chameaux chargés
d'idoles de tout genre, sans parler de celles qui avaient été
brûlées à Manoutin, comme je l'ai raconté. L'évêque con-
voqua aussitôt près de lui (5) le préfet d'Egypte, le chef des
soldats, tous ceux qui faisaient partie du conseil (p«"»), les grands
et les riches de la ville; il s'assit avec eux, fit amener le prêtre
des païens, le fit placer debout dans un endroit élevé et lui
i\) Ps. xcvi, 7.
(2) Ps. xcv, 5.
(3) Ps. cxiii, 2-5.
(4) 4'yx*Ç à7to).ûv.
(5) Le texte ajoute : ^coop>a{, Iv^tœ» oôi yt^a. Il y a sans doute permutation du
d en i et il faut traduire : « dc\ant celui qui était appelé duc ».
OPUSCULES MARONITES. 549
demanda quelle était cette religion des démons pour laquelle
on avait fabriqué cette matière sans âme, et il lui ordonna de
dire le nom de chaque idole et la cause de sa forme. Tout le
peuple était accouru pour voir, il entendait ce que l'on disait et
se moquait des actions honteuses des Dieux païens que racontait
le prêtre. Quand arrivèrent Tautel d'airain et le serpent de bois,
il avoua les sacrifices qu'il avait osé faire, et dit que ce serpent
était celui qui avait trompé Eve, qu'il lui avait été remis par
transmission des premiers prêtres et que les païens l'adoraient.
Ce dragon fut livré au feu comme les autres idoles. On entendait
le peuple crier par exemple : « Voici Bacchus (1) (^c^o^..) le Dieu
androgyne (^ixûjp.); voici Artemis la chasseresse qui hait les
étrangers, et Mars le démon qui fait la guerre, et Apollon qui fit
périr beaucoup de monde, et Vénus pilier de débauche, et parmi
eux (Mercure) qui s'adonne au vol et Bacchus à l'ivrognerie, et
voici le serpent rebelle, avec des chiens, des singes et des sortes
de belettes, ceux-ci étant des Dieux des Égyptiens. » On se mo-
quait aussi des autres idoles et, quand elles avaient des pieds et
des mains, on les brisait en criant avec joie dans la langue du
pays (9) : «^ Leurs Dieux n'ont pas de v-*--*^»'!-" (2), voici Isis \y-ii
u»!-; (3). » Ils criaient un grand nombre de paroles de ce genre
contre les païens, et \ouB,ient Zenon, ce modèle de la crainte de
Dieu, qui tenait alors le sceptre de l'empire, ainsi que Pierre
l'illustre archevêque, et les chefs de la ville qui siégeaient avec
lui. Puis tous s'éloignèrent en louant Dieu de l'exécution que
l'on venait de faire contre l'erreur des démons et l'adoration des
idoles. On ordonna que le prêtre des insanités païennes fût
gardé avec plus de soin.
9. Après cela, ceux de chez ViWwbXvq Etienne, se rappelant
la fable de la femme stérile et du fils adultérin et tout le
mensonge de Scléfidotus, craignirent qu'il ne trompât quelqu'un
en Asie en y racontant cela. Aussi l'illustre Salomon conseilla
secrètement à l'archevêque de demander une procédure écrite
au juge de la ville, qui interrogerait le prêtre des païens au
(1) Serait l'Osiris des Égyptiens. Diodore de Sicile.
(2) On lit en marge : ■< Ils n'ont pas d'articulations dans les mains et dans les
pieds pour que ceux qui enseignent i^o»).^ puissent s'en servir pour marcher. —
^..■^.«.feooo»^» est celui qui enseigne ^oo^a. »
(3) "AcuXov I ■'■'.nm;(?)
550 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
sujet de cet enfant; on le fit, et le prêtre raconta tout ce que nous
avons consigné plus haut, car c'est de lui que nous l'avons
appris. Quand cette fable fut connue de tout le monde, l'illustre
Etienne conseilla encore que Pierre mandât par lettres syno-
dales, à Nouno, qui était évêque (ïAphrodisias (1), tout ce qu'a-
vaient fait les païens et que le prêtre interrogé avait mis par
écrit au sujet de ce fils adultérin, afin que Nouno pût le racon-
ter àtous. Mais celui qui devait porter cette lettre synodale et qui
alla en Carie, fut corrompu par des présents, comme nous l'ap-
prîmes depuis, et ne la remit pas; aussi pendant un certain
temps les païens d'Aphrodisias crurent que cette fable était vraie,
jusqu'à ce que le juge Adraste (^o^roî;/), qui aimait le Messie et
était scolastique de ce pays, prit soin de faire venir d'Alexan-
drie en Carie, par l'entremise du préfet à- Egypte de cette
époque, le manuscrit de la procédure faite au sujet de cette
fable.
10. Frai fus, après avoir souffert pour Dieu comme nous l'avons
raconté, fut jugé digne du baptême rédempteur, quand appro-
cha la fête de Pâques, avec beaucoup de païens qui étaient restés
dans l'erreur jusqu'à leur vieillesse et avaient servi longtemps
les mauvais démons. Avec lui fut baptisé l'admirable Urbain
(^Qji^îo/), qui est maintenant grammairien pour l'enseignement
de la langue des Romains dans cette ville impériale (2), et Isidore
de Lesbos, frère de Zénodote dont j'ai parlé plus haut, et beau-
coup d'autres. Pralius, fut baptisé après avoir brûlé d'abord tous
les livres des Dieux païens, c'est-à-dire des démons, qu'il pos-
sédait; ceux-ci, en effet, le persécutaient avant le divin baptême,
et le terrifiaient durant la nuit, après l'incendie des idoles; aussi
il me conduisit à sa demeure pour me demander ce qu'il avait à
faire. Je me rendis près de lui avec un livre des chrétiens et me
proposai de lui lire, pour le réconforter, le discours de Grégoire
le Théologien sur le baptême rédempteur. Je le trouvai fatigué et
soucieux à la suite de ses luttes avec les démons ; il pouvait à peine
relever son esprit, disait-il, sous l'influence des paroles chrétien-
nes. Je lui demandai s'il n'avait pas chez lui de textes relatifs
aux Dieux des païens. Il me confessa qu'il en avait. Je lui dis
(1) Doit être ajouté dans Orlens Christianus, t, I. col. 900 après Critonianus.
(2) Cette locution montre encore que Zacliarie écrit à Constantinople.
OPUSCLLES MARONITES. rj.')!
alors : « Si tu veux te débarrasser de l'oppression des dénions,
brûle d'abord ces textes. » Il le fit en ma présence, et fut délivré.
Je lui lus alors le discours réconfortant du divin Grégoire et il
entendit les paroles suivantes (1) : « Tu te trouves au milieu (de
la foule) et tu es souillé par les affaires profanes. Il est difficile
que ton humanité (zèle) ne s'éteigne pas. Le remède est simple :
Fuis le Forum avec une belle compagnie, prends les plumes de
l'aigle, ou, pour parler plus proprement, celles de la colombe,
— car qu'y a-t-il de commun à toi , à César et aux affaires de
César? — jusqu'à ce que tu reposes là où il n'y a plus de péché
ni de noirceur, ni de serpent qui mord sur le chemin et em-
pêche ton progrès en Dieu. Arrache ton àme au monde; fuis
Sodome, fuis l'incendie; (10) marche sans te retourner, pour ne
pas être immobilisé en une pierre de sel; fuis vers la mon-
tagne, pour ne pas être aussi perdu. »
A cette lecture, Pralius dit : « Prenons donc des ailes e1
courons à la philosophie divine et au baptême rédempteur. » C'est
avec ces dispositions qu'il s'approcha du divin baptême et fut
initié aux mystères. Le huitième jour après le baptême, quand
il devait quitter les habits des nouveau -baptisés, il emmena de
nuit mon frère Etienne {u^>-^ qui lisait les discours et appre-
nait l'art de la médecine et courut avec lui à Enaton , à mon
insu. Il me trouvait trop faible dans la foi pour me confier (2)
un tel projet; il se rendit au monastère de l'illustre Salomon
près des compagnons du célèbre Etienne (Mi^^^a,/) et, après avoir
supplié son frère Atlwnase , il obtint près de lui l'habit mona-
cal pour lui et pour mon frère, et tous deux choisirent la philo-
sophie divine.
11. Pralius s'occupa, après cela, de ses deux frères païens
restés à Aphrodisias ; l'un d'eux était scolastique du pays et se
nommait Démocrius (v^o^pcLio,) , l'autre se nommait Proclus et
(1) Migne, /-•. G., t. XXXVI, p. 383.
'A),X' Èv [jLÉffw TTpscpr), y.ai [xo)>yvr] toî; ùi\\io<7[o'.^' xal ôîivov, £Ï <70i 5anavr,9r;(je(79ai tô
(piXâvÔpwirov ; 'AtiXoùç ô )ioyo;" El [aèv olov te, yjye xal Tr)v àyopàv (xerà t?,; xaX^; «ruvo-
ôta;, TtTÉpuYa; àsToO aeayTw Tisptôel; , î; ^ispicTEpâ;, tv' olxEtorepov eÎTrw (t: yâp ffot xal
KaÎCTapt •?] Toï; Katcrapo?;) "Ew; ou xaTaTra-jur); , oy (Ar) eejTtv àjjiapTia, [xyiSè [xsÀâvwiTic,
\>.r[ot ôâxvwv ôïi; èy' ô3oû, xmWwv (tou xà xaià Qsôv oiaSiqfjLaTa; "ApTiatrov t/îv at<xv-.o\i
^lux^v SX Toy xo5(j.ou. ^liys -68o(ji.a' çyYs tôv Èjxirpric-iJLÔv ôosyaov àu.sTa(7Tp£7tTl , (x^
Ttayrj; Xiôo; akàç elç tô ôpo; atoljoy, (Arj (TyfjntapxXcsÔïj;.
(2) Lire iLojL.o^io — On a;iprend ici le nom d'un fi-ère de Zacliarie.
552 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
était sophiste dans cette même ville. II leur envoya une lettre
d'exhortations, leur racontant tout ce qui était arrivé et les
pressant de se tourner aussitôt vers la voie de la pénitence et
l'adoration d'un seul Dieu, je veux dire de la Trinité sainte et
consubstantielle, et d'apprendre par les événements quelle est la
force du christianisme; il leur rappelait aussi divers faits, par
exemple la révolte d'Illus et de Pamprépius (^a-^^a^^^) (I), et
ajoutait : « Rappelez-vous combien de sacrifices nous avons offerts
aux idoles, en Carie, lorsque nous étions païens. Nous deman-
dions alors, à ceux que nous croyions Dieux, — et en même
temps nous examinions les foies et faisions de la magie, — si
avec Lèontius, Illus, Pamprépius et ceux qui se révoltèrent en
même temps, nous vaincrions Zenon, cet empereur chrétien
parfait. Nous avons reçu une multitude d'oracles et de pro-
messes : l'empereur Zenon ne devait pas pouvoir supporter leur
choc, et il devait venir un temps où les affaires des chrétiens
seraient détruites et abandonnées, tandis que la religion des
païens serait en faveur. L'événement a montré que ces oracles
étaient mensongers, comme ceux qui furent donnés par Apol-
lon à Crésus {^^.^o;^) de Lydie (2) et à Pyrrhus d'Épire
Vous savez aussi qu'au moment où nous faisions des sacri-
fices dans les lieux qui sont en dehors de la ville, nous ne
recevions aucune marque, aucune vision et aucune réponse.
Comme nous étions accoutumés auparavant à avoir quelque
vision, nous avons beaucoup cherché, en nous demandant ce
que cela pouvait bien signifier, puis nous avons changé les
endroits de nos sacrifices et comme, même alors, ceux que nous
croyions Dieux restaient sans voix et qu'ils ne visitaient plus
les leurs, nous avons pensé qu'ils étaient fâchés contre nous,.
Enfin nous nous sommes demandé si parmi ceux qui nous
accompagnaient il n'y en aurait pas un dont la volonté serait
opposée à ce que nous accomplissions, nous nous demandâmes
(1) naixirpeTrioç. Cf. Land, Anecd. Syriaca, t. III, p. obi, 1.4. Théophaiie anno
mundi 5976; et Evagrius, //. E., III, 27.
(2) L oracle de Delphes répondit à Crésus que s'il passait le fleuve Ilalys, il
ruinerait un grand empire. — Le sien ou celui des Mèdes?
(3) On connaît la réponse que reçut Pyrrhus : Alo te, ^acida, Romanos vin-
cere posse. — Cette phrase signifie également qu'il pourra vaincre les Romains
ou que les Romains pourront le vaincre.
OI'USCULKS MARONITES. 553
Tun à l'autre si nous étions tous du même sentiment (1) et nous
trouvâmes un jeune homme qui rendait inutiles tous nos soins
et nos sacrifices, dès qu'il faisait le signe de la croix au nom
du Messie. Ceux que Ton croyait Dieux s'enfuirent souvent, au
nom et au signe de la croix. Et lorsque nous cherchions à quoi
cela pouvait bien tenir et que les gens de Sdé/idolas, les sacri-
ficateurs et les magiciens se creusaient la tête, l'un d'eux crut
avoir imaginé la solution du doute et dit : « La croix est le signe,
c'est-à-dire l'emblème, d'un homme mort violemment, il est
donc juste que ces Dieux aient en horreur de tels emblèmes. »
— Après avoir rappelé tout cela dans sa lettre, Pralius, ser-
viteur de Notre-Seigneur Jésus le Messie, ajoutait : « Si tout cela
est vrai, ô mes frères, et si ces Dieux fuient la mémoire et
l'emblème de ceux qui meurent de mort violente, pourquoi donc
dans les mystères (le culte) du Soleil, les prétendus Dieux ne
viennent-ils sur les initiés qu'au moment où le prêtre étend
une épée couverte du sang d'un homme mort de mort violente?
Cela montre bien aux amis de la vérité que le signe de la croix,
fait par ce jeune homme sur son côté, annihile ceux que l'on
appelle Dieux, et l'invocation du nom de Jésus le Messie, qui est
celle d'un Dieu (11) redoutable aux mauvais démons, montre
sa victoire sur ceux qui s'enfuient. Car les Dieux des païens,
qui sont de mauvais démons, aiment les meurtres violents des
autres hommes, parce qu'ils ressemblent à leur père le diable,
dont notre Sauveur a dit qu'il est homicide depuis l'origine (2),
aussi ils ne font habituellement leurs révélations qu'à la vue
d'un homme tué violemment et ils ordonnent qu'on leur sa-
crifie des hommes, comme le disent ceux qui ont décrit leur
culte et en particulier Porphyre (^cL.;a3^) qui sévit contre la
vérité (3). »
12. C'est par ces récits et ces admonitions que Pralius cher-
chait à ramener ses frères de leur erreur, d'après le conseil de
l'illustre Etienne et de son frère Athanase. Il s'adonnait avec
tant d'allégresse à la philosophie divine, que beaucoup de
(1) Cet accord des volontés est nécessaire aussi, dit-on, pour faire tourner les
tables.
(2) Jean , vni, 44.
(3) Peut-être Porphyre, iiliilosopiie de l'école d'Alexandrie (^oa-oOô), qui écrivit,
contre les chrétiens, un ouvrage que Théodose II fit brûler plus tard.
554 REVUE DE L ORIENT CHRÉTIEN.
jeunes étudiants Timitèrent et professèrent le monachisme
dans le monastère de Tillustre Etienne qui les rassembla tous
dans les filets de l'enseignement apostolique. Tous sont main-
tenant les chefs de ce monastère et les émules, en perfection, de
leurs aînés. L'un d'eux était auxiliaire de la garde (1) du pré-
fet d'Egypte; l'autre, qui avait très bien appris l'art de la méde-
cine et.de la philosophie profane, rendit hommage à la véritable
philosophie. Leur maître à tous était l'illustre Etienne, lequel,
au bout d'un certain temps, fut rappelé à Dieu. Pralius se
rendit en Carie avec le célèbre Atlianase pour convertir ses
frères; il fonda un couvent de chrétiens et en laissa le gouver-
nement, comme de juste, à son père (spirituel) et frère, et peu
après se rendit aux demeures éternelles et fut reçu dans le sein
d'Abraham. Athanase vécut encore un certain temps, baptisa
beaucoup de païens de ce pays, et enflamma beaucoup de monde
par ses actions ; puis il alla retrouver le divin Etienne et Pra-
lius leur disciple commun, pour y jouir de la paix et du bonheur
réservés à ceux qui vivent dans la crainte de Dieu.
13. Que personne n'aille croire que cette histoire sort du
plan que je me suis imposé. J'ai l'intention de montrer que
Sévère est bien éloigné de la calomnie portée contre lui : il
était constamment avec ceux qui montrèrent un si grand zèle
contre les païens et louait leurs actions ; il est donc loin d'avoir
mérité un blâme ou d'être tombé dans l'erreur païenne, mais
il était chrétien par sa foi, bien qu'il ne fût pour l'instant que
catéchumène. Pendant qu'il était adonné aux études profanes,
il ne cessa de se montrer tel que tous le virent plus tard en
Phénicie. Le fait suivant montrera qu'à Alexandrie il était bien
au-dessus de toute idée païenne : — Quelque temps après la
destruction des idoles, Mennas, l'ami du Messie qui avait prédit
Fépiscopat à Sévère, mourut et se rendit près de celui qu'il
aimait, orné qu'il était de grandes perfections : la virginité de
l'àme et du corps, l'humanité et la charité, avec grande mansué-
tude et humilité. A ce moment j'étais malade, et les païens pen-
saient que nous portions la peine de ce que nous avions fait
contre leurs Dieux par zèle pour la religion, lorsque nous les
avions brûlés. Ils annonçaient que moi aussi je mourrais sûre-
(1) .m.mif,; (poiqeô??) wœol)Qj.
OPUSCULES MAIIOXITES .JOO
ment à ce moment-là. Après qu'un miracle de la bonté de Notre-
Seigneur Jésus-Christ m'eut sauvé de la maladie, je rendis
hommage à l'illustre Mcnnas par un discours (prononcé) sur le
tombeau; j'y rappelai la destruction des idoles païennes, je
racontai leur incendie devant tout le peuple de la ville, et je
racontai cela justement à côté de la tombe de celui qui, par sa
douceur et son humanité, avait fait l'admiration même des
païens, avant qu'il ne montrât son zèle contre eux. Or l'illustre
Sévère se réjouissait et prenait plaisir à ces récits, il faisait
siennes toutes mes paroles contre les Dieux des païens au
point qu'il m'applaudissait des mains plus que tout autre.
Pendant ce temps, les païens, qui avaient été invités et qui
étaient venus pour entendre, parce qu'ils ne savaient pas d'a-
vance ce qu'on dirait, pleuraient, pour ainsi dire, sur leurs
affaires, et l'un d'eux dit tout en colère : « Si tu voulais parler
contre les Dieux, (12) pourquoi nous as-tu conduits près du
tombeau de ton ami? »
J'ai été obligé de conter tout cela, à cause du calomniateur
dont tu m'as parlé, et non pour raconter mes actions, car je
suis un homme plongé dans le péché et l'indignité. Je ne vou-
lais pas non plus raconter seulement les actions des compa-
gnons de l'illustre Etienne, AWthanase et de Pralius, ni même
de Mennas et de ceux qui montrèrent leur zèle en même temps
qu'eux, mais plus particulièrement celles de Sévère qui est
l'occasion du présent ouvrage; aussi je vais raconter ce qui lui
arriva en Phénicie.
CHAPITRE TROISIEME
SEVERE ET ZACHARIE A BEYROUTH.
14. Zachario retrouve Sévère à Beyrouth. 15. 11 le catéchise. 10. Emploi de leur
temps. 17. Histoire d'Evaj^rius, son prosélytisme. 18. Les magicrens de Beyrouth.
Destruction de leurs livres. 19. Invocation sacrilège de démons pour trouver les
trésors cachés. 20. Evagrius et Zacharie engagent Sévère à recevoir le baptême.
21, Baptême de Sévère. 22. Ses mortifications après son baptême.
14. Au moment où l'illustre Sévère allait quitter Alexan-
drie pour aller en Phénicie apprendre les lois et y obtenir la
charge des « diaqniqé » (1), il m'engagea à aller avec lui.
Je lui répondis que j'avais encore besoin d'étudier les dis-
cours des orateurs et des philosophes, à cause des païens qui
se glorifient et se prévalent beaucoup de ces études, afin de
les combattre facilement à l'aide même de ces études. Sévère
partit donc une année avant moi, après quoi j'allai aussi à
Beyrouth pour étudier les lois civiles. Je m'attendais à souffrir
de la part de ceux qu'on appelle o-xè^.or (Edictalii) (2) ce que
souffrent ceux qui viennent tout fraîchement dans cette ville
pour l'étude des lois; ils ne souffrent en réalité rien de honteux,
(1) Mot à mot '. des diacres », mais une note du manuscrit porte: ■■ 11 appelle
diaconat la charge des scolastiques ». Comme on arrivait à cette charge par l'é-
tude du droit, nous pouvons donc croire que les scolastiques du y" siècle sont
les ancêtres des licenciés en droit ou avocats de nos jours.
(2) Une note du ms. porte : o^jjoa-j ^ ^l ^.«..m, ^©i ^oou^l ci>.N^>.a-.;o), « on
appelle Edictalii ceux qui sont plus anciens (dans l'étude des lois) que les di-
pondii ». — Justinien ordonna de ne plus appeler les étudiants en droit de pre-
mière année dupondii, ancien surnom qui est frivole et ridicule, mais de les
appeler <■ justinianeos novos ». Lettre 2 préliin. aux livres des Digestes, § 2.
OPL'SCULKS MAUONITKS. ;>.j/
mais ceux-là ne songent qu'à se moquer de ceux qu'ils voient
et prennent un pouvoir passager sur ceux dont ils se sont
moqués et dont ils ont fait leur passe-temps (1). (Je craignais)
surtout pour Sévère qui est maintenant dans le sacerdoce, car
je pensais, comme il était encore jeune de corps, qu'il se serait
lancé dans les habitudes de ces autres.
Le premier jour que j'entrai au cours de Léonllus, fds lVEu-
doxius, qui enseignait alors les lois et était en grande répu-
tation près de tous ceux qui s'occupaient du droit, je trouvai
l'admirable Sévère qui était chez lui avec d'autres pour y en-
tendre l'enseignement des lois. Puis tandis que je le croyais
devenu mon ennemi, je vis qu'il avait toujours de l'amitié pour
moi, car il me salua le premier, plein de joie et d'allégresse, et
j'éprouvai la bonté divine à ce prodige remarquable. Puis nous
qui, à ce moment, étions a.jjaau; (dupondii), quand nous eûmes
terminé notre cours , nous dûmes nous lever et partir, pendant
que ceux de son temps restaient encore pour leur compte; je
courus vite à l'église sainte qui est appelée Anastasie pour y
prier, puis j'allai à celle de la Mère de Dieu qui est à l'inté-
rieur de la ville à côté du port , et, après avoir prié, je me pro-
menai devant cette église.
15. Je vis bientôt cet homme de Dieu venir joyeusement
près de moi, et me saluer en disant: « Tu es Dieu pour moi
dans cette ville, aussi dis-moi comment il faut que je me dé-
livre (que je sauve mon âme). » Je levai les yeux au ciel, et
louai Dieu qui lui avait donné cette pensée et lui avait ins-
piré cette salutaire demande, puis je lui répondis: « Puisque tu
m'interroges sur les choses de l'amour de Dieu, viens avec moi,
[et je le pris par la main], je te conduirai à l'église de la Mère
de Dieu, et t'y raconterai ce que j'ai appris dans les paroles
divines, et dans les saints Pères. » Quand il entendit cela il me
demanda si j'avais avec moi les ouvrages du grand Basile, des
illustres Grégoire et des autres docteurs. — Je lui répondis :
« J'apporte beaucoup de leurs ouvrages. » — Il vint avec moi à
l'église de la Mère de Dieu et, après avoir récité avec moi les
prières convenables, me fit encore la même demande. — Je
(1) ^n^..aoo .,^)— ; ^ot^ ^po »q...>\j l.:u.ci^; ^; ^O) .^r^ po ^ );-k3Ji ^j ,^',.^^.^xvM
.^^njooo )j-.o/ ,,.-i,.^vi yoovs; v>^0)» )N>Ji; Py-o/. Il s'agit donc de brimades.
558 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
commençai alors par le livre de la création qu'écrivit le grand
Moïse, et lui montrai la sollicitude de Dieu envers nous; com-
ment, après la création de tout ce qui existe et après nous avoir
tirés du néant, il plaça nos premiers pères dans le Paradis
et leur donna une loi salutaire comme à des êtres intelligents
et maîtres d'eux-mêmes, afin qu'ils fissent ce qui convenait.
Puis quand ils eurent transgressé l'ordre divin par la trom-
perie du serpent, ils perdirent la vie bienheureuse et échan-
gèrent leur immortalité contre la mort qui leur avait été an-
noncée auparavant par la loi. Je lui montrai Adam et Eve
qui étaient peints dans l'église, revêtus de tuniques de peaux
après leur expulsion du Paradis, et lui racontai le grand
nombre de maux qui prirent alors naissance avec de nom-
breuses erreurs et la puissance des démons (13) sur notre vo-
lonté, lorsque nous obéissons à celui qui est le principe de toute
rébellion. J'ajoutai les miséricordes de Dieu envers nous, le-
quel, parce qu'il est bon, n'abandonna pas son ouvrage qui
avait péri, après avoir été amené du néant à l'être dans un état
incorruptible et sans les souffrances que comportait sa nature,
mais qui recevra l'immortalité qui surpasse la nature s'il ob-
serve la loi divine; puis après la loi naturelle, il donna la loi
écrite par le moyen de Moïse et vint au secours de la nature
par beaucoup de saints prophètes; puis, quand il vit que notre
abaissement nécessitait un remède plus énergique, le Verbe
de Dieu et le Dieu Créateur vint nous visiter; il s'incarna par
la volonté du Père et du Saint-Esprit, il naquit du ciel pour
nous éclairer et tous ceux qui sont assis dans les ténèbres et
dans l'ombre de la mort(l). Il fut conçu du Saint-Esprit dans
la chair et sortit par la vertu du Saint-Esprit d'un sein virgi-
nal et non souillé. Il conserva la virginité de sa mère et ce fut
là la première preuve qu'il donna de sa divinité; il fit une
conception miraculeuse sans germe et sans destruction, et un
enfantement au-dessus de la nature. Et pour nous délivrer du
pouvoir de ce calomniateur rebelle (le démon) qui avait acquis
nos âmes, il donna son corps pour nous racheter de la mort et
il accepta volontairement la croix dans sa chair pour nous;
il ressuscita le troisième jour, brisant ainsi la tyrannie du ca-
(1) s. Luc, I, 78, 79.
OPUSCULES MAKOMTKS. .J.IO
lomniateur (démon) et des mauvais diables ses auxiliaires,
ainsi que la puissance de la mort elle-même, et il nous ressus-
cita avec lui et nous fit asseoir avec lui dans le ciel, comme
il est écrit, et nous montra une nouvelle voie de salut qui
conduit au ciel. Il conquit le monde entier par ses apôtres, dé-
truisit les incantations magiques des païens et les victimes
offertes aux démons, et établit par tout le monde unje Eglise
catholique. Il apprit à se repentir et à chercher un refuge en
lui parle saint baptême , qui est l'image de l'ensevelissement
durant trois jours et de la résurrection du .Alessie Sauveur de
l'univers. Puis, quand j'eus ajouté les autres preuves dont les
évangiles sont remplis, je lui dis : « Il faut donc, ô ami, que tous
ceux qui pensent bien se réfugient en lui par le moyen du bap-
tême qui donne la vie. » — « Tu as bien parlé, mais (comment)
convient-il de nous conduire, maintenant que je m'applique
à l'étude des lois? » — Je lui répondis : « Si tu veux m'en croire
ou plutôt en croire les paroles divines et les principaux docteurs
de l'Église, fuis d'abord les spectacles luxurieux, les courses
des chars et le théâtre (I) et le spectacle des animaux opposés
à de malheureux hommes, puis conserve ton cœur pur et offre
à Dieu tous les jours les prières du soir après ton travail sur
les lois, car il convient que nous, qui le connaissons, lui fas-
sions le service du soir dans les saintes Églises, pendant que
d^autres donnent beaucoup de temps aux courses, roulent dans
l'ivrognerie, boivent avec des prostituées et tombent même
dans les dernières hontes. »
Il me promit de faire et d'observer tout cela : « Pourvu, me
dit-il, que tu ne me fasses pas moine, car je suis diaconicos
(avocat), et j'ai beaucoup de goût pour les lois; si cependant
tu veux autre chose, je l'ajouterai. » — Je lui répondis tout
joyeux : « Je suis venu dans cette ville pour les lois civiles, car
Je désire la charge d'avocat, mais pour ce qui te met en souci
et pour ton salut, [je veux dire pour ne pas diminuer ton tra-
vail sur les lois qui ne te laisse pas beaucoup de loisir], je me
(1) Josèphe nous apprend que le roi Agrippa favorisa les habitants de Beyrouth.
II leur construisit un théâtre, qui l'emportait sur beaucoup en élégance et en
beauté, et un amphithéâtre somptueux et magnifique avec des bains et un por-
tique... Il y fit combattre deux cohortes de sept cents hommes. Antiquités juives,
1. XIX, ch. vu, 5.
560 REVUE DE l'orient CHRETIEN.
charge de te préparer à la rhétorique, à la philosophie et à la
connaissance des paroles et des enseignements (divins). Que
serait-ce, dis-je, [car c'est une entreprise grande et difficilej,
si nous pouvions ne pas négliger Tétude des lois, et encore
nous procurer tous ces biens et surtout le plus important d'eux
tous. Nous étudierons les lois, comme tu le faisais, durant
toute la semaine, à l'exception du dimanche et du soir qui
précède. Nous étudierons les leçons sur les lois qui nous se-
ront faites les autres jours par nos maîtres, puis nous les tra-
vaillerons encore en notre particulier. Nous cesserons au mi-
lieu du jour du samedi qui précède le dimanche, comme du
reste une loi civile nous ordonne de rendre alors nos devoirs
à Dieu (1). Si cela te plaît, lui dis-je, nous étudierons à ce mo-
ment les docteurs de l'Église et leurs écrits, je veux dire ceux
du grand Athanase, de Basile, de Jean, de Cyrille, de Gré-
goire, etc. Nous abandonnerons alors nos camarades qui feront
ce qu'ils voudront, mais nous nous délecterons dans les ensei-
gnements (14) divins, les sentences et les nombreuses instruc-
tions des docteurs de l'Église. » — Il me répondit : « C'est pour
cela , ô ami, que je t'ai demandé dès l'abord si tu avais apporté
de ces (livres) avec toi. Comme tout ceci est dirigé par Dieu,
ce que tu as dit sera accompli, je ne te quitterai pas aux temps
que tu viens de fixer. » — Cela lui plut comme à moi, et nous
l'observâmes. Nous lisions les livres écrits contre les païens
par divers docteurs de l'Église, comme l'hexaméron (2) de Ba-
sile savant en tout, puis ses discours séparés et ses lettres (3),
son discours à Amphiloque (t), ceux qu'il écrivit pour réfuter
Eicnotnius (5) et son allocution aux jeunes gens, dans la-
quelle il leur apprend comment ils peuvent tirer profit des
ouvrages païens ((3). Nous en arrivâmes ensuite aux ouvrages
des trois divins Grégoire, puis nous lûmes ceux des illustres
Jean et Cyrille.
(1) En 776 (les Grecs (465), l'empereur Léon porta un décret dans ce sens. Voir,
Jean d'Asie, Revue de VOrient chrétien 1897, p. 459.
i:l) Cf. Migne, Pair. Grecque, t. XXIX, col. 3 — 207.
CS) Ibid., t. XXXIl.
(4) On trouve ibid., t. XXXII, de nombreuses lettres de saint Basile à saint
Amphiloque le rhéteur.
(5) Ibid., t. XXIX. Cf. t. XXX, col. 835.
(6) Ibid., t. XXXI, col. 563 — 590.
OPUSCULES MAItO.MTHS. 561
17. Nous faisions ces lectures en notre particulier aux temps
fixés, mais tous les jours nous allions à l'office du soir avec
l'illustre Evagrius. Celui-ci avait été envoyé par Dieu à Baj-
rout/i pour préparer Ijeaucoup déjeunes gens à quitter la vanité
du diaconicat (du barreau) pour la philosophie divine. 11 était de
Scmiosate et avait été instruit à l'école d'Antioche la grande.
Quand il était jeune , il lui arriva une aventure comme il en
arrive à la jeunesse, il sortit pour voir un spectacle dans la ville
et fut blessé dans une sédition [z-y.z^.z) qui y eut lieu. Instruit
par cette punition, il détesta les spectacles luxurieux, fréquenta
assidûment la sainte Église et se joignit k ceux qui, à cette
époque, chantaient durant toute la nuit dans l'église d'Etienne
premier martyr, hommes qui pratiquaient la vraie philosophie
à un haut degré et ne le cédaient en rien aux moines. Quand il
se fut ainsi appliqué à la première discipline , il voulut aller
jusqu'à embrasser complètement la vie monacale, mais son père
le contraignit de se rendre en Phénicie, pour y étudier les lois,
au moment où j'y arrivai moi-même. Au même moment Tad-
mirable Elisée vint aussi pour le même motif; il était de Lycie;
c'était un homme doux et humble, simple dans ses mœurs et
bienfaiteur de ceux qui manquaient de nourriture et d'habits.
Tandis que j'étais avec ceux-ci comme avec une nourrice, je re-
marquai qu'ils étaient portés à l'amour de Dieu , et leur propo-
sai d'aller offrir à Dieu avec eux les prières du soir dans la
sainte église. Ils l'acceptèrent, et après la lecture des lois et les
travaux qui s'ensuivent, nous nous assemblions tous les soirs
dans V Église appelée de la Résurrection, de sorte que beau-
coup d'autres venaient près de nous, et avant tous, Tillustre
Sévère, comme nous en étions convenus; puis venaient Anas-
tase, celui d'Édesse, et Philippe qui était de Pétra (i;^) de
Lycie, et Anatole cV Alexandrie, hommes aimant Dieu, et des
premiers dans la science des lois civiles , car ils travaillaient
depuis quatre ans à leur étude; ils demandèrent à se joindre
à nous. Nous avions avec nous Zénodore, ami du Messie, qui
vint après nous à Beyrouth; il était du rivage de Gaza comme
moi, et tandis qu'il brillait ici sous le portique impérial (1)
parmi les scolastiques , à cette époque-ci il quitta la vie mor-
(1) A Constantinople.
ORIEMT CHRÉTIEN. 38
562 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
telle. Etienne de Palestine, qui vint plus tard, se joignit aussi
à notre compagnie. — Le chef de cette assemblée sacerdotale
était Evagrius; il était, par ses actes, un philosophe de Notre-
Seigneur Jésus -Christ, qui jeûnait pour ainsi dire toujours et
consumait la fleur de sa jeunesse dans la philosophie divine; il
torturait son corps par les veilles et ne se baignait qu'un jour,
celui qui précède la fête de la Pâques de la résurrection de notre
Sauveur le Messie. A cause de celui-ci, Sévère s'enflammait
petit à petit pour la pratique et la théorie, car il lisait avec moi
delà manière que j'ai exposée, puis, quand il était plein des
paroles des docteurs de l'Église (15) et avait ainsi reçu la partie
théorique de la philosophie divine avec des paroles sur la phi-
losophie pratique, il regardait la manière d'agir de l'admirable
Evagrius, comme une démonstration, un exemple et un portrait
vivant; il voyait la philosophie chrétienne qui s'étendait, non
seulement aux paroles, comme chez moi et chez beaucoup, mais
aux actes; il imitait donc celui-là et ses actions, il torturait son
corps par le jeûne et se montrait son émule dans la pureté et les
bonnes actions. Il s'abstenait de viande, non que ce fût mal d'en
manger, comme le disent \q^ Manichéens (U'>'-v>) (1), mais parce
que cette abstinence approche surtout de la philosophie, et il
ne prenait pas de bain durant la plus grande partie de l'année,
jusqu'au moment où Evagrius lui-même en prenait.
18. Sur ces entrefaites, il arriva que des hommes qui étudiaient
les lois à Beyrouth se firent un nom célèbre dans la magie (iloa-^,
C'étaient un certain Georges de la ville de Tliessalonique qui
est la première du peuple des Illyriens, puis Chrysarius
(^o^îoixo-p) de Traites, ville cVAsie, puis ScUfodotus (axi^o»o-:^.Nr,nr.;)
à' Héliopolis avec un Arménien et d'autres qui leur ressemblaient.
Jean surnommé le Foulon, qui était de Thèbes (wO en Egypte,
était leur auxiliaire, et ils ne cessaient de s'agiter pour des choses
impies. Ils rassemblèrent de partout des ouvrages de magie et
les montrèrent aux hommes qui se complaisent dans les troubles.
Ils résolurent tous de commettre un meurtre, acte abominable,
comme la renommée les en accusa, et de sacrifier aux démons,
certaine nuit dans l'hippodrome, un serviteur éthiopien qui
appartenait à ce Thébain. Ils voulaient, par cette action odieuse
(1) Cf. Pognon, Inscriptions mandaïles des coupes de Khouablr, fasc. IL
OPUSCULES MAIIONITKS. ."»G3
à Dieu, s'attacher le démon et s'en faire un serviteur pour tout
ce qu'ils désireraient; ils voulaient en général tout ce qui est
contraire aux lois et en particulier amener de force, par le se-
cours du diable, à la passion de l'amour, une femme qui jusque-
là avait vécu dans la pureté et pour laquelle brûlait le maître
de ce serviteur; on amena donc ce dernier durant la nuit, sous
un prétexte quelconque, dans l'hippodrome, mais au moment
où ce meurtre audacieux allait être commis, Dieu, qui a souci de
toutes les actions des hommes, eut pitié de ce malheureux ser-
viteur, et fit passer du monde par là. Les meurtriers, pleins de
crainte à cause de leur mauvaise action et de cette arrivée im-
prévue, s'enfuirent, et ainsi cet Éthiopien put échapper aux mains
meurtrières qui étaient déjà prêtes à le mettre à mort. Il raconta
cette affaire qui avait été machinée contre lui à un compatriote de
son maître, lequel était chrétien et craignait le jugement de Dieu.
Ce compatriote, qui avait souci du maître et pitié du serviteur,
nous raconta leur attentat et leur désir de meurtre; il nous de-
manda d'apporter un secours chrétien à l'àme de ce compatriote
qui était combattue par les diables; il s'intéressait à lui, nous
dit-il, comme à un compatriote. Après l'avoir écouté, nous lui
demandâmes si celui-là avait des livres de magie, car tous ceux
qui étudiaient les lois à Beyrouth savaient qu'il était magicien.
Il nous assura qu'il en avait. — Alors moi avec Evagrius, puis
Isidore et Athanase qui étaient deux frères à" Alexandrie, zélés
tous deux pour la crainte de Dieu, et enfin avec celui qui nous
apprit tout cela, nous résolûmes de nous concerter sur ce qu'il y
aurait à faire avec Constantin et Polycarpe qui étaient de Bey-
routh, l'un ayant depuis longtemps la charge du diaconicat
dans cette ville et l'autre soldat de la garde du gouverneur
(hvaoo,), car ils avaient grande expérience, ils se trouvaient avec
nous dans les saintes églises et on disait même que Constantin
était ami de l'accusé. Nous cherchâmes longtemps comment,
avec l'aide de Dieu, nous pourrions retirer cet homme de l'erreur
des démons et du danger dans lequel il était, nous prîmes la ré-
solution d'entrer tous chez lui et de lui dire amicalement que
nous étions venus près de lui comme près d'un frère, que nous
avions soucis de ses intérêts (1) et que nous voulions parcourir
(1) 'Q?s),ri(7tç.
564 REVUE DE L ORIENT CHRETIEN.
ses livres à cause des bruits qui couraient sur son compte;
puis, que nous nous faisions forts, avec l'aide de Dieu, de faire
cesser l'accusation de magie qui courait la ville contre lui, si
nous constations qu'en réalité il n'y prêtait pas.
Quand nous fûmes d'accord, nous allâmes à sa maison; il
nous reçut à cause de son compatriote (16) et de son ami Cons-
tantin et aussi parce qu'il nous croyait tranquilles et que nous
paraissions affables. Nous lui dîmes alors, avec grande tran-
quillité, ce dont nous étions convenus, après lui avoir demandé
d'écouter amicalement et de ne pas prendre en mauvaise part
ce que nous avions à lui dire. Comme ses livres de magie étaient
cachés sous le siège sur lequel il s'asseyait qui était fait en
forme de caisse et que ses visiteurs n'en savaient rien, il nous
répondit avec confiance : « Puisque cela vous plaît et que vous
êtes mes amis, parcourez mes livres. » Et quand il l'eut dit, il
nous apporta tous les livres qui étaient en évidence dans sa
maison. Après les avoir parcourus, nous n'avions pas trouvé ce
que nous cherchions; le serviteur que l'on avait voulu immoler
nous indiqua secrètement le siège et nous fit signe qu'en sou-
levant une place nous trouverions les livres cherchés. Notis le
fîmes, et celui-là, voyant son artifice connu de tout le monde,
se jeta la face contre terre et nous supplia avec larmes de ne
pas le livrer aux lois, puisque nous étions chrétiens et péné-
trés de la crainte de Dieu. Il apprit de nous que nous n'étions
pas venus pour lui faire du mal, comme Dieu le savait, mais
bien pour sauver et guérir son âme ; pour cela il lui fallait brûler
-lui-même les livres de magie , ceux qui avaient les images des
mauvais diables, avec des noms barbares et des indications
orgueilleuses et mauvaises pleines de superbe, qui plaisent sur-
tout aux mauvais démons. Us étaient attribués à Z oroastre le
mage, d'autres â Asthanes (^cu.^cd/) le magicien et d'autres à
Manéthon. — II promit de le faire, demanda du feu et nous ra-
conta qu'il était plein de l'amour d'une femme, et qu'il espérait
la vaincre â l'aide de ces livres, car elle refusait d'avoir com-
merce avec lui; il en était ainsi arrivé à ce mauvais art. Il ajouta
que l'art de la magie était faible et que ses promesses étaient
vaines, puisque cette femme le haïssait encore davantage; à
cause d'elle, non seulement lui, mais encore beaucoup d'autres,
s'étaient adonnés à la magie; il pensait à leurs noms en
OPUSCULES MARONITES. 5G5
nous disant que ceux-là aussi avaient des livres analogues.
Quand on lui apporta du feu, il y jeta de ses mains les li-
vres de magie en disant qu'il éprouvait la bonté de Dieu qui
avait daigné le visiter et qui le délivrait de l'esclavage et de
l'erreur des démons. Il nous disait qu'il était chrétien et fils de
parents chrétiens, mais qu'il avait erré au temps dont il nous
avait parlé et avait servi les idoles à la satisfaction des mauvais
démons, et qu'il devait donc faire pénitence et verser des lar-
mes en proportion de son péché. — Ces livres, odieux à Dieu,
ayant été brûlés, nous mangeâmes tous ensemble après avoir
prié et loué Dieu et l'avoir remercié de ce qui arrivait. C'était le
moment du repas du milieu du jour et chacun mangea de ce
qu'il avait apporté de chez lui tout préparé. Il y avait de la
viande, et nous eûmes soin qu'il en mangeât avec nous; on nous
avait dit en effet que les adeptes de la magie et des mauvais dé-
mons se privaient de cette nourriture qu'ils regardaient comme
impure.
Après le repas, nous allâmes au temple très vénérable du
saint apôtre Jude, frère de Jacques le juste, qui étaient tous
deux fds de Joseph, époux de sainte Marie Mère de Dieu et tou-
jours vierge, c'est pourquoi on les appela frères (1) de Xotre-
Seigneur. Le prêtre et l'administrateur de cette église était un
certain Cosme, homme plein de crainte de Dieu et de zèle, qui
était assidu dans son service; c'était un ascète, orné de toutes
les perfections du christianisme, qui accomplissait exactement
le service de Dieu. Il avait avec lui Jean de I^alestine que l'on
appelait Adrien {^^^hoi)^ homme qui, après avoir étudié les
lois, se fit prêtre dans ce temple, conduit par la philosophie; il
rendit service à beaucoup d'étudiants en droit à cause de ses
bons exemples et des livres chrétiens qu'il prêtait et donnait; à
la fm, (17) Mennas (pp») de Cappadoce, qui étudiait aussi les lois
civiles, l'imita et prit l'habit monacal dans ce même temple,
puis il retourna à sa ville de Césarée et fut adjoint à son clergé ;
mais Jean ne voulut pas quitter l'habit qu'il avait pris dès le
commencement et c'est avec ce même habit qu'il monta à Dieu.
— Nous racontâmes â ceux qui étaient chez Cosme et .Tean, tout
ce qui s'était passé pour l'incendie des livres, puis nous leur
(1) On prend plus généralement ce mot frères au sens de cousins.
566 REVUE DE l'orient CHRETIEN.
demandâmes de prier Dieu pour celui qui avait participé quel-
que temps, comme nous l'avons dit, à l'erreur diabolique, pour
que Dieu le délivrât de cette erreur, lui donnât une véritable pé-
nitence et nous sauvât tous de la méchanceté des diables; puis
quand le prêtre eut fait de longues prières pour celui-là, chacun
retourna chez soi. Depuis lors, quand celui-là se trouvait avec
nous dans les églises, il faisait pénitence et versait des larmes
sur ses péchés passés; il nous fit connaître tous ceux qui à Bey-
routh s'adonnaient à la magie et possédaient des livres de ce
genre, nous cherchions comment nous pourrions les prendre
avec tous ceux qui prônaient le paganisme et les sacrifices païens.
Cet Égyptien nous les nomma, et nous les avions du reste con-
nus à Alexandrie. — Le grand Sévère nous aida aussi dans
tous ces projets, il se réjouissait de tout ce qui se faisait et nous
conseillait ce que nous devions faire. Aussi dès maintenant
l'écrivain de paroles absolument trompeuses et de calomnies
invraisemblables portées contre (Sévère) en aura honte. — Tan-
dis que nous pensions à cela et que nous nous réjouissions
de la destruction des livres haïs de Dieu et de la conversion
de l'Égyptien, un scribe annonça à Martyrius, lecteur de la
sainte église de Beyrouth, et à ce Polycarpe, dont nous avons
parlé, hommes soigneux et pleins de zèle, que Georges de
T/iessaloniquelm avait "donné un livre de magie pour en trans-
crire le manuscrit, et ils vinrent nous l'annoncer. Nous allâmes
auprès de Jean évêque de Beyrouth (1) pour y accuser Geor-
ges et Scléfidotus (^<i4,.-:^\nmi) d'Héliopolis (2) et Chrysarius
{^Q-;oucp) deTralleset Léontès (.m^o)i), alors préfet (■^owè-m^-;^),
qui étudiaient les lois dans cette ville, et beaucoup d'autres. Cet
Égyptien, et aussi le bruit public qui courait par toute la ville,
accusait ceux-là. L'évêque nous adjoignit quelques membres du
clergé et nous ordonna de visiter tous les livres; nous avions
encore avec nous les agents de l'autorité (3). Toute la ville fut
en rumeur à cette occasion parce que beaucoup se servaient
pour les lois de livres de ce genre ou étaient affligés du paga-
nisme de Léontès dont nous venons de parler. C'était un homme
(1) Cf. Oriens christianus, t. II, col. 819. Cet évèquc aida S. Raboulas de Samo-
sate à construire « un grand monastère au milieu de la montagne ».
(2) Distinct sans doute du précédent, voir § 4, 5, 7, etc.
(3) On remarquera ce pouvoir temporel de l'évêque.
OPUSCULES jMAROMTES. 5G7
qui savait tromper, il ne possédait pas une grande science pré-
liminaire, mais s'occupait d'horoscopes et de prédire les choses
futures, il s'attachait tous les hipparques et les grands qui
avaient des rapports avec lui et il les amenait aux idoles. Son
art de tromper était grand et voici l'histoire que nous racontait
à son sujet l'un des grands de Bijblos qui lui demanda quel
enfant aurait sa femme enceinte, il répondit que ce serait un
garçon et allait montrer ainsi sa tromperie, mais en sortant
de la maison il prit la portière à l'écart et lui dit : « Le maître
de la maison m'a demandé ce que sa femme enfanterait et j'ai
répondu : un garçon , parce que je sais depuis longtemps qu'il
en désire un, mais je vais te dire la vérité et cache-la soigneu-
sement, ce sera une fille qui naîtra » et quand il eut dit cela, il
s'en alla. — Plus tard, quand la femme eut enfanté une fille,
le mari fut irrité du mensonge; il fit venir Léontès et l'accusa
d'être un menteur, mais celui-ci en appela au témoignage de
la portière, parce qu'elle était âgée et qu'elle pouvait ainsi être
crue.
Nous pûmes trouver oîi étaient les livres de magie de Georges
(18) et de Scléfidotus et nous les apportâmes tous au milieu de
la ville, mais nous ne pûmes trouver les autres parce que leurs
maîtres s'enfuirent et les cachèrent. Chrysarius excita contre
nous des hommes séditieux que l'on appelle Poroi (ovos) (1)
et que ceux qui étudient les lois ont coutume d'appeler sicaires
(ii!^i..as) ja^), hommes méprisés qui vivent superbement, sont sou-
vent meurtriers et n'épargnent pas le glaive. Comme tout le
peuple était fervent dans la crainte de Dieu et était irrité contre
ceux-là, il offrit de nous aider, et Constantin de Beyrouth,
qui disposait de grands biens, menaça d'amener les villageois
qui enlèveraient tous les séditieux sicaires dont j'ai parlé (2).
Cependant pour que notre action ne tournât pas en mal, lors-
que Léontès fut saisi par des hommes zélés et se trouva en
danger, nous lui préparâmes la fuite pour son salut, car notre
dessein n'était pas dans cette entreprise de causer la mort de
ces hommes, mais d'arrêter l'essor du mal qu'ils professaient
(1) Portefaix, de çopéo). Il vaudrait mieux lire ajoa (?<5voi), " sicaires ».
(2) Ce passage montre que les habitants des environs de Beyrouth étaient
chrétiens fervents, on verra plus bas qu'il en était de même de la population de
Beyrouth.
568 REVUE DE l'orient CHRETIEN.
et surtout de les ramener eux-mêmes à la crainte de Dieu ,
comme la loi de Dieu nous l'ordonne en ces termes (1) : « Je
ne veux pas la mort du pécheur, mais qu'il se convertisse et
qu'il vive. » Pour brûler aussitôt ces livres de magie que nous
avions pris, nous indiquâmes au juge (^q^j^i) de la ville et
aux gardiens de la prison et aux hommes du clergé que nous
avions pris, par l'ordre du prince des prêtres, un grand feu de-
vant le temple de la sainte Vierge Marie, mère de Dieu. Tout le
monde regardait brûler ces livres de magie avec leurs signes
diaboliques; on entendait d'abord, par la lecture qu'en faisait
celui qui les jetait au feu, l'annonce de ce qui était écrit, l'arro-
gance impie et barbare, les mauvaises promesses nuisibles aux
hommes que font les démons, et l'orgueil du diable qui enseigne
de telles propositions et de telles inquisitions aux hommes.
Ces propositions étaient de ce genre : — Comment on peut trou-
bler les villes, exciter des séditions dans le peuple, armer les
pères contre les enfants et les fils contre leurs pères; et com-
ment on peut dissoudre les mariages, qu'ils soient légaux ou
concubinaires {wi<^^; et comment un homme peut amener à
un amour illégal une femme qui veut vivre dans la pureté,
ou à commettre audacieusement l'adultère et le meurtre, ou à
receler les objets volés; et de quelle manière un homme peut
obliger les juges à le déclarer innocent. — Le peuple cria beau-
coup contre les païens et les mages à cause de ces mauvaises
demandes; il voulait jeter au feu ceux qui s'en occupent, et
louait Dieu.
Tel fut le fruit des conseils du grand Sévère; il conduisit tout
cela comme un chef d'armée, mais pour ne pas sembler or-
gueilleux, il se faisait humble et s'adonnait k la lecture des
lois, de sorte que, ferme dans la vérité, il ne donna pas prise au
mensonge et à la calomnie et ne fut en but à aucune accusa-
tion ni à aucune attaque.
19. Il arriva, peu de temps après, une autre histoire : des
vagabonds et des voleurs d'autels et des magiciens avec la lie
de l'univers vinrent à Beyrouth. Ils annonçaient qu'ils trou-
vaient les trésors et inventèrent cette ineptie : Darius roi des
Perses, quand il vint jadis dans ce pays, cacha beaucoup d'or
(1) Ez., xxxiii, II.
OPUSCULES MARONITES. 569
dans ces lieux où se trouvaient alors des villes |et ils don-
naient dans leur sot récit le nombre des talents d'or] ; ils avaient
appris cette histoire des mages et des Perses. Et pendant qu'ils
cherchaient qui pourrait se laisser prendre à leur tromperie
et aurait Tesprit assez faible pour perdre ses biens dans l'es-
poir d'en trouver d'autres, et serait ainsi une proie pour cette
invention persane, on leur parla de Clfrijsariifs et ils lui ex-
posèrent leur invention. Il se laissa convaincre facilement et
leur demanda comment ils se procureraient ces trésors. Ils ré-
pondirent qu'il leur fallait pour cela se servir de la divina-
tion par les morts (nécromancie), qu'ils avaient un homme qui
réussissait dans ces évocations, et qu'ils avaient besoin d'un
endroit caché à la foule pour qu'on ne vînt pas les troubler dans
leurs opérations. Il fut persuadé, étant d'un esprit faible, et
comme pour une cause quelconque il était en relations avec
le gardien de ce qu'on appelle le second Martyrium (I), il lui
fit part de la recherche de ces trésors. (19) Celui-ci, ravi à la
pensée de For, dit qu'il y avait beaucoup de tombeaux isolés
dans ce temple dont il avait soin et qu'on pourrait à loisir y
faire durant la nuit tout ce qui serait nécessaire. Tous vinrent
donc au martyrium pour y attendre le moment favorable. Ces
vagabonds et magiciens dirent : « Il nous faut des objets en
argent pour réussir dans notre entreprise afin que quelques-
uns d'entre nous aillent vers la mer qui est proche et, à l'aide de
ces objets, y attirent les diables gardiens des trésors, pendant
que cet autre fera la divination par les morts dans le tombeau
qui est dans ce temple. » L'espoir de l'or amena le serviteur
indigne de ces martyrs à consentir à cette profanation, cor-
rompu qu'il était par Chrijsarius. Celui-ci donna des objets
d'argent à une partie d'entre eux qui les prirent et s'enfuirent
après avoir fait mine d'aller d'abord vers la mer et, avec ces
objets d'argent, d'y appeler les diables, gardiens de ces trésors.
— Le gardien donna les ornements sacerdotaux et l'encensoir
d'argent à celui qui promettait de faire l'invocation des morts,
d'appeler de force les âmes des morts et de leur faire dire en
quel lieu sont cachés les trésors. Or, au moment où ce magi-
cien commençait son évocation diabolique et portait l'encen-
570 REVUE DE l'orient CHRETIEN.
soir d'argent, le Dieu des martyrs les vengea, car il excita un
tremblement de terre qui rendit ces sacrilèges demi-morts,
car ils s'attendaient à voir le temple tomber sur eux, et ce
vagabond et magicien ainsi que Chrysarius purent à peine
échapper, tout tremblants, au péril, lorsque les pauvres qui
dormaient dans ce temple s'aperçurent de ce qu'on osait faire
et le crièrent et l'annoncèrent par la ville.
A cette occasion, il y eut un nouveau soulèvement dans
tout le peuple contre les païens et les magiciens, et de nom^
breux blâmes contre l'indigne gardien et contre Chrysarius,
au moment où l'on célébrait la mémoire et la fête de saint Jean
baptiste et précurseur. L'évêque fit saisir le gardien et l'in-
terrogea, puis il l'envoya enchaîné dans un monastère pour
n'en plus sortir d'un temps déterminé. Chrysarius s'enfuit
alors de Beyrouth et plus tard acheta, à grand prix, le droit
d'y rentrer. Quant à Léontès qui s'était enfui lors du premier
soulèvement, il demanda à recevoir le saint baptême dans
l'église du martyr Léontius, puis il revint en annonçant qu'il
était chrétien, et, revêtu de l'habit blanc des nouveaux bapti-
sés, il supplia chacun de lui pardonner ce qui avait eu lieu.
Et pour que ce Chrysarius ne se crût pas sage et ne s'ima-
ginât pas que grâce aux diables, à la magie et à la richesse, il
avait seul vaincu dans les troubles qui eurent lieu contre lui,
puisque les livres de magie qu'il avait ne furent pas brûlés , le
Dieu des martyrs qu'il avait offensés se vengea de la manière
suivante : Quand il voulut retourner dans son pays, il loua un
navire et y chargea tous les livres de magie qu'il avait achetés
à grands frais , comme le dirent ceux qui le connaissaient, il y
mit aussi les livres des lois et le plus grand nombre des objets
d'argent qu'il possédait, avec ses enfants et leur mère qui était
sa concubine. Il ordonna de mettre à la voile au moment qu'il
crut, ainsi que beaucoup d'autres, le plus favorable d'après la
magie et le mouvement des astres; pour lui il devait se rendre
dans son pays par terre. Quand ce navire eut mis à la voile sur
la foi des démons et de l'astrologie, comme s'il devait être sauvé
avec tout ce qu'il portait, il fut submergé avec la magie et ses
livres, et rien de ce que Chrysarius y avait mis ne fut sauvé.
Dieu châtia par une telle punition cet homme insensible , parce
qu'il ne voulut pas répondre à la bonté ni se souvenir du
OPUSCULES MARONITES. 571
premier châtiment, mais demeura dans son endurcissement
de tête, comme Pharaon. — On pensera peut-être qu'il était
inutile d'écrire ces récits; cependant nous avons cru bon de les
ajouter à cause de la leçon qu'ils donnent à la magie et à
l'erreur des païens, pour la gloire de Dieu puissant et de notre
Sauveur Jésus-Christ, lui qui prend les sages dans leur ruse(l)
et qui jeta dans la mer le Pharaon avec ses chars, ses cavaliers
et les sages de l'Egypte (i).
F. Nau.
{A suivre.)
(1) Job, V, 13.
(2) Nous avons remarqué dans le manuscrit syriaque de Berlin (Sachau, 321)
une seconde vie de Sévère écrite par Jean Bar Aphtonia. Elle contient d'abord un '
résumé de la vie, que nous publions maintenant, puis elle ajoute quelques autres
faits dont nous donnerons une traduction. Nous ne publierons pas le texte parce
que nous croyons savoir qu'il le sera par M. Kiigeuer. — Enfin, après la vie de
Sévère, nous donnerons le texte et la traduction de la vie inédite de Jlaroutha
métropolitain de Tagrit (f 649), écrite par son successeur Denha-Maroutlia de
Tagrit, qui fut le premier des maphriens jacobitos [Cf. Rubens Duval. La litlé-
rature syriaque, p. 374-375] et écrivit de nombreux ouvrages.
AU PAYS DES NOSAIRIS
Fuimus!
Devise des Bntce, anciens rois d'Ecosse.
I
Le 19 août 1898, le Charkieh des Paquebots-poste khé-
divié (1) nous déposait, le P. Collangettes et moi, à la marine
de Tripoli. En débarquant nous sommes accueillis par le
P. Barnier, l'inspirateur et le guide constant de l'excursion de
vacances que nous allons entreprendre. Missionnaire depuis
plus de dix ans dans ces paiiages, les montagnes de 'Akkàr et
des Nosairis, dont il va nous faire les honneurs, n'ont plus de
secrets pour lui.
Nous ne restons à Tripoli que le temps nécessaire pour louer
des chevaux, maigres haridelles plus ou moins tarées. Le mien
en particulier a plusieurs blessures au dos et aux reins. Une
de ces blessures, de la dimension d'une pièce de cinq francs,
au début du voyage, ne fera que s'étendre grâce à l'anneau de la
sangle, pénétrant dans les chairs vives. En parcourant la ville,
nous remarquons une vieille construction franque. Sur la porte
d'entrée, on lit encore en caractères gothiques l'inscription
Sanctus Jacobus, au-dessous d'un agneau, sculpture oubliée
par les musulmans iconoclastes. Sans doute, un ancien cou-
vent, mais lequel? La Sijria sacra de Rôhricht (ZDPV,X, 33,
34) ne signale à Tripoli que deux monastères du temps des
Croisés : celui des Franciscains et celui des Dominicains (2).
Le 20 août à quatre heures de l'après-midi nous sortons de
(1) Devenus depuis Khedivial Mail Steamship and gravimi dock Company li-
mited.
(2) Voir aussi ZDPV, X, 317.
AU PAYS DKS NoSAIlîl.S. ..)/.{
la ville dans la direction du Nord-Est. Nous suivons d'abord la
chaussée de Tripoli à l.loms. Trois quarts d'heure de marche
nous mènent à la petite mosquée de Saih-al-Baddàwî (1), très
connue des touristes, à cause de son bassin do poissons sacrés.
Ce bassin, alimenté par une source puissante formant iuimé-
diatement un gros ruisseau, est actuellement agrandi. Le be-
soin s'en faisait vivement sentir : les poissons sacrés, auxquels
personne n'ose toucher, y fourmillent à tel point qu'on a bien
de la peine à découvrir l'eau.
Voilà encore un reste du vieux paganisme phénicien (2) pieu-
sement recueilli par l'austère monothéisme musulman (.'5). Au-
près des temples d'Astarté, Atergatis, Dercéto (1) se trouvaient
des viviers, remplis de poissons consacrés à la déesse. Ils ser-
vaient aussi à Ylchthyomantie ou divination par les poissons.
Malheur à qui les méprisait ou en mangeait! Ils étaient per-
suadés que la déesse ne tarderait pas à se venger en leur en-
voyant d'affreuses tumeurs, qui envahissaient principalement
les régions abdominales et que Martial appelle syriennes (.j).
En passant devant cette mosquée le colonel Conder, auteur
de nombreux ouvrages sur la Palestine, a relevé ce nom de
Baddàwî et en a conclu que la mosquée est une ancienne église
de Saint-Antoine de Padoue (6). Un moment de réflexion au-
rait pu lui démontrer la vanité de ce rapprochement. Le culte
de saint Antoine, postérieur aux Croisades, n'a été introduit
que beaucoup plus tard en Syrie par les Franciscains. Assu-
rément ce n'est pas à ces derniers que les musulmans sont allés
l'emprunter.
Tout près, un milliaire romain (7), récemment mis à décou-
(1) C'est là l'orthographe exacte; et non Beidawi, comme écrivent Bœdoker,
Dussaud, etc. Voir aussi les curieux renseignements de Seet/on, Beison, I, 227.
(2) Nous mentionnerons plus loin le culte des arbres.
(3) Dans la principale mosquée d'Edesse il y a également un bassin de pois-
sons sacrés. Voir dans Lortet {Syrie d'aujourd'hui, 536) un autre exemple.
(4) Cfr. Lucien, de Dea Syra, 45. Le sanctuaire d'Afqa (Liban) avait également
son lac sacré, où il y avait sans doute des poissons voués à Astarté.
(5) Cfr. R. Dussaud, Voyage en Syrie (extrait de la Rev. Archéologique, 1897),
p. 20.
(6) Heth and Moab, pp. 66 et 300. — En arabe saint .Antoine de Padoue est
quelquefois qualifié de Badawi, plus souvent Badawàni.
(7) J'en dois la connaissance au P. Barnier qui m'a signalé plusieurs dos ins-
criptions qui vont suivre.
574 REVUE DE l'orient CHRETIEN.
vert, m'arrête un bon quart d'heure. Malheureusement mon es-
tampage, n'ayant pu sécher faute de temps, ne résiste pas aux
chocs de la route. L'expérience est à recommencer. Disons dès
maintenant que j'y ai lu en grec les noms des empereurs
(ajT;-/.paT5po)v) Constance-Chlore et Galère-Maximien.
Nous traversons la magnifique plaine de Tripoli : large, fer-
tile, abondamment arrosée, elle est possession exclusive des
musulmans. Se fécondité explique l'enthousiasme que sa vue
cause aux Croisés, qui y possédèrent de nombreux casaux,
encore à identifier pour la plupart. Ils n'étaient pas les pre-
miers à l'apprécier. Quinze siècles avant notre ère, on se dis-
putait déjà avec acharnement ce magnifique domaine. Il faut
lire dans les lettres assyriennes de Tell al-'Amârna les pé-
ripéties de ces luttes entre les roitelets de la Syro-Phénicie,
tous désireux de s'en assurer la possession (I).
Nous passons près des ruines à'Orthosie et d'Arca dont il
ne reste plus que des débris insignifiants. A huit heures, — il
était nuit close, — nous entrions à J//yi/^^n?, grand village chré-
tien, assis sur les premiers contreforts du Gabal 'Akkàr et
dominant la plaine de Tripoli. Sous le rapport religieux il est
divisé en trois fractions presque égales, appartenant aux grecs
catholiques, orthodoxes et aux protestants. Il s'y trouve égale-
ment une petite minorité maronite.
La communauté catholique de Miniârà est la plus importante
des récentes conquêtes faites sur Yorthodoxie dans ces ré-
gions, conquêtes ayant amené la création du diocèse grec-ca-
tholique de Tripoli et dues en bonne partie au zèle du P.
Barnier. « C'est lui, comme l'a dit M. l'abbé Pisani, qui a dé-
terminé parmi les schismatiques un mouvement important...
C'est par milliers qu'il a ramené les frères séparés sous l'obéis-
sance de l'Église romaine, c'est à ses exhortations que des
villages entiers ont cédé pour revenir à l'unité catholique (2). »
Il serait injuste de passer sous silence un autre vaillant ou-
vrier apostolique, le P. Kyrillos, notre compagnon de voyage
et vicaire général de l'évêché de Tripoli, un vrai missionnaire
(1) Voir le beau travail du P. A. J. Delattro S. J., Le Pays de Chanaan, pro-
vince de l'ancien empire égyptien, et Conder, The Tell Amarna Tablets (ce dernier
doit être soigneusement contrôlé).
(2) Revue du Clergé Français, P"^ mai 1898.
•AU PAYS DES NOSAIRIS. .j/.>
sans peur et sans reproche. Souhaitons à l'Orient beaucoup
d'hommes de cette trempe. Fraternellement unis, lesPP.Kyrillos
et Barnier avaient, sans faire de tapage, obtenu des résultats
merveilleux. L'Orthodoxie était réduite aux abois dans les mon-
tagnes de 'Akkâr (1) et de Safîtâ. Quand elle a trouvé un ap-
pui dans un pouvoir dont on ignorait jusque-là les moyens
d'action en ces parages; on ne pensait qu'au protestantisme :
soudain derrière l'orthodoxie ébranlée, le colosse russe s'est
dressé et il a jeté dans la balance le poids de son or et de
son influence (2).
Pour le moment les catholiques de Miniàra respirent : après
de longues tribulations ils ont enfin conquis la liberté de cons-
cience. On leur a élevé un bâtiment assez convenable, servant
la semaine d'école et le dimanche d'église. La présence des
PP. Kyrillos et Barnier nous vaut une réception des plus cor-
diales. Nous consacrons la matinée du lendemain à faire plus
ample connaissance avec cette intéressante population. Ce qui
assure leur persévérance c'est, outre l'école, la présence d'un
excellent curé, un converti aussi, Aboûna Mihàïl, qu'un mal
subit devait, hélas! emporter cinq jours après notre passage.
A midi nous quittons Miniàra pour redescendre dans la
plaine. Au bout d'une heure nous prenons définitivement le
chemin de la montagne, que nous ne quitterons plus pendant
dix jours. Phénomène rare à cette époque de l'année, le temps
continue à être couvert. Après une demi-heure de montée nous
arrivons à un groupe d'arbres. Inutile de le dire : ces arbres
abritent des tombes où de pieux musulmans dorment leur
dernier sommeil. Tout près, dans un mur de pierres sèches,
deux jarres pleines d'eau offrent leur goulot au passant altéré.
Elles sont ainsi chaque jour régulièrement remplies et vidées
en souvenir des saints personnages, à qui la terre soit légère!
Au delà du village chrétien de Tilàl, un nouveau groupe
d'arbres vénérés pour eux-mêmes, sont entourés d'un cercle
(1) Extrémité septentrionale de la chaine du Liban, s'étendant jusqu'au Xahr
al-Kabir. Dans les textes arabes imprimés on confond souvent \-ikkar et 'Akkâ
(S. -Jean d'Acre); confusions qui fourniraient matière à un copieux errata. Ré-
cemment un envoi d'argent du gouvernement russe a causé de longues discus-
sions entre les évèques orthodoxes de 'Akkàr et de 'Akkà.
{2) On consultera utilement l'article de .^I. Fabln^ Pisani, Les Russes en Syrie,
extrait du Correspondant, 189N.
576 REVUE DE l'orient CHRETIEN.
sacré de pierres sèches (1). A en juger par quelques autres
spécimens échappés à la hache des bûcherons, la contrée devait
être jadis mieux boisée.
Le soleil va disparaître à l'horizon quand nous atteignons le
village maronite de Dabàbiyé (2), point culminant au-dessus de
la vallée du Nahr al-Kabîr ou Eleiithérus des anciens. Cette
vallée rappelle celle du Laitûni; seulement la brèche de TEleu-
thérus est moins sauvage et beaucoup plus large que celle du
Léontès. Elle a aussi joué un rôle autrement considérable dans
l'histoire économique et sociale de la Syrie. L'étroite gorge où
roule le Léontès n'est qu'un accident géologique, un ravin
abrupt où il y a place tout au plus pour une rivière torren-
tueuse. Le Nahr al-Kabîr est vraiment un fleuve frontière, déli-
mitant le Liban au nord, et séparant de la Syrie intérieure les
cantons de la Phénicie maritime. Quand on l'a franchi on s'a-
perçoit promptement qu'on pénètre dans une région nouvelle,
presque une terra incoguita, clont l'aspect, les populations ne
rappellent en rien la Syro-Palestine (3). Cette belle vallée de
l'Eleuthérus constitue un large chemin utilisé de tout temps
par les caravanes et aussi par les armées d'invasion, le seul
passage des montagnes de la Syrie, qui fût aisément franchis-
sable. Situés à proximité de cette voie tracée par la nature,
Aradus (1) dans l'antiquité et Tripoli au Moyen Age lui furent
redevables de leur étonnante prospérité. Au dire d'un savant
assyriologue, la vallée de l'Eleuthérus « a été suivie par les cara-
vanes mésopotamiennes dès la plus haute antiquité. J'en vois un
indice non équivoque dans le nom de ce petit pays d'Amurri ou
de Martu, en face d'Aradus, que tout le monde connaissait en
Babylonie plus de vingt-cinq, peut-être plus de trente siècles
avant notre ère. Il y était même devenu le nom de toute la
Phénicie et de l'Ouest, Cette dernière signification était dès lors
si familière aux Babyloniens qu'ils se servaient du nom d'A-
(1) Sur le culte des arbres en Syrie, voir notre article Mâdaba, la ville des mo-
saïques, dans Éludes, 20 déc. 1897, p. 728.
(2) Peut-être Bâbiya dans Idrîsi (Syrie, éd. Gildemeister, texte aralje, p. 18.,
). 13). Le texte des mss. est assez corrompu pour autoriser cette conjecture. Si l'on
objecte les indications topographiques, se rappeler qu'Idrîsî ne visita point la
Syrie.
(3) Cfr. Ritter, Erdkunde XXII, 805, 819.
(4) Avec sa fille Marathus.
AU PAYS DKS XoSAII'iI.S. 577
murri ou de Martu pour la délimitation des champs dans leurs
contrats. Us disaient : Champ attenant à la propriété d'un tel
au nord, à la propriété d'un tel à l'Amurri ou au Martu, c'est-
à-dire à l'Ouest. Cela suppose des rapports fréquents entre l'A-
murri et la Babylonie, et l'on n'imagine guère autre chose que des
relations commerciales (l) », relations aboutissant à Marathus,
à quelques kilomètres au nord du Nahr al-Kabîr (2).
Le rôle historique de la vallée de l'Eleuthérus est loin d'être
terminé. Tôt ou tard on songera sérieusement à développer les
ressources de cette incomparable terre syrienne. Aradus et Ma-
rathus ne sont plus que des souvenirs; mais la Tripoli moderne
est admirablement préparée pour recueillir leur héritage com-
mercial (3).
En face de Dabàbiyé, sur la hauteur, de l'autre côté d'un petit
wàdi, alïluentdu Nahr al-Kabîr, se dressent les modestes bâtisses
de Saiydé, notre gîte pour cette nuit.
Notre vue a mis les cloches en branle. Après avoir abreuvé
nos chevaux dans l'Eleuthérus, nous escaladons le rude sentier
montant en zigzag, et malgré l'obscurité et les glissades de nos
montures sur la roche polie nous arrivons sans encombre au
sommet de la colline.
11
A Saiydé nous sommes chez nous!
Le P. Barnier y a depuis deux ou trois ans installé une école
normale, « devant fournir de professeurs les écoles de la région,
toutes dues à son infatigable dévoùment (4) ». Pour le moment
les jeunes normaliens en vacances nous laissent le champ libre.
Car si l'espace ne fait pas défaut sur ce plateau, on n'en peut
dire autant des bâtiments scolaires, consistant en quelques
(1) Delatlro S. J., Le pays de Chanaan, bQ,
(2) La prospérité de Marathus dura jusque vers le commencement de Tère oliré-
tienne, comme l'attestent ses nombreuses émissions monétaires. Cfr. D"^ J. Kou-
vier, L'ère de Maralhos de Phénicie dans /. .4. Sept. 1898.
(3) Cfr. D"' Diener, Libanon. Grundlinien der physkch. Geuqrap. u. Geolog. von
Mitlel-Syrien, 110.
(4) R. Dussaud, Revue archéologique, 1897, p. 1 du tiré à part,
ORIENT CHRÉTIEN. 39
578 REVUE DE l'orient CHRETIEN.
chambres, construites en face de l'antique sanctuaire de la
Sainte Vierge, Saiydé, Notre-Dame, qui a laissé son nom à la
colline. De temps immémorial on est venu y honorer Marie.
Vraisemblablement cette tradition est antérieure au temps des
Croisades.
L'école au complet compte, outre trois maîtres, « une quaran-
taine d'élèves dont douze externes; ces derniers, âgés de douze
à treize ans, ont commencé l'étude du français qu'ils auront à
enseigner plus tard concurremment avec l'arabe. C'est avec un
budget de trois mille francs (moins de dix francs par jour) qu'il
faut payer les maîtres, nourrir toute la maisonnée, acheter les
livres et les fournitures scolaires et pourvoir à l'entretien de la
modeste garde-robe des élèves internes. Pour le même nombre
d'élèves l'école normale des Russes à Nazareth coûte de 50 à
60.000 francs. Quel trésor d'abnégation il faut pour obtenir des
résultats identiques avec des budgets aussi disproportion-
nés (1) ».
En face de Saiydé, dont elle n'est séparée que par un petit
ravin ou plutôt par une profonde tranchée, artificielle selon nous,
se dresse une petite colline, ayant jadis porté des fortifications.
On reconnaît sur les flancs du mamelon quelques pans de mur
et sur le petit plateau des ruines confuses, des arasements de
murs, une église et quelque chose comme une chapelle, parfai-
tement orientées. « Beaucoup de blocs sont taillés à bossage,
quelques-uns portent une croix. Cela suffit, dit M. R. Dussaud,
pour attribuer ces restes aux Francs. » Les habitants donnaient
à ces ruines le nom de « Qatat-Félis » ou château de Félis.
Effectivement les chartes franques signalent en ces parages un
casai (2) Felicium ou Felitium, propriété de la famille de Puy-
Laurens, plus tard vendue aux Hospitaliers. A ces derniers il
faut sans doute attribuer le fortin de Qal'at-Félis. Comme lo-
calité Saiydé est pourtant antérieure aux Croisades, témoin le
débris d'inscription grecque ...AA<i>A6... que nous avons trouvé
(1) Pisani, loc. cil.
(2) D'après Giiill. de Tyr, le casai comptait au moins cent maisons. En accor-
dant à chaque maison cinq habitants, cela ferait pour le casai une population
d'environ 500 âmes. Comme sur la colline du Qal'at il n'y a pas place pour une
telle agglomération, le casai de Felicium a dû s'étendre sur le large plateau au
N.-E. de l'église actuelle, où l'on est étonné de retrouver si peu de vestiges d'ha-
bitations.
AU PAYS Di:s NOSAIIUS. 7)19
sur un bloc de basalte. Nous sommes tenté d'y voir le début
d'un nom propre que nous retrouverons plus tard àBahloùniyé.
Quelque temps après notre départ, en remuant les décombres
du Qal'at on a découvert les fondements d'une nouvelle église,
identique pour le plan à la première. Les fouilles ont également
mis au jour une épitaphe, malheureusement mutilée et brisée
à gauche. Je la restitue (1) ainsi, d'après la copie envoyée par le
Fr. Théodore, directeur des travaux à Saiydé :
"Ets(uç) ..'j' 'Ap(-:£)[J.i(c7io)u Aa . a; Bt{z)Ki'^!x(piyo'j)
C'est l'épitaphe d'un certain Dadas ou Damas (2) fils de
Beelbarachos (3), mort au mois d'Arlémésius, an 400 des Sé-
leucides (88 de J.-C). Le chiffre des centaines u' a seul été con-
servé (4). Le nom tout païen de BssXeapayo;; (béni par Baal) trouvé
déjààHàlàt, nonloin d'ici, par M. R. Dussaud(5), rend vraisem-
blable cette date relativement élevée. Il est impossible que les
travaux commencés pour la construction d'une chapelle à Notre-
Dame du Fort n'amènent pas d'autres découvertes.
Bâti au confluent de trois wâdis, dominant la belle vallée de
l'Eleuthérus, Saiydé jouit d'un air pur, constamment renouvelé.
Toute la nuit la brise de mer passant sur le plateau nous baigne
d'une caresse fraîche, nous agite d'une sorte de renaissance
bienfaisante, et apaise nos nerfs qui sortent du bain des lan-
gueurs moites. Cela repose des deux journées passées dans l'hu-
mide et chaude plaine de Tripoli.
III
Midi est passé de deux heures au moins quand nous nous
ébranlons dans la direction de l'est, en suivant le plateau, en-
(1) Les lettres entre parenthèses ne se trouvent pas sur la pierre.
(2) La lettre du milieu est effacée; mais les deux noms ont des répondants dans
l'épigraphie syrienne. Voir Waddington, Inscriptions de Syrie n°' 2566=" et 2(382.
et Archives des missions scientifiques, 1895, p. 576.
(3) Comparez Barigbal oi Baricbal dans les inscriptions d'Alrique C. I. L. YIII
Indices,]). 1020; el Archives des missions scientifiques, 188S, p. 14.
(4) Nous donnerons la transcription de toutes nos inscriptions en cursices. La
discussion de ces textes épigraphiques fera le sujet d'un iiutre travail.
(5) Revue archéologique, p. 4. Nous citons le tiré à part.
580 REVUE DE L ORIENT CHRETIEN.
combré de gros blocs basaltir|ues. Au bout d'une demi-heure
nous aboutissons au village maronite de Kafr Noùn (1). Nous
y visitons une vieille église où les Grecs orthodoxes viennent
de loin en loin dire la messe. Au fond se voit un autel, composé
de matériaux évidemment anciens, mais anépigraphes. Au
sortir de l'église on me signale une inscription à dix minutes de
là, au sommet d'un mamelon dans la direction du village de
Roummàh. Le renseignement se trouve exact. C'est une grosse
pierre ronde en basalte à surface rugueuse, cassée de deux côtés
au moins. Les lettres sont irrégulières et mal gravées. L'inscrip-
tion est incomplète. Nous lisons : "Etcjç au' ir/;vbç 'AirsAXaiou
Cette pierre tombale — car c'en est une — nous apprend que
le défunt est mort au mois d'ApelloBus, an 401 de l'ère des Sé-
leucides, soit environ 89 de J.-C. Apelheus correspond à
notre mois de décembre. Le groupe ABA me paraît le commen-
cement d'un nom théophore, quelque 'Abdtanit, 'Abdastaroth
ou 'Abdousiris (2).
Comme nous prenons la direction du nord, il nous faut des-
cendre dans la profonde vallée du N. al-Kabîr et par une rude
montée gagner le village Nosairî de Dahloùmyé (3) construit
sur la première terrasse dominant la rivière et où des restes de
l'antiquité nous avaient été indiqués. Les abords du village sont
encombrés par des cadavres de bestiaux, victimes d'une épizoo-
tie sévissant depuis des années dans la région. On ne prend pas
la peine d'enterrer ces restes : les cliiens, les chacals, les vau-
tours s'en chargeront. La remarque de M. Pisani, qui a passé ici
en décembre dernier, est toujours vraie : « Quel que soit le
chemin qu'on suive en ce pays, on le trouve jalonné par les
squelettes blanchis des bœufs, des chevaux et des chameaux
qu'on a abandonnés à l'endroit où ils sont morts. Pendant la
nuit on entend le cri plaintif du chacal qui remplit ses fonc-
tions de préposé à la salubrité publique. »
L'accueil est très froid à Bahloùniyé. En franchissant l'Eleu-
thérus nous avons définitivement pénétré en territoire nosairî.
A notre demande s'il y a des inscriptions on répond par la né-
(1) Il y a aussi quelques maisons de Nosairîs.
(2) Ce dernier nom paraît dans une inscription de I.Iàlàt.
(3) Où il y a aussi quelques familles chrétiennes.
AU l'AVS UKS NOSAIRIS. 081
gative. Nous insistons en laissant entrevoir l'espérance d'un
baklichiche. Un Ijerger nosairî consent alors ànous montrer une
pierre engagée dans la terrasse d'un champ de mûriers. Elle
porte une inscription malheureusement brisée on haut. Nous
en prenons un estampage et une copie aussi. Cette dernière pré-
caution était utile. Pendant que l'estampage sèche, confié à la
garde de notre guide chrétien, nous allons examiner les ruines
d'une ancienne église, où, au dire des indigènes, nous trouve-
rions des « hagar maktoùb » ou pierres écrites. En remuant les
décombres nous découvrons un linteau sculpté avec croix byzan-
tine : c'est tout.
Nous revenons prendre l'estampage. Pendant notre absence
un rassemblement de Nosairîs s'est formé autour de notre chré-
tien. Un Nosairî s'empare de l'estampage. Comme je lui réclame
mon bien, il me répond qu'il me le livrera contre un magidié.
J'insiste une seconde fois et l'engage à cesser la plaisanterie.
Pour toute réponse le fellah froisse le papier. Je n'y tiens plus
et lui applique sur les épaules un bon coup de cravache ; grave
imprudence! car je me trouvais presque seul au milieu d'une
troupe de Nosairis qui auraient pu me faire un mauvais
parti.
Je dois le déclarer à l'honneur des Nosairîs : c'est le seul acte
de malveillance dont j'ai été l'objet pendant les trois semaines
passées au milieu d'eux. Au fond c'était la cupidité — non le
fanatisme — qui avait inspiré ce naturel de Bahloùniyé. On ne
voulut jamais me donner le nom du coupable. Avant notre dé-
part plusieurs villageois, entre autres le chef de la fraction chré-
tienne, vinrent nous faire des excuses. Malheureusement la nuit
approchait; il était trop tard pour prendre une photographie ou
un nouvel estampage. Je dus me contenter de ma copie très
défectueuse, et prise à la hâte. Voici ce que j'y lis :
[Mïjvbç Fop-iaijou oyJ k-z.ktÙTr,GV/ 'Aoa'^aOv:; (?) 'Okz[j.z'j 3T(ov ir/
« An....? 24' du mois deGorpia>usest mort Adaphathnos (?) fils
d'Olemosà l'âge de 18 ans. »
Je ne puis décider si ces noms propres ont des analogues
dans l'épigraphie syrienne. Le nom d' Adaphathnos me semble
devoir être rapproché du débris de Saiydé. Partout à Bahlou-
582 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
ïiiyé j'aperçois des fragments anciens avec la croix et la for-
mule ï'O'jç plus OU moins complète; les dates ont disparu.
Une demi-heure après, nous étions au village maronite de
^Ozair. Nous y faisons notre entrée au son des cloches et re-
cevons chez le scheikh de l'endroit une hospitalité cordiale et
presque luxueuse. Son fils, un bon prêtre d'une quarantaine
d'années à la barbe blonde (1), est curé de 'Ozair. L'entente est
donc complète entre les représentants des deux pouvoirs. 'Ozair,
si je ne m'abuse, serait le seul village maronite entre TEleuthérus
et le bourg de Safîtà. C'est une conquête sur les Nosairîs avec les
musulmans, seuls habitants de la région.
Dans les districts reculés de la Syrie, il y a plus d'un moyen
d'apprécier, de doser pour ainsi dire le degré de civilisation des
populations. Je ne parle pas du télégraphe. A l'exception du
gouvernement, personne ici n'a la naïveté d'en faire usage. Ce
serait le moyen infaillible de ne pas voir arriver ses missives
à destination.
Le tanaké ou caisse de pétrole en fer-blanc est un indice
autrement exact. Si dans la cabane vous l'apercevez sous une
forme quelconque, récipient, ustensile de cuisine etc., concluez
que les indigènes ont commencé à sentir quelques-uns des be-
soins de l'homme civilisé. Sur la côte et dans les villes de l'in-
térieur, le tanaké sert à tous les usages : on en fait des arro-
soirs, des pots de fleurs, etc., on y serre les provisions^ Un
ferblantier de Homs a transformé en moins d'une heure une
de ces caisses en tubes pour mes estampages. Au pays des No-
sairîs, je n'ai vu le tanaké, partant le pétrole, que dans les vil-
lages chrétiens. Pour la veillée le Nosairî reste dans l'obscurité
ou se contente d'une vieille lampe fumeuse.
Après le tanaké vient la boîte de conserves. Sa présence
marque un degré de civihsation supérieur; aussi subit-elle
des métamorphoses correspondant à des besoins plus relevés :
bouilloire pour le café, etc. Ce dernier produit est complètement
inconnu ; nous ne l'avons trouvé que chez le scheikh de Bait-
Na'sé. Dans toute la région des Nosairîs la vieille boîte de con-
serve est à peu près introuvable. Le passage des touristes l'eût
sans doute vulgarisée; mais fidèles aux recommandations de
(1) Rare parmi los Maronites.
AU PAYS DFvS NOSAIUIS. 583
Bœdeker, les touristes n'osent affronter un pays aussi dange-
reux !
Mais par-dessus tout, la tuile trahit la pénétration des idées
et des besoins de l'Occident à 'Ozair.
La maison du sclieiivh est couverte en tuiles, les seules du
pays avec celles de Saiydé. Le village a un air d'aisance et de
propreté contrastant avec la misère des agglomérations no-
sairies que nous venons de traverser. Le lendemain nous cé-
lébrâmes la messe dans la coquette église, la seule digne de ce
nom, au N. du Xahr al-Kabîr. Vers huit heures du matin nous
partons pour Hàlàt, village à une demi-heure \.-U. de 'Ozair.
Les terrains sont d'une grande fertilité et admirablement ar-
rosés. C'est suffisamment indiquer qu'ils sont entre les mains
des musulmans, qui ici comme ailleurs se sont fait la part
du lion.
M. l'abbé Pisani propose de replacer à Hàlàt l'ancienne
ville épiscopale d'Éleuthéropolis (1). D'après lui, le nom actuel
de la localité autorise cette tentative d'identification. Nous
n'oserions être aussi affirmatif. Hàlàt est un vocable franche-
ment sémitique et l'aspiration par laquelle il débute n'a pas
même un esprit rude correspondant dans le nom grec.
En traversant le village, comme nous allions examiner l'in-
téressante inscription où M. Dussaud a lu le nom cVW^t.ozJG'.pi^,
nous tombons au milieu d'un groupe de femmes musulmanes.
Elles se dispersent en hurlant et nous maudissent, nous et
les pierres qui nous ont attirés dans leur pays.
Pendant ce temps mes compagnons sont installés à l'ombre
de grands noyers près de la belle fontaine où l'accueil du sexe
fort est plus engageant. .J'y remarque deux ou trois débris
d'inscriptions sur des dalles au-dessus de la source. Le village
doit en receler d'autres : mais le moyen d'insister avec ces po-
pulations islamites « fières, comme aurait dit feu Renan , de ce
qui fait leur infériorité » ? Il faut chercher fortune ailleurs.
IV
De plus en plus nous nous enfonçons en pays nosairî. Au
(1) Dont l'existence nous est inconnue. l'Oriens C/iris<iaH «s l'ignore également.
584 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
bout d'une heure de chevauchée nous apercevons à gauche, sur
un monticule, un hameau; c'e^t TallSan'n. Nous attachons nos
chevaux à de grands arbres abritant le tombeau ou mazâr
d'un certain Saih ÎMohammad. Le monument est un petit rec-
tangle de maçonnerie fraîchement badigeonné et recouvert
d'un écharpe verte; le tout est enfermé dans une enceinte de
pierres sèches, avec ouverture sur l'orient.
Notre arrivée a provoqué parmi la population un sauve-qui-
peut général. Alafin, sur une terrasse un homme se montre, puis
un autre, avec lequel nous engageons une palabre à distance.
L'examen de nos personnes paraît les impressionner favorable-
ment, car nos interlocuteurs se rapprochent. Sur notre désirde
voir les antiquités du village, on nous conduit devant une sorte
de stèle en basalte d'un mètre de haut représentant au-dessous
d'un cercle un personnage à tête nimbée, travail d'ailleurs très
primitif. Le P. CoUangettes la photographie au grand ébahisse-
mentdes naturels. Cette opération terminée, nous demandons à
voir autre chose : « Il n'y a plus rien ! » Mais il doit y avoir des
« pierres écrites y>.Lâ, wallâh! non, par Dieu (1) ! clament une
centaine de Nosairîs. Là-dessus nous retournons à notre cam-
pement sous les arbres du mazâr. Nous y sommes bientôt en-
veloppés par toute la population de Tall Sarîn, qui en moins
d'un quart d'heure a passé de la défiance la plus absolue à la
plus surprenante familiarité.
Le P. CoUangettes, en sa qualité de professeur à la Faculté
de médecine, est le haklm (médecin) de l'expédition. Il est
donc assailli de malades qui viennent lui faire le récit de leurs
souffrances, nullement imaginaires. Le Père voit ainsi défiler
dans cette foule deux lépreux; les malheureux ne se doutent
pas plus que leurs concitoyens de leur triste état. Ils ne sont
probablement pas les seuls infectés de la région, étant donné
la malpropreté où croupissent ces pauvres gens. Entre temps le
P. Barnier continue ses investigations. Dans la cour du scheikh
il finit par découvrir une pierre à inscription. Il me fait avertir,
(1) Un Nosairî ne peut dii'c trois mots sans y ajouter rinterjection wûllàh, )iar
Dieu; lu tvallàh, non, par Dieu; ih tvalliih, oui, par Dieu. Parfois toallàh est
remplacé par vjânnabî, par le prophète; ival-Hodr, par IJodr! personnajce réu-
nissant dans rimagination musulmane les ti'aits du iiropliète Élie et de saint
(Jeoi-ges.
AU PAYS l)i;S NdSAllUS. 585
j'accours aussitôt avec papier, éponge et lirosse et me mets en
devoir de procéder à un estampage en règle, quand intervient
la femme du scheikh. « Jamais s'écrie-t-elle, je ne l'autoriserai,
à moins que Tagha ne le permette! » L'agha c'est le proprié-
taire de Tall Sarîn, un musulman résidant à quelques lieues
de là. En même temps elle retourne la pierre. Je suis obligé
de lutter avec cette mégère. Finalement, sur nos représentations
et celles du scheikh, son seigneur et maitre, elle veut bien se
calmer. Pendant que l'estampage sèche, je dois répondre aux
questions des Nosairîs. Ils ne peuvent comprendre l'intérêt
que nous inspirent les pierres de leur pays. Nous devons être
des chercheurs de trésors! Et devant nos sourires d'incrédulité,
d'autres nous demandent si nous étions parvenus à lire les
noms de nos ancêtres et quand donc nous reviendrions prendre
possession de leur pays?
Nous avions beau protester qu'il ne s'agissait que de la science
et de l'histoire de leur patrie, nos protestations les laissent
incrédules. N'importe! nous nous quittons bons amis : au dé-
part, ils m'offrent même d'emporter la pierre écrite. Pourtant
ils ne sont pas entièrement rassurés. La preuve, c'est que je
me vois obligé de ruser pour obtenir d'eux le nom exact de
leur village. Derrière nous ils soupçonnent des agents gouver-
nementaux avec une élévation de taxes. Pauvres gens! Il ne
faut pas leur en vouloir! Le passage de cavaliers étrangers
parmi eux est toujours suivi d'une augmentation d'impôts et
du contingent militaire. Hospes Iwstis!
Voici maintenant ce que porte l'inscription; elle est sur ba-
salte comme presque toutes celles de la région.
"HItou^ç) r/ îv(oixTi'ovo(;) ■rrp£(T^SuTs(pou') Za/^api'ou
L'inscription est complète; la date : an 908 des Séleucides, est
de quelques années antérieure à l'invasion persane de 612. Le
chiffre de l'indiction a été oublié. Inscription évidemment chré-
tienne comme en témoignent le nom du prêtre Zacharie et aussi
la grande croix occupant le centre de la pierre.
Une course de 3/4 d'heure dans la direction du N.-O. nous
amène au fond d'un vallon bien arrosé, occupé par le bourg
de Bait-Karûn. Comme il est midi, nous nous proposons tout
586 REVUE DE l'orient CHRETIEN.
naturellement de nous arrêter quelques instants chez des core-
ligionnaires, dont on nous a signalé la présence dans ce village
nosairî. Les premières personnes à qui nous nous adressons —
c'étaient des orthodoxes, nous l'avons su plus tard — n'osent s'a-
vouer chrétiens. Doux pays, comme on y comprend le proverbe :
la prudence est la mère delà sûreté! Nous finissons par tomber
sur une famille maronite, où nous sommes accueillis avec em-
pressement. Vite on apporte du laban (lait caillé), des raisins et
des figues; accroupis sous une vigne s'avançant en forme de
tonnelle sur le devant de la maisonnette, nous faisons honneur
à ce festin frugal. C'est une des plus exquises sensations de la
Montagne que ces haltes en plein air, où l'on se délasse un
moment des rudes fatigues du chemin. Nous retrouvons à
Bait-Karàn l'inexprimable charme de la vraie vie orientale. Ces
ruisseaux qui coulent à nos pieds, dont les eaux désaltèrent
sans alourdir, cette méridienne en compagnie d'âmes simples,
ces poulets qui picorent dans un carré de pré vert, k côté des
vaches qui ruminent gravement et d'un bourricot qui se roule
dans la poussière, ces masures qu'on aperçoit à travers les peu-
pliers et les saules, puis par delà les crêtes du ravin, ces mornes
étendues brûlées qu'on devine sous la lourde nappe de la
chaleur montant du sol embrasé, tout dans la poétique oasis
se combine ou s'oppose de manière à imprimer une grâce pa-
triarcale à ces courts instants de repos.
Point d'inscriptions, au dire des habitants. Les ruines se
trouvent au milieu de jardins luxuriants; elles paraissent assez
étendues. Nous y avons retrouvé les traces de deux églises,
plusieurs l^elles colonnes, mais pas un monument écrit. A mon
avis, il ne faut pas désespérer d'en découvrir dans les maisons
du village actuel, bâti, comme toujours, avec les matériaux de
l'ancien. Mais nous étions trop pressés pour nous livrer à cette
recherche : il fallait ce soir-là même atteindre Safîtâ.
Après une halte d'une heure à peine, nous remontons en selle.
Nous ne tardons pas à couper la chaussée de Tripoli à Homs.
A trois heures nous passons devant le Borg Maqsoùr (1), une
(I) Rôhricht propose de l'idontifier avec le « Castellum Bocheœ » des croisés
(ZDPV, X, 259) qui, selon toute vraisemblance, doit être placé dans la célèbre
plaine <• Al-Bouquai'a » au sud de Qal'at al-Hosn : nous la traverserons plus tard.
AU l'AVS DKS NOSAIRIS. 587
ancienne tour de guette franque prol)ablement remaniée par
les Sarrasins. La destruction en est très avancée. Chaque nouvelle
secousse de tremblement de terre en détache d'énormes pans.
Au delà c'est une vaste plaine sans arbres, couverte d'im-
menses champs de mais, de sorgho et de sésame. De temps en
temps la monotonie de la plaine est coupée par un mamelon
habituellement revêtu d'arbres magnifiques. Dans mes pérégri-
nations à travers la Syrie je ne me souviens pas avoir rencontré
leurs pareils: chênes, micocouliers, platanes, etc.; de leurs
troncs noueux s'échappent des branches puissantes, que couron-
nent d'énormes panaches de verdure. Jamais la cognée ne
les a touchés (1). Quel dommage que le D'' L. Anderlind n'ait
pas passé par ici avant de faire son travail sur les gros arbres
de la Syrie !
Dans ces plaines chauves et pelées, rien n'est frais et mysté-
rieux comme la vue de ces vertes oasis ! Tels étaient sans doute
dans l'antiquité les bosquets sacrés autour des temples de l'As-
tarté phénicienne. L'on comprend l'irrésistible attraction exercée
sur les populations nosairies par les mazârs (2) ou tombeaux
sacrés qui s'abritent sous ces coupoles verdoyantes, « sub omni
ligne frondoso », comme dit la Bible.
Depuis longtemps nous avions en vue sur la gauche une cons-
truction blanche pittoresquement adossée au versant des col-
lines, à une demi-heure de distance. J'interroge le P. Barnier
et voici ce qu'il m'apprend.
Les Nosairis ont en singulière vénération saint Georges ou
al-Hodr, comme ils l'appellent. Souvent ils lui vouent en tout
ou en partie leurs chevaux, chameaux, vaches etc., même les
enfants, les fdles surtout. Non loin d'ici, près de la source du
« Fleuve Sabbatique », il y a un couvent grec orthodoxe, dédié
à saint Georges et à ce titre très fréquenté par les Nosairîs.
Quand une fdle a été vouée à saint (Tcorges, c'est la dot que
tout fiancé doit payer à la famille de sa future qui est engagée, au
moins partiellement. Donc quand approche le jour du mariage
Le Borg JVIaqsoùr devait être dans la mouvance des terres de Safità ilont nous
approchons et qui appartenait aux Templiers.
(1) De là sans doute l'opinion dont parle Cuinet (la Turquie cVAsie, II, 8) que
les Nosairîs adorent les arbres.
(•2) Littéralement : endroit qu'on visite, lieu de pèlerinage.
588 REVUE DE L ORIENT CHRETIEN.
les parents viennent avec leur fille au couvent de Saint-Georges :
« Notre enfant, disent-ils au supérieur, est vouée à saint Georges
tout entière ou pour la moitié ou pour le quart; combien Tes-
times-tu? » Le supérieur fixe alors suivant la condition de la
famille le taux de la dot. Est-on tombé d'accord, le fiancé paie
la part du couvent. Le supérieur les renvoie après avoir donné
un voile ou un mouchoir à la fille, ou quelque autre cadeau
aux parents.
Les vœux faits à saint Georges étaient si fréquents que le
couvent avait sur différents point de la montagne des luaklls
ou représentants chargés de les recueillir. Depuis quelques
années cette source de revenus est à peu près tarie. Pour quelle
raison? Mystère! D'aucuns accusent l'avarice du supérieur, qui
a voulu lésiner sur les cadeaux d'usage; d'autres mettent en
avant certains manques de respect envers les clientes de Saint-
Georges. (v>uoi qu'il en soit, un scheikh nosairî a élevé en l'hon-
neur de Hodr cette coupole, se détachant là-haut toute blanche
sur la verdure sombre; et de plus en plus ses coreligionnaires
oublient le chemin du couvent orthodoxe pour prendre celui du
nouveau sanctuaire.
Dans les baidars (aires) — car c'est le temps delà moisson —
hommes et bêtes s'arrêtent, et dans les villages exclusivement
nosairîs que nous longeons, la population grimpe sur les terrasses
pour voir défiler notre caravane. Braves gens! Les touristes ne
les ont pas encore gâtés. Bœdeker nedéconseille-t-il pas (1) à ses
lecteurs de visiter le district de Safîtâ à cause du manque de
sécurité? Bien loin de nous effrayer, ce sont les paysans eux-
mêmes qui visiblement ont peur. Ils nous prennent pour des
cavaliers gouvernementaux : c'est tout dire !
Au Moyen Age les diverses places de guerre possédées par
les croisés étaient reliées entre elles par un système de petits
postes ou tours élevées d'après un plan uniforme. A 5 heures
nous nous trouvons au pied d'un de ces fortins, appelé Borg
Mouhâé (2); c'est un donjon carré composé de deux étages, so-
lidement voûtés. Une plate-forme avec parapet crénelé termine
l'édifice. Nous avons passé aune assez faible distance de Bonj al-
(1) Palestina und Syrien, 4« édit., p. 396.
(2) Sur le rivajïo, outre le Nahr Ibrahim et Gcbail, une vieille tour porte égale-
ment le nom de B. IMoidias (Ritter, Erdkunde XVII, 57li).
AU l'AVS DHS i\(jSAIUIS. 080
\Arah quil faut peut-être aussi ranger parmi les blockhaus des
Francs syriens; ainsi que le //o>y/ Maqsoùr, malgré les piètres
matériaux utilisés dans sa construction. Celle du B. Moulins est
soignée, les matériajx sont de belle dimension et vraisemblable-
ment antérieurs aux croisades. Nous n'avons pas eu le temps de
nous informer si dans le hameau rangé au pied du borg il y avait
des inscriptions : le contraire nous paraît très invraisemblable.
J'ai oublié de mentionner qu'un peu avant d'atteindre
B. Mouhàs, le calcaire réapparaît. Depuis Miniàra nous avons
traversé des régions où le basalte règne presque exclusivemeni.
Cette prédominance de la pierre noire contribue à donner aux
villages déjà si misérables des Nosairîs une apparence encore
plus maussade.
Une descente de cinq minutes nous mène au Nahr al-Abras
dont le cours supérieur est en ce moment à sec. Mais à l'en-
droit où la route le coupe, trois ou quatre sources jaillissant
en jets puissants du lit même de la rivière, celle-ci se reforme
immédiatement et crée sur ses rives de luxuriants jardins.
Le Nahr al-Abras a profité de l'interruption du basalte pour
creuser son lit dans ces couches de calcaire. L'eau filtre dans
ce sous-sol extrêmement perméable pour réapparaître en masse
au pied de B. Mouhàs. C'est le cas de plusieurs autres petits
fleuves côtiers du pays des Nosairîs. « Ainsi se forment des
cours d'eau qui n'ont que quelques kilomètres de long et possè-
dent dès leur source le débit d'un fleuve. » (R. Dussaud.)
Pendant une demi-heure nous remontons la rive gauche du
nahr pour aboutir au village mixte de Saisûniyé (1). Nous y
copions, photographions et estampons une inscription de trois
lignes, gravée sur un ancien linteau de porte, originaire, nous
dit-on, de B. Mouhàs : ce qui confirmerait mes suppositions
sur l'existence d'autres monuments épigraphiques en cette
dernière localité. Outre l'A et l'Q, la croix du milieu est ac-
costée de deux paons grossièrement sculptés. Nous lisons à la
première ligne :
['Irijaouç XlpKTTC))? ô toû 9(£o)û u^^tô); Ivôaoî xâT0i3t(£)v ... (2).
(1) La population se compose de nosairîs, d'orthodoxes et de quelques (ir.'os
Catholiques; ces derniers nouveaux convertis.
(2) D'après les usages suivis en épigraphie, nous mettons les restitutions entre
crochets [ ] ; la parenthèse renferme les lettres corrigées ou suppléées. Pour la l'or-
590 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
A la seconde ligne on distingue clairement 'Icpoavrjç ; le reste
est conjectural. Le sens serait : « Jésus-Clirit, fils de Dieu,
habite ici; cette maison, Jourdain Ta établie. » Je considère
'lopoâvYj; comme un nom de personne. Nous connaissons un
'lopoâvv;; évêque d'Abila (Syrie) et Jourdain était un nom
très répandu au Moyen Age. Rappelons que le paon est aussi
symbole du baptême (2); de là peut-être le rapprochement
avec 'lopoâvr,;. Même dans les parties d'une lecture certaine,
ce texte trahit une véritable inexpérience chez l'auteur de
l'inscription comme chez le lapicide. La porte reste donc ou-
verte aux conjectures.
H. Lammens, s. J.
[A suivre).
mule « leChi'isl liabite ici » et autres analogues, dont on possède peu d'exemples
dans Fépigraphie chrétienne, comparez Edm. Le Blant, Nouveau recueil des ins-
criptions chrétiennes de la Gaule, pp. 3, 4, 7.
L'ORDINAL COPTE
{Suite.)
CONSECRATION D'UN EVÊQUE
{Suite et /in) (1)
OTApXHAlAKtOII
c|Ai iiiiciTeiJ:xi2k: en^tiji |)cv iiiGriicKonoc
^ape iiienicKOlioc c|ai iiiiov.\i>: (ui^ytoi 110(30-111011
nietoeeii UBopi gaiinai iieii cauiiai muoc| iice\(t)
iiiiov:vi.\' t3>:eii iie(j3^4)oi ^Ape niriAHA TtoBe epe epAtj
TOI enouoiiT.
(|)iiHr> iiiiiAUTOKpAi(op. 0V02 iin(r(i iini(3ii tm(|(|.
(|)icoT iiTo iiiue+^eiieuT ovoe i\^f irro iiou+ iiiBeii.
iiooK ne -fi^oii eTopBOHeiiJ epoii. nioiHiiii ovoe iiipeq-
iioeoii. iiKîOB'f' ovo? niTA:xpo. rcmeeMiK; luiii noiiiiAii-
(t)toT. iireuoT lieu + aiiaav[ajU'Imo. 'fiipooAOKiA ii(;ii
ni(oiiJ3 lieu 'fAiiACTAciG 0V02 ece iitotk iiao +aiii-
etOIII. 11(311 niO'i':^AI eT"JOII IIAII +HpO'i' :l'JA (31102.
OK2(OTH iioToii iiiB(3ii. iia:voii IIAII. ptoio opoii. Apee
epoii. ApioK(3iiAï.iii o:v(oii IJA2UOII. a:o iiook i"Ap ne
(1) Voy. vol. III, p. ;]1, :^82, 425; vol. IV, p. KU. IIG.
592 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
ncvpxioii iiiiiAp\ti)ii. ovoe iio'o iriH ijurc. ovoe <))iiiib
iiiiiiiiir>. ()V()2 riovpo iiiovpcoov.
iiBOK (|)ii oTAKfepiyi^i ucbii eiAKep^opn uTeoucoq.
()V()2 AKtîpeUOT IliVq eCtOlie 11(311 tîBtOA II 1 1 HeTGX'je. iieoK
IcVp 11(3 fcOC|)IA liaq U<l)pHf IIOVOprAIIOII. eiiO.\2IT(3ll
feKKAiiciA lire n6KXp(i. oai erAKpcoKj epoc uc|)piif
iioviiieAeeT (îiiAiiec.
xe iK^TOK ne <\)'i' eT^toii iiiiautoaviiaiioo. ovoe
IlilAlirOKpATtOp. O'i 02 eCOK reflKÏTOVpO ll(3ll IIKDOV.
<|)l(OT 11(311 ll^lipi 11(311 IIUIIIA eeovAii. f HOV.
IJAp(3ll IIIAp\IIAIAKU)ll X(C) I IT AK|)((JI 1 1 IGIC
iiieiioT ti'if iiiii()Va:ai iimieT^AT. (3qiiH()V exmi
iiiieTeovHT jjeii ovoikoiioiiia beii iiieKKAHCiA tiij>()v
(3eovAii. 0T02 eqei f iiov 2i3:(3ii iiaiiiii mpeq^eu^i irio
(|)f. iimp(3orjVT(3poc ovoe iiii()iia\()(3 irre niuoiiAOTii-
piOII AA.
(3Bp(3q>'J(i)Mi iienKîKOiioo e+noAiG uuai \p(3 uni.
uTeq,"j(orii iiToq^yeBKO iiiiiu. c|>ii (3TA(|utoii iiiioq. (|)H
(3T AiurooAq ^Apoq. OToe Aqca):^ii uaii un(3q(3p(|>iit3i
eoiiAiieq.
T(()li2 IIOaJTeiJ TUpOV 0V02 f 2o (3IKrC bA IIHeTeOVIlT
eepeqi eepiii 63:toq ii>:(3 iiieuoT iitg niiiiiA gbovab.
eiTGii n:xiii3:oG iigli rgiiaaog riipq. .\g kg GAenGoii.
(])on2K n^pAK (3iiiUAiJ6piya)ovx'ji xm mtaigvxh
A2A IKVG Apnq lieu U^A UIIGKOUieeU IIIOVpATIKOU.
eiiiA j)Gii oviiiix-JA eBOA^ireii eu e'reetoKUUAT U(\ipu)Ui.
e:±jeii:±ji iiiiGKpAii iiGU ii(3KUAiiep,'y(()()Viyi eoovAB. ovoe
iiTeqAuoiii uiiGKAAOG j)eii ovTovBo lieu ovueeuui.
ovo? UTe(|iyA^ui eiiiKAiipoG me iiiAnoG. 2iTeu
CONSÉGHATION I)'UN KVÉQur:. 593
HIII(;^,"H;Heil'l' iriM; I I (; K I I () I I () l'(; I I M C li:')ll|)l. IKillO'C MIC
n\c. <|)Ai eT(j.
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epATeil BHIIOV j)(3ll OVOOlilO. 02I epATCll OlIIIO'i- j)(;ll
OT^O-f. TtOB? TUpOV IKillAII IKJII II ICI I KJKOI lOG OTOOVIIT,
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OToe iaape uieniCKonoc coTTeii iiovA:ia: gboa iicecri
weu iieqA:(t>o' ^yApe ne nATcoBe ii-fevAii iixipoAcoiiiA
<|)H GT^On (J>H"B nO-G <\^f nAHTOKpATCOp (|)ICOT
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niOTAI UUATATCJ G IG UnOVUAGtj 0V02 IIATAp\H OVO?
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niATA:tOK. 0V02 GT(rOGI CAH^tOI IIUAVATC| niCO<t)OC
UUAVATq. niAPABOG UUAVATq. IIIABIIAV Gpoq. jiGIJ
TGqcJivcic. niAiiApxoc ovo? q^oii J)atc)T(| iixg niGui.
niAT,"J0pqqGl30VII Oroe IIACVKpiTOC. (|>ll GTCtOOVII
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(|)ii GT^on Idgii iihgtctoci ovo? gtaov^t ga:gii
IIHGTeGBIHOVT. (|>H GTAqf ll2AII20pOC II2AIIGKK.\HCI AC-
TIKOII GBOA2ITGII HGt) LIOIIOrGII HC ll^yiipi. RGHCrC IHG nvp
HGIi ni II 11 A GSOVAB. (|)ll GTAqeOJiy II2AMOTHB IGAGIi
^opn Gepovoei GpATov GnGKAAOG. c|)Ai GTG unGq\a)
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on filOV AO)^ MTAOU IJTG MGKnilA ZVPGUtOn I KOll . (|)ll
ORIENT CHRÉTIEN. 40
594 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
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pAII. UOI OVIJ UllAieUOT IIOTtOT t32pMI 63:611 neKIKOK
iiiLi. (J)Ai 6TtVKOOTnt| ii6nicKonoc eepeqtvuoiji un6Ko?i
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piKi. ovo? qTtoB2 iiAepeiJ TeKU6TArAooc unieeoov iieu
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6qilAIIII 6b0Vll lllllAtOpOII. j)6ll 'hATIA II6KKAHCIA,
A2A <J)KOT ninAIITOKpATCOp 6BOAeiTOTq Ull6K\pC. UOI
WAq iieu6TovciA iJTe n6KiiA 6eovAB. 2(oc Ae eopeq-
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6q'f U2AIIKAHpO(: KATA I l6qOVAeOA2l 1 1 GIimpAAlOII.
0V02 GBOA IICIIAV? IIIB6II 1 1 K AHC I AfîTI KOI 1 . 6ep 2AIIHI
UB6pi ll6VKTHpiOII. 11611 e6pAriAÏJ II II2AI lOVCI ACTUpiOII .
0V02 iiT6q^cju iieqpA iiak Ijeii ovueTp6LipAT^, iieu
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II6U OVlJ6TATApiKI. I JOV^O'i\"JCO'r>y I 6qeOVAB, IIAT(t)eilll-
CIJO(| eBOAH. lUVCTHpiOll IIT6 TAIAIAOHKH MB6pi.
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II6U OVCA,\l IICBCjO. 6ep6qiyCOni IIO'AVUtOIT IIIIIB6AA6T.
II6U OVO'i'CjUllli 1111116^^ l^eu nXAKI lip6q+CBtO IIUIAT2HT.
eqoi iipeq6povcjoiiii J36ii niKoouoc.
6(|^coT 6BOA i.iricA3:i ii'fu6eiiiii. 6qTeiietoii uiioq
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CONSKCHATIO.N d'lN ÉVKQLK. 595
j)cVT?ll IIIIIIIIVI+ llli(}\(;. <|)AI (;TAK(;(;li'l(()r() llllll (-IcW-
(■AAO|>i'r(i'i*iii eiitiii iiiei{oi,"j iirti iii(;VAri*n.\i()ii.
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HTet)a:a) uiiiaiimii i ^'JAq3:a) iiiiAii^^o
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ei^^eil IIGKBCOK (i)AI liri(3K?ll()r IIAp\H(;pATIKOII, 20ll(()(;
iiTeqepiieuii^A erreii iieK'fuA'f. 6A110111 iineK.vAoc jiCiii
OTUBTATApiKI. IIGII 0VTA20 epATq HTOKfJKKMICI A.
XG neoK eT^oii iiiiAHT 1)61^1 neKovto,"j. 0V02 qepnpeni
IIAK li:s:e IIIIAIO 2ITBII OVOII IIIBeil llCill -f lipOOKVIIHCIC.
c|)iu>T 1161.1 n^^npi lieu iiiiiiia eeo'i'AB. 'fiiov.
KOTK OepAK tilieUfJUT Api Cc|)pAriir.M I MTAC|)(; linK|)0^6ll
iiBepi uneKiii:yf iithb r iicon 6Ki:a) uuoc.
eiiecjueeii unAiiiii iihiiickoiioc. JXîIi 'fAruv iieKK.viioiA
nre taiiiu iiiiomo iiiiai \pc. iKiii nececo^y ijeii (^P^v"
U(|)itOT lieu ii^jupi. lieu niiiiiA eeovAB.
UeiieilGA IIAI IIOI2l«)Tt| l|-hcTOAII THpc lliepATIKOll
'fcTOAH IIOTtOB^ -flxOVAAA IIOVCOB^ niUAAIII IIOVtOB^y
eKXco UUOC
OTtuov lieu ovTAio ii+rpiAo eeovAB. (|)icc)t iieu
n^upi lieu niniiA (jgovab. iikaboaiku iiauoctoaiku
iieKKAueiA. qcuApcoovT ij:v:e iicrc <\)f ^a eiiee auhii.
596 REVUE DE l'orient CHRETIEN.
KOTK eneueiiT Apicc|)pAriï.iij iiTA(|)e uni(|>o^eii ueepi
iiiinKiii,"j+ iiTHB !• iicon (3K:xa) uuoc
eiJG«J26u iinictorn iitg <\)i^ nAiiiu iienicKonoc. jjeij
"foVI UUAVATC eeOVAB IIATBCOA eBtOA lieKKAHCliV. MTe
niAeiiAV epoq ovoe eTOiib (^f. irre +uai \pc unoAic
IIT6 iiiopeoAogoc TAiiiii iieii necoo^y.
eovujov lieu ovtaio ii(J)pcVii ii-f nAiiAriA rpiAc. ot?i-
pHNH lieu OTKCjOT IITG i~eKKAHCIA eOOVAB. eOVBLIAlO HTG
eAlieAII IILIHI. lieu 2AIIOHOpn GBOA eVBOVAB. IIGU 2AII-
AtOpOII 6VTOVBIIOTT. GOTAIIACTACIC GB0a]3GII IIHGBUtO-
OTT. eOVApHB IIATTAKO ^^[a] 6IJG2 AUHII.
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iiTe(|3:a) nTAi6T\H epe iieqeo toi eneieivr
Teuîyeneuor iitoik (|>iiHii iitrc (^ir iiiiiAirroKpATU)p.
?iTf3ii etoii iiiBeii lieu beii etoB iiib(3ii. ovoe Teiiciiov
0T02 TGII'fcOOT UriGKpAIJ 600TAB. ^6 AKipi II6UAII II2AII-
UeTIIIX''i~. 0V02 AKXtO^ IITGKACOpfSA lipAllAO 6Aeil
neKBlOK III II. '1611+20 0V02 T6IITtOB2 LIIIOK (1)11 MB CtOT(3U
epoil. 6BO.\2ITeil IIA^AI IIT(3 lieKUt3T^6ll2HT . IIAUA+
?IX61J 'fxipOACOIIIA IITG +ApXH6pOCVII H 6TAC^COni 63:611
neKBOJK riAIIIU. niOCICOTATOC 2IA6II niAIIII 6J)pHI 6A<-Oq
IIT6 neKniiA eeovAB ovoe covtcoii niotoeeii ut6 ri6(|-
A'IlIGtOTII jjeil OTTOTBO II6U OV2IIOT IIT(3 I16KIIIIA
600VAB. 0V02 coTneii iieiiAC) eiiiArAOoii. eopeiiepecoB
o'i'oe UT6IIOM uriiA4>t> HTe niAiiitrcop. eiiiA irreiKn ii6U
OTOII IIIBeil 6Tipi UII6KO'ï'tO^ ICAeiJ n6ll62.
uniB6\e iiTe ninicToc iioikoiiolioc. j)6ii 'fnApovciA
IIT6 neiio^c 0V02 neiiiiov'f". ovo? neiiccoTHp. iik; n\c.
<|)AI eT6.
U6II6IICA MAI ^Ap6 IIAIIA AAtO lipHIIH nACIII. OVO?
^AVTA2o unieniCKonoc iiB6pi epATt| ca oviiiaii uniov-
(JIACTHpiOll 6pe lll6VArr6AIOII 1)611 IM3C|AUIip OVO? ^Ap6
ninAiiA KOT(| eiA6ii niCTuepoiioc iiTeq26UC| ovo?
598 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
^yav.xfi iiinpoAoï'oii iieu ni'l-AAuoc iieu nierArreAiou
KATA +KA2C.
0V02 ^yAC|i enecHT ovoe iiTeqeponiTeAiu ii'fAiiAc|)opA
eeovAii. 0V02 u'reqcri tiBo\l3eii uiuTCTiipiou ovoe
uTecj-f uiJienicKonoc oToe ueiiecojc c|)U)^ uniuiiK iieu
nienicKonoc uBepi ovoe iiTeq-f iiac| eBOA^eii riinoTH-
pioii UT6 nioiioq hoovab ita irreq'f iiAq uneq^yAi.
HTeqTAAO iJTeqoriiiAu e2ceii T6qAc|)e epe oroii
iiiBeii co^ eBo\ XG Agioc Agioc Agioc enicKonoG noAeoc
mu UTOIIOUOAVTHG AV^^AIli- M-teipHIIH «MApti IIIIIAnA
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lieu iJiovHB eovtoov uiio^c.
TRADUCTION
L"archidiacre :
Élevons nos mains au-dessus de l'cvêque.
Que les évoques lèvent leurs mains, qu'ils touchent le nouvel appelé
çà et là, qu'ils posent leurs mains sur ses épaules et que le pape prie,
étant tourné vers l'Occident :
Dieu tout-puissant, et Seigneur de toutes les œuvres, Père
des miséricordes et Dieu de toute force, Toi qui es la force pour
nous secourir, le médecin et le Sauveur, le rempart et le soutien,
notre espérance et notre refuge, la grâce et la lumière, l'attente
et la vie et la résurrection, c'est de Toi que nous viendra la ré-
conciliation et le salut jusqu'à l'éternité.
Tu réconcilies tout le monde; fortifie-nous, conserve-nous,
sauve-nous; protège-nous et sauve-nous , parce que Tu es le
Chef des chefs, et le Seigneur des seigneurs et le Dieu des dieux
et le Roi des rois.
Toi qui as revêtu d'autorité celui que Tu as constitué; et Tu
lui as donné de manifester les choses convenables; c'est Toi
qui es sa sagesse, comme de l'organe de l'Église de ton Christ,
sur laquelle Tu veilles comme sur une bonne épouse.
Car Tu es le Dieu tout-puissant et tout fort; et c'est à Toi
qu'appartient la royauté et la gloire, Père, Fils et Saint-Esprit,
à présent, etc.
Que l'archidiacre dise cette prière :
Que la grâce donne le salut aux indigents , venant en ceux
qui sont assemblés pour l'économie dans toutes les saintes
Églises, et venant en ce moment en tout ministre de Dieu,
prêtre et moine du monastère.
600 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
Pour qu'il devienne évêque de la ville; qu'il soit la récom-
pense de quiconque se repose en lui , que Dieu lui a amené et
qui nous a laissé son bon souvenir (1).
Priez tous et suppliez le Seigneur, afin que descende en lui
la grâce du Saint-Esprit, et que tout notre peuple dise : Sei-
gneur, ayez pitié.
Tourne-toi vers l'autel et dis cette prière :
Seigneur, rends-le digne de ton appel sacré, afin que dans la
dignité qui vient de Toi, très miséricordieux, il serve à ton nom
et à ton autel sacré , et gouverne ton peuple dans la sainteté et
la justice.
Et qu'il obtienne le sort des saints, dans la miséricorde de
ton Fils Unique, Notre-Seigneur Jésus-Christ, celui qui, etc.
Tourne-toi vers TOccident, pose ta main droite sur la tête de l'appelé;
que Tarchidiacre dise de nouveau :
Tenez-vous bien; tenez-vous dans la crainte, tenez- vous dans
la tranquillité, tenez-vous dans l'humilité, tenez-vous dans le
tremblement; priez tous avec nous et les évoques assemblés, et
élevez vos mains.
Que les évêques étendent leurs mains au-dessus de ses épaules, et qu'on
dise la prière de l'imposition des mains :
Seigneur Dieu tout-puissant, Père de notre Seigneur et notre
Dieu et notre Sauveur Jésus-Christ, seul non engendré et sans
commencement, et sur lequel personne ne règne.
Étant dans tous les temps et avant les siècles, sans fin, seul
Très-Haut et seul sage et seul bon, invisible dans sa nature,
sans commencement, et possédant toute science , incompréhen-
sible et indéfinissable, connaissant ce qui est caché, et connais-
sant tout, présent à tout ;
Qui est dans les cieux et considère les humbles, qui a donné
les canons ecclésiastiques par son Fils Unique, Notre-Seigneur
Jésus-Christ et le Saint-Esprit, qui a institué au début des prêtres
(1) Passage assez obscur.
.CONSKCHATIOX d'fN KVKQUE. <)(J1
au milieu de ton peuple, et n'a pas établi son saint li<'u pour
être sans culte ;
Qui s'est plu à être glorifié dans ceux qu'il a choisis. Mainte-
nant répands de nouveau la force de ton Esprit directeur, que
Tu donnas à tes saints apôtres dans ton nom; accorde donc
également cette gTàce à ton serviteur, que Tu as choisi comme
évêque pour paître ton troupeau sacré.
Et qu'il soit un ministre irrépréhensible, et qu'il supplie
auprès de ta bonté le jour et la nuit, conservant ceux qui doivent
être sauvés, et offrant des dons dans la sainte Église;
Père tout-puissant, accorde-lui la participation de ton Saint-
Esprit, afin qu'il ait le pouvoir de remettre les péchés, selon le
précepte de ton Fils Unique, Notre-Seigneur Jésus-Christ;
Déliant, selon son commandement, le clergé de tous les liens
ecclésiastiques; pour faire une nouvelle maison de prières, et
sanctifier les sacrifices : et qu'il multiplie pour Toi son action
dans la mansuétude et avec un cœur humble , t'offrant le saint
sacrifice d'une manière innocente et irrépréhensible , sans effu-
sion de sang, le mystère de la nouvelle alliance; un sacrifice
d'agréable odeur.
L'archidiacre dit : prions :
Daignez, Seigneur, le remplir de vos grâces, de vos grâces mé-
dicinales et des paroles de science, afin qu'il soit un conducteur
pour les aveugles et une lumière pour ceux qui sont dans les
ténèbres, et un docteur pour les insensés, et qu'il brille dans le
monde ;
Qu'il rompe la parole de vérité, qu'il ressemble à un vrai pas-
teur, donnant son âme pour ses brebis, afin qu'il dirige ainsi les
âmes qui se confient en lui , et se prépare aussi lui-même à agir
selon ta volonté sainte, et trouve ainsi la comparution avec con-
fiance devant le tribunal de crainte, et reçoive la grande ré-
compense que Tu as préparée à ceux qui ont adoré dans la pré-
dication de l'Évangile.
Quant à moi. Seigneur, purifiez-moi de tous les péchés d'au-
trui , et délivrez-moi des miens propres , par la médiation de
ton Fils unique, notre Seigneur et notre Dieu et notre Sauveur
Jésus-Christ, celui qui, etc..
602 REVUE DE L ORIENT CHRETIEN.
Ayant fini, qu'il se tourne sur l'autel du côté de l'Orient, qu'il dise dix
fois Ainsi soit-il, et qu'il récite cette prière :
Regardez -nous, Seigneur, ainsi que notre cérémonie, et
purifiez-nous de toute souillure; répandez sur votre serviteur
votre grâce très sacrée, afin qu'il soit digne par votre volonté
de paître votre peuple d'une manière irrépréhensible dans votre
Église;
Car vous êtes miséricordieux dans votre volonté ; et que tout
le monde vous rende le sacrifice et l'adoration, à vous le Père,
au Fils et au Saint-Esprit. A présent, etc.
Tourne-toi vers l'occident, signe trois fois la tête de l'ordinand avec ton
grand doigt en disant :
Nous t'appelons évêque, dans la sainte Église de la ville et de
sa province, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit.
Après cela revêts-le de l'étole blanche, de la mitre (1) blanche et du pal-
lium blanc en disant :
A la gloire et à l'honneur de la sainte Trinité , le Père, le Fils
et le Saint-Esprit; de l'Église catholique et apostolique. Que
Dieu soit béni dans toute l'éternité. Ainsi soit-il.
Tourne-toi vers l'occident, signe trois fois la tète de l'ordinand avec ton
grand doigt en disant :
Nous t'appelons choisi de Dieu, évêque, dans la seule sainte
et indissoluble Église du Dieu invisible et vivant, de cette ville
orthodoxe et de sa province.
A la gloire et à l'honneur du nom de la très sainte Trinité;
pour la paix et l'édification de la sainte Église; à la justification
du jugement de la vérité, et de la sainte révélation; et pour les
dons sanctifiés, et pour la résurrection d'entre les morts; comme
gage incorruptible dans toute l'éternité. Ainsi soit-il.
Le peuple : digne, dig7ie, digne.
L'archidiacre dit :
(1) Dans le texte il y a le mot kova\A qui est évidemment le latin cuculla.
On sait, en effet, que la mitre des évèques dérive d'un capuchon (cuculla) dont
les gens de peine se couvraient la tête.
CONSÉCRATION d'uN ÉVÉQUE. G03
Prions tous :
Seigneur, ayez pitié de nous.
Prions pour la seule catliolique et apostolique Église, laquelle
s'étend d'une extrémité à l'autre de l'univers; prions Dieu en
disant :
Seigneur, ayez pitié de nous.
Prions pour la miséricorde et la paix de nos âmes en disant :
Seigneur, ayez pitié de nous.
Prions pour notre saint Père, honoré par Dieu, l'archevêque;
prions tous Dieu pour lui en disant :
Seigneur, ayez pitié de nous.
Prions le Saint-Esprit de descendre sur cet évêque choisi,
avec l'imposition des mains de la distinction; prions le Dieu de
gloire dans l'abstinence ; disons tous :
Seigneur, ayez pitié de nous.
Prions Dieu de nous rendre dignes de cette haute vocation ;
prions tous, nous qui sommes réunis, et ceux qui ne sont pas
réunis avec nous, en disant :
Seigneur, ayez pitié de nous.
Après cela, que le pape dise : La paix soit à tous. — Qu'il dise cette
prière, tourné vers l'Orient :
Nous te rendons grâce. Seigneur, Dieu tout-puissant en tout
et pour tout, et nous bénissons et glorifions ton saint nom, car
Tu as fait avec nous de grandes choses, et Tu as répandu les
dons de ton amour sur ton serviteur ; nous te prions et supplions ,
Seigneur, exauce-nous, à cause de la multitude de tes miséri-
cordes; viens dans l'imposition des mains de l'épiscopat, qui a
été dans ton serviteur, très saint dans la descente de ton Saint-
Esprit en lui, et dirige l'appelé de ton choix dans la pureté et
la grâce de ton Saint-Esprit; et choisis-nous avec lui pour le
bien, pour que nous agissions et arrivions à la possession du
talent et portions aussi tout le monde à faire ta volonté pour
l'éternité ;
Pour la récompense du fidèle économe, dans la venue de
604 REVUE DE L ORIENT CHRETIEN.
notre Seigneur et notre Dieu et notre Sauveur Jésus-Christ;
celui qui, etc...
Après cela que le pape dise la paix à tout le monde et qu'on place
l'évêque à la droite du sanctuaire , TEvangile sur la poitrine , et que le
pape retourne à son trône, et qu'on dise le prologue (1), le psaume et
l'Évangile selon la coutume.
Ensuite qu'il descende, et accomplisse la sainte liturgie, et qu'il prenne
le mystère et en donne aux évoques ; et après qu'il rompe le pain avec le
nouvel évêque, et qu'il lui donne le calice du précieux sang.
Qu'il pose sa main droite sur sa tête pendant que tout le monde crie :
« Digne, digne, digne l'évêque de la ville » : qu'ils donnent la paix, que
le pape dépose son étole sacrée, et revête l'étole noire; pendant ce temps
le clergé psalmodie selon l'ordre (2) , dans l'entrée dans rassemblée (3) ;
qu'ils disent les prières; qu'ils donnent la seconde paix; que le Pape, les
évêques et les prêtres lui donnent la paix pour la gloire de Dieu.
(1) Ce sont les premiers mots d'un tropaire qui a prêté son air à un autre
tropaire; ils répondent donc à notre formule : sur Vair de.
(2) Je traduis ainsi kata opAIIIOII^ dont je ne suis pas sûr.
f3) CTIIKpiTOC?
D-- V. Er.moni.
{A suivre.)
NEUF CHAPITRES
DU << SONGE DU VIEL PELERIN >
DE PHILIPPE DE MÉZIÈRES
RELATIFS A L'ORIENT
{Suite) (1)
LE XIP CHAPPITRE.
Comment Vérité la roj-ne et les clames passèrent par le pais de Femenie et vin-
di'ent en Tartarie, et comment elles furent receues du grant Caan et de ses
très grandes citez, et comment elle passèrent en Caldée et en Perse, en la
grande et petite Arménie, et aussi en Turquie, et des povres Crestiens en
diverses sectes qui là sont en servaige.
Les dames passeront oultre en la terre et ysie de Femenie (2)
vers Orient tendans [fol. 69 v°] vers la Tremontainne; et trou-
Ci) Voy. p. 304.
(2) 11 est inutile de chercher à déterminer ce que Philippe de Mézières entend
par le pays de Femenie dans lequel les femmes seules avaient le droit de vivre.
C'est la fable des Amazones qui a été conservée sous une forme légèrement
différente de celle que l'on trouve dans l'antiquité classique par les historiens du
Moyen Age. L'Arioste {Orlando furioso, chant XIX et XX) place cette contrée
légendaire en Syrie dans les environs du golfe de Laïas, et c'est dans ce pays
que se passe un des épisodes les plus tragiques de son roman. Ilraconte qu'après
la guerre de Troie, les Grecs, étant revenus au bout de vingt ans auprès de leurs
femmes, trouvèrent qu'elles n'avaient pas su leur rester fidèles. Ils leur par-
donnèrent, mais chassèrent les enfants qu'elles avaient eus pendant leur absence.
Phalante, le fils de Clytemnestre, arma un navire et se lit pirate avec cent de ses
compagnons d'infortune; les Cretois, qui venaient justement de chasser leur roi
Idoménée, prirent à leur solde Phalante et le chargèrent de garder Dictyme, qui
était l'une des villes les plus tlorissantes du royaume de Crète. Les jeunes Grecs se
marièrentavec les Cretoises, mais quandla paix fut rétablieet que par conséquent
ils ne reçurent plus de solde, ils furent obligés de se rembarquer; leurs femmes
606 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
verent que par vile lâcheté des hommes, les femmes se ar-
moient et villainnement gouvernant deffendoient leur royaume,
cest leur isle, et nul homme n'y osoit arrester fors tant seule-
ment pour engendrer enfans; et quant elles estoient grosses,
les hommes n'y povoient plus arrester, et quant leurs enffans
estoient grans avant qu'ilz peussent porter armes elles les met-
toient hors de leur ysle. Les dames sans faire grant enqueste
passèrent oultre et entrèrent en Tartarie (1) en la seignorie du
grant Caan et entrèrent à Catay (2), et vindrent en une grant
ne voulurent pas les abandonner et quittèrent tout pour les accompagner. Pha-
lante et ses compagnons étant arrivés en Syrie trouvèrent que ces malheureuses
les gêneraient ]>our exercer leur métier de pirates et les abandonnèrent. La
femme de Phalante, Orontée, décida ses compagnes à s'établir dans le pays,
mais pour venger le lâche abandon dont elles avaient été les victimes elle arrêta
que tout homme qui aborderait chez elles serait impitoyablement massacré.
Plus tard elles en gardèrent un pour dix femmes de façon que leur race ne dis-
]iarùt point. La garde du royaume était confiée à un chevalier qui devait avoir
triomphé de dix hommes dans une seule journée. Ce fut lalille d'Oroutée, Alexan-
dra, qui amena ce relâchement à la règle inexorable des premiers jours.
(1) La Tartarie des historiens et des géographes occidentaux du Moyen Age
n'est point un pays à frontières et à limites bien déterminées; ce nom désigne tout
l'ensemble des pays qui étaient habités par les Tartares ou Tartres, c'est-à-dire
une grande partie de la Russie, toute la Sibérie, le Turkestan et presque toute
la Chine. Les mêmes auteurs donnent le nom de Tartares ou Tartres à toutes les
populations très différentes de race et de religion qui habitaient dans cette im-
mense étendue de pays ; parmi ces populations, il y avait des Jlongols, des Turks,
des Chinois, et d'autres éléments ethniques moins importants. Le grant Caan de
Tartarie est l'empereur mongol de Chine; on sait qu'à la mort de Djingiz-Khan,
l'empire mongol fut divise' entre ses quatre fds : Ogotaï lui succéda comme Em-
pereur de Chine et suzerain de tous les autres princes; Djoudji, qui était l'aîné,
eut toute la partie occidentale de l'empire qui est connue dans l'histoire sous le
nom de Khanat de la Horde d'Or: Djagataï eut pour sa part l'empire de Kara
Khitai ; Toulon, le plus jeune, devint souverain du reste de la Tartarie et ses des-
cendants s'emparèrent de la Perse.
(2) Transcription du mot Khila, IJa^k, ou Khitaï, ^LLà., qui chez les liisloriens
musulmans désigne la Chine du Nord et par extension toute la Chine. Les au-
teurs occidentaux du Moyen Age racontent sur ce pays dont ils n'avaient qu'une
connaissance très imparfaite des choses extraordinaires. Le Boiardo, auteur de
VOrlando inammorato, cite dans ce poème plusieurs tribus turques et mongoles
(|u'il place d'ailleurs au hasard dans l'immensité de la Tartarie. Ces noms se
trouvent au chant V du second livre. Boiardo y raconte comment Angélique,
Mlle deGalafron et sœur de l'Argaïl, se trouve assiégée dans sa capitale Albraque
par tous les souverains de l'Asie sous le commandement de l'empereur de tous
les Tartares, Agrican ; parmi eux il cite le chef des Kéraïtes, des Karacathaï,
de Congoras, le i-oi de Mugal, le roi de Niron Cayat, de Tendouc, de Jageras, de
Courlas, de Karacorom; un peu plus haut il parle des Kalmouques et des No-
gais, et du Capchac. Karacorom, ijui est le nom de la ville bien connue de
NEUF CHAIMTRKS DU « SONGK DU VIKl- PKLKItl.N ». (J(.)7
cité qui a nom Saray (1), l'une des grans cité du monde, et de
la vindrent a Cambalecli, souveraine et grande cité du grant
empire de Tartarie et demeurance royale du grant Caan. Par
tout furent bien venues de prime face, et avoient les dames
une coustume que tantost qu'elles estoient arivées en aucune
cité ou chasteau, elles mandoient leurs chambrières pour tout
j.j,j3U3, Karakoroum, « le sable noir », est également le nom d'un désert. Les
autres sont des noms de tribus ou de royaumes. Les Kéraïtes sont les ^J^j\S
de Raschid-ed-Din, d'Aboul Ghazi Behadour-KIiaii el de Mirkhoud. Cette tribu
était l'une des plus importantes de Tartarie, et elle jjarait avoir embrassé
le Christianisme de très bonne heure. Ils habitaient près de l'Onan et du Kelou-
ren ; le Kara-Khitai ou la « Chine noire », ^uà-Ui, est le nom d'un royaume
trop célèbre pour qu'il soit utile d'en parler plus amplement ici. Les Congoras
sont les Konkoural,^^\jSJ3; Mugal représente la prononciation exacte du nom
propre jj*^, Moghul; le nom de Kiroun Cayat se compose de deux éléments :
Niroun, le ,^j^ de Raschid ed-Din qui désigne les Mongols de race pure,
c'est-à-dire ceux qui descendent d'Alankava, et de Cayat qui est une trans-
cription très exacte de >,^^, nom d'une tribu mongole et pluriel mongol régu-
lier de Kiyan, .,13, nom de l'ancêtre éponyme de cette tribu; les Tandouk ne
peuvent guère être que les Tankgout, Tamjoul^ ^^;_^\jl\j, les Ho-si des historiens
de la Chine, les tribus des Courlas, des Kalmouques, des Nogais et des Kiptchak
sont bien connues. Je ne sais quel nom turc se cache sous la transcription de
Jageras.
Les noms des souverains de ces pays sont de pure fantaisie; il n'y a guère
que celui d'Agrican qui pourrait recouvrir un nom réellement turc, le dernier
élément est sans doute khan, .,Ui., onkaan, .,''i. « empereur ». Le premier élé-
ment du mot est beaucoup plus obscur; faut-il y voir une altération de tengri,
^jSi\i, lagri, ^j^^, " tlifu » "Mi se pourrait également qu'il faille le i-appro-
cher du nom de Djagri, ^ji^, qui a été porté par un des ancêtres des sou-
verains Seldjoukides; on sait que les Seldjoukides étaient des Turcs.
L'Arioste est plus sobre que le Boiardo en ce qui concerne la géographie de
l'Asie; il semble d'ailleurs l'avoir moins bien connue que le vieux poète. ^Les deux
principaux personnages asiatiques qui paraissent dans ÏOrlando furioso sont la
belle Angélique, reine de Cathay, et Marphise, reine de Perse ; du reste, il est cer-
tain que l'Arioste n'avait sur ces contrées que des notions extrêmement vagues,
comme la plupart de ses contemporains. Ils connaissaient mieux l'Afrique du
Nord et la Syrie, quoique là encore il leur arrivât de commettre des erreurs co-
lossales. Le Boiardo parle très sérieusement d'un individu (|ui s'embarqua à
Damas pour regagner rEurop(\
(1) La ville de Sarai ou Serai, ^L.w, n'était nullement située dans le pays de
Khita, c'est-à-dire en Chine, mais bien sur la Volga, dans une plaine à deux ou
trois journées de marche de la mer Caspienne; non loin de là se trouvait la ville
deBolghara, à deux heures de distance de la rive du fleuve: (>lle était la résidence
d'ét(^ des Khans du Kiptchak; la ville d'Okak était située dans le voisinage entre
Sarai et Bolghara.
608 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
espier, se elles porroient trouver personnes et lieux où elles
peussent prouffiter ne prester à usure de leurs riches besans.
Et briefment es dictes deux grans citez qui sont plus grandes
quatre fois chascune que n'est le Caire en Babilone, selon ce
que me raconta ung mien amy espicial, espellé Bargadin (1),
nez de Mez en Lorrainne, qui avoit demouré huit ans en la cité
de Cambalech (2), les dictes chambrières trouv erent que ma
dame Alegresse, Amoureuse et Bonne Aventure y povoient bien
lever leur forge, car justice, paix et miséricorde y régnoient
plus que en nul autre royaume [fol. 70 r°] qu'elles eussent passé,
excepté la terre des Bragamains. Vray est, selon ce, que rap-
portèrent les chambrières, la Riche Précieuse Vérité n'y estoit
pas bien honnorée, car en lieu de lui les habitans du pais avoient
eslevez pluseurs ydoles esquelles ilz recommandoient leurs
besans, et pour riens se traveilleroit Vérité la royne de la
arrester, combien que ses compaignes y eussent grant seigno-
rie, laquelle ne valoit riens puis qu'elle estoit au préjudice de
Vérité leur maistresse. En celle saison que noz dames se trou-
vèrent à Chambalech, le grant Caan de Tartarie n'y estoit pas,
car il estoit le temps d'esté auquel il est tousjours a tout son
host enmy les plains de Tartarie. La royne Riche Précieuse à
la requeste de Ardant Désir et de sa seur, les dames prinrent
leur chemin, Ardant Désir comme guide, faisant son office, et
(1) Ce Bargadin, natif de Metz, n'est point connu par autre part. Ce que dit
ici Philippe de Mézières n'a rien d'impossible et il arriva plus d'une fois que
des Européens, forcés de s'expatrier, allèrent se réfugier à la cour des souverains
orientaux. La faveur dont Jlarco Polo jouit à la cour de l'empereur de Chine
Koubilaï-Kaan est la meilleure preuve de l'accueil bienveillant que les Blongols
faisaient aux Eui-opéens qui venaient chercher fortune en Extrême-Orient. On
sait qu'à une époque beaucoup plus rapprochée de nous, un artiste originaire de
Bordeaux, nommé Austin ou Augustin, construisit le célèbre monument connu
sous le nom deTadj, que l'empereur Shah Djihan (It élever àAgra à la mémoire
de sa favorite.
(2) Transcription du mot turc ^^^'•^ _,là., A7i«H balik, ■< la ville du Khan »,
nom qui fut donné à la ville de Pékin sous le règne de la dynastie mongole; elle
s'appelait aussi Taitou. La capitale de la Jlongolie proprement dite était Kara-
Koroum, qui, suivant Guillaume de Riibruck, était très petite et sans importance.
Khanbalik, qui est souvent appelée Cambalu dans les historiens occidentaux,
avait une tout autre étendue et elle était l'une des plus vastes cités de toute
l'Asie. Il ne faudrait pas croire cependant que Cambalu soit la forme adoptée
par les historiens du 3Ioyen Age; elle n'est qu'une altération paléographique
très facilement explicable de Canbaiic, produite par l'ignorance des copistes,
ou, ce qui est plus grave, par celle des éditeurs modernes.
NEUF CIIAI'ITIIKS DU « SONOK DU VIKU l'KUKIÎIN ». 009
tant cheminèrent que elles vindrent en l'ost du grant Caan; et
pour leur grant beaulté et leur plaisant manière du grant Caan
en ses grans tentes et pavillons (1), elles furent grandement
receues et noblement honnorees. Et est assavoir que le grant
Caan avoit en son service et en son liost ung mi lion d'ommes
à cheval, et estoit logié en my les champs en une cité porta-
tive faicte de tentes et de pavaillons si grande et si merveil-
leusement composée par rues, par mestiers et offices, et close
de beaulx murs et de tours faictes de toi lie à ung petit fossé
tout entour, que c'est une très grant merveille nom pareille à
autres. Et demeure le grant Caam en laditte cité [fol. 70 v°]
portative trois mois ou environ, tant que les pasturaiges d'en-
tour son host durent, alentour XX lieues sont tous maingiés. Le
grant Caan, quand les pastures des chevaulx sont faillies, il se
part de là à tout son host, et va par aventure à trois ou à
quatre journées en pais plantureux, querant les rivières, et
tantost que le grant Caan est où il doit arrester, il treuve celle
mesme cité portative en forme et en manière sans nulle dif-
ferance, comme elle estoit au lieu dont il estoit party. Se noz
dames furent bien receues de prime face, comme celles qui
venoient de paradis terrestre et reluisoient toutes, nul n'en
doit faire doubte. Mais les chambrières de la royne et des dames
ne furent pas oyseuses. La balance de Vérité la royne fut là
maintes fois embesoingnée, et le rain d'olivier de madame
Alegresse fut porté par tout l'ost pour veoir s'il se tiendroit
tousjours en sa fresche couleur. Mais quantes fois l'Amoureuse
de la clef d'or ouvrist les hospitaulx et la porte du cuer de la
gent tartarique et Bonne Aventure aussi de son espée à deux
trenchans faisoit ses ensais. Les chambrières de l'autre part
aydans leurs maistresses chascune forgeoit à son povoir, Ar-
dant Désir et Bonne Espérance sa sœur, confortans du tout
(1) C'était en effet riiabitiulc qui s'est conservée jusqu'à nos jours chez les
princes mongols et turcs d'avoir deux campements, l'un pour riiiver. nommé
kishlak, ^-ld.9, l'autre pour l'été, appelé yailak, ^-v^. Les Mongols, qui
n'avaient point de maisons fixes, habitaient, au témoignage de Guillaume de
Rûbruck, du frère Jean de Plan-Carpin, de ÏNhirco Polo et d'autres voyageurs,
dans des tentes dont les plus gj-andes pouvaient atteindi-e jusqu'à 10 mètres de
diamètre et qui étaient voiturées sur des chariots de telle sorte qu'on les trans-
portait où l'on voulait, comme le dit très bien Philippe de Mézières.
OUIENT CHUÉTIEN. 41
610 REVUK DE l'orient CHRÉTIEN.
leurs bonnes pensées la Sainte Alkemie. Et pour abregier le
voyage de Vérité la royne et de sa belle compaignie et la cause
du grant Caan de son grant host devant la royne séant en son
trosne royal sans riens laissier bien ventilée, combien que les
m dames en l'ost eussent grant seignorie, [fol. 71 r°] touteffois
il fut trouvé que la monnoye du grant Caan, laquelle estoit
de cuyr et de fort papier (1), n'estoit pas de bon aloy, et que
pis est, en l'empraintte des besans du grant Caan le signe de
Thau pour Alkemie, que on y sceust faire, n'y povoit estre
trouvé. Et pour ce fut dit par arrest par la bouche de la royne
que elles ne demouroient plus avec le grant Caan. Si se parti-
rent de luy et vindrent en Perse, passans par le royaume de
Modes, et vindrent en Caldée, et passèrent par la grant Babi-
lone et par la tour de Babel, et de là vindrent en la grant
Hermenie, et après en la petite Hermenie (2), et par tout trou-
vèrent en leur monnoye que Thau n'avoit nulle seignorie.
Vray est qu'elles trouvèrent au my lieu de ses trois générations
dessus dictes, une povre gent qui languissoient en servaige et
portoient crois noires en leurs habis. Ces povres gens languis-
sans estoient de pluseurs sectes. On appelloit les ungs Georgins,
(1) La monnaie usitéo dans tout l'empire du grand Caan était en effet for-
mée de feuilles de papier très épais et feutré, des deux côtés duquel on impri-
mait la valeur qu'elles représentaient et le sceau de l'empereur alors régnant.
Ces billets de banque portaient le nom de tchao : « Il fait faii'e une telle mon-
noie, dit Marco Polo (éd. Pauthier, p. 320), comme je vous diray; que il fait
prendre escorces d'arbres; c'est de mouriers dont les vers qui menjuent les
feuilles font la soie... Et prennent une escorce soustil qui est entre le fust de
l'arbre et l'escorce grosse dehors et est blanche. Et de ceste escorce soustil
comme papier le font suite noires. » Cette monnaie avait cours forcé dans tout
l'empire du grant Caan, et quand elle était usée à force de servir, on l'échan-
geait contre de la neuve moyennant le paiement d'un droit de 3 à 4 pour cent.
Quand le sultan mongol de Perse, Oeldjaïtou, eut gaspillé tout l'argent du tré-
sor royal, son vizir lui conseilla d'adopter le papier-monnaie qui était usité
en Chine et de lui donner cours forcé en prohibant tout autre numéraire. La
première émission de ces billets eut lieu à Tebriz et elle souleva une terrible
émeute qui menaça de s'étendre à toute la Perse. Oeldjaïtou-Khan fut obligé de
rapporter son édit et de choisir un autre moyen de rétablir ses finances.
(2) Il est presque inutile de dire qu'il s'agit ici du royaume de la petite Ar-
ménie dont la capitale est appelée Sis par les historiens musulmans. Les rois de
ce pays sont toujours appelés par les mêmes auteurs « ebn-Laon », fils de Léon.
Contrairement à ce qu'avance Philippe de Mézières, les Arméniens du pays de
Sis étaient de fort bons chrétiens, comme d'ailleurs les Éthiopiens, et ils ne
cessèrent de lutter contre les Musulmans pendant toute la durée des croisades.
NEUF CHAI'ITHES DU « SONflK DU VIKI. l'EIJORlN ». 611
les autres Jacobins et les autres Notliorins (1) qui ne croient
pas que la doulce fleur qui porta le fruit de vie soit vierge; et
d'autres y a qui ont nom Coptins (2). Laroyne Riche Précieuse
fist enquerre de la monnoye de ceste povre gent, et fut trouvé
que en leur besant le signe de Thau estoit non pas bien formé
et que pis est, dessus le Thau n'avoit point de cheville, ne de
superscripcion (3), si passèrent oultre noz dames en poursui-
vant leur voyaige. Passèrent en Asie la Minoir et parmy le
Royaume de Messopotanie, parmy toute la Turquie, et trouvè-
rent les lieutenans des III dames [fol. 71 v°] qui leur firent bonne
chiere, comme on fait aux pèlerins trespassans, et entre les
autres Bonne Aventure y trouva grant accointance.
LE XIIP CHAPITRE (folio 71 verso).
Comment la Riche F*récieuse et tout sa belle compaignie vint en Surie et puis en
Egypte : et comment les trois dames trouvèrent bien place pour forgier bons
besans, mais la royne le contredit pour une grant tirannie qui régnoit en Egypte,
en recordant les très grands biens qui iadis se faisoient en la perfonde Egipte
en une cité dont Saint Ihcrome en la vie des pères fait une belle narracion.
Sur ce que le Thau entre les Turcs estoit en grand vilté, les
dames se partirent de la haulte et basse Turquie, et vindrent en
Surie, et passèrent parmy Halep, Rohais (4), Anthioche et Da-
(1) Géorgiens, ce qui n'est point du reste le nom d'une secte, mais bien celui
d'un peuple qui habitait la Géorgie et auquel les ftlusulmans donnent le nom de
Kurdjs; Jacobites et Nestoriens. Nestorius prétendait que les deux personnes
qui se trouvent en Jésus-Christ n'étaient point hypostatiquement unies, mais
que chacune d'elles avait une existence absolument indépendante de l'autre. Il
disait de plus que celle des deux personnes de Jésus-Christ qui était née de Marie
n'était pas Dieu. Eutychius, chef de la secte des Jacobites, soutenait, à l'inverse
de Nestorius, qu'il n'y avait qu'une seule personne et qu'une seule nature en
Jésus-Christ ; c'est par suite de ce fait que les Jacobites sont communément ap-
pelés Monophysites.
(2) Les Coptins sont les Coptes d'Egypte qui étaient Jacobites; on voit que les
connaissances géographiques de Philippe de Mézières étaient plutôt vagues.
(3) Autrement dit que le Christianisme de ces sectes représentait une doctrine
altérée et qu'il différait profondément du dogme admis par l'Église romaine.
(4) Rohais est la ville que les auteurs musulmans appellent er-Rohâ: les Ar-
méniens lui donnent le nom d'Ourfa ; elle est plus généralement connue en Oc-
cident sous le nom d'Édesse.
612 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
mas, et puis entrèrent en la Terre de Promission et parvin-
drent en l'ancienne cité de Salem qui à présent est appellée
Iherusalem (1), en Ja quelle le père de la royne Riche Pré-
cieuse fut occis pour ses brebis. Et pour abrégier le voyaige,
elles trouvèrent que le sépulcre du Grant Maistre (2) de la
monnoye estoit tenu en grant vilté des habitans du pays et que
le riche signe de Thau estoit mis entre eux en grant servaige,
et a drasmes vendu, dont Ardant Désir en getta maintes larmes.
La royne se partist et vint en l'ancienne cité de Gadres (3) là
ou Sanson le fort abatist le palais dont il fut mort avec les
Philistiens, et de là passa la royne par les désers, et vint en
Egipte au Caire et jusques au Soudan. Et quant à madame
Apparance contraire à la chambrière (folio 72 recto) de la royne
Vraye Existance, elles furent bien receues et bien logiées, qui
veist lors les chambrières aler en conqueste, et par vrais
tesmoings faire enqueste secrète et les trois dames aussi en per-
sonnes nulle ny aloit faignant, et quant ce vint a ventiler la
cause devant Vérité la royne, les chambrières d'Alégresse dirent
que elles n'avaient trouvé ne barbacane, ne chasteau, ne forte-
resse, ne aucun olivier sec, ne chose nulle par laquelle Alégresse
en la terre du Soudan ne peust bien lever sa forge. Les cham-
brières de l'Amoureuse dirent que la clef de leur dame faisoit
bien son office et qu'elles n'avoient trouvé en tout le Caire ung
mal vestu, ne meshaigné en la rue ne aucun malade et que les
hospitaux estoient tous ouvers et plains de malades biens servis,
(1) C'est l'historien juif Flavius Josèphe (jui raconte ((ue Melchisédech l'oada
la ville de Salem et qu'elle devint i)lus tard Jérusalem [Yérouschalaïm). Cette as-
sertion n'est pas à l'abri de toute objection, mais il n'est pas étonnant qu'on la
retrouve dans le Songe du Viel Pèlerin, car les auteurs de cette époque ne con-
naissaient guère le texte hébreu de la Bible; ils ne lisaient que les ouvrages
classiques ou plutôt écrits dans les langues classiques, soit directement pour
les textes latins, soit, ce qui était le plus habituel, avec l'intermédiaire d'une tra-
duction latine pour les textes grecs.
• (2) A l'époque de Philippe de Mézières, la Syrie, qui n'était qu'une des pro-
vinces de l'empire égyptien, obéissait au sceptre des sultans (soudans) de la dy-
nastie turque des Jlamlouks. En 14ri5, date de sa mort, régnèrent deux sultans cir-
cassiens, el-Melik-el-Naser-Feredj, fils d'ed-Daher-Barkouk, et el-Melik-el-JMansour-
Abd-el-Aziz, également fils d'ed-Daher-Barkouk. Le souverain de la grande Tur-
quie dont il est parlé plus haut était Schah-Rokh-Sultan, fils de l'émir Timour
•Kourkan que les historiens de la Perse appellent « Sa Majesté l'Empereur fortuné »,
(o) Altération du nom bien connu de la ville do Ghaza.
NEUF CHAPITRES DU « SOXriE DU VIKU l'HLKKIN » G13
les ungs garis et les autres en convalescence. Et au derrain les
chambrières de Bonne Aventure dirent que l'espee de leur
maistresse en toute la terre du Soudan faisoit de beaux explois,
et que l'undisoit à l'autre : « le n"ay paour des larrons, car ce
que i'ay est mien. » Mais quant aux chambrières de Vérité la
royne, c'est assavoir Hroicture et Assistance, Humilité et Cons-
tance, ne firent pas telle relacion, mais dirent : « Tout en appert,
il n'est pas or tout ce qui reluit. » Droicture dict : « Les Me-
goulles (1), ce sont les Tartres, occisans et gouvernans les
josnes Soudans ont usurpé sa seignorie par faulceté et par
tirannie, et faignent de bien gouverner le Soudan et la chose
publique, mais chacun boute en son sac et tire eaue à son
molin. » Les (folio 72 verso) dames se partirent d'Egipte la
basse et entrèrent en Egipte perfonde, si comme leur guide
Ardant Désir les menoit, et passèrent par cette famouse et
iadis bien eurée cité de laquelle de sa loenge saint Iherome
glorieux docteur recorde et de veue au livre des sains Pérès
d'Egipte, que en ladicte cité avoit 20.000 hommes et leurs
femmes qui menoientvie si religieuse qu'il sembloitque laditte
cité estoit ainsi régulée comme ung monastère de moysnes. La
royne Vérité lors y régnoit, et les III dames avoient plaine sei-
gnorie. La foy catholique y tlorissoit et rendoit fruit à cent
doubles; charité se oit en son throsne en sa grant magesté nul
poure ni si trouvoit ne nul herege et tous les biens de l'un
estoient les biens de l'autre; ils ne savoient que c'estoit de
guerre, de riote, ne de malviolence et habondoient en tous biens
(1) Les Megoulles sont les peuples que nous appelons généralement ilongols
ou Mogols et dont le nom réel est Moghol, J^-» ; Tartres est l'appellation sous
laquelle les historiens du Moyen Age occidental connaissent les peuples que les
annalistes persans et arabes appellent Tatar, XJ\j et JaJ» et les chinois Ta-ta,
Les occidentaux, de même que les Musulmans, confondent sous le nom de Tatars,
Tartarins ou de Mongols, toutes les peuplades, turques et mongoles, tongouseset
chinoises, qui composaient les armées de Djingiz-Khan et de Tamerlan. Pour
l'étymologie de ces noms et leur emploi abusif, on peut voir dans la Revue Ar-
chéologique, année 1898, l'article intitulé Les Inscriptions turques de VOrkIion.
Ce que dit Philippe de Mézières peut se comprendre de deux façons : dans la
première, qui est la plus vraisemblable, les Jleglioulles ou Tartres qui oppri-
ment les jeunes sultans sont la garde impériale, VàHalka, qui était presque exclu-
sivement, on pourrait même dire exclusivement, composée de Turcs et de Mon-
gols achetés en Sibérie et dans la Russie d'Europe du Sud, alors i)euplée de
populations kipschakes et autres de même race. On sait qu'en etïet les sultans
614 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
temporels et espirituels. Et dit saint Iherome que a très grand
peine, il et ses compaignons se peurent partir de la dicte cité
pour la grant cliarité et doulce liumainité que les citoyens leurs
faisoient. Vérité la royne très passant par la dicte cité fist
faire ses enquestes comme elle avoit accoustumé et ne trouva
riens des grans biens dessusdiz ne le signe de Thau en toute
celle contrée, la Mer Rouge costoiant et après le fluve du Nil
montant.
(^1 suivre.) Ed. Blochet.
manilouks du Caire, tant de la dj-nastie bahrite que tle la dynastie bordjite qui
lui succéda, étaient les prisonniers de ces turbulents prétoriens, plus redoutables
encore que les Janissaires de l'empire osmanli. On pourrait également com-
prendre que ce sont les révoltes de ces Meghoulles ou Tartres qui avaient amené
l'état révolutionnaire auquel Philippe de Mézières fait allusion. La milice turque
des Mamlouks fut instituée par le sultan ayyoubite el-Melik-es-Saleh-Nedjm-ed-Dîn
Ayyoub, petit-neveu du sultan Salah-ed-Dln. Cette milice ne tarda pas à prendre
une importance tout à fait exagérée en Egypte et le 2 mai 1250 le dernier sultan
ayyoubite du Caire, e -Melik-el-Moaziem-Touranschah, périssait victime d'une ré-
volution qui donna le trône à l'un de ces soldats de la garde. C'est probablement
à cet événement que Philippe de Mézières fait allusion.
MÉLANGES
BENOIT XIV ET L'ÉGLISE COPTK
L'union solennellement acceptée à Florence par André, abbé
de Saint-Antoine, représentant du patriarche copte, Jean XI,
ne produisit pas les résultats qu'on espérait. Jusqu'à la moitié
du seizième siècle, l'histoire n'a conservé le souvenir d'aucune
relation de l'Église égyptienne avec Rome. Il est à croire que
les vieux préjugés et l'ignorance eurent bien vite raison des
engagements pris devant le concile, et que les Coptes, en ma-
jorité, revinrent à leurs anciennes erreurs. On ne s'expliquerait
pas autrement les instances des Papes auprès des patriarches
d'Alexandrie pour les engager à signer une profession de foi
nettement catholique et à reconnaître la suprématie du Pontife
romain; Pie IV, Grégoire XIII, Clément VIII, Innocent XII
employèrent dans cette tâche toute l'industrie, toute la man-
suétude et toute la patience désirables. Nous en avons pour
preuves les missions confiées à l'évêque Ambroise et plus tard
au Père Christophe Rodrigue, jésuite espagnol, qui échouè-
rent (I56I), comme aussi le concile de Memphis (I582-1.j83)
et les mesures prises par Clément VIII, en faveur des chrétiens
d'Egypte (1594). La crainte de certains personnages intrigants,
les persécutions des Turcs, la difficulté des communications
avec l'Italie et le trop petit nombre de missionnaires romains
furent cause que les prélats égyptiens les mieux intentionnés ne
réussirent pas à faire exécuter les décrets de Florence; à la fin
616 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
du (lix-septièiiie siècle, ils étaient redevenus schismatiques (1).
En 1696, on comptait seulement un petit nombre de catholi-
ques, « nés de parents catholiques, ou élevés dès leur enfance
dans les sentiments de l'Église romaine, et le fruit des tra-
vaux entrepris par les missionnaires franciscains et jésuites
se réduisait ordinairement à préserver quelques anciens catho-
liques de la dangereuse contagion de l'exemple général (2) ».
Durant le dix-huitième siècle un mouvement de retour à la
communion romaine se dessina chez les Coptes schismatiques.
Le pape Clément Xll, pour témoigner son ardent désir de la
réunion, céda aux moines de Saint-Antoine le monastère de
Saint-Étienne du Vatican que saint Léon le Grand avait autre-
fois donné aux Égyptiens exilés sous le faux patriarche Ti-
mothée Elure. Benoît XIV hérita du zèle de ses prédécesseurs
pour la conversion des orientaux, spécialement de la nation
copte, lys fleuri parmi les épines, selon l'expression du pape
Honorius III, célèbre par ses saints évêques, ses illustres doc-
teurs et ses innombrables moines durant les premiers siècles
du christianisme. Le génie de ce grand pape voyait dans cette
Église déchue le petit troupeau dont l'exemple entraînerait
la lointaine Abyssinie et les pays, alors connus, de l'Afrique
orientale; c'était là, avec les souvenirs du passé, le motif de
sa prédilection et de sa sollicitude.
Seul parmi les hauts dignitaires du clergé copte, l'évèque
de Jérusalem était resté fidèle à la vraie foi; c'est à lui que
Benoît XIV donna pouvoir sur les nouveaux convertis, dont le
nombre augmentait de jour en jour et qui réclamaient un pasteur;
quel que fût le lieu de leur habitation, les Coptes catholiques
étaient soumis à la juridiction de l'évèque Athanase (3j. Le
bref du Pape est daté du 4 août 1741. Il convient d'en citer les
passages essentiels. « Cum itaque, dit Benoît XIV s'adressant
à l'évèque, quamplurimi Ritus Cophtici fidèles, tam sa3culares
quam ecclesiastici, paucis abhinc annis, veritatis lumine illus-
trati, qui sub antistibus sive ha^resis labe infectis, sive in
(1) Voir notre travail : Les Copies Jacobiles cl rÉglise romaine, Paris, 1895,
p. 18-3G.
(2) M. do 'Sl-dixWaU Deseriplion de l'Egypte, II, 206, 207.
(3) Sur la raison d'être de l'évèché copte do Jérusalem, voir Le Quien, Oriens
chrilianus, t. II, p. 375, 37G.
MÉLANGES. 617
schisiiialis pertinacia, obstinatis, per vastissimas inferiorissupe-
riorisque .Eg'ypti regiones reperiuntur, non habeant calholicum
antistitem, a que in iis qu.i' ad Deum sunt, et ad a^ternam
suarum animarum salutem in orthodoxa' fidei unione procu-
randam conducunt, saluberrime instituanlur, opportune con-
firmentur et sapienter regantur, capropter... Te, venerabilis
Frater, quem ab aliorum nationis tua^ aiitistitum en-oribus
immunem ac liberum esse in Domino gratulamur, super omni-
l)us et singulis christifidelibus ritus cophtici, tam in superiori
inferiorique /Egypto, quam alibi commorantibus pra^sulem, ad
nostrum et Sedis apostoliccc beneplacitura, et quousque Pasto-
rum Princeps Jésus Cliristusalios animarum pastorestui similes
ad G vile suum ibidem regendum dare dignetur, apostolica auc-
toritate nostra, quibuscumque in contrarium facientibus non
obstantibus, constituimus (1). » Athanase continua de résider
à Jérusalem, d'où il gouverna la communauté catholique d'E-
gypte par l'intermédiaire d'un vicaire général, Juste Maraghi.
La cliarge de travailler à la conversion des Coptes avait été
confiée surtout aux Franciscains de l'Étroite Observance, dont
Benoît XIV loue hautement le zèle et la constance au milieu
des obstacles qui entravaient leur apostolat. Les missionnaires
latins étaient établis non seulement au Caire, mais encore dans
la Haute-Egypte, à Assiout, à Girgeh, à Luxor et jusqu'en
Nubie (2) ; ils prêchaient avec ardeur la doctrine catholique et
prodiguaient leurs soins à cette nation « autrefois célèbre par
toute la terre, et alors presque anéantie par les épreuves et les
persécutions continuelles (3) ». Plusieurs coutumes de l'Église
copte donnèrent lieu à des doutes qui furent soumis au Saint-
Siège et auxquels Benoît XIV répondit par une première lettre du
4 mai 1745, et cinq ans plus tard, par une nouvelle instruction
sur le même sujet. Ces deux documents pontiiicaux ont une
importance capitale; ils renseignent sur divers usages des
Églises orientales, en définissent la valeur et la légitimité, et
fixent les règles à suivre; nous ne ferons que les résumer. Le
préfet de la mission apostolique d'Egypte était alors Jacques de
Crémisir, de l'ordre de Saint-François, qui avait consulté le
(1) Benedict. XIV /?«//«/•«<;», Venetiis. i;t;S.
(•2) Butcher, The s^lory of the churc/i of Egypl, London. IS'.iT.t. II. p. 314.
(3j Benedict. XIV Rullarium.
61g REVUE DE L ORIENT CHRETIEN.
Souverain Pontife; c'est à lui que sont adressées les deux ré-
ponses de Benoît XIV; la première porte aussi le nom de Juste
Maraghi, le vicaire général de Tévêque de Jérusalem.
Les Coptes revenus à la communion romaine gardaient un
vif attachement pour leurs traditions et pour leur rite approuvé
par le Saint-Siège. Ils ne pouvaient admettre que la Confirma-
tion ne fût pas administrée immédiatement après le Baptême,
ce que le petit nombre des prêtres coptes catholiques ne per-
mettait pas toujours de faire; peut-être même allaient-ils sur
ce point jusqu'à un exclusivisme mal entendu. La question
posée par Jacques deCrémisir est ainsi formulée : « Cum fidèles
cophti catholicam profitentes religionem a baptismo ritu eccle-
siïe latinse coUato hoc potissimum nomine abhorreant, quod
baptizatis una simul non conferatur sacramentum confirma-
tionis, qua^ritur an in casu quo sacerdos ritus cophti commode
adiri nequeat, permittendum sit P.P. missionariis illico post
baptismum confirmationem conferre. »
Benoît XIV commence par rappeler les mérites de la nation
copte et les preuves d'attachement qu'elle a données à l'Église
romaine en plusieurs circonstances mémorables, à Florence d'a-
bord, puis sous les pontificats de Pie IV, Grégoire XIII et Clé-
ment VIII; elle se distingue même par cette tendance à l'union
que constata aussi Urbain VIII, le zélé promoteur du retour des
Orientaux. Quant à la coutume de donner la Confirmation aus-
sitôt après le Baptême, elle est ancienne chez les Coptes, dit le
Pape, comme chez les Grecs du Levant.
Mais il faut voir là une pure tolérance de la part du Siège
Apostolique qui a interdit aux Italo-Grecs, c'est-à-dire aux catho-
liques grecs résidant en Italie, de suivre l'exemple de leurs frères
d'Orient (1). « Patientia quadam et facilitate Sedis apostolicte
factum est, ut unum et alterum sacramentum (Baptismus et
Confirmatio") ab eodem sacerdote in Oriente Gra^cis conferretur;
nec defuere idcirco theologi, qui hujusmodi tolerantias, vestem
et imaginem tacita3 dispensationis obducerent. » Les termes
employés ici indiquent que la coutume est simplement tolérée,
sans exclure toutefois l'opinion qui accorde aux Orientaux le
bénéfice de la dispense. La suite de la lettre pontificale mon-
(1) Tanquerey, Synopsis theologiœ doymalicœ specialis, t. II, p. 283.
MÉLANGES. G!9
trera mieux encore le sentiment de Benoit XIV et prouvera que
la pratique romaine est plus en harmonie avec l'esprit du sacre-
ment, si l'on peut ainsi parler, et surtout avec les intentions de
.l'Église. Des évoques latins doutaient de la validité de la con-
firmation administrée selon la coutume des Grecs (1). On n'é-
tait pas alors aussi éclairé qu'après les décisions si nettes et
si fermes de Benoît XIV sur la légitimité des rites orientaux ;
confondant les usages licites avec les abus condamnables, les
missionnaires s'épuisaient parfois en efforts héroïques et ne fai-
saient qu'exaspérer les personnes au lieu de détruire les pré-
jugés (2). La parole du grand Pape allait mettre toutes clioses
au point.
Tout d'abord il distingue deux aspects de la question que les
Coptes semblaient méconnaître, à savoir l'usage d'une coutume
tolérée par l'autorité, et l'estime qu'ils devaient montrer pour
le Baptême non suivi de la Confirmation. « Apte distinguenda
sunt diversoque jure censenda duo extrema : Aliud enim est,
quodCophtiexindulgentiaSedisApostoliccelicitam sibi adstruant
collationem utriusque sacramenti, servato Orientalis Ecclesia?
ritu, ab eadem Apostolica Sede non expresse vetito, sed tolerato :
longe vero diversum quod tolerantiam in pejorem partem detor-
quentes abhorreant a baptismo ritu latino collato, hoc potissi-
nmm nomine quod seorsim a confirmatione administretur.
Idcirco sicuti lenitati et patientia? Sedis Apostolica:" consonum
videri potest, quod Cophti in suo jamdiu recepto, et ab eadem
sede tolerato usu persévèrent; ita ferendum non est, quod bap-
tismum ritu latino et seorsim a confirmatione collatura acerbe
alienoque animo perhorreseant. »
La pratique de conférer la Confirmation après le Baptême avait
été en usage autrefois en Gaule et en Espagne, et s'était main-
tenue jusqu'au seizième siècle dans quelques diocèses, à Vienne
par exemple, affirme-t-on (3). Jamais l'Église de Rome ne l'avait
adoptée, estimant que les deux sacrements devaient être plus
nettement distingués, coumie la croissance, de la naissance, et
l'enrôlement dans iandlice, du combat lui-même. Elle invoquait
(1) Benedict. Xl\ , De synoclo dia'cescma,\. Vil. c. vu.
(2) L'abbé Pisani, .-1 travers l'Orient, p. 301.
(3) Holstenius, Dissertatio de sacramenlo conflritmlionis apud Graros, p. 1.5;
D. Martène, De antiquis eccleslse ritibus, 1. 1, e. 2, a. i.
620 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
l'exemple des Apôtres à l'égard des Samaritains, baptisés par
les disciples, et auxquels saint Pierre et saint Jean étaient allés
donner l'Esprit-Saint par l'imposition des mains (1). Sans se
confondre, la question du moment, où la Confirmation doit être
administrée, autrement, du sujet, et celle du ministre sont inti-
mement liées en pratique. Il est de foi que l'évéque seul est le
ministre ordinaire de la Confirmation, ainsi que l'a défini le con-
cile de Trente (2) ; mais le Saint-Siège peut déléguer, et en pra-
tique il délègue un simple prêtre pour conférer le sacrement,
à condition qu'il se serve de chrême consacré par l'évéque (3).
Cette faculté de devenir ministres extraordinaires de la Confir-
mation a été refusée aux prêtres par quelques théologiens; on
ne peut toutefois la mettre en doute après la solennelle déclara-
tion d'Eugène IV et les privilèges accordés à l'abbé du Mont-
Cassin, au Custode de Terre-Sainte, à des missionnaires non
revêtus de la dignité épiscopale.
Pratiquement, il n'importe pas de savoir si l'évéque pourrait
déléguer au prêtre le pouvoir de confirmer, parce que le Saint-
Siège s'est réservé cette faculté, dont l'usurpation serait illicite
et invalide (4). Benoît XIV donne pour motifs de la conduite
des Papes à l'égard des simples prêtres la pénurie de pas-
(1) Act. Ap. VIII, 14-17. — Iniioci'nt. I, Epùt. ad Decenlium. Eug.Ep.
(2) Sess. VII, can. 3.
(3) S. Thomas, Summa theologica, 3 p., q. 72, a. 3.
Dans l'Égiiso copte schismatique, le patriarche seul avait le pouvoir de consa-
crer le saint chrême. Autrefois, la cérémonie avait toujours lieu au monastère de
Saint-Macaire, le Vendredi Saint, selon l'ordre donné par un ange à Théophile,
vingt-troisièir.e patriarche d'Alexandrie; plus tard elle fut définitivement fixée au
Jeudi Saint (Vansleb, Histoire de l'Église d'Alexandrie, p. 87). Elle est décrite
d.sji^lQ's, Mémoires du P. Sicard de la manière suivante : '■ La consécration du meï-
ron (les Coptes appellent ainsi le saint chrême) est de grande dépense et elle ne
se fait qu'avec beaucoup de cérémonies, par le patriarche, assisté des évêques ;
ainsi ils avaient été vingt-quatre ans sans le renouveler lorsque l'an 1703, avant
la fête de Pâques, les évêques, plusieurs prêtres et diacres se rendirent ici pour
faire le meïron. 11 est composé non seulement d'huile d'olives et de baume, mais
aussi de quantité d'autres drogues précieuses et odoriiérantes ; c'est au patriarche
et aux évoques à les préparer et à les mêler ensemble. Cette préparation se doit
faire dans l'église, et en psalmodiant tandis que les prêtres psalmodient aussi de
leur côté ; c'est le jeudi saint à la messe que le patriarche fait cette bénédiction.
Lorsqu'on consacre un archevêque d'Ethiopie, le patriarche lui donne aussi
du meiron, et c'est l'unique occasion où il en envoie dans ce pays-là. L'empereur
d'Ethiopie est aussi sacré avec du meïron. » {Lettres édifiantes, t. Vl, p. 327, 328.)
(4) Benedict. XIV, De synodo dioecesana,\. VII, c. vui.
MÉLANGES. 621
teurs rimpossibilité ou même la difficulté de se rendre nuprès
des évoques, et le danger de voir les fidèles privés durant toute
leur vie de ce moyen de sanctification. La dispense a donc raison
d'être et les Coptes en bénéficieront s'il y a lieu. Auparavant les
missionnaires doivent faire savoir au Siège apostolique si toutes
les conditions se trouvent réunies, et ramener les fidèles à une
juste appréciation de la coutume de l'Église latine qui a réservé
très sagement la Confirmation pour un âge plus capable d'en
saisir la vertu.
La seconde question posée par Jacques de Créniisir concernait
les prêtres coptes convertis du schisme à l'union. « An (illis) tri-
buenda sit facultas administrandi catliolicis sacramenta paro-
chialia, qua prius potiebantur inter schismaticos, quamvis eadem
administratio, nullo existente parocho catholico, demandata sit
P. P.Missionnariis? » De bonne heure l'Église s'était départie de
sa réserve primitive à l'égard des évêques qui abandonnaient
l'hérésie et qu'elle maintenait autrefois au rang des laïques;
les Novatiens et les Donatistes, en particulier, avaient expéri-
menté la condescendance du pouvoir ecclésiastique. Benoît XIV
voulut suivre cet exemple à l'égard des Égyptiens. Il accorde
donc à leurs prêtres convertis la faculté de remplir les fonctions
pastorales pourvu qu'ils aient été ordonnés validement et que
le vicaire général les juge capables de diriger lésâmes, à cause
de leur piété et de la sincérité de leur retour à la vraie Église.
Après avoir obtenu l'abolition des censures et des autres peines
canoniques, édictées contre les hérétiques, ils devront admi-
nistrer les sacrements à la manière des catholiques de leur rite
et n'avoir rien de commun désormais avec les schismatiques.
Les théologiens latins reconnaissent que le sacrement de
l'Ordre peut être validement conféré à des enfants, même
n'ayant pas l'usage de la raison (1). Mais la question reste à
l'état spéculatif dans l'Église romaine. Il en est autrement chez
les Coptes prétendus « orthodoxes »; le nombre des diacres est
très grand; on les ordonne dès l'âge de six ou sept ans, parce
que leur concours est nécessaire au prêtre pour la célébration
de la messe (2). Le Père Thomas de Jésus, parlant de cette
(1) Gcuicot, Thcologui' moralis insUtutlones, Lovauii, 1n;i8, t. II, p. 12!', 459.
(2) R. P. Autefage, Les Coptes, dans La Controverse et le Contemporain, t. III,
p. 2;>7.
622 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
coutume qui subsiste encore aujourd'hui, dit que les schisma-
tiques égyptiens confèrent tous les ordres, sauf le sacerdoce, à
des enfants, sans distinction d'époque et sans interstices; les
sujets ne pouvant pas garder les obligations de leur charge,
ce sont les parents qui y sont astreints, au moins pour les
jeûnes, jusqu'à ce que leur fils ait atteint l'âge de seize ans (1).
Lorsque ces diacres ainsi ordonnés se convertissaient à la vraie
foi, quelle était leur condition par rapport à la loi du célibat
et à celle de l'office divin? C'est l'objet des troisième et quatrième
questions posées au Saint-Siège par Jacques de Crémisir. Be-
noît XIV y répond, comme toujours, fort clairement.
L'Église romaine a fixé pour l'accession aux divers degrés de
la hiérarchie un âge avant lequel il est défendu de recevoir ou
de conférer les ordres sacrés. Cependant l'immense majorité
des théologiens et canonistes admet que l'ordination d'un en-
fant serait valide mais illicite, pourvu qu'elle n'ait aucun dé-
faut de matière, de forme ou-d'intention chez le ministre. Alors
le sujet ne pourrait être soumis aux obligations de son ordre,
« cum electio status a libéra cujusque pendeat voluntate, et
Altissimo nostra, non autem aliéna, vota reddere teneamur » :
c'est le principe qui domine toute la matière. Aussi pour ceux
qui ont été ordonnés avant l'âge de raison, et même avant la
seizième année, plusieurs auteurs les regardent comme dispen-
sés des obligations ecclésiastiques, s'ils ne ratifient pas leur
ordination par un libre assentiment. L'Église a pensé que cette
opinion était juste, et le deuxième concile de Tolède a prescrit
d'interroger sur leurs intentions ceux qui, arrivés à l'âge de
dix-huit ans, avaient reçu les ordres dans leur enfance par la
volonté de leurs parents. L'ordination des jeunes Coptes est
valide, si elle réunit les conditions requises; quand ils auront
atteint l'âge de seize ans, le préfet apostolique s'enquerra avec
soin de leurs dispositions; s'ils déclarent renoncer à leurs fonc-
tions de diacres, ils pourront contracter mariage une première
et une seconde fois, et on les avertira qu'aucune loi ecclésias-
tique ne leur impose la récitation de l'office divin ou d'autres
prières en usage dans le clergé copte. Au contraire, s'ils veu-
(I) Thomas a Jesu, Dcunione schismallcorum cum ecclesia cathoUca procuranda,
c. 4, a. 5.
Lettres édifiantes, t. II, p. 317. 320. — Rolland., Acta SS., Junii. t. V, p. Ui.
MÉLANGES. G2o
lent persévérer dans leur ministère et se vouer à l'état ecclé-
siastique, ils devront, conime les Latins, renoncer au mariage
et réciter chaque jour les heures canoniales, more swi' na-
tionis (1).
Non seulement les secondes noces leur sont interdites, mais
encore les premières, et nulle dispense ne sera accordée en cette
matière. De môme, chez les Grecs, on n'ordonne jamais diacre
un homme marié; c'est l'application du même principe. « Pro-
hibenda est diaconis ordinatis in tenora a^tate celebratio qua-
rumcumque nuptiarum postquam ipsi in œtate jam confirmata,
serio deliberatoque animo consensere in ordinationem jamdiu
susceptam, illamque publicadeclaratione ralificarunt. » Si t'iiinl
encore dans le schisme, et après ratification, même tacite, de
leur ordination, ces diacres ont contracté mariage et veulent
rentrer dans la communion de l'Église, le cas (plus fréquent)
est difficile, dit Benoit XIV, et plein d'écueils. Aussi le Pape ré-
clame de plus amples informations avant de se prononcer ; le
vicaire général et le préfet apostolique devront les lui fournir.
Cinq années s'écoulèrent avant la publication d'un nouveau
document pontifical; celui que nous venons d'analyser est daté
du 4 mai 1745; le suivant fut signé le 19 juin 1750.
Après avoir pris tous les moyens en son pouvoir pour éelair-
cir les diverses questions laissées sans réponse, Benoît XIV
réunit, le 12 mars 1750, une commission de cardinaux pour
examiner la solution à donner aux doutes proposés. On fut
obligé d'en laisser deux en suspens, à savoir si l'on pouvait
espérer la conversion sincère de quelque évêque à l'unité catho-
lique, et s'il était possible de déraciner l'abus des ordinations
avant l'âge fixé par l'Église, car malheureusement aucun prélat
schismatique ne se montrait disposé à accepter l'union. Au
sujet de la confirmation, le Pape accordait au Préfet de la
mission le pouvoir d'administrer ce sacrement, pourvu que
l'enfant eût atteint sa septième année, sauf danger de mort;
cette faculté ne devait subsister que jusqu'au jour où il y aurait
un évêque catholique en Egypte. Le saint chrême, dont on se
(l)Unephrasedu Souverain Pontifi' niontro qu'il yavait en co ttMiips, aRome,des
moines coptes, probablement ceux que Clément XII avait accueillis avec tant de
bienveillance : «... testimonio monachorum ritus coplili in Urbe degentium,
quos ea de re percunctari non prajtermisimus... »
624 REVUE DE l/ORIENT CHRETIEN.
servira, aura été consacré par un évêque en communion avec
le Saint-Siège, et Tannée même, à moins qu'on n'ait pu s'en
procurer
Quant à ceux qui ont reçu le diaconat dans leur enfance,
aucun d'entre eux ne doit être regardé comme ayant ratifié son
ordination avant seize ans, même s'il, a rempli les fonctions
ecclésiastiques et gardé la continence. Ainsi en est-il de la
profession religieuse qui ne peut être émise ni explicitement,
ni tacitement avant cet âge de seize ans, d'après la décision du
concile de Trente (1). Le soin de connaître alors la volonté des
Jeunes diacres coptes est confié au Préfet de la mission, qui
s'en acquittera diligemment.
Ceux de ces diacres qui auraient contracté mariage depuis
leur ordination, auront recours au Saint-Siège, qui jugera s'il
y a lieu d'accorder la dispense. « Kecurrant ad Apostolicain
Sedein in casibus particularibus; in quibus, si ob graves causas
dispensatio super matrimonio inito post ordines sacros conce-
denda videbitur, tune nullum verbum fiat de renovatione con-
sensus. » Le Pape se range à l'opinion qui tient ces sortes de
mariages pour nuls, même dans les Églises orientales. Contraire-
ment à l'usage ordinaire dans le cas d'une dispense super ma-
trimonio ex impedimento dirimenti nullo, il défend d'exiger
de nouveau le consentement des époux.
Tels sont les actes officiels concernant la nation copte accom-
plis par Benoit XIV; on y retrouve avec la prudence et la bonté
habituelles chez le Père commun des chrétiens une prédilection
pour ce peuple autrefois grand et illustre «... pra^claram si-
gnificationem paterni animi nostri ac dilectionis, qua semper
complexi sumus, complectimur, semperque complectemur in-
clytam nationem cophtam... » Ces décisions et constitutions sur
la discipline sont la meilleure preuve des sentiments du Pape
à l'égard de ceux qui ont donné autrefois des gages si éclatants
de leur union au Siège apostolique. Les Coptes l'ont compris ;
aussi ont-ils toujours prononcé avec amour le nom de Benoît XIV
comme celui du Père le plus tendre et le plus dévoué (2). A
toutes les marques d'affection que leur ont prodiguées les Sou-
(1) Conc. Trident. De Regularibus, c. I, 6.
(2) M'''"' Macaire, Histoire de V Église d'Alexandrie, p. 346.
MÉLANGES. 625
verains Pontifes, ils répondent aujourd'iiui on revenant en
nombre considérable à la foi de leurs ancêtres et en se procla-
mant les fils soumis et aimants de Léon XIII, le restaurateur de
leur Église.
D. Paul Renaudin.
OKIEM CHRÉTIEN. 42
BIBLIOGRAPHIE
The story of the church of Egypt by E. L. Butcher, London, Sinitli
elder, 1897; 2 vol. in-12, xvi-4U7 et 44S p.
Écrire l'histoire du christianisme en Egypte depuis son introduction sur
les bords du Nil jusqu'à nos jours n'est pas chose facile. La domination
successive des maîtres qui ont tour à tour possédé le pays et fait de la terre
d'Egypte une terre de servitude pour ses propres habitants, la grande va-
riété des événements, et aussi la dispersion en divers lieux de nombreux
documents sur la matière rendent l'entreprise périlleuse. 11 importait ce-
pendant d'avoir un travail qui fût plus qu'un résumé et, sans tout embras-
ser, présentât un ensemble de cette histoire encore peu connue. M. Butcher,
qui a ipassé une vingtaine d'années en Egypte, a essayé de nous le don-
ner. Son ouvrage mérite d'être pris en considération; il est d'ailleurs
l'abrégé le plus commode et le mieux proportionné, parmi ceux que nous
connaissons et qui sont peu nombreux. Le plan adopté par l'auteur est
tout différent de celui de ses devanciers. Il ne suit point l'ordre des pa-
triarches, ni des règnes des souverains, mais il prend dans une époque un
fait, ou un groupe de faits caractéristiques, ou encore un personnage, et
fait converger autour de ces noms les événements de toute une période. 11
a soin d'indiquer à chaque page l'année correspondante d'après les trois
ères chrétienne, des martyrs et de l'hégire. Le premier volume va jusqu'à
l'année des Fatimites (964) et débute par un tableau de la contrée sous les
Romains. L'auteur connaît bien les événements et sait les unir dans son
récit d'une manière intéressante sans faire étalage d'une érudition, qui
aurait sa raison d'être. Un des chapitres nous raconte les voyages des em-
pereurs romains sur les bords du Nil, un autre nous parle d'Origène,
d'autres, des persécutions, de l'arianisme, de saint Athanase, de saint
Cyrille le grand, des moines, des efforts faits par les Coptes pour recon-
quérir leur indépendance. La méthode nous paraît excellente pour retenir
l'attention et donner aux événements la place qui leur revient. Nous ne
voudrions pas souscrire à toutes les affirmations théologiques et à tous les
jugements de l'auteur, mais nous sommes heureux de reconnaître les mé-
iiiiii.iodiiAi'iiii:. 627
rites de son ti'avail. Ia) douxièmc volume comprend une série de laits
moins connus et tous d'une importance capitale ])our les Coptes, surtout
les relations avec TAbyssinio, et les persécutions des Turcs. On peut
suivre facilement l'Eglise ('.ijyptienne dans sa survivance à travers tant de
malheurs. La part des catholiques cojjtes est i)eu considérable. Le dix-
neuviéme siècle occupe à lui seul quatre chapitres, (lontl'un est consacré
à Mohammed Ali, le fondateur de la dynastie khédiviale actuelle, et où l'on
voit l'influence des chrétiens, même des catholitjues, sous le rèf,'ne de ce
grand prince. Le tout se termine par un exposé des coutumes religieu-
ses et sociales chez les Coptes de notre temps. .Nous aurions aimé voir
M. Butcher nous renseigner aussi bien sur les Coptes unis à Rome que
sur les orthodoxes. Une liste très complète des patriarches d'Alexandrie
précède le travail lui-même avec la date de leur avènement, et l'énumé-
ration des auteurs consultés prouve que l'on s'est adressé aux meilleures
sources, ou aux œuvres de seconde main les plus sérieuses, parmi les-
quelles nous constatons toutefois l'absence de Y Histoire de l'Église d'A-
lexandrie, par M-'' Cyrille Macaire, patriarche copte catholique. L'ouvrage
de M. Butcher est un manuel indispensable à tous ceux qui s'occupent de
l'histoire des Coptes, ou simplement qui s'intéressent aux événements qui
se .sont déroulés en Egypte depuis l'empire romain jusqu'à la fin de notre
dix-neuvième siècle.
Dom Paul Renaudin.
U. Benigni. — Patrologiae et hagiographiae copticae spicilegium.
— II. Litaniae defunctorum copticae. Roma, Pustet, 1899. in-8'\
20 p.
Ce nouveau fascicule des Miscellanea publiés parle distingué professeur
de Rome, M. l'abbé Benigni, contient onze inscriptions funéraires coptes,
provenant soit du musée égyptien du Vatican, soit du musée de Gizeh.
anciennement de Boulaq, soit du musée de Bologne, soit enfin du musée
du Louvre. Si l'époque précise n'en peut être déterminée, on sait cepen-
dant que ces litanies étaient usitées au temps qui a précédé l'invasion mu-
sulmane; car ce sont de véritables litanies, dans lesquelles les vivants
prient les saints d'intercéder pour les morts, et où l'on trouve la preuv(>
de la croyance des Coptes à l'existence du Purgatoire. Elles paraissent
avoir été d'un usage fréquent, surtout dans la Moyenne et dans la Haute-
Egypte, mais il est impossible jusqu'à présent de reconnaître si elles fai-
saient partie de l'ensemble de la liturgie copte. Toutes commencent par
la mention du mystère de la Trinité; les saints nommés, le plus souvent,
pour en citer quelques-uns, sont Notre-Dame, saint Michel, saint Gabriel,
Adam et Eve, Enoch, Jérémie, la Sibylle, et des saints coptes, martyrs et
confesseurs, parmi lesquels plusieurs jacobites, comme Schenoudi et Jean
628 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
de Phanidjôit. D'autres documents viendront peut-être compléter cette
littérature funéraire et permettre d'en mieux apprécier l'importance.
Dom Paul Renaudin.
DOM J. .Parisot. — Rapport sur une mission scientifique en Turquie
d'Asie (Extrait des Nouvelles Archives des Missions scientifiques, t. IX)
in^" xvi-250 pages. Paris, Imprimerie Nationale, Ernest Leroux, édi-
teur,' 1899.
Sous ce titre, c'est, joint au rapport officiel, une importante collection
de musique ecclésiastique orientale que vient nous donner le R. P. Dom
J. Parisot, bénédictin de Ligugé.
Bien connu des amis de la Bévue de VOrient chrétien, l'éminent orienta-
liste et musicologue qu'est Dom Parisot fut chargé, il y a trois ans, d'une
importante mission, à l'effet de poursuivre des recherches sur la langue
et les manuscrits syriaques, et la musique asiatique.
Nos lecteurs connaissent déjà l'intéressant et savant travail publié par
l'auteur dans la présente Revue sur les mss. syriens de Charfé : la langue
sera elle-même l'objet d'une publication spéciale. Nous allons dès à pré-
sent attirer l'attention sur le recueil récemment édité.
Le R. P. Dom Parisot a recueilli (car elles n'ont qu'une tradition orale) les
chants syriaques des églises maronites; les cantiques arabes de ces mêmes
églises; diverses chansons arabes; un choix d'airs syriens purs et chal-
déens; enfin, comme appendice, des mélodies Israélites de Jérusalem.
On sait que trois rits, paraissant dérivés d'une même forme originaire,
se partagent les chrétiens de langue syriaque.
Ce qui caractérise, surtout chez es Maronites, leur musique liturgique,
c'est l'abondance des mélopées récitatives, c'est-à-dire moins des mélo-
dies aux formes déterminées, que de quelques phrases, répétées à satiété
dans tous les modes.
Or, ce qui devient ici précisément fort intéressant, ce sont les rap-
ports que nous offrent avec les chants romains ou byzantins un certain
nombre de transcriptions de Dom Parisot,
C'est que les phrases rappelant la Préface et le Sanctus, le Pater latins,
se retrouvent aux n"^ 17-19, 40, 44, 207, 340; la Préface est même presque
en toutes notes dans la psalmodie chaldéenne 337, et, chose extrêniement
curieuse, les variantes brodées sur la mélopée romaine par les Eglises
mozarabes d'Espagne (I) sont aussi employées dans les passages corres-
pondants de l'Anaphore de la deuxième liturgie des Chaldéens (2).
(1) Patr. Lai., Migne, tome 85-8C.
(2) Le R. P. Parisol a déjà donné cette mélodie ainsi que plusieurs autres avec adapta-
lions-traductions françaises, dans une conférence à l'Institut catholique de Paris; voyez
Tribune de Saint-Gervais, mars, avril, mai 1898.
IUI5LI0GRAPHIR. 029
La psalmodie, Tévangile, et les diverses formules byzantines; l'auto-
nièle /.afpotç, ia/yjTixwv akriQSiç, et l'alleluia romain Oporlehat; le chant latin
du symbole, bâti sur des mélopées f^recques, sont rai)i)elés aux n*"" 20, 29
52, 5\>, 195-196,293, etc.
Maintenant, il faut bien le dire, chez les Syro-Maronitcs, les belles mé-
lodies conservées par les Syriens de l'Est ( n"' 2H9-354) ne sont plus en
usage.
Chez ces derniers, les chants ont souvent une pureté de style remar-
tmable ; chez les Maronites, l'invasion arabe a pris le dessus, et ne paraît
guère avoir respecté que les mélopées.
Et encore, là même, l'art arabe en a pris à son aise, à moins, comme
le dit l'auteur, qu"issue « d'une superposition de réformes échelonnées
historiquement entre le xviii* siècle et l'époque actuelle, il nous offre dans
sa forme populaire l'expression de l'art syrien lui-même, problème qu'un
plus grand nombre de données scientifiques permettra de résoudre »
(p. 21).
Mais il est également probable que les gammes à quart de ton, par
exemple (p. 24-29), sont bien une importation arabe dans la musique
syriaque; « les spécimens, ainsi transmis, de l'art oriental doivent se
trouver parfois très éloignés de leur forme primitive, et on ne leur at-
tribuera, au point de vue de l'antiquité, qu'une valeur relative » (p. 33),
surtout en regard des textes littéraires des v® et vi® siècles qu'ils accompa-
gnent.
Aussi, la musicologie liturgique est-elle grandement redevable au R. P.
Dom Parisot d'avoir si admirablement recueilli ces chants, conservés par
une pure tradition orale, souvent diverse ici et là, et d'avoir ainsi tra-
vaillé — dans quelles proportions ! — à la solution des problèmes plus
haut exposés. A. Gastoué.
SOMMAIRE DES RECUEILS PERIODIQUES
Échos d'Orient
Août-septembre 1890. — L. Petit : La grande controverse des colybes. —
S. Vailhé : Le monastère de Saint-Sabas. — G. Rousseau : Les historiens
musulmans et la troisième croisade (fin). — A. Calmels : Sainte Xéni et
Mylasa. — A. de P. Vidal : Autour du lac (fin). — J. Pargoire : Un mot
sur les Acémètes (fin). — L. Petit : Les ouvrages de Néophyte le Reclus
(note complémentaire).
Octobre 1899. — L. Petit : Du pouvoir de consacrer le saint Chrême. —
A. de P. ^'idal : Au sud du lac de Tibériade. — R. Delbeuf : Le voyageur
albigeois Pierre Gilles. — S. Vailhé : Le monastère de Saitit-Sabas (suite).
630 REVUE DE l'orient CHRÉTIEN.
A. Palmiéri : L'œuvre de Kunik et les études byzantines en Russie. —
F. Delmas : Zacharie le rhéteur, d'après un ouvrage récent. — A. Hergès :
Élection et déposition des Higoumènes au XII° siècle. — L. Petit : Nova
et vetera. A propos d'une découverte liturgique.
Bessarione
Juillet-aoîit 1899. — Le liste dei MetropoUti d'Abissinia. — L'Anfiteatro
Flavio rivendicato ai Martiri. — Lettera inedita deW Imperatore Mi-
chèle VIII Paleologo al Pontefice Clémente IV. — Velabrensia. Studio
storico-critico sulla Chiesa di S. Giorgio in Velabro. Sue memorie ed
epir/rafi. — Étude d'hymnographie Byzantine. Différentes attributions
des Tropaires. — Litaniae Defunctorum Copticae. — Lo scarabeo ono-
rario di una regina d'Egitto nel Museo Egizio Vaticano. — Documenta
relationum inter S. Sedem Apostolicam et Assyi-iorum Orientalium seu
Chaldaeorum Ecclesiam (Doc. X-XXn'). — Una nuova ricostruzione delV
epigrafe greca délia Badia di Cervate.
Septembre-octobre 1899. — Benigni : // Pastore di Herm.as e la ipercritica
protestante. — Wenzel : Directorium ad litteras Imperatorum Orientis,
quœ in Archivo Arcis S. Angelis extabant, nunc in Vaticano, etc. — Let-
tere di Prelati délie Chiese Orientait esistenti nelV Archivio Vaticano. —
Asgian : La S. Sede e la Nazione Armena. — Cozza-Luzi : Di una Cap-
sella reliquiaria nella lipsanoteca Pontificia. — Gianiil : Documenta
relationum inter S. Sedem Apostolicam et Assyriorum Orientalium seu
Chaldœorum Ecclesiam (Doc. XXV-XXXIV).
Analecta Bollandiana
Vol. XVIII, fasc. III. — Acta graeca SS. Davidis, Symeonis et Georgii,
Mitylenae in insula Lesbo. — La patrie de S. Jérôme. — S. Walfroy et
S. Wulphy. — S. Mochulleus et S. Ronanus. — De libello miraculorum
B. Simonis de Lipnica. — Pages supprimées dans le Spicilège de d'A-
chery. — Bulletin des publications hagiographiques. — Vita venerabilis
Lukardis, monialis Ordinis Cisterciensis in Superiore Wimaria.
Revue bénédictine
Décembre 1899. — D. Hugues Caissier : Le système musical de l'Église
grecque. III. — D. Ursmer Berlière : Les origines de la congrégation de
Bursfeld. IV. — D. Urimin Baltus : Le Christianisme sans dogmes.
The journal of theological studies
Octobre 1899. — H. B. S. : Introductory statement. — Rev. Canon Sanday :
Becent Research on the origin of the creed. — Tlie Master of Balliol :
]{ir.i,i(t(;i{Ai'iiiK. (y.'A
St Anselm's argument for ihe hein;/ of god. — Hol)(;rt Bri.if^cs : A prac-
lical discourse on sortie principles of hymnsinr/ing. — Rev. J. A. Cross :
The Acts of the Apostoles. I. yl critirism of LiglUfoot and Headlam.
— Rev. R. B. Kachaiu : The Acts of the Apost/es. If. A plea for an
early date. — Rev. F. E. Briglitman : Documents : The sacramentanj of
Serapion of Thmnis. Part. I.
Bulletin de littérature ecclésiastique ,
publié par l'Institut catliolique de Toulouse.
Juillet-octobre \8^J9. — WDelauO. P. : Monastères palestiniens du V' siècle.
Octobre 1899. — V. Delau 0. P. : Monastères palestiniens du V" siècle (suite i.
Le Directeur-Gérant
F. ClIARMETANT.
Typographie Firmiu-Didot et C'. — Mesnil (Eure).
Librairie ALPHONSE PICARD et fils, 82, rue Bonaparte
Barbet de Jouy (II.). Les mosaïques chrétiennes des
basiliques et des églises de Rome, décrites et expliquées.
P., 1857, 1 vol. 'in-8 br., xxx-142 pages. . 1 fr. 1)0
Verneilh (F. de). L'architecture Byzantine en France. P.,
1852, 1 vol. in-4, br, (12 pi.), 316 p 15 fr.
— Des influences Byzantines 1855, in-4 (4 pi.) . . 5 fr,
— Le premier des monuments Gothiques (Basilique de
Saint-Denys, collégiale de Poissy)^ in-4, br. . . 2 fr.
Pierre Dubois. De recuperatione Terre Sancte, traité de
politique générale du commencement du xiv*^ siècle, publ.
par Ch.-V. Langlois (fasc. 9),in-8 br., xxiv-144 p. 4 fr.
Duchesne (L'abbé L.). Les premiers temps de l'état pon-
tifical (754-1073.). P., 1898, in-8, 224 pages . . 4 fr.
Mélanges de littérature et d'histoire religieuses,
publiés à l'occasion du jubilé épiscopal de M^*^ Cabrière,
évêque de Montpellier, l874-1899,in-8br., v-571 p. 10 fr.
Contenant des articles de MM. l'abbé Douais, abbé Jacquier, Boissier,
abljé Batiffol, Dom Morin, abbé Duchesne, baron Desazars, L. Roclie, Dom
Cagin. Père Doussot, Père Denifle, abbé Poujol, etc, etc.
Bibliothèque de la Compagnie de Jésus. Première
partie : Bibliographie par les PP. de Backer; seconde
partie : Histoire, par le P. Carayon. Nouvelle édition, par
Carlos Sommervogel, S. .1. Strasbourgeois, publié par la
province de Belgique, 1890-1898. Tomes I-VIII; A.-Z et
supplément Aage-Casaletti, 8 vol. in-4 à 2 col. . 320 fr.
Pisani (L'abbé P.). La Dalmatie de 1797-1815, épisode
des conquêtes Napoléoniennes. 1892, 1 vol, in-8 (xxxvi-
490 p.), héliog., 10 cartes en coul 10 fr.
Belin (A.). Histoire de la latinité de Gonstantinople, 2^ édit.
préparée par l'auteur, revue, augmentée et continuée
jusqu'à notre temps par le R.P. Arsène de Chatel, ex-pro-
vincial des Capucins de Paris, ex-préfet apostolique de la
mission de Constantinople, avec deux plans et des gra^
vures. 1894, 1 vol. in-8 (547 p.), pi. et gr. ... 10 fr.
DOCUMENTS RELATIFS AUX ÉGLISES DE L'ORIENT
ET A LEURS RAPPORTS AVEC ROME
• Par A. D'AVRIL
3« édition, in-8» de 62 pages. -^ Paris, CIIALLAMEL. — Prix : 2 fr. 50
liAFPOTlT
SUR UNE MISSION SCIENTIFIQUE EN TURQUIE D'ASIE
Par Dom J. PARISOT
MOINE BÉNÉDICTIN
In-S" de 251 pages. — Paris, LEROUX. 181)9.
BIBLIOGRAPHIE
DU
CULTE LOCAL DE LA VIERGE MARIE
Par Léon CLUGNET
1"'' Fascicule (Province ecclésiastique d'Aix)
In-8». — Paris, PICARD, 1899.
Prix : G fr.
HYMNOGRAPHIE POITEVINE
Par Dom J. PÂRISOT
MOINE BÉXÉDICÏIK
Iu-8" de 30 pages. — LIGUGÉ, aux bureaux du " Pays Poitevin ", 1898.
LA
LITTÉRATURE CHRÉTIENNE
DE L'EGYPTE
Par Dom Paul RENAUDIN
MOINE BÉNÉDICTIN
In-8° de 30 pages. — Lyon, YllTE, 1899.
4180 TCL 643i
4-2B-IM 32188 XL ■=•
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